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tact

Lorsque quelqu'un pleure la chose noble est bien sûr de réconforter. Mais si quelqu'un essaie de cacher ses larmes, il peut aussi être noble de prétendre ne pas les remarquer.

Auteur: Snicket Lemony

Info: Horseradish: Bitter Truths You Can't Avoid

[ délicatesse ] [ rapports humains ] [ émotion ]

 

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astronomie

J'adore la cosmologie : il y a quelque chose d'exaltant à voir tout l'univers tel un objet unique doté d'une certaine forme. Quelle entité, sans Dieu, pourrait être plus noble ou plus digne de l'attention de l'homme que le cosmos lui-même ? Oublions les taux d'intérêt, la guerre et les meurtres, parlons de l'espace.

Auteur: Rucker Rudy von Bitter

Info: The Fourth Dimension: Toward a Geometry of Higher Reality. Chapter 7 (p. 91). Houghton Miffl in Company. Boston, Massachusetts, USA. 1984

[ enthousiasme ]

 

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questions

Quelle est la forme de l'univers ? Est-ce plat ou courbé ? Est-il élégamment disposé ou est-il déformé et rétréci ? Est-il fini ou infini ? Lequel des éléments suivants lui ressemble le plus ? : (a) une feuille de papier, (b) un désert sans fin, (c) une bulle de savon, (d) un beignet, (e) un dessin d'Escher, (f) un cornet de glace, (g) les branches d'un arbre, ou (h) un corps humain ?

Auteur: Rucker Rudy von Bitter

Info: The Fourth Dimension: Toward a Geometry of Higher Reality Chapter 7 (p. 91). Houghton Miffl in Company. Boston, Massachusetts, USA. 1984Air Force Warns Of Angry "Incel" Men Who Can't Get Laid And Go On Mass Killing Sprees Instead

[ cosmologiques ]

 
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couple

Le plaisir et la douleur s'inscrivent ensemble sur l'amant, dans la mesure où la désirabilité de l'objet d'amour dérive, en partie, d'un manque. A qui est-ce que ça manque ? A l'amant. Si nous suivons la trajectoire de l’éros, nous le retrouvons toujours en traçant ce même chemin : il se déplace de l'amant vers l'aimé, puis ricochète vers l'amant lui-même et la carence en lui, inaperçue jusqu'alors. Quel est le sujet de la plupart des poèmes d'amour, le bien-aimé ?
Non. C'est ce manque.

Auteur: Carson Anne

Info: “Eros the Bittersweet: An Essay”, p.30, Princeton University Press 2014

[ miroir ] [ sexualité ]

 

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fellation

Je ne fréquentais pas, comme disaient mes vieux avec leur vocabulaire d'une autre époque. Ils ignoraient que je devais mes bons résultats aux DM de maths au fait que je suçais Florian en échange d'exercices impeccablement réalisés. Je gobais son cornichon en récitant mes verbes irréguliers d'anglais : cela me faisait gagner du temps sur mes devoirs. Réciter des verbes me permettait aussi de faire abstraction de l'odeur aigrelette de la transpiration qui collait à ses poils. Au verbe bite bit bitten, ça ne ratait pas, la sienne giclait et j'aurais à chaque fois volontiers mordu dans le morceau parce qu'il avait la manie de l'enfoncer loin dans ma gorge quand il se sentait venir. Je le suçais, il me filait les réponses des exercices. Rien qu'un deal. Mon coeur était ailleurs... Elle s'appelait Lise.

Auteur: Chocolatcannelle

Info: Confidences amoureuses et sexuelles d'une lesbienne

[ lesbienne ] [ prostitution ] [ parents ] [ malentendu ] [ enfant ]

 

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musique

Dans son album, Bitter Tears, il (Johnny Cash) choisira de placer plusieurs chansons de Peter La Farge, dont "The ballad of Hira Hayes", qui sera classé N°3 dans les charts country. Qui était Hira Hayes ? Un indien Pima, qui engagé dans les Marines pendant la seconde guerre mondiale, s'était illustré à Iwo Jima. C'est lui qui avec quatre autres marines et un marin, avait hissé le drapeau américain sur l'île conquise au prix de sanglants sacrifices. La photo de cet exploit fit le tour du monde. Nommé caporal, Hira Hayes avait été accueilli comme un héros à son retour aux Etats-Unis. Et puis, (comme ses camarades d'ailleurs) oublié. Et même, estimera t'il, discriminé, chômeur, sans domicile fixe, tombé dans l'alcoolisme, il mourra à l'âge de 32 ans, son corps sera retrouvé dans un fossé. Johnny Cash, servi par La Farge, va mettre toutes ses tripes dans la triste ballade de ce soldat passé à la trappe. La chanson sera largement boycottée par les radios.

