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mégapole

La première chose que j'ai remarqué à Bombay, le premier jour, était l'odeur d'un air différent. J'ai pu la sentir avant même de voir ou d'entendre quoi que soit de l'Inde, dès que j'ai parcouru le tunnel qui reliait l'avion à l'aéroport. J'étais excité et ravi par l'odeur de cette première minute à Bombay, évadé de ma prison et prenant un nouveau départ dans le vaste monde, mais je ne l'ai pas reconnue et j'en étais incapable. Je sais maintenant que c'est l'odeur douce et suintante de l'espoir, qui est le contraire de la haine ; et c'est l'odeur aigre et confinée de la cupidité, qui est le contraire de l'amour. C'est l'odeur des dieux, des démons, des empires et des civilisations en pleine décomposition et résurrection. C'est l'odeur de chair bleue de la mer, où que vous soyez dans Island City, et c'est l'odeur de sang et de métal des machines. C'est l'odeur de l'agitation, du sommeil et des déchets de soixante millions d'animaux, dont plus de la moitié sont des humains et des rats. C'est l'odeur des chagrins, de la lutte pour la survie, des échecs et des amours qui font naître notre courage. C'est l'odeur de dix mille restaurants, cinq mille temples, autels, églises et mosquées, et de cent bazars consacrés exclusivement aux parfums, aux épices, à l'encens et aux fleurs fraichement coupées. Karla a dit un jour que c'était la pire bonne odeur du monde, et elle avait raison, bien sûr, avec cette façon d'avoir raison pour tout. Mais lorsque je retourne à Bombay aujourd'hui, c'est ma première impression de la ville - cette odeur, avant tout - qui m'accueille et m'annonce que je suis arrivé.

Auteur: Roberts Gregory David

Info: Shantaram

[ Asie ] [ goût ]

 
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cité imaginaire

À quatre-vingts milles sous le vent dominant, l'homme atteint la ville d'Euphemia, où les marchands de sept nations se rencontrent à chaque solstice et équinoxe. Le bateau qui y accoste avec une cargaison de gingembre et de bambou reprendra la mer sa cale pleine de pistaches et de graines de pavot, et la caravane qui vient de décharger des sacs de noix de muscade et de zibeline empile déjà ses ballots dans des rouleaux de mousseline dorée pour le voyage de retour. Mais ce qui vous pousse à remonter des fleuves et à traverser des déserts pour arriver jusqu'ici, ce n'est pas seulement l'échange de marchandises qu'on trouve toujours pareilles dans tous les bazars à l'intérieur et à l'extérieur de l'empire du Grand Kan, éparpillées à vos pieds sur les mêmes nattes jaunes, à l'ombre des mêmes tentes à mouches, proposées avec les mêmes réductions de prix mensongères. Non seulement on vient à Euphemia pour acheter et vendre, mais aussi parce que la nuit, près des feux qui entourent le marché, assis sur des sacs ou des tonneaux, ou allongés sur des piles de tapis, à chaque mot que l'on prononce - comme "loup", "sœur", "trésor caché", "bataille", "gale", "amoureux" - chacun raconte son histoire de loups, de sœurs, de trésors, de gale, d'amoureux, de batailles. Et tu sais qu'au cours du long voyage qui t'attend, lorsque pour rester éveillé au bercement du chameau ou de la jonque tu commenceras à repenser à tous tes souvenirs un par un, ton loup sera devenu un autre loup, ta sœur une autre sœur, tes batailles d'autres batailles, au retour d'Euphémie, la ville où les souvenirs s'échangent à chaque solstice et à chaque équinoxe.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ commercante ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

idéologies

- Voulez-vous que je vous dise exactement, mon oncle, quel homme est Bazarov ?

-Je t'en prie, mon chère neveu.

-Il est nihiliste.

-Comment ? demandant Nicola Petrovitch [...]

-Il est nihiliste, répéta Arkadi.

-Nihiliste, dit Nicola Pétrovitch, cela vient du latin 'nihil',' rien', autant que je puis en juger; donc ce mot désignerait un homme qui...qui ne veut rien reconnaître ?

-Dis plutôt : qui ne respecte rien, rectifia Paul Petrovitch [...]

-Qui envisage tout d'un point de vu critique, précisa Arkadi.

-N'est-ce pas la même chose ? demanda Paul Petrovitch

-Non, pas du tout. Un nihiliste, c'est un homme qui ne s'incline devant aucune autorité, qui ne fait d'aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé.

-Et l’on s’en trouve bien ? l’interrompit Paul Pétrovitch.

-Tout dépend de l’individu, mon oncle. Certains s’en trouvent bien, et d’autres très mal.

-Tiens donc. Allons, cela n’est pas de notre ressort, à ce que je vois. Nous autres, gens de l’ancien temps, nous estimons que sans principes […] reconnus comme des articles de foi, pour reprendre ton expression, il est impossible de faire un pas, impossible de respirer. Vous avez changé tout cela, Dieu vous le rende et vous donne le grade de général ; nous nous contenterons de vous admirer, messieurs les…comment, déjà ?

-Nihilistes, articula distinctement Arcade.

-Oui. Nous avons eu les hégélistes, voici maintenant les nihilistes. On verra bien comment vous subsisterez dans le désert, dans le vide absolu ; pour le moment, sonne donc, s’il te plaît, Nicolas Pétrovitch, mon frère ; c’est l’heure de mon cacao.

