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résistant-occupant

- J’y vais, dit l’ouvrier.

- Tu y vas ?

- Je veux apprendre à fond.

- Tu veux peut-être apprendre un peu trop.

- C’est que j’aime ça.

- Alors, vas-y.

L’ouvrier prit, sous le siège, un revolver.

- Attention : cette fois-ci, c’est face à face.

- C’est ça que je veux apprendre.

L’ouvrier descendit.

- Nous allons jusque sous le pont du chemin de fer. Rejoins-nous là avec la moto.

Un bref coup de klakson, interrogatif, parvint de Metastase. Les deux camions repartirent. L’ouvrier entra dans la maison.

- Une petite grappa ?

- Pas de grappa.

C’était une vieille derrière le comptoir.

- Quelque chose de chaud ?

- Rien de chaud.

- Même si j’attends ?

- Si vous attendez, oui. Du café de chicorée.

- Je vais attendre. Ce sera long ?

-I l faut que le percolateur chauffe. Je viens de l’allumer.

Il s’assit à un guéridon de fer, regarda et vit l’Allemand, assis, dans le coin près de la porte, qui attendait, lui aussi.

Il lui fit un clin d’œil.

- Hein ? demanda l’Allemand.

Ce n’était plus un jeune homme, il avait sur la poitrine un petit ruban, celui d’une campagne, non point celui d’une décoration. Et sa voix fut très timide. "Hein ?" demanda-t-il.

L’ouvrier détourna de lui son petit visage.

Bon Dieu de bon Dieu ! pensa-t-il. Qu’avait donc un Allemand à être triste comme ça ?

Il était assis, les jambes écartées, le dos appuyé au dossier de la chaise, la tête un peu en arrière, et le visage triste, perdu, un visage las d’ouvrier.

Bon Dieu de bon Dieu ! N’était-il donc pas vainqueur ? N’était-il pas en terre conquise ? Qu’avait donc à être triste comme ça, un Allemand qui était vainqueur ?

Il le regarda de nouveau, et vit que l’autre ne le regardait pas. Il avait baissé davantage encore les yeux, comme humilié. Un moment, il observa ses mains ; d’un côté, de l’autre, les deux à la fois, et ce fut un geste long comme en font seulement les ouvriers.

Bon Dieu de bon Dieu ! se dit-il de nouveau.

Il le vit non sous l’uniforme, mais tel qu’il avait pu être : des vêtements de travail humain sur le dos, un béret de mineur sur la tête.

[…]

Il se leva, une main dans la poche, et il s’approcha de la porte.

Il l’ouvrit.

L’Allemand leva la tête et, tristement, lui sourit ; doucement aussi. Il semblait que l’on vît sur son visage ce qu’était la crasse du charbon.

Il sortit.

Bon Dieu de bon Dieu ! pensait-il. Il prit la moto et mit plein gaz.

Auteur: Vittorini Elio

Info: Dans "Les hommes et les autres", trad. Michel Arnaud, éd. Gallimard, 1947, pages 243-245

[ ennemi ] [ inquiétante ressemblance ] [ seconde guerre mondiale ] [ entre civils ] [ naturelle empathie ]

 
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isolement

Un vieil ouvrier français me posa un jour la question suivante : "Autrefois, nous étions plus pauvres qu’aujourd’hui, nos conditions de vie étaient plus dures et cependant nous nous sentions très près les uns des autres. Maintenant que notre sort matériel s’est amélioré, l’esprit d’équipe et d’entraide n’est plus aussi fort : on dirait qu’à mesure que le bien-être augmente, la fraternité diminue. Comment cela se fait-il ?"

Cette remarque, faite au sujet du monde industriel, a une portée universelle. Le monde agricole a subi, dans ce dernier quart de siècle, une évolution analogue. Les paysans d’autrefois étaient liés les uns aux autres par un réseau très serré d’échanges et de services : travaux en commun, relations de voisinage, veillées d’hiver qui réunissaient plusieurs familles, réjouissances locales, repas rituels à l’occasion des moissons et des vendanges, soin des malades, aide aux indigents, etc. Aujourd’hui, à quelques exceptions près, chacun vit chez soi et pour soi (la naissance des coopératives, dictée par l’intérêt matériel, n’a pas compensé cette perte de chaleur et d’intimité) – et ce qui reste du village n’est plus qu’un foyer de cendre et d’ennui, ce qui, soit dit en passant, est une des causes majeures de la désertion des campagnes.

A quoi tient cette montée de l’individualisme, précisément à une époque où l’on ne parle que du "social" ?

Tout simplement à ceci : les hommes d’autrefois n’avaient presque pas de possibilité d’échange en dehors de l’horizon étroit de leur communauté d’origine ou de travail. Autrement dit, ils avaient besoin de leur prochain immédiat à tous les niveaux de leur existence.

L’entraide en effet est une nécessité vitale dans toutes les sociétés élémentaires. Plus les hommes mènent une existence pauvre et menacée, plus leur tâche est dure et leur avenir incertain, moins ils peuvent s’offrir le luxe d’être égoïstes. Et c’est dans ce sens que le bien-être favorise l’individualisme. [...] Il faut tenir compte aussi du rôle toujours croissant de l’Etat ou d’organismes paraétatiques dans tous les domaines de la sécurité. [...] Le recours au prochain ne s’impose plus avec la même urgence : les liens administratifs remplacent les liens vitaux, la charité se fait impersonnelle et bureaucratique.

Il en va de même en ce qui concerne les plaisirs et les distractions. La lecture, le cinéma, la télévision, les voyages permettent à l’individu de "s’évader" sans le secours de ses camarades ou de ses voisins. Et de là résulte aussi le dépérissement de la vie familiale et locale.

Ainsi s’effacent les échanges d’homme à homme : il ne reste plus que l’individu perdu dans la foule anonyme.

Est-ce à dire que nous devrions regretter l’indigence et l’insécurité d’autrefois ? La question n’est pas là : nous savons bien que le petit groupe ne peut plus se suffire à lui-même dans une société qui vit à l’échelle planétaire. Mais ce petit groupe n’en reste pas moins le ferment essentiel d’une civilisation à la mesure de l’homme – et notre unique refuge contre les menaces du collectivisme et de la technocratie.

Auteur: Thibon Gustave

Info: Dans "L'équilibre et l'harmonie", Librairie Arthème, Fayard, 1976, pages 25-26

[ repli ] [ modernité ] [ tribalisme perdu ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

poème

Quiconque aura premier la main embesongnée
A te couper, forest, d'une dure congnée,
Qu'il puisse s'enferrer de son propre baston,
Et sente en l'estomac la faim d'Erisichton,
Qui coupa de Cerés le Chesne venerable
Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
Les bœufs et les moutons de sa mère esgorgea,
Puis pressé de la faim, soy-mesme se mangea :
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se devore après par les dents de la guerre.

Qu'il puisse pour vanger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l'usurier, et qu'en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme.

Que tousjours sans repos ne face en son cerveau
Que tramer pour-neant quelque dessein nouveau,
Porté d'impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse.

Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras)
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,
Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force
Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ?
Sacrilege meurdrier, si on prend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de destresses
Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere
Plus du Soleil d'Esté ne rompra la lumiere.

Plus l'amoureux Pasteur sur un tronq adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé,
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet : Echo sera sans voix :
Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue :
Tu perdras ton silence, et haletans d'effroy
Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy.

Adieu vieille forest, le jouët de Zephyre,
Où premier j'accorday les langues de ma lyre,
Où premier j'entendi les fleches resonner
D'Apollon, qui me vint tout le coeur estonner :
Où premier admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jetta,
Et de son propre laict Euterpe m'allaita.

Adieu vieille forest, adieu testes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le desdain des passans alterez,
Qui bruslez en Esté des rayons etherez,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent vos meurtriers, et leur disent injures.

Adieu Chesnes, couronne aux vaillans citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnastes à repaistre,
Peuples vrayment ingrats, qui n'ont sceu recognoistre
Les biens receus de vous, peuples vraiment grossiers,
De massacrer ainsi nos peres nourriciers.

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !
Ô Dieux, que véritable est la Philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin perira,
Et qu'en changeant de forme une autre vestira :
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cyme d'Athos une large campagne,
Neptune quelquefois de blé sera couvert.
La matiere demeure, et la forme se perd.

