Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 13
Temps de recherche: 0.0354s

couple

"Pourquoi me détestes-tu Bruce ?

Pourquoi me laisses-tu seule nuit et jour ?

Qu’est-ce que j’ai fait ? – Mmh ? dit-il. Non. Rien. Je lis ici,

Et je vais écouter les nouvelles à minuit. – Les nouvelles,

Répondit-elle,

Sales et sanglantes et qu’est-ce que ça peut faire ?

Je peux rester ici ?" Elle lui sourit et s’assit sur le lit,

Sur le matelas nu. Il dit "Euh... Écoute, Fawn.

Comme tu dis : sang, mensonges et saleté, imbécilités et pourritures,

C’est les nouvelles.

Et si l’on regarde dans nos cœurs... hein ? ... la même soupe infernale.

Tout ce qui est bon est mutilé ; toute chose mauvaise

A de larges mains, un cœur solide et des ailes de faucon. Bon,

Je ne comprends pas ça et j’ai besoin de l’étudier." Fawn le fixa,

Ressentant un mépris extraordinaire

Derrière son regard calme et son doux masque ovale,

Et dit "Que lisais-tu, mon chéri ? – Quoi ? dit-il, Un livre.

Je l’ai eu à la fac, je ne l’ai jamais lu."

Il alluma la radio et dit "Un professeur allemand

Qui pense que cette esclave sanglante et torturée appelée Histoire

A des habitudes bien réglées. Des vagues, tu vois, de longues vagues, des vagues distinctes de civilisation

Qui vont et viennent comme la mer ; et avec la même sorte de ...vie,

arts, politiques, et ainsi de suite

A la même intensité pour chaque vague, tu peux le prévoir.

En ce moment

Nous sommes au creux de la vague." Fawn l’entendit vaguement

à travers les grésillements

Et le bavardage de l’animateur radio quand l’heure changea,

Et, naturellement, n’y comprit rien ni ne s’y intéressa,

Mais elle vit son excitation.

          Il y avait désormais trois courants parallèles

D’action humaine dans cette haute caverne

Au toit de bardeaux tutoyant les étoiles nébuleuses.

Auteur: Jeffers Robinson

Info: Dans "Mara ou Tu peux en vouloir au soleil", Préface, trad. de l’anglais (États-Unis) par Cédric Barnaud, éditions Unes, 2022, pages 44-45

[ incompréhension ] [ incompatible ] [ solitude ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

cité imaginaire

Quand on arrive à Fillide, on est heureux de voir combien de ponts différents traversent les canaux : ponts en dos d'âne, ponts couverts, ponts sur piliers, ponts sur bateaux, ponts suspendus, ponts à parapets percés ; combien de fenêtres différentes s'ouvrent sur les rues : à meneaux, mauresques, en lance, en pointe, à lunettes ou à rosaces ; combien de types de pavés recouvrent le sol : pavés, dalles, bardeaux, tuiles bleues et blanches. En tout point, la ville offre des surprises à l'œil : une touffe de cabestans dépassant des murs de la forteresse, les statues de trois reines sur une étagère, un dôme à oignons avec trois petits oignons collés sur la flèche. "Heureux celui qui a un jour Fillide sous les yeux et qui n'a jamais fini de voir les choses qu'il contient", vous exclamez, avec le regret de devoir quitter la ville après l'avoir seulement effleurée du regard.

     Au lieu de cela, vous vous arrêtez à Fillide et y passez le reste de vos jours. Bientôt la ville s'efface de vos yeux, les rosaces, les statues sur les étagères, les coupoles s'effacent. Comme tous les habitants de Fillide, vous suivez des lignes en zigzag d'une rue à l'autre, vous distinguez les zones de soleil et les zones d'ombre, une porte ici, un escalier là, un banc où poser son panier, une bosse où votre pied trébuchera si vous ne faites pas attention. Tout le reste de la ville est invisible. Fillide est un espace dans lequel des chemins sont tracés entre des points suspendus dans le vide, le chemin le plus court pour atteindre la tente de ce marchand en évitant la porte de ce créancier. Tes pas courent après ce qui n'est pas à l'extérieur de tes yeux mais à l'intérieur, enfoui et effacé : si entre deux portiques l'un continue à paraître plus gai c'est parce que c'est celui où une fille aux larges manches brodées est passée il y a trente ans, ou c'est seulement parce qu'il reçoit de la lumière à une certaine heure comme ce portique dont tu ne te souviens plus où il était.