Auteur: Tourguéniev Ivan

Info: Pères et fils, traduction de Françoise Flamant, éditions Gallimard, 1982, pages 54-55

[ affrontement générationnel ] [ description ] [ nihilisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

interactions

A Chloé, grande ville, les gens qui circulent dans les rues sont tous des inconnus. À chaque rencontre, ils imaginent mille choses les uns sur les autres ; des rencontres qui pourraient avoir lieu entre eux, des conversations, des surprises, des caresses, des morsures. Mais personne ne salue personne ; les yeux se bloquent une seconde, puis s'éloignent, cherchent d'autres yeux, ne s'arrêtent jamais. Une jeune fille s'avance, qui fait tournoyer une ombrelle sur son épaule, faisant aussi légèrement tournoyer ses hanches arrondies. Une femme en noir déboule, affichant son âge, yeux agités sous son voile, lèvres tremblantes. Un géant tatoué arrive ; un jeune homme aux cheveux blancs ; une femme naine ; deux filles, des jumelles, habillées de corail. Quelque chose court entre eux, échanges de regards comme des lignes qui relient une figure à une autre et dessinent des flèches, des étoiles, des triangles, jusqu'à ce que toutes les combinaisons soient épuisées en un instant, alors que d'autres personnages entrent en scène : un aveugle avec un guépard en laisse, une courtisane avec un éventail à plumes d'autruche, un éphèbe, une grosse femme. Et ainsi, lorsque quelques personnes se trouvent par hasard réunies, s'abritant de la pluie sous une arcade, ou se pressent sous un auvent de bazar, ou arrêtées pour écouter des musiciens, des rencontres, séductions, copulations, des orgies se consomment entre elles sans qu'un mot soit échangé, sans qu'un doigt ne touche quoi que ce soit, presque sans qu'un œil soit levé.

Une vibration voluptueuse agite constamment Chloé, la plus chaste des villes. Si les hommes et les femmes commençaient à vivre leurs rêves éphémères, chaque fantôme deviendrait une personne avec laquelle débuter une histoire de poursuites, de faux-semblants, de malentendus, de heurts, d'oppressions, et le carrousel des fantasmes s'arrêterait.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ foule ] [ mégapole ] [ rapports humains ] [ fugacité ] [ potentialités ] [ anonymat ] [ cité imaginaire ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

art religieux

Le genre français, c’est un Jésus glorieux, en robe de brocart pourpré, entr’ouvrant, avec une céleste modestie, son sein, et dévoilant, du bout des doigts, à une visitandine enfarinée d’extase, un énorme cœur d’or couronné d’épines et rutilant comme une cuirasse.

C’est encore le même Jésus plastronné, déployant ses bras pour l’hypothétique embrassement de la multitude inattentive ; c’est l’éternelle Vierge sébacée, en proie à la même recette de désolation séculaire, tenant sur ses genoux, non seulement la tête, mais le corps entier d’un minable Fils, décloué suivant de cagneuses formules. Puis, les innumérables Immaculées Conceptions de Lourdes, en premières communiantes azurées d’un large ruban, offrant au ciel, à mains jointes, l’indubitable innocence de leur émail et de leur carmin.

Enfin, la tourbe polychrôme des subalternes élus : les saints Joseph, nourriciers et frisés, généralement vêtus d’un tartan rayé de bavures de limaces, offrant une fleur de pomme de terre à un poupon bénisseur ; les saints Vincent de Paul en réglisse, ramassant, avec une allégresse réfrénée, de petits monstres en stéarine, pleins de gratitude ; les saints Louis de France ingénus, porteurs de couronnes d’épines sur de petits coussins en peluche ; les saints Louis de Gonzague, chérubinement agenouillés et cirés avec le plus grand soin, les mains croisées sur le virginal surplis, la bouche en cul de poule et les yeux noyés ; les saints François d’Assise, glauques ou céruléens, à force d’amour et de continence, dans le pain d’épice de leur pauvreté ; saint Pierre avec ses clefs, saint Paul avec son glaive, sainte Marie-Madeleine avec sa tête de mort, saint Jean-Baptiste avec son petit mouton, les martyrs palmés, les confesseurs mitrés, les vierges fleuries, les papes aux doigts spatulés d’infaillibles bénédictions, et l’infinie cohue des pompiers de chemins de croix.

Tout cela conditionné et tarifé sagement, confortablement, commercialement, économiquement. Riches ou pauvres, toutes les paroisses peuvent s’approvisionner de pieux simulacres en ces bazars, où se perpétue, pour le chaste assouvissement de l’œil des fidèles, l’indéracinable tradition raphaélique. Ces purgatives images dérivent, en effet, de la grande infusion détersive des madonistes ultramontains. Les avilisseurs italiens du grand Art mystique furent les incontestables ancêtres de ce crépi. Qu’ils eussent ou non le talent divin qu’on a si jobardement exalté sur les lyres de la rengaine, ils n’en furent pas moins les matelassiers du lit de prostitution où le paganisme fornicateur vint dépuceler la Beauté chrétienne. Et voilà leur progéniture !

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 229-230

[ critique ] [ description dégoûtée ] [ christianisme édulcoré ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson