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dernières paroles

Ma petite Paula bien-aimée, fidèle jusqu'au dernier souffle à mon idéal, cet après-midi à 15 heures, je tomberai fusillé. Je te laisse seule avec notre petit garçon chéri. Je ne pense qu'à vous deux. Je vous aime tellement, je t'aime tellement, ma petite chérie. Je te demande pardon de tout le mal que j'ai pu te faire. Tu m'as donné tellement de bonheur.
Maintenant j'y repense ; je revis ces instants de bonheur passés près de toi et près de notre petit garçon chéri.
Sois courageuse, ma petite bien-aimée. Défends notre petit Microbe chéri. Élève-le en homme bon et courageux. Parle-lui souvent de moi, de son "papa-car" qui l'aime tellement, qui vous aime tellement.
Mes derniers instants, je veux les consacrer à vous.
Je te revois, avec notre petit trésor dans les bras, m'attendre à la descente du car. J'entends son rire, je revois tes yeux de maman l'envelopper de tant de tendresse.
Je l'entends m'appeler "papa", "papa" !
Soyez heureux tous les deux et n'oubliez pas votre "papa-car".
Je saurai mourir courageusement et, face au peloton d'exécution, je penserai à vous, à votre bonheur et à votre avenir. Pensez de temps en temps un peu à moi. Du courage, ma Paula bien-aimée.
Il faut élever notre petit garçon chéri. Il faut faire de lui un homme bon et courageux. Son papa lui laisse un nom sans tache. Aux moments de découragement, pense à moi, à mon amour pour vous deux, à mon amour immense qui ne vous quitte pas, qui va vous accompagner partout et toujours.
Ma bien-aimée, ne te laisse pas abattre, tu seras à partir de 15 heures le papa et la maman de notre petit chéri. Sois courageuse et encore une fois pardonne-moi le mal que je t'ai fait.
Te dis, ma Paula bien-aimée, tout mon amour pour toi et notre petit Microbe chéri.
Vous serre tous les deux dans mes bras.
Vous embrasse de tout mon coeur.
Vive la France, Vive la liberté !
Mes amitiés à tous nos amis.

Auteur: Epstein Joseph

Info: 11 avril, à sa femme

[ exécution ]

 

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non-réciprocité

Tout d'abord, l'amour est une expérience commune entre deux personnes - mais le fait qu'il s'agisse d'une expérience commune ne signifie pas qu'il s'agit d'une expérience similaire pour les deux personnes concernées. Il y a l'amant et le bien-aimé, mais ces deux-là viennent de pays différents. Souvent, le bien-aimé n'est qu'un stimulus pour tout l'amour accumulé qui était resté silencieux au sein de l'amant pendant longtemps. Et d'une certaine manière, chaque amoureux le sait. Il sent dans son âme que son amour est une chose solitaire. Il apprend à connaître une nouvelle et étrange solitude et c'est cette connaissance qui le fait souffrir. Il n'y a donc qu'une seule chose à faire pour l'amoureux. Il doit loger son amour en lui-même du mieux qu'il peut ; il doit créer pour lui-même un tout nouveau monde intérieur - un monde intense et étrange, complet en lui-même. Ajoutons que l'amant dont nous parlons n'est pas nécessairement un jeune homme qui cherche une alliance, il peut être un homme, une femme, un enfant ou toute autre créature humaine sur cette terre.

L'amant peut aussi correspondre à n'importe quelle description. Les personnes les plus farfelues peuvent être le stimulus de l'amour. Un homme peut être  arrière-grand-père et n'aimer qu'une fille étrange qu'il a vue dans les rues de Cheehaw un après-midi il y a vingt ans. Le prédicateur peut aimer une femme déchue. La bien-aimée peut être perfide, au cheveux gris, et avec de mauvaises habitudes. Oui, et l'amoureux peut le voir aussi clairement que n'importe qui d'autre - mais cela n'affecte en rien l'évolution de son amour. Une personne très médiocre peut être l'objet d'un amour sauvage, extravagant et beau comme les lys empoisonnés du marais. Un homme de bien peut être le stimulus d'un amour violent et avili, ou un fou jacassant peut faire naître dans l'âme de quelqu'un une idylle tendre et simple. Par conséquent, la valeur et la qualité de tout amour sont déterminées uniquement par l'amant lui-même.