Auteur: Ronsard Pierre de

Info: Contre les bucherons de la forest de Gastine, Elégie

[ abattage ] [ havage ]

 

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sciences

Le plus ancien village d'agriculteurs de toutes les îles méditerranéennes vient d'être découvert à Chypre par une équipe d'archéologues français impliquant notamment le CNRS, le Muséum national d'Histoire naturelle, l'INRAP, l'EHESS et l'Université de Toulouse II, le Mirail. On pensait jusqu'à présent qu'en raison de son insularité, Chypre avait été atteinte par les premières sociétés agricoles néolithiques, mille ans après la naissance de l'agriculture au Proche-Orient (aux alentours de 9 500/9 400 avant J-C). La découverte de Klimonas, village daté de presque 9000 ans avant J.-C, prouve au contraire que ces premières sociétés agricoles ont migré peu de temps après les débuts de l'agriculture depuis le continent proche-oriental. Elles ont apporté à Chypre le blé, mais aussi des chiens et des chats. Ces résultats illustrent aussi la maîtrise précoce de la navigation de ces populations. Ils sont publiés par la revue Proceedings of the National Academy of Science (PNAS).
Les villageois sédentaires du Néolithique ancien ont commencé à cultiver des céréales sauvages au Proche-Orient, aux alentours de 9 500 av. J.-C. De récentes découvertes ont montré que l'île de Chypre était alors fréquentée par des groupes humains, mais les premières traces attestant de la culture des céréales et de la construction de villages n'étaient jusqu'à présent pas antérieures à 8 400 av. J.-C. Les résultats récents des fouilles archéologiques de Klimonas démontrent que de véritables communautés villageoises étaient installées à Chypre entre 9 100 et 8 600 ans avant J-C. En effet, les archéologues ont trouvé sur le site les restes d'un bâtiment collectif en terre crue de 10 mètres de diamètre, semi-enterré, qui devait servir à rassembler les récoltes communes et autour duquel se regroupaient des constructions domestiques. A l'intérieur, les archéologues ont mis au jour quelques offrandes votives comme des flèches en silex ou des perles de pierre verte. Des restes très abondants d'objets (éclats de silex, outils en pierre, parures de coquillages...) ont été également découverts dans ce village. Ces outils de pierre et les constructions fabriquées par ces villageois ressemblent à ceux que l'on trouve sur les sites néolithiques contemporains du proche continent. Des restes de graines carbonisées de plantes locales et de céréales introduites depuis les côtes levantines (comme "l'amidonnier", l'un des premiers blés introduits du Proche-Orient) ont été également retrouvés à Klimonas.
L'analyse des ossements retrouvés sur le site permet de savoir que la viande consommée par ces populations provenait de la chasse d'un petit sanglier chypriote indigène (seul grand gibier présent sur l'île à cette époque) et que des chats et des petits chiens domestiques avaient été introduits depuis le continent. Ces découvertes montrent que ces premières sociétés agricoles ont migré depuis le continent peu après les débuts de l'agriculture et ces déplacements à grande distance au tout début du Néolithique témoignent de leur maîtrise de la navigation.
Le site de Klimonas est fouillé jusqu'à la fin du mois de mai 2012 et fera l'objet d'une nouvelle campagne de fouilles en 2013. Ces travaux impliquant plusieurs laboratoires de recherche (1) ont été financés par le CNRS, le projet européen Le CHE, le Muséum national d'Histoire naturelle, l'INRAP, le ministère des Affaires étrangères et européennes et l'Ecole française d'Athènes.

Auteur: Internet

Info:

[ historique ] [ être humain ]

 

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cité imaginaire

Pour vous parler de Penthesilea, je devrais commencer par vous décrire l'entrée de la ville. On imagine bien sûr voir un mur s'élever de la plaine poussiéreuse,  vous vous approchez pas à pas de la porte, gardée par les gabelleros qui regardent déjà de travers vos ballots. Tant que vous ne l'avez pas atteinte, vous êtes à l'extérieur ; vous passez sous une archivolte et vous vous retrouvez à l'intérieur de la ville ; son épaisseur compacte vous entoure ; gravé dans sa pierre, il y a un dessin qui se révélera à vous si vous suivez son chemin bordé d'arêtes. Si vous pensez cela, vous avez tort : à Pentesilea, c'est différent. Vous marchez depuis des heures et vous ne savez pas si vous êtes déjà au milieu de la ville ou encore à l'extérieur. Comme un lac peu profond qui disparaît dans les marais, Pentesilea s'étend sur des kilomètres dans une soupe de villes diluées dans la plaine : des maisons pâles qui se tournent le dos dans des prairies hirsutes, entre des clôtures de planches et de toits de tôle. De temps en temps, au bord de la route, un épaississement de bâtiments aux façades minces, hautes ou basses, basses comme dans un peigne édenté, ce qui semble indiquer qu'à partir de là le maillage de la ville se rétrécit. Au lieu de cela, vous continuez et vous trouvez d'autres terrains vagues, puis une banlieue d'ateliers et d'entrepôts rouillés, un cimetière, une foire avec des manèges, un abattoir, vous continuez le long d'une rue de magasins miteux qui se perd dans des parcelles de campagne dénudée. Les gens que tu rencontres, si tu leur demandes : - Pour Penthesilea ? - ils esquissent un vague geste circulaire dont on n'est pas sûr de la signification. Est-ce : "Ici", ou : "Plus loin", ou : "Tout autour", ou : "De l'autre côté". - La ville, - vous insistez votre demande. - Nous venons ici pour travailler tous les matins", répondent certains, et d'autres : "Nous revenons ici pour dormir. - Mais où habiter dans la ville ? - vous demandez. - Ce doit être,  disent-ils, - là-bas, - et certains lèvent le bras en oblique vers une concrétion de polyèdres opaques à l'horizon, tandis que d'autres pointent derrière vous le spectre d'autres coquilles. - Alors ai-je passé sans le remarquer ? - Non, essaiez de continuer. Vous continuez donc, passant d'une banlieue à l'autre, et le moment est venu de quitter Penthésilée. Vous demandez la sortie de la ville ; vous repassez le fil de banlieues éparpillées comme un pigment laiteux ; la nuit vient ; les fenêtres s'éclairent, tantôt plus clairsemées, tantôt plus denses. Existe-t'il une Penthésilée cachée dans une poche ou une ride de cet environnement délabré, reconnaissable et mémorisable par ceux qui y sont allés, ou si Penthésilée n'est qu'une périphérie d'elle-même et a son centre partout, vous avez renoncé à comprendre. La question qui commence maintenant à vous ronger l'esprit est plus angoissante : et en dehors de Penthésilée, y a-t-il un dehors ? Ou alors, quelle que soit la distance qui vous sépare de la ville, vous allez de limbes en limbes sans jamais en sortir ?

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ . ]

 

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communisme

Lénine meurt en 1924. La lutte pour sa succession s’engage presque aussitôt entre les deux bureaucrates les mieux placés : Staline et Trotsky [Trotski]. Ce dernier, doctrinaire et tribun, jouit d’une énorme popularité. Malheureusement pour lui, il s’appuie sur les couches inférieures du Parti, sur les cellules de base, les ouvriers d’usines, prouvant ainsi qu’il n’a rien, rien compris aux événements. Staline, lui, a vu clair. Il sait qu’en régime "socialiste", la réalité du pouvoir appartient, non au peuple, ni à la classe ouvrière, non pas même au Parti, dans son ensemble, mais aux sept ou huit membres qui constituent le Bureau politique du comité central. Il en est, mise sur eux, joue et gagne. Trotsky part en exil. Plus tard, il sera assassiné.

Staline est au pouvoir. C’est le premier "grand patron" du parti communiste qui soit vraiment un homme du peuple. Comme tel, il méprise le peuple, et vomit les idéologues, ces petits-bourgeois bavards et prétentieux qui, pendant des années, lui ont barré la route, l’ont regardé de haut en bas, l’ont abreuvé de citations de Marx... Lui, c’est un politique pur. Son but est simple : agrandir le pays, le faire craindre et respecter, et constituer enfin le Grand Empire panslave. Son instrument sera la bureaucratie, devenue classe dominante : ses ennemis : les ouvriers, les paysans et les intellectuels. 

Dès le début de son règne, il transforme les usines en casernes, réprime l’absentéisme, se sert des syndicats pour faire voter des résolutions "spontanées" visant à augmenter la production sans augmenter les salaires. Les militants serviles et arrivistes comme seuls peuvent l’être des révolutionnaires, entrent immédiatement dans le jeu. L’ouvrier russe, trahi par les siens, livré pieds et poings liés à l’État-patron, accusé, s’il proteste, de faire le jeu des ennemis du peuple, se résigne et se console toutes les fois qu’il le peut, en faisant de la reprise individuelle, c’est-à-dire en volant le matériel.

Il n’en est pas de même dans les campagnes, où Staline rétablit au profit de l’État bureaucratique, le régime féodal. Il prend la terre aux paysans, les encaserne dans les kolkhozes, et refait d’eux des serfs de la couronne. Les paysans prennent les armes, massacrent le bétail, provoquent la famine. C’est une véritable guerre. Bilan : sept millions de morts, d’après les évaluations les plus modérées...

Le reste va tout seul : les artisans, les femmes, sont prolétarisés de gré ou de force. Les écrivains eux-mêmes, les artistes, les penseurs, deviennent des agitateurs, des crétiniseurs à gages, des valets du régime. Ceux qui n’acceptent pas ce rôle sont immédiatement supprimés. Ceux qui l’acceptent se déshonorent, s’enivrent ou se suicident.

Enfin, pour couronner le tout, Staline organise les procès de Moscou, au cours desquels sont condamnés les anciens compagnons de Lénine. Il les accuse de trahison. Ce sont, bien entendu, des traîtres puisqu’ils sont léninistes, mais l’humour de Staline consiste à leur faire avouer qu’ils sont également traîtres au "socialisme". Ce qu’ils font, semble-t-il, avec une sorte de volupté. Après quoi ils vont à la mort au milieu de l’indifférence complète de la population car, au début des années 30 du siècle, le peuple russe est, de beaucoup, le plus dépolitisé d’Europe.

Auteur: Gripari Pierre

Info: Dans "La vie, la mort et la résurrection de Socrate-Marie-Gripotard", éditions de la Table Ronde, 1968, pages 49-50

[ histoire ] [ chronologie ] [ totalitarisme ]

 

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système politique mondial

Les utopistes ne sont pas des rêveurs - La nouvelle constitution vaudoise comme exemple pour le monde.

Nous ne voudrions pas pêcher par excès d’optimisme en affirmant que l’ère des arguments "pousse-à-jouir" de la société de consommation à entamé sa phase descendante. Certes ce passage à un nouveau système mettra du temps mais nous disons que l’heure n’est plus aux arguments maniaques destinés à rassurer le contribuable en lui faisant croire qu’un budget peut être tenu... que des dépenses sont sous contrôle… des impôts en diminution… l’argent redistribué… c’est une grande illusion, on vous dit…. une simple inertie des habitudes…

Dans ce même ordre d’idée comment voulez vous que notre futur ait de l’avenir quand, avant même que les citoyens aient élu la constituante, un avant-projet du groupe de travail pour la révision de la constitution vaudoise a déjà tout pré-maché, préétabli un carcan d’où on ne sortira plus : l’assemblée constituante ne s’occupera, on peut parier, qu’a modifier quelques détails. Inertie des habitudes… une fois de plus.

La solution est élémentaire : on change tout. …mais Ils sont flingués ceux là… oh, c’est comme s’ils criaient déjà, tous ces défenseurs d’une raison qui ne cherche qu’a justifier nos comportements compulsifs d’auto-accumulation de bien, de sécurité, de pouvoir… Eh bien non, ce canton à suffisamment d’expérience de la prospérité pour essayer d’en tirer quelques leçons, l’apanage du lieu pourrait-on dire. Comment voudriez vous expliquer à un Russe ou à un Burkinabé qui manquent de tout que trop manger est dangereux ?… La constitution vaudoise sera la goutte d’eau qui allumera cette mèche. L’humanité de demain s’en inspirera.

L’idée de base est très simple : le monde est une sphère… tous les lieux en sont le centre. Ainsi, le canton de Vaud, par une constitution révolutionnaire, s’affirmera comme le premier… celui qui a osé… l’exemple… le phare… la référence… le modèle pour les écoles de demain… celui qui aura posé la première pierre d’une planète unifiée, fédérée, constituée d’une myriade de petits états interdépendants. L’humanité n’est pas la somme de ses nations, elle est un être vivant… dont on a conscience de l’existence… dont on prend soin.

Nous pensons donc que les deux premiers articles de la future constitution devraient être libellés ainsi : - Le canton de Vaud est une république sociale et démocratique. - Le canton de Vaud est membre de la confédération des états souverains de la planète terre. Nous souhaiterions en outre que le vote obligatoire soit institué, avec comptabilisation des votes blanc. Une amende à définir étant établie comme mesure incitative. De plus la rédaction des textes constitutionnels et juridiques donne une littérature trop abondante et beaucoup trop précise. Nous disons dès lors qu'il faudra faire confiance au bon sens commun et stopper une sale habitude contemporaine qui amène les juristes à tant tourmenter les textes que l'esprit en est totalement expurgé. Il faudra donc procéder à un émondage drastique de ces articles à tous les niveaux.

Ainsi osons nous affirmer qu'avec cette constitution vaudoise, le village de Pompaple pourra aisément devenir un lieu de pèlerinage cosmique en tant que "milieu du monde" du canton qui aura initié ce processus grandiose.

Pour la liste 8 : Nicolas  "Loyon" Meyer et Michel "Lapèdze"  Gaillard, artisans musiciens et absolutistes vaudois

Auteur: Mg

Info: En 1999, lors de la campagne pour la constituante. Pour la liste 8 : Nicolas Loyon Meyer et Michel Lapèdze Gaillard, artisans musiciens et absolutistes vaudois

[ Suisse ] [ régionalisme ] [ glocalisation ] [ décentralisation ]

 

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protestantisme

En mai 1521 un disciple de Luther, le Bernhardi des thèses de 1518, donne l’exemple, étant prêtre et curé de Kempen, de contracter un mariage régulier. Le célibat des prêtres n’étant pas d’institution divine, Luther n’y trouve rien à redire, doctrinalement parlant. Pratiquement ? il est plutôt embarrassé, mécontent, un peu narquois. Cependant un vent de révolte souffle sur les couvents. Partout des religieux, des Augustins surtout, rompent la clôture et se muent en laïcs. Les voilà qui réclament le droit au mariage. Eux qui librement ont fait vœu de chasteté, peuvent-ils rompre ce vœu ? le peuvent-ils sans commettre ce que Luther en 1518 nommait le plus grave des sacrilèges ?

Il se trouve précisément quelqu’un pour dire oui, quelqu’un que connaît bien Luther : Carlstadt, l’ex-champion de Leipzig, depuis longtemps chanoine à Wittemberg, professeur à l’Université et archidiacre de la cathédrale. Nominalement désigné comme hérétique par la bulle Exsurge, cet homme opiniâtre, passionné et brouillon était parti, en mai 1521, au Danemark où le roi Christian II songeait à une réforme. Vite congédié, il revient à Wittemberg en juin et se jette en pleine mêlée. Tout de suite, la question du célibat l’attire. En attendant de la trancher pratiquement pour son compte — il célébrera son mariage le 26 décembre 1521 — il prétend la trancher doctrinalement pour les autres. A grands renforts de textes et de citations scripturaires, il établit sa thèse, claironne ses avis — et le retentissement de sa parole est grand.

Que dit cependant Luther ? Rien de curieux comme son attitude. D’abord il hésite. Il louvoie. Le mariage des religieux ? mais s’ils ont prononcé le vœu de chasteté, c’est de leur plein gré, librement, par choix. Comment pourraient-ils dès lors se délier ? La difficulté paraît insurmontable. Cependant Carlstadt continue sa campagne et Luther ses méditations. Et il hésite toujours. Il a des scrupules. Le 6 août 1521, il écrit encore à Spalatin ces mots amusants : "Par Dieu, nos Wittembergeois donneront femmes même aux moines ! A moi du moins, jamais !" Cependant il réfléchit. Il porte l’idée en lui. Elle l’habite, elle le travaille. Et brusquement, le 9 septembre 1521, une lettre part à l’adresse de Mélanchton. Luther a trouvé. Les arguments de Carlstadt ? défectueux. Son point de vue ? mal choisi. Le vrai, c’est que les vœux sont faits dans un esprit d’orgueil. C’est que les moines, quand ils les prononcent, les considèrent comme autant de bonnes œuvres, comptent sur eux pour s’acquérir la sainteté et, par-delà, l’éternelle béatitude. De tels vœux sont viciés. Ils sont mauvais. Ils sont nuls de plein droit.

Hésitation d’abord et recul instinctif devant la nouveauté révolutionnaire des solutions proposées, à l’école de la vie, par un Carlstadt. Puis, lent travail d’accommodation et de réflexion. D’une idée étrangère à Luther faire une idée luthérienne, qui puisse vraiment jaillir de la conscience profonde du réformateur : quand l’œuvre est accomplie ; quand Luther a pris possession réellement des pensées qui lui ont été comme tendues par autrui ; quand il les a rendues siennes, dans toute la force du terme : alors, une explosion soudaine, un de ces sauts brusques dont nous parlions plus haut. Et voilà l’hésitant du début, l’indécis, l’inquiet qui devance en pleine audace ceux qui l’ont mis en branle. Et voilà tout Luther, à cette date.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 138-139

[ assimilation personnelle ] [ hérésie ] [ légitimation ]

 

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santé numérique

Comment une société américaine siphonne les données de votre carte Vitale.

Une enquête de Cash Investigation révèle la mainmise du data broker IQVIA sur nos données de santé.

Dans l’enquête "Nos données valent de l’or", réalisée par Linda Bendali et qui sera diffusée ce jeudi 20 mai sur France 2 l’équipe d’Élise Lucet s’intéresse à la collecte, l’exploitation, la vente et l’ensemble du business juteux qui tourne autour des données personnelles.

Entre une exploration des pratiques des sites de vente ou de Doctissimo en matière de données, l’enquête s’arrête aussi sur un phénomène plus étonnant : IQVIA, société inconnue du grand public, est un data broker. Un courtier en données, en l’occurrence spécialisé dans le domaine de la santé, dont le fonds de commerce consiste à récolter des données afin de les revendre à des entreprises, pour que celles-ci puissent mieux cibler les utilisateurs dans leurs campagnes marketing.

IQVIA a obtenu, via un partenariat noué avec le réseau Pharmastat, la possibilité de récupérer les informations de vente de "plus de 14 000 pharmacies" sur le territoire français, soit plus de 60 % des pharmacies de métropole et DOM. Ce qui représente 40 millions des Français.

En un mot, lorsque vous présentez votre carte Vitale pour récupérer un traitement prescrit dans ces pharmacies, vos informations d’achat sont transmises à la société. Par l’entremise d’un logiciel de traitement, transmis gracieusement par IQVIA aux pharmaciens, où ils entrent les données de leur client (numéro de Sécurité sociale, médicaments délivrés, etc.) En sus, lesdites pharmacies récupèrent la maigre somme de 6 euros par mois et des études de marché sur les ventes de médicaments proposées par IQVIA, selon Cash Investigation.

Toutefois, les pharmaciens sont peu au courant de la destination finale de ces données et leur utilisation, précise l’émission. Ils devraient pourtant informer les clients et leur demander leur aval pour l’utilisation de ces données de santé, selon une obligation mis en place par la CNIL. Cash Investigation a fait le test dans 200 pharmacies, sans trouver la trace d’un quelconque signalement.

La réponse de la CNIL

Dans un communiqué de presse diffusé le 17 mai, la CNIL, qui a autorisé IQVIA à mettre en place sa filiale française, précise que ces "entrepôts de données de santé" doivent être anonymisés. "En principe, les données stockées dans ces entrepôts ne comportent plus l’identité des personnes concernées : elles sont dites 'pseudonymisées'. La CNIL est attentive à ce que le degré de pseudonymisation rende la réidentification des personnes la plus difficile possible", souligne la Commission.

Elle affirme aussi que des "garanties" ont été mises en place en 2018, lors de l’autorisation délivrée à IQVIA. Celles-ci concernent la finalité de l’utilisation des données, l’obligation pour les pharmaciens de prévenir leur client ou la possibilité de refuser. Des garanties qui sont mises à mal par l’enquête de Cash Investigation.

"Le fonctionnement de l’entrepôt de données de la société IQVIA autorisé en 2018 a été mis en cause dans l’émission Cash Investigation qui sera diffusée le 20 mai prochain. La CNIL précise qu’à ce jour, elle n’a pas reçu de plainte relative au fonctionnement de cet entrepôt mais annonce, au regard des éléments portés à la connaissance du public, qu’elle diligentera des contrôles", conclut la CNIL.

Auteur: Internet

Info: Benjamin Bruel, 18/05/2021. https://techno.konbini.com

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Dès que j’avais un livre, mon premier soin était de m’enfermer avec dans ma chambre d’hôtel comme pour une séance d’initiation, et je ne décrochais pas avant d’en avoir terminé, qu’il eût deux cents ou mille pages. Lire les paroles qu’un homme, dont on ne connaît généralement ni le visage ni la vie, a écrites tout spécialement à votre intention sans oser espérer que vous les liriez un jour, vous qui êtes si loin, si loin sur d’autres continents, d’une autre langue. Peut-être habite-t-il une grande maison de campagne au bord du Tibre ou un quarante-septième étage dans New York illuminé, peut-être est-il en train de pêcher l’écrevisse, de piler la glace pour le whisky de cinq heures, de caresser sa femme sur le divan, de jouer avec ses enfants ou de se réveiller d’une sieste en songeant à tout ce qu’il voulait mettre de vérité dans ses livres, sincèrement persuadé de n’avoir pas réussi bien que tout y soit quand même, presque malgré lui. Il a écrit pour vous. Pour vous tous. Parce qu’il est venu au monde avec ce besoin de vider son sac qui le reprend périodiquement. Parce qu’il a vécu ce que nous vivons tous, qu’il a fait dans ses langes et bu au sein, il y a de cela trente ou cinquante ans, a épousé et trompé sa femme, a eu son compte d’emmerdements, a peiné et rigolé de bons coups dans sa vie, parce qu’il a eu faim de corps jeunes et de plats savoureux, et aussi de Dieu de temps à autre et qu’il n’a pas su concilier le tout de manière à être en règle avec lui-même. Il s’est mis à sa machine à écrire le jour où il était malheureux comme les pierres à cause d’un incident ridicule ou d’une vraie tragédie qu’il ne révèlera jamais sous son aspect authentique parce que cela lui est impossible. Mais il ne tient qu’à vous de reconstituer le drame à la lumière de votre propre expérience et tant pis si vous vous trompez du tout au tout sur cet homme qui n’est peut-être qu’un joyeux luron mythomane ou un saligaud de la pire espèce toujours prêt à baiser en douce la femme de son voisin. Qu’il ait pu écrire les deux cents pages que vous avez sous les yeux doit vous suffire. Qu’il soit l’auteur d’une seule petite phrase du genre : "A quoi vous tracasser pour si peu, allez donc faire un somme en attendant", le désigne déjà à nous comme un miracle vivant. Même si vous deviez oublier cette phrase aussitôt lue et n’y repenser que le jour où tout va de travers, à commencer par le réchaud à gaz ou la matrice de votre femme. Et si par hasard vous avez la prétention de devenir écrivain à votre tour, ce que je ne vous souhaite pas, lisez attentivement et sans relâche. Le Littré, les articles de dernière heure, les insertions nécrologiques, le bulletin des menstrues de Queen Lisbeth, lisez, lisez, lisez tout ce qui passe à votre portée. A moins que, comme ce fut souvent mon cas, vous n’ayez même pas de quoi vous achetez le journal du matin. Alors descendez dans le métro, asseyez-vous au chaud sur un banc poisseux --- et lisez ! Lisez les avis, les affiches, lisez les pancartes émaillées ou les papiers froissés dans la corbeille, lisez par-dessus l’épaule du voisin, mais lisez !...

Auteur: Calaferte Louis

Info: Le septentrion, N’OUBLIEZ PAS DE LIRE

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