Auteur: Sanders Alain Potier

Info: Les couleurs de l'homme en noir. Johnny Cash

[ anecdote ] [ guerre ] [ trajectoire humaine ]

 

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cité imaginaire

Jamais, dans mes voyages je n'avais poussé jusqu'à Adelma. C'était la tombée de la nuit lorsque j'y débarquai. Sur le quai, le marin qui saisit la corde au vol et l'enroula à la bitte ressemblait à un homme qui avait été soldat avec moi, et qui était mort. C'était l'heure du marché de gros. Un vieillard chargeait un panier d'oursins sur un chariot ; je crus le reconnaître ; quand je me retournai, il avait disparu dans une petite rue, mais j'avais compris qu'il ressemblait à un pêcheur, déjà âgé dans mon enfance, qui ne pouvait plus se trouver parmi les vivants. La vue d'un malade atteint par les  fièvres et recroquevillé par terre avec une couverture sur la tête me troubla : peu de jours avant de mourir, mon père avait les yeux jaunes et la barbe hérissée exactement comme lui. Je détournai le regard ; je n'osais plus dévisager personne.

Je pensai : "Si Adelma est une ville que je vois en rêve, où ne se rencontrent que des morts, ce rêve me fait peur. Si Adelma est une ville véritable, habitée par des vivants, il suffira de continuer à la dévisager jusqu'à ce que les ressemblances se dissolvent et qu'apparaissent des figures inconnues, mais porteuses d'angoisse. Dans un cas comme dans l'autre il est préférable que je ne persiste pas à regarder."

Une marchande de quatre-saisons pesait un chou frisé sur une balance romaine avant de le mettre dans un panier suspendu à une corde qu'une jeune fille faisait descendre d'un balcon. La jeune demoiselle était semblable à une fille de mon pays qui était folle d'amour et s'était suicidée. La marchande leva son visage : c'était ma grand mère.

Je pensai : "Il arrive un moment dans la vie où tous ceux qu'on a connus, les mort sont plus nombreux que les vivants. Et l'esprit se refuse à accepter d'autre physionomies, d'autres expressions : sur toutes les nouvelles figures qu'il rencontre il imprime les vieux dessins, pour chacun il trouve le masque qui colle le mieux."

Les débardeurs montaient des escaliers l'un derrière l'autre, ployés sous les dames-jeannes et les barils ; leurs visages étaient dissimulés par des capuches en toile de sac. "Voilà, ils les retirent et je les reconnais", pensais-je à la fois impatient et craintif. Mais je ne les quittais  pas des yeux ; pour peu que je jette un regard sur la foule qui emplissait ces ruelles, je me voyais assailli par des figures inattendues, revenant de loin, comme pour me reconnaître, comme si elles m'avaient reconnu. Peut-être que moi, pour chacun d'eux je ressemblais à quelqu'un qui était mort. A peine étais-je arrivé à Adelma et j'étais déjà un des leurs, j'étais passé de l'autre côté, confondu dans ce flot d'yeux, de rides et de grimaces. Je pensai : "Peut-être qu'Adelma est la ville où l'on arrive quand on meurt et où chacun retrouve ceux qu'il a connus. C'est signe que moi aussi je suis mort." Je pensai encore : "Et c'est signe qu'au delà, ce n'est pas le bonheur?"

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ onirique morbidité ] [ funèbres obsessions ]

 

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affrontement racial

J'ai juste eu le temps de percevoir un rai brutal de lumière, un bruit de rires bizarres, une espèce d'exclamation rauque. Je suis devant la vitre, médusé. Des rideaux dissimulent tout l'intérieur, mais laissent passer une lueur assez forte. Je distingue contre la porte, à droite, un écriteau de bois : "A la ville d'Oran, café-hôtel. Chambres au mois et à la journée." Un bouge à sidis. Elle est là-dedans. Je suis interdit, épouvanté. Mais ma main est déjà sur la poignée. Ce qui m'a poussé (je crois pouvoir le dire, maintenant, après coup) c'est un dernier sentiment d'incrédulité, le refus d'admettre qu'une telle chose soit possible. J'ouvre la porte avec décision. Je fais deux pas. C'est bien un bistrot à sidis, pareil du reste à tous les bistrots de faubourg, assez exigu, éclairé très crûment. Mes yeux vont aussitôt à la petite. Elle est bien là, elle se tourne vers moi. Tout le monde me regarde. Ce sont des Bicots. Je vois des gueules bistrées, des tignasses crépues, des nez en bec d'aigle. Ils sont presque tous debout, autour du zinc qui reluit, ils doivent être sept ou huit. J'en repère deux, trois, à chapeaux mous, complets prétentieux ; un autre, en noir, de mine assez noble, peut-être. Au bout du groupe, il y a un gros type assis d'une trentaine d'années, frisottant, le mieux habillé, en bleu marine. J'aperçois un képi de sous-officier de tirailleurs, et dessous une tête maigre de Sarrasin, belle, ma foi ! Je vois aussi une seconde fille, près du type en bleu, un peu plus grande que l'autre, vingt-quatre ou vingt-cinq ans, mince, bien faite, semble t-il, mise avec simplicité, sans mauvais goût. C'est sur elle peut-être que mon regard s'arrête avec le plus de stupeur. Elle est d'une décence de silhouette invraisemblable dans un tel lieu. Et avec cela, des mèches de cheveux désordonnées, les pupilles agrandies et égarées, sa blouse claire dépoitraillée sur le creux de deux seins palpitants.

- Qu'y c'qu'y c'est ?

Un affreux asticot, debout, derrière le zinc, m'interpelle aigrement. Le tenancier sans doute.

J'articule d'une voix aussi naturelle que possible :

- Je désirerais boire un verre.

J'ai les yeux vissés sur la petite. C'est pourtant bien elle, son chapeau, ses boucles, sa petite jupe plissée, ses yeux clairs et rieurs. Je distingue vaguement une autre salle, au fond, plus grande, avec des festons de bois découpés à la morisque.

L'asticot a demandé je ne sais quoi, en arabe, à un des macaques. Il aboie, à mon adresse :

- Pas di verr. Ci fermé ici.

Je vois sur moi les yeux féroces et perçants de tous ces coquins. Je suis sans armes, dans ce coupe-gorge. Je me tourne d'instinct vers l'individu en bleu, le plus civilisé, apparemment, de la bande. C'est un Levantin de je ne sais quel Levant, déjà empâté, très infatué. Ce pourrait être un de ces "étudiants" qu'on voit au quartier autour des restaurants orientaux. Etudiant, barbeau, trafiquant de je ne sais quoi, le tout à la fois, sans doute. Il y a des raies rosâtres, trop larges, sur son complet bien coupé. Il s'est levé nonchalamment, il me toise avec une mine supérieure. Il laisse tomber trois ou quatre mots d'arabe qui font éclater tous les macaques d'un rire énorme. je vois ces gueules de pirates fendues, leurs grandes dents jaunes. Ils se foutent de moi devant la petite. Je dois pâlir brusquement : la colère, en même temps que la peur, mais la colère plus forte que la peur. Je les dévisage, j'arrête mon regard sur les deux filles :

- Il me semble que ce n'est pas fermé pour tout le monde...

Un hurlement de toute la bicaillerie. Je suis en un instant encerclé. La figure du sous-off est à trois pouces de la mienne. J'enregistre machinalement qu'il a quatre rubans à sa tunique.

Il me saisit le bras :

- Allez, dehors !

La petite lève la main :

- Non ! c'est un amoureux. Il me suit depuis le boulevard des Belges.

- Suivi ? Mouche ! Poulice ! Kha Poulice...

Ils glapissent à plein gosier. Je suis happé par dix pattes terribles : "mais non de Dieu ! écoutez-moi !" J'essaie d'atteindre mon portefeuille pour brandir ma carte d'étudiant. Une main lève une bouteille, un couteau jaillit. Ils ont dû croire que j'allais sortir un feu. Ce sont eux qui m'arrachent le portefeuille. J'ai les poignets immobilisés, je m'accroche où je peux avec les ongles. Ils me traînent jusqu'à la porte, j'encaisse trois ou quatre coups de poings. Je suis précipité dans les ténèbres extérieures, mes papiers lancés sur le sol, à demi déshabillé, ma chemise déchirée. Je tremble de la tête aux pieds. Les salauds m'ont attient à la mâchoire, derrière l'oreille. Une grande bordée de leur affreux rire. La porte se referme brusquement derrière moi.

Je fais une quarantaine de mètres en flageolant. Je reprends haleine, je me rajuste et me remets un peu. Je suis encore tout tremblotant de rage et de trouille : "Je vais chercher les flics !" Je voudrais me ruer avec une troupe en armes à l'assaut de cet effroyable repaire... Mais depuis quand ai-je recours aux flics ? D'ailleurs, que leur dirais-je ? Je m'en tire en somme à bon compte. Tout seul parmi parmi ces sauvages, aux poches pleines de rasoirs, de surins, de revolvers. Ma carte les aura rassurés ! Ils m'ont évacué par mépris. Toute récidive de ma part serait folle. Au reste, du coin de la place où je me suis embusqué, je vois l'asticot ouvrir la porte, accrocher un volet de bois, rentrer par-dessous. Le bouge est bouclée, barricadé. Je n'ai plus rien à faire ici.

Mais la petite est derrière cette porte, derrière ces fenêtres. Il y a cinq fenêtres au moins qui sont éclairées, aux deux étages plus voilées que celles du bas, tout à fait louches. Quinze ans. Cette petite perfection. Et elle traverse tout Lyon pour venir se faire mettre, pour venir se faire bitter dans cet immonde claque... Le petit ange aux cils innocents... La petite gaupe, oui ! ... Gaupette : voilà son nom.

Ses parents sont sortis, pour toute la nuit, peut-être. Elle a couru chez elle pour s'en assurer, se donner l'alibi de les embrasser. Ah ! sur le chapitre de la rouerie... Et puis elle s'envole ; ça la tient. Et moi qui l'imaginais déjà en tournée de charité ! Toujours conjecturer le vice plutôt que la vertu. Mais à ce point-là ! Quel roman noir, quel tréfonds ! mais comment expliquer le début ? Dans quelles pattes a-t-elle pu tomber ? Y revenir toute seule ! Une entremise de cette autre fille ?... Celle-là aussi, quelle apparition ! Ce tailleur de chaste et modeste petite bourgeoise. Et ces seins affolés ! Elle venait déjà de se faire branler en attendant l'autre ? Sa moule toute ouverte, pendant qu'elle me regardait, du jus plein le poil, jusqu'aux cuisses...

Mais elles sont là-dedans toutes les deux. Comment parvenir à penser ça ? Lequel de ces singes, avec Gaupette ? L'espèce d'étudiant ? Mais c'était lui, quand je suis entré, qui avait l'air de tenir l'autre fille.

La bagarre m'a fait débander un moment. Mais mes images, mes convoitises ont été trop violentes, à la fin de cette poursuite, dans ces rues noires. Je suis repris par cette excitation furibonde. Je ne peux plus m'en aller. L'autre fille a amené Gaupette. Elle l'a sans doute branlée, gougnottée avant. Le gros métèque se les farcit toutes les deux. Il a déjà du déculotter Gaupette. Ses pattes sur la petite jupe plissée, la petite culotte blanche, chaude, les deux cuisses roses, déjà femelles, le petit derrière. Le petit con doré. Le métèque l'enfile, pendant que l'autre fille s'astique, ou qu'un des sidis la tronche, le rempilé peut-être sur Gaupette. Ce n'est pas une invention répugnante de ma cervelle, c'est la vérité exacte. Ces bougres en rut perpétuel, montés comme des ânes. Son con de petite fille avec ces manches-là dedans ! C'est horrible, c'est ignoble. Et pourtant plus c'est ignoble et plus ça me chauffe, m'incendie. On comprend que dans de telles passes, s'il n'y avait pas les mécanismes et les habitudes de la civilisation, on se mettrait à bramer, à hurler au con. Je suis un moment sur le point de me taper un rassis, dans le noir, contre le mur d'une des baraques aveugles.

... Je suis là depuis plus d'une heure, sur cette espèce de carrefour d'assassinat, totalement sourd et désert, dans cette nuit crapuleuse. La petite Gaupette est en train de forniquer, de s'en faire mettre plein le vagin. Elle est sous zob !

Mais je peux l'avoir, moi aussi, je peux me l'envoyer. Elle ne demande que ça ! Elle ne pensait qu'à ça, pendant toute ma chasse, dans le tramway. Et je n'osais pas lui murmurer un "bonsoir"! Elle pensait que j'allais être de la partouze. Elle m'y emmenait. Ça lui allait bien ! elle n'a probablement jamais fait ça de sa vie avec un garçon européen, ça devait l'exciter. Elle a essayé de me tirer du pétrin. Si elle n'avait pas fait cette gaffe : "Il me suit depuis les Brotteaux! " Elle aurait seulement dit "je le connais, c'est un camarade !", je restais. Elle avait envie de moi. En ce moment, je la baiserais, je me frotterais à son ventre, à son poil, à ses fesses, j'aurais ma queue entre ses cuisses.

La porte s'ouvre derrière le volet de bois. Un couple sort, en se baissant. J'aperçois une grosse garce en cheveux, avec un grand bougre. Je m'approche, je ne sais pourquoi, comme si je pouvais leur demander de me réintroduire. Je vois les traits de l'homme, aussi barbares que ceux des sidis. Mais celui-là paraît avoir l'accent espagnol. La femme, elle, est Lyonnaise. Je suis à quatre ou cinq pas d'eux. L'"Espagnol" se retourne, me voit, i la l'air encore plus féroce que les Bics. Je ralentis, je les laisse filer. A la lueur de l'unique bec de gaz du coin, je devine le monumental pétard sur lequel chaloupe la pouffiasse, un gros cul qui vient de s'évaser, de s'enfoutrer, pendant que derrière la cloison, Gaupette...

Oh ! je la veux moi aussi ! Pourquoi les Bics m'ont-ils chassé ? Je ne leur voulais aucun mal. Je suis un salopard, comme eux. Si j'essayais d'entrer de nouveau, de leur expliquer ? Je vais frapper au volet, quelques petits coups, puis plus fort. Il semble que le bistrot soit vide. On ne répond pas, ça ne bouge pas. Je n’ose pas appeler.

Je commence à avoir froid. Mais je n’arrive pas à quitter la place. Gaupette ne couchera tout de même pas là. Si les deux filles sortent seules, je les aborde au coin de la rue. J’attendrai leur sortie, le temps qu’il faut.

Mais personne ne sort plus de ce borgnard. Tout est éteint en bas ; aux étages, il n’y a plus que deux fenêtres vaguement éclairées. Je n’y comprends plus rien. Je m’avise enfin, en contournant les bicoques voisines, d’aller jeter un coup d’œil cinq ou six mètres de la bâtisses, fermant sans doute une sorte de cour. Il y a une porte dans ce mur. En face, une ruelle, toute droite, bordée d’entrepôts noirs, conduit à une espèce de boulevard mieux éclairé que le reste de ce lugubre quartier. Elles ont pu s’en aller par là. Ce doit être la sortie des initiés. A moins qu’elles ne couchent ici. Serait-ce plus incroyable que le reste.

Je suis là depuis près de trois heures, et il en est bientôt onze. Je suis transi, écœuré, furieux. Je n’ai plus qu’à rentrer chez moi. Mais je me perds dans ces "chemins", ces rues inconnues, cet effrayant faubourg où il semble que je sois seul vivant. J’aperçois enfin un taxi. Tant pis pour la dépense.

Auteur: Rebatet Lucien

Info: les deux étendards (1952, 1312 p., Gallimard) p. 722-727

[ vulgarité ] [ laideur ] [ hostilité étrangère ] [ agressivité allogène ] [ fantasme ] [ sexe ] [ baston ] [ tabassage ]

 
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