C'est pour cette raison que la plupart d'entre nous préfèrent aimer qu'être aimés. Presque tout le monde veut être l'amant. Et la vérité crue est que, d'une manière secrète et profonde, l'état d'être aimé est intolérable pour beaucoup. Le bien-aimé craint et déteste l'amant, et ce pour les meilleures raisons. Car l'amant essaie toujours de dépouiller sa bien-aimée. recherche à tout prix une relation avec la personne aimée, même si cette expérience ne peut lui causer que de la douleur.

Auteur: McCullers Carson

Info: The Ballad of the Sad Café and Other Stories

[ passion ] [ déséquilibre ] [ pouvoir ] [ couple ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

agapè

Anastasia, ma bien-aimée, pourquoi ai-je cette impression que tu te confies à moi comme tu le ferais auprès d’un papa aimant ? Pourquoi ai-je le sentiment de t'aimer plus qu'un père n'aimerait sa propre fille ? Ma douce et jeune amie, dont je lis chaque message avec tant de joie... voilà que l'on s'échange des photos de chats et que j'aime tellement les photos de ta belle Jaina... l'amour rend un peu sénile.
Mes sentiments pour toi ont toujours été ambigus, je t'ai désirée comme un homme désire une belle femme. Voilà le constat : les hommes sont obsédés par la chair à tous les âges et leur dignité, c'est de rester discret sur ce secret graveleux ! Si seulement tu avais été une demi-mondaine, précieuse, vénale, superficielle que sais-je... ça m'aurait aidé ! Pour mon malheur ou peut-être pour mon bonheur, nous nous sommes rapprochés en vertu de la plus belle des amitiés, et d'une admiration que j'espère réciproque.
Le moteur de l'écrivain, du poète, c'est presque toujours l'amour des femmes et leurs promesses de plaisirs profonds, mystérieux. Sans une Erato, pas de recueil de poésie, pas de poèmes écrits sur l'asphalte de nos rues, rendues brûlantes par un soleil d'été implacable et triomphant. Mon Erato à moi porte un prénom, son visage habille le ciel de ma ville.
Face à la femme qui est bienveillante en plus d'être belle, je n'ai trouvé aucune parade. La vie poursuit son œuvre, l'homme accepte que tourne la roue du destin, accepte cet espace-temps qui le sépare de sa bien-aimée. Expérience du deuil, invitation à prolonger l'amour sur d'autres plans... mon amour pour toi nous tire vers le haut, la main du destin a saisi la mienne pour me conduire progressivement sur d'autres horizons.
Il est toujours possible d'explorer cette autre dimension de l'amour que l'on qualifie parfois d'inconditionnel. Rabindranath Tagore, Rûmî, Sohrawardi l'ont fait avant moi, tant pis si je n'ai que leur inspiration et pas leur génie. Tant pis si je ne connaîtrai jamais le côté réel ou illusoire de cette quête, ses détracteurs n’en sauront pas plus. Peu m’importe, à vrai dire, pourvu que la vie se poursuive.
Pauvre qui, comme l'apprenti-philosophe, doit choisir entre la joie et le désarroi face au spectacle envoûtant de la danseuse persane promise au marin de passage, vaguement attentive aux prophéties que seuls écoutent encore les étudiants et les sots ! Elle danse pour elle et sa danse embellit le monde. Il y a un temps pour la jouissance, pour le reste c'est à voir... peut-être... un jour… plus tard ! J'ai choisi de continuer à t'aimer, malgré tout.

Auteur: Fossat Simon

Info: Correspondance à Anastasia

[ déclaration ] [ hommes-femmes ] [ philia ] [ correspondance ]

 

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Ajouté à la BD par SFuchs

dernières paroles

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta soeur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta soeur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon coeur.
Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel
P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.

Auteur: Manouchian Missak

Info: Mont-Valérien, 19 février 1944

[ exécution ]

 

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dernières paroles

Mille et un souhaits de bonne nuit ma très chère fille bien-aimée, Véronica. Innocent, j'ai été jeté en prison ; innocent, je dois maintenant mourir. Car quiconque entre dans la prison des sorciers doit être torturé jusqu'a ce qu'il invente un crime ou un autre... Quand on me soumit pour la première fois à la torture, le Dr Braun, le Dr Kötzendörffer et deux docteurs que je ne connaissais pas étaient présents. Le Dr Braun me demande : "Parent, comment se fait-il que tu sois ici ? " Je réponds : "Par erreur, par malchance.". "Ecoute-moi, toi, rétorque-t-il, tu es un sorcier ; confesseras-tu tes crimes de ton plein gré ? Sinon, nous ferons venir les témoins, et le bourreau s'occupera de toi. ". Je lui dis : "Je ne suis pas sorcier, ma conscience est pure sur ce chapitre ; faites venir mille témoins, je ne les crains pas. " ...Alors entra aussi - Seigneur qui êtes aux Cieux, ayez pitié - le bourreau ; il lia ensemble mes deux mains et me fit endurer les poucettes, de sorte que mon sang jaillit de mes ongles et ruissela partout, de sorte que, quatre semaines durant, je ne pus me servir de mes mains, ainsi que tu le remarqueras à mon écriture. ...Après quoi ils me déshabillèrent, attachèrent mes mains derrière mon dos, puis me hissèrent dans l'estrapade. Je crus alors la fin du monde arrivée ; huit fois de suite, ils me firent monter, puis me laissèrent tomber ; mes douleurs furent indescriptibles... Et ainsi, j'avouai... mais ce n'était que mensonge. Suit maintenant, ma chère enfant, ce que je confessai afin d'échapper aux atroces souffrances et aux horribles tortures, que je ne pouvais supporter davantage... Je dus ensuite dire les noms des gens que j'avais rencontrés (au sabbat). Je déclarai que je ne les avais pas reconnus. "Vieux coquin, je vais encore devoir appeler le bourreau. Alors ? - le Chancelier était-il présent ? " Je répondis que oui. "Qui d'autre ? " Je n'avais reconnu personne. De sorte qu'il dit : "Prends une rue après l'autre ; pars du marché, éloigne t'en par une rue et retournes-y par la suivante. " Je dus nommer plusieurs personnes habitant là. Puis j'arrivai à la longue rue. Je n'y connaissais personne. Dus pourtant nommer huit habitants... Et ainsi m'interrogèrent-ils sur toutes les rues, quoique je ne puisse ni ne voulusse en dire davantage. Ils me remirent donc entre les mains du bourreau, lui dirent de me déshabiller, de me raser le corps, et de me mettre à la torture... Je dus ensuite dire tous les crimes que j'avais commis. Je ne dis rien... "Hisse ce coquin ! " Je déclarai alors que j'étais censé tuer mes enfants, mais qu'à la place j'avais tué un cheval. Cela ne leur suffit pas. J'avais également volé une hostie consacrée pour la profaner. Après cette dernière confession, ils me laissèrent en paix. Ma chère enfant, cache bien cette lettre... Autrement je serais très hideusement torturé et l'on décapiterait mes geôliers... Adieu, car ton père Johannes Junius, ne te reverra plus jamais.

Auteur: Junius Johannes

Info: dernière lettre à sa fille

[ exécution ]

 

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comptine

Sur la plage où les algues sont bercées par les vagues, un petit crabe solitaire se frayait un chemin dans les bulles d'écume. Il s'appelait Némo et il était amoureux de Citrouille, une petite arapède, un joli coquillage rond qui se colle aux rochers.

Tous les jours, il tapait doucement sur sa coque en lui disant :

— Je t'aime, viens avec moi.

Elle l'aimait, elle aussi, c'était sûr, mais quitter sa maison, son rocher, c'était impossible.

— Comment veux-tu que je renonce à ce rocher qui me protège. Si je le quitte, si je me décolle de lui, je suis nue, vulnérable. Les vagues m'emporteront et j'ai mille occasions de me faire dévorer par tous les prédateurs qui rodent tout autour.

Némo se demandait comment convaincre Citrouille pour qu'elle accepte de le suivre. Il regarda le fond de la mer tout autour. Du sable à perte de vue, deux anémones discutaient sans se soucier d'eux, un peu plus loin une grande nacre rêvait. Tout était calme.

— Écoute-moi bien, Citrouille, j'ai une idée, voilà ce que tu vas faire : tu te décroches du rocher, tu glisses sur ma carapace, tu t'accroches bien dessus... Et hop ! Nous partons en voyage de noces.

— Je suis d'accord, répondit Citrouille en lâchant son vieux rocher.

Mais juste au moment où elle allait s'accrocher sur Némo, une petite vague qui venait du large et s'en allait dormir sur la plage l'emporta. Némo vit passer sa bien-aimée qui virevoltait dans l'écume en faisant de grandes cabrioles...

Le fond de la mer qui paraissait si calme devint alors menaçant. Deux murènes dont la tête sortait de trous de rochers ouvraient leurs bouches avec des centaines de petites dents pointues comme des clous. Un banc de mulets affamés qui passait dans l'écume s'intéressait aussi à Citrouille, et même un rouget qui somnolait au fond s'était réveillé...

Citrouille était ballotée par les vagues, aspirée vers le large, repoussée sur le sable. Némo essayait de la suivre, mais il n'y arrivait pas.

Si elle retournait dans la mer, ils étaient tous là prêts à la dévorer, si elle s'échouait sur le rivage elle mourait très vite desséchée par le soleil. Là-haut, une vieille mouette en quête d'un bon repas tournait dans la brise de mer en faisant de grands ronds au-dessus de Citrouille.

C'est à ce moment qu'elle glissa sur une surface lisse, régulière, au milieu des algues du bord de mer. Un abri inespéré !

— Némo, je m'accroche à ce rocher, cria-t-elle de toutes ses forces, nous nous reverrons plus tard...

Ce rocher tout rond était un petit ballon qu'un enfant avait envoyé sur les vaguelettes. Citrouille s'accrocha du plus fort qu'elle put. Quand l'enfant prit son ballon, Citrouille était accrochée dessus. Il n'avait jamais vu de coquillage pareil et il demanda à sa maman :

— C'est quoi, ce caillou plat collé à mon ballon ?

— Mais c'est une petite arapède, nous allons la détacher délicatement et tu iras la poser dans l'eau contre un rocher. Tu vas voir, elle se collera dessus comme sur ton ballon.

C'est ce qu'il fit. Citrouille but une gorgée d'eau de mer pour se donner des forces et d'un seul coup elle se colla au rocher.

Pendant ce temps, Némo, désespéré, longeait le rivage, plongeait dans l'eau et demandait à tous ceux de la mer, méduses, bigorneaux, huîtres, rascasses, limandes, grondins :

— Avez-vous vu Citrouille ? Je l'ai perdue dans un remous du rivage.

— Mais c'est qui Citrouille ? dirent-ils en cœur... Tu te mets dans un drôle d'état, mon pauvre Némo.

— La petite arapède de ma vie. Aidez-moi à la retrouver, je vous en supplie.

Alors, le voyant si malheureux, ils se mirent à la queue leu leu et ils suivirent le rivage à la recherche de Citrouille. Après le banc de sable, ils la trouvèrent très vite, affolée, collée de toutes ses forces sur un rocher, le bord de sa coque effrité par tous les chocs et cabrioles.

Némo s'approcha d'elle, il fit glisser doucement ses pinces sur sa coque ébréchée et il lui dit :

— Ma pauvre Citrouille, reste accrochée au rocher, je m'installerai dans le trou à côté et nous serons heureux...

Maintenant, le soir, quand les vagues s'endorment, si vous passez près du rocher de Citrouille et Némo, vous verrez monter de petites bulles d'eau... C'est Citrouille qui dit des mots d'amour à Némo... Et lui, il lui joue un petit concerto en grattant la mousse et le rocher avec ses petites pinces.


Auteur: Lieutaud Pierre

Info: Citrouille et Némo

[ historiette ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

romantisme

Ils s'embrassaient toujours, sans un mot. Mais les lèvres et les langues allaient avoir rempli leur rôle. Elles s'irritaient, s'exaspéraient de ne pouvoir plus. Michel engloutissait sauvagement la petite bouche, qui prenait des initiatives de plus en plus ardentes. Les mains du garçon, qui palpaient au hasard, devenaient sèches et rudes, la main gauche, passée sous le bras de la jeune fille, avait pris indiscutablement possession de son sein. Jusque-là, ils étaient demeurés côté à côté, et leurs jambes n'avaient point pris part aux étreintes. Il enfourcha Anne-Marie, elle fut presque aussitôt à demi-renversée sous lui. Il commença à l'éperonner et les baisers acquéraient une saveur rugueuse. Il comprit que sa main active par-dessus la légère étoffe venait d'électriser la pointe érigée des seins. La main flatta le beau décolleté, puis s'enfonça dans l'émouvant sillon, et rapidement, avidement, connut les contours, le poids des deux seins, connut les petits mamelons surexcités. Anne-Marie, les yeux fermés, s'abandonnait sous lui, passive, mais sa bouche vivait pour tout son corps.

La main, changeant de champ clos, remonta très amoureusement la belle jambe, s'arrêta un peu aux jolis genoux ronds, s'engagea, plus tendrement encore, sous la robe blanche. Un vide merveilleux, angoissant, sacré se faisait tout d'un coup en lui, il retenait encore son dernier geste. Anne-Marie ne bougeait point, comme protégée par ses paupières closes. La main avançait de nouveau, en pleine félicité. Tout à coup elle bascula, glissant sur la peau satinée et fraîche, vers le creux dont elle venait de percevoir la chaleur et qui l'appelait, les doigts sur la peau si fine, si douillette, si enfantine, la soie du dernier obstacle. Le corps de la jeune fille, sous lui, eut un raidissement de défense.

-Mon petit...non...mon petit

Le bout des doigts crispés se coulait sous l'étoffe. Plus de peau : un contact électrisant, c'était le nid. La jeune fille lui saisit le poignet.

-Anne-Marie mon cœur.

-Mon petit... je ne veux pas.

Elle se débattait, ils luttaient. Il s'était arraché de sa bouche et de sa poitrine. Mais il ne lâchait pas prise. Ses deux mains fourrageaient furieusement sous la robe, s'enfonçaient par-dessous la soie dans une braise fondante. Ses doigts s'agrippaient aux hanches, tiraient sur le petit voile élastique, qui résistait encore, qui ne résistait plus. Ses narines sifflaient avec précipitation.

-Non...non...

Ses yeux, qu'il ne pouvait commander d'avantage, virent un instant la robe troussée sur les cuisses épanouies, la tache épaisse et sombre qu'il venait de dénuder, au milieu des claires étoffes que la main de la jaune fille, aussitôt, parvint à rabattre un peu.

-Michou !

-Pas pour moi. Pour toi, pour toi, ma douce.

Sous la robe saccagée, les mains du petit faune pesaient aux deux plus délicats replis de ce corps ferme et printanier. Les cuisses mollissaient, elles consentaient, elles se séparèrent lentement, en livrant leur fond de mousse, et la main fut aussitôt dans le but ouvert et glissant qui l'attendait.

Anne-Marie avait rouvert tout grands ses yeux, elle les mit bien droit dans ceux de Michel. Elle était en train de dompter sa pudeur, de lui donner sans honte tous ses secrets de femelle. Il l'adora. Sa main devint soudainement fervente, intelligente, se multipliant. Anne-Marie ne ferma les yeux que sous l'étincelle, se multipliant. Anne-Marie ne ferma les yeux que sous l'étincelle. Elle les rouvrit aussitôt.

Ils s'enlacèrent longuement.

-Mon garçon.

-Ma fille !

Il l'enveloppait de ses deux bras.

-Allons chez moi...

-Oui, allons-y tout de suite.

Par une des portes latérales du parc, l'hôtel était tout proche. Anne-Marie, qui avait déjà retrouvé sa prêtresse, semblait le conduire par sa petite main. Il était assez mal assuré sur ses jambes, ivre de priapisme, chaque regard sur les formes d'Anne-Marie le contractait jusqu'au fond du ventre...

Ce qu'il connaissait déjà, ce qu'il allait connaître...

-C'est une très jolie chambre, dit-elle. Les temps du Modern-House sont bien révolus !

Il eut encore assez de volonté pour lui faire les honneurs de son logis, c'est à dire de l'armoire où s'empilaient les manuscrits, les cahiers du journal. "concours : combien de fois votre nom y est-il inscrit ? Ne cherchez pas au-dessous de trois mille." Il lui montra les quatre ou cinq lettres qu'il avait d'elle. Il ne put tenir plus de cinq minutes. Cela suffisait ; elle ne dirait pas qu'il s'était comporté en houzard. Ils savaient bien l'un et l'autre pourquoi ils étaient ici. Les persiennes étaient demeurées baissées. Il ferma les rideaux et attaqua Anne-Marie debout, en faisant glisser les épaulettes de sa robe.

-Laissez-moi faire toute seule, lui dit-elle à l'oreille. Tournez la tête, ça ne sera pas long. Mais restez bien la tête tournée.

-Vous avez un paravent.

Il fut à la salle de bains, se mit nu en un tournemain, jetant ses vêtements en boule sur le dallage, passa une robe de chambre. Il revint à pas de loups, se coucha à plat ventre sur le lit, la face dans son oreiller. Il entendait les mouvements légers d'Anne-Marie qui se mettait nue elle aussi pour l'amour. Il n'avait jamais vécu plus admirable minute, la première minute de sa vie dont il eût pu désirer qu'elle devînt éternelle. Il apprenait le bonheur. Il entendait Anne-Marie marcher sur la pointe de ses petits pieds, aller à l'armoire. Il n'aurait pas dû hésiter hier, en craignant une faute de goût, à lui acheter ce déshabiller rose qu'elle aurait trouvé maintenant... Rien ne pouvait plus faire qu'Anne-Marie ne fût pas à lui. Quelle que fût plus tard sa destinée, Anne-Marie y aurait sa place pour toujours, il aurait su amener dans ses bras cette fille exquise. Elle s'approche. Elle est là. Déjà, d'un de ses mouvements vifs, elle s'est étendue sur le lit.

-Quel luxe de robes de chambres, murmurait-elle en riant.

Il en avait heureusement acheté deux à la fois. Elle portait la plus simple. Anne-Marie était là, couchée près de lui. Il n'avait plus rien à attendre. Il n'appartenait plus qu'à lui-même, à son inspiration, à son adresse que ses désirs fussent exaucés.

Il reprit sa bouche sans violence. Il explora très doucement, sous la robe, son corps ; il savait qu'il était nu et libre, mais il voulait se convaincre encore d'une telle merveille. Aussi doucement, il écarta les pans, retira les manches. La voici toute entière, au milieu de la soie sombre, ses seins, son ventre, ses flancs, ses jambes, l'odeur subitement déployée d'Anne-Marie toute nue, et cette grande tache brune qui revient ici à sa place, perd cette obsédante, bestialité des nuits et de tout à l'heure. C'est la forme de ses seins ronds, plus saillants, plus vigoureux qu'on aurait pu croire, vrais seins de femme, combien plus émouvants d'être ainsi ; ce sont les roses et les mauves de leurs pointes, c'est le grain de sa peau, sur son ventre, au bord de sa toison. La voilà : pure, pleine, fine, parfaite et charmante. Elle a le corps de son visage, elle a la chair de son âme. Va, tu peux l'embrasser. Tu n'en verras pas d'autre comme elle.

C'est à ton tour maintenant. On a beau l'avoir fait sans y penser, devant dix filles, c'est encore un étrange pas, et un bizarre coup de tenaille, lorsqu'on dénoue sa ceinture pour la première fois devant la bien-aimée. Vas-y comme elle, sans honte. Elle n'en a jamais tant vu. Eh, oui ! Mais elle aussi, elle a son érotisme, avec ses curiosités, ses imaginations. Tu peux te montrer, franc et dressé. Elle doit bien du reste savoir à quoi s'en tenir. Tu es ce que tu es. Tu es son petit mâle bien vivant et bien aimant.

Allons, vas-y, mon bonhomme, mon brave petit bandeur. Mais oui, c'est pour toi qu'elle ouvre ses cuisses, ta chère, ton idole, ton inaccessible, ton oiseau blanc, ta Finette, ta petite fille des brouillards, ta pervenche de la pureté, ses longues et rondes cuisses, et dans leur ombre, la bête brune, et cette bouche qui a envie de toi. C'est à perdre la tête. Et pourtant, il n'a jamais été plus nécessaire dz la garder. Le bonheur n'est pas si aisé ! Tes doigts pour écarter, là, délicatement. Les doigts en même temps que les yeux. Une si longue faim assouvie. La dernière nudité que tu découvres. Cette image qui ne mourra qu'avec toi : ta fille, les yeux clos, sans un mouvement de défense, offrant son sexe ouvert. Allons, avance, viens t'y mettre. Bien sûr que c'est émouvant. Tout ton sang qui est aspiré, tes bras qui te lâchent, toute sa vigueur qui reflue vers ton vit... Tu l'effleures. Ta mignonne... Ce brusque frisson de tout son corps. Le même frisson sur vous deux. Ta pointe est introduite. Rrâhh !... Tu sautes, tu as tout lâché. Dans l'état où vous vous êtes mis c'était fatal.

Voilà comment tu as joui pour la première fois de ton Anne-Marie : en sacrant au fond de ton ventre. N'y pense pas, ce n'est rien. Maintenant, tu peux faire l'amour. Tu n'as pas faibli. Avec ce que tu vois et ce que tu caresses ! Suce ses seins, suce ses seins ! Reprends-la vite, ne casse pas le rythme, tu sais déjà que c'est désastreux. Caresse-la bien, à l'endroit qu'il faut. Comme elle t'aide, la bonne petite, vaillante, chaude et pleine d’instinct ! Tu enfonces, tu es tout fier. Mais oui. Mais oui, mon gars, elle est ta maîtresse. Son petit visage est douloureux. Tu veux ne pas lui faire plus mal. Tu veux d'abord qu'elle ait sa part. Alors n'appuie pas, tu es assez loin. Comme elle te serre ! Ah ! Quel plaisir. Et maintenant la grande cadence. Et toujours caresse, caresse. La crampe de tes doigts ? Tant pis pour eux. Vois son ventre, vois sa croupe. Elle se soulève, elle part. Tiens bon, surtout ! Arrivez ensemble ! C'est autrement important que d'aimer les mêmes poètes, tu la fais partir avec ta force pour le vrai voyage. C'est autre chose que tout à l'heure, voilà son bras sur sa figure, voilà son gémissement qui monte, tu peux jouir petit homme, voilà son cri !

-Mon cœur, mon bijou, ma vie, ma petite belle !

Ils étaient retombés bouche à bouche.

Auteur: Rebatet Lucien

Info: les deux étendards (1952, 1312 p., Gallimard) p. 1191, 1192, 1193, 1194

[ ébats ] [ passion ] [ naissance d'un couple ]

 
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