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causes-effets

Mantharâ détestait son ombre. C’était une chose que d’être bossue, c’en était une autre que de voir sa difformité s’étaler sur un mur, dix fois plus grande que nature. Malheureusement, la servante chargée de la torche, trop lente à descendre du carrosse, la suivait au lieu de la précéder. La flamme vacillante faisait fuir l’ombre de Mantharâ devant elle, danser sa silhouette sur les pavés de la rue puis sur la paroi à l’extrémité de l’impasse. A cette heure tardive, après plusieurs nuits blanches d’attente anxieuse, cette vision était plus que l’infirme n’en pouvait supporter. Elle se retourna brusquement, faisant sursauter la servante avant même que la gifle ne s’abattit sur sa joue. La fille laissa échapper un couinement, mais ne lâcha pas la masâl*. Malgré la faible clarté de la torche, la marque des longs doigts osseux se dessinait aussi nettement que des cils sur sa peau pâle. Elle fixa intensément Mantharâ, se demandant quelle erreur elle avait commise, mais la bossue ne se donna pas la peine de l’en informer. Déjà, elle était repartie de sa démarche traînante vers le fond de l’impasse.

Auteur: Ashok Kumar Banker

Info: Le Râmâyana, Tome 1 : Le prince d'Ayodiâ, *torche

[ rapports-humains ] [ incompréhension ]

 

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saison estivale

La fin de l'été, aux Solovki, fait penser à un rêve : l'horizon émerge des brumes comme une histoire interrompue au milieu d'un mot, le ciel est gris cendré, la mer d'un gris nacré, et dans l'air c'est l'été de la Saint-Martin. Çà et là, les bouleaux s'enflamment, les herbes jaunissent, la mousse embaume. La terre est recouverte d'une brume grise où dorment prés et marécages ; les lacs aussi semblent sommeiller, rêvant des arbres et des gens penchés au-dessus d'eux. Les gens s'attristent de voir l'été finir et boivent pour prolonger ce rêve. Seulement parmi les oiseaux retentit le vacarme qui précède le voyage : les canards apprennent à nager à leurs petits, les vanneaux pressent au départ, les canards mandarins s'énervent, et les plongeons manigancent quelque chose. Brusquement l'automne est là... ... Nous salons harengs et bolets. Les nuits, sur l'archipel rallongent, comme les ombres des jours, et il fait noir comme dans un four. On aperçoit seulement par moments, tout à coup, des éclats de lumière dans le ciel, comme si elle sourdait de l'autre monde. C'est une sévernoïe sïanié, une aurore boréale...

Auteur: Wilk Mariusz

Info: Le Journal d'un loup, p85-86

[ été indien ] [ littérature ]

 

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existence

Harry s'assit à une table bancale. Le café était bon. Trente-huit ans, une vie ratée. Sirotant son café, il se rappela ses conneries - et ses bons moments. Il en avait tout simplement eu ras le bol - de la valse des assurances, des petits boulots, des hautes cloisons vitrées, des clients : il avait tout bonnement eu ras le bol de tromper sa femme, de coincer les secrétaires dans l'ascenseur et les couloirs ; ras le bol des fêtes de Noël et du Nouvel An et des anniversaires, des traites à payer pour la voiture neuve ou le mobilier - l'eau, le gaz et l'électricité - toute la saloperie écœurante du quotidien.
Il en avait eu ras le bol et il s'était tiré, point final. Le divorce arriva assez vite, l'alcool arriva assez vite, et brusquement il se retrouva dans le vide. Il ne possédait rien, il découvrit que le dénuement aussi était difficile à assumer. C'était un fardeau d'un autre style. Si seulement il existait une solution intermédiaire acceptable. Apparemment, on n'avait le choix qu'entre deux voies : persévérer dans l'arnaque ou devenir un clochard.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Au sud de nulle part" pages 64-65

[ résumé ] [ crise ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

végétaux

Les plantes génèrent des signaux électriques susceptibles d'être perçus par d'autres plantes, par des insectes ou d'autres animaux. [...] On fixa des électrodes à des feuilles et à la tige d'une plante de philodendron. Ensuite dix humains furent introduits dans la pièce un par un et se tinrent devant la plante ou l'effleurèrent. Lorsqu'un des participants déchira quelques feuilles de la plante, son activité électrique monta en flèches. Le jour suivant les dix personnes retournèrent une par une dans la pièce et se tinrent à côté d'elle. Lorsque l'individu qui avait endommagé les feuilles de la plante le jour précèdent pénétra dans la salle, l'activité électrique de la plante augmenta de nouveau brusquement. Les chercheurs installèrent alors dans la pièce d'autres plantes avec le philodendron. Le jour d'après chacune des dix personnes revint dans la salle où se trouvait le groupe de plantes. Lorsque le "tueur de feuilles" arriva, le philodendron envoya ce qui devait être de puissant signaux d'avertissement. Les autres avait dû capter cette alarmes car lorsque le "tueur de feuilles" revint le quatrième jour, toutes les plantes dans la pièce virent leur activité électrique augmenter - presque à l'unisson.

Auteur: Shanor Nesbitt Karen

Info: Les souris gloussent, les chauves-souris chantent

[ animaux ] [ humains ] [ interactions ] [ communication ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

désir de complétude

Obsédé par la guérison du genre humain, Auguste Comte en arrive presque, génialement, à inventer une partie du freudisme cinquante ans avant Freud. En affirmant que l’activité du cerveau n’est pas isolable de celle de l’organisme. […] Au premier tome de sa Politique positive, on trouve une classification systématique des "dix-huit fonctions intérieures du cerveau". Il a passé trois ans, de 1846 à 1850, à y travailler. C’est son "tableau systématique de l’âme". L’ennui est que tout cela est présenté dans l’optique du rétablissement d’une harmonie originaire qui aurait été brisée mais serait restaurable. Cette Harmonie est fondamentale dans l’économie de l’organisation dixneuviémiste. Rien ne prouve, n’est-ce pas, qu’il y aurait à la base une béance, un manque, un trou. Pourquoi pas plutôt une Harmonie oubliée ? A tous les niveaux – poétique, politique, philosophique, idéologique – de la sublimation sexuelle, le 19e est mobilisé par le militantisme de l’Harmonie. Ce qui explique d’ailleurs en partie la répulsion générale, plus tard, pour l’intervention de Freud remettant le genre humain dans son ornière de castration. Réactualisant brusquement sous d’autres noms la dissonance qui constitue le sujet alors que celui-ci vient justement de se persuader qu’il était tombé d’une Harmonie indicible.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", page 78

[ positivisme ] [ psychanalyse ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

printemps

Un grand souffle chaud parcourt depuis huit jours la vallée de Chamonix. Venant d'Italie, le vent s'engouffre dans le corridor de la mer de Glace, vient heurter les raides pentes herbeuses de l'aiguille à Bochard, puis retombe comme une haleine tiède sur les étroites prairies qui bordent l'Arve, faisant éclore brusquement en une nuit l'admirable flore alpestre. Chaque jour la vieille neige de l'hiver recule, monte, se réfugie dans les alpages, puis plus haut dans les grands couloirs et dans les glaciers... On peut suivre cette progression du printemps : c'est comme un immense assaut que donne la nature à la montagne. Les forêts toutes rougies par les gels et les tourments reverdissent de jeunes pousses d'un vert très tendre, mais plus haut, vers les deux mile, tout est encore brûlé. Les névés fondent les uns après les autres, laissant sur le paysage une tache rougeâtre. On dirait une plaie mal guérie ; cela fait comme une croûte qu'on aurait arrachée et qui laisserait dessous le ton plus clair de la peau mal formée. Puis, ces plaies des alpages se cicatrisent à leur tour, verdissent, et le gazon dru des altitudes vient unifier la teinte fraîche de la montagne.

Auteur: Frison-Roche Roger

Info: Premier de cordée

 

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duel

La plate-forme sur laquelle nous devions nous battre formait presque un triangle régulier. De l'un des angles en saillie nous mesurâmes six pas et nous décidâmes que celui qui devrait subir le premier feu se placerait à l'angle même, le dos tourné au gouffre, et changerait de place avec son adversaire s'il n'était pas tué.

J'étais décidé à laisser tous les avantages à Groutchnitski ; je voulais l'éprouver. Dans son âme pouvait s'allumer une étincelle de générosité et alors tout s'arrangerait pour le mieux. Mais l'amour-propre et sa faiblesse de caractère devaient triompher de lui. Je voulais me mettre complètement dans le droit de ne pas l'épargner si le sort me favorisait. Qui n'aurait pas pris de telles précautions avec sa conscience ?

- Tirez au sort, docteur, dit le capitaine.

Le docteur prit dans sa poche une pièce d'argent et la jeta en l'air.

- Pile ! cria Groutschnitski brusquement comme un homme qui est réveillé tout à coup par la main d'un ami qui l'avertit d'un danger.

- Face ! dis-je.

La pièce tourna sur elle-même et tomba à terre ; tous se précipitèrent sur elle.

Auteur: Lermontov Mikhail Yuryevich

Info: Un héros de notre temps

[ hasard ] [ roulette russe ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

socialisme

[Claude Henry de] Saint-Simon a voyagé en Amérique et en Espagne. La Révolution l’a converti, il a changé brusquement de nom, s’est rebaptisé Claude-Henri Bonhomme. Et "Citoyen" bien entendu pour effacer la particule, cette surenchère du passé dans l’individuation que représentait la particularisation. Purification, a-t-il dit, par un baptême républicain de la "tache de son péché originel" qui le détachait de l’indistinct, de l’ensemble indéterminé des hommes. Il a donc dépouillé le vieil homme pour revêtir le bonhomme…
La Révolution a failli, lui aussi, comme tant d’autres, le dévorer. Onze mois de prison sous la Terreur. Une nuit de son incarcération, l’ombre de Charlemagne lui est apparue. Autant dire le spectre de son nom refoulé puisque chez les Saint-Simon, on a toujours raconté qu’on descendait de Charlemagne.
"Mon fils, a dit le vieil Empereur, tes succès comme philosophe égaleront ceux que j’ai obtenus comme militaire et comme politique. "
Ainsi lui parla Charlemagne.
J’abrège ses inventions, ses trafics. Sous le Directoire, il imagine un jeu de cartes où le Génie, la Liberté et l’Egalité remplacent les Rois et les Valets. Inégalitarisme des cartes à jouer, s’indigne-t-il brusquement. Il faut que la justice sociale passe aussi dans le hasard des cartes.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", pages 130-131

[ précurseur ] [ anecdotes ] [ histoire ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-hommes

Georges était venu ; et, comme si la barre d’appui lui eût paru trop courte, il prit Nana par la taille, il appuya la tête à son épaule. Le temps avait brusquement changé, un ciel pur se creusait, tandis qu’une lune ronde éclairait la campagne d’une nappe d’or. C’était une paix souveraine, un élargissement du vallon s’ouvrant sur l’immensité de la plaine, où les arbres faisaient des îlots d’ombre, dans le lac immobile des clartés. Et Nana s’attendrissait, se sentait redevenir petite. Pour sûr, elle avait rêvé des nuits pareilles, à une époque de sa vie qu’elle ne se rappelait plus. Tout ce qui lui arrivait depuis sa descente de wagon, cette campagne si grande, ces herbes qui sentaient fort, cette maison, ces légumes, tout ça la bouleversait, au point qu’elle croyait avoir quitté Paris depuis vingt ans. Son existence d’hier était loin. Elle éprouvait des choses qu’elle ne savait pas. Georges, cependant, lui mettait sur le cou de petits baisers câlins, ce qui augmentait son trouble. D’une main hésitante, elle le repoussait comme un enfant dont la tendresse fatigue, et elle répétait qu’il fallait partir. Lui, ne disait pas non ; tout à l’heure, il partirait tout à l’heure.

Auteur: Zola Emile

Info: Les Rougon-Macquart, tome 9 : Nana

[ femme-par-homme ] [ envoûtée ] [ dépaysée ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

onrisme

Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu'il serait artisan.

Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommes suivis par des ennemis, et agités par ces fantômes pénibles, et qu'on passât tous les jours en diverses occupations, comme quand on fait voyage, on souffrirait presque autant que si cela était véritable, et on appréhenderait de dormir, comme on appréhende le réveil quand on craint d'entrer dans de tels malheurs en effet. Et en effet il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité.

Mais parce que les songes sont tous différents, et qu'un même se diversifie, ce qu'on y voit affecte bien moins que ce qu'on voit en veillant, à cause de la continuité, qui n'est pourtant pas si continue et égale qu'elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n'est rarement comme quand on voyage ; et alors on dit : "il me semble que je rêve" ; car la vie est un songe un peu moins inconstant.

Auteur: Pascal Blaise

Info: Pensées, Oeuvres complètes, la Pléiade, nrf Gallimard 1954 380 p.1188

[ rêves ] [ seconde réalité ]

 

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