     Des millions d'yeux lèvent les yeux sur les fenêtres du pont des cabestans et c'est comme s'ils défilaient sur une page blanche. De nombreuses villes comme Fillide échappent aux regards, à moins que vous ne les preniez par surprise.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ baroque ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

émission tv

Dès le début, dès le générique de ce "Fort Boyard", on pressent que ça va être gênant de regarder ça jusqu’au bout. Quel est cette espèce de fortin saugrenu et laid dont se rapproche la caméra, posé en pleine mer, semblable à une grosse boucle de ceinturon à la dérive ? Qu’est-ce qui s’y déroule de si excitant, tous les vendredis soirs, sur Antenne 2 ? Cela faisait longtemps que je me le demandais, mais je passais toujours sur une autre chaîne avant d’avoir la réponse parce que je me doutais que celle-ci n’aurait pas plus d’intérêt que ma question. Cette fois je suis resté, et je me suis forcé à regarder, du début à la fin, sans sourciller, cette chose morbide entre toutes, et quasiment impensable, qu’on appelle un jeu télévisé.

Les jeux ne sont pas mon fort, en tout cas pas ceux-là. En limitant le jeu au jeu, on essaie toujours de vous convaincre que la vie n’est pas un Jeu. Voilà encore un truc de contrat social. Jeu est un autre !  Je me doute bien que celui-ci, "Les clés de Fort-Boyard", n’est pas le pire de tous : un rouage entre mille, dans la grande Machine à divertir d’après la fin d tout. Mais puisqu’il semble condenser quelques-uns des ingrédients essentiels qu’il faut pour me déplaire, allons-y.

L’architecture sombre et sauvage du décor, pour commencer ; les remous antipathiques de l’océan autour de ces murailles isnistres de cachot ; le romantisme aquatique à son plus haut degré de stupidité iodée autour du romantisme de l’enfermement ; l’animateur et l’animatrice, aussi, avec leur enthousiasme farineux et leurs promesses à faire dresser les cheveux sur la tête ("Vivre en une heure les aventures romanesques de toute une vie !") ; le barde à fausse barbe, également, malheureux figurant dans sa vigie de pacotille payé pour proposer des devinettes ineptes ("Bien pendue, elle est bavarde" : mais oui, c’est la langue, vous êtes formidable !) ; et puis tous ces périls sans danger, toutes ces bêtes féroces qui ne vous feront aucun mal, ces mygales qui ne piquent pas, ces tigres qui resteront à tourner comme des idiots démobilisés derrière leurs barreaux mais qu’on vous montre, comme une nostalgie de jungle, comme un souvenir de l’aventure perdue, comme un échantillon de risque, donc d’Histoire, terminés ; à la façon dont on vous esquisse également des nostalgies de sexe sous la forme d’un bref combat de femmes dans la boue (jolies visions de fesses, intéressants aperçus de cuisses et de cellulite) ; ou encore, au détour d’un labyrinthe, sous les apparences de cette fille nue dont vous n’apercevrez qu’un bout de sein furtivement dressé dans l’obscurité…

C’est ça, un jeu télé, à la fin du XXe siècle ? Oui ; mais j’oubliais l’essentiel, c’est-à-dire les candidats bien sûr. Quatre ou cinq garçons et filles en pleine santé, amis des sports et du grand air, quatre ou cinq asperges dynamiques sélectionnées parce qu’elles ont des têtes à avoir inventé le saut à l’élastique. Rien n’est plus déprimant à contempler, et rien en même temps n’est plus comique, que ces jeunes damnés du Tertiaire, démoniaques et souriants représentants des classes moyennes, incarnations de la nouvelle France profonde jaillie enfin en pleine lumière, sataniques employés de banque ou attachés commerciaux en train de cavaler à travers ce Luna Park de cauchemar, pour exécuter avec un esprit de sérieux épouvantable leur misérable parcours du combattant et récupérer je ne sais combien de clés qui leur feront gagner un monceau d’or. Rien n’est plus instructif non plus : il n’y a pas que la face cachée du spectacle qui soit captivante ; inutile d’espérer rien comprendre à celle-ci si on néglige de contempler, de temps en temps, sa face exhibée, la face montrée de la grande Terreur, l’effrayante et souriante et pathétique face visible de la Tyrannie, avec son armée carnavalesque de sergents recruteurs. Comme dit en ce moment un slogan pour un autre jeu : "On commence par gratter et on finit à la télé." C’est valable littéralement et dans tous les sens, dans un monde où Eros et Thanatos, désormais, portent des nez rouges.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, pages 414-415

[ critique ] [ caricature ] [ reflet du monde ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson