homme-animal
Chez le villageois français de 1800, le cochon est l’animal domestique, qui souvent se promène librement dans la cour et dans la maison. Engraissé pendant un an, le cochon est abattu, généralement à la Toussaint, par un tueur de goret, maître local de l’art de la saignée. Ce tueur arrive équipé de tous ses outils, et les hommes de la famille l’aident dans son office : le cochon est pendu ou allongé, piqué à la carotide et saigné. Une fois mort, il est flambé, arrosé, raclé, puis suspendu, ouvert, éviscéré et dépecé. L’animal est ensuite entièrement transformé : pendant quelques jours, toute la famille, mais aussi souvent les voisins, participe au rituel, qui se clôt par un grand repas où les morceaux sont partagés. La tuerie du cochon est une fête qui marque le début de l’hiver et pendant laquelle un savoir et des gestes ancestraux sont transmis, par la répétition, des parents aux enfants. L’élevage, la tuerie, la transformation et la consommation : toutes ces étapes de production et de consommation sont mêlées, liées dans un continuum, selon une unité de temps, de lieu et d’acteurs.
Auteur:
Galluzzo Anthony
Années: 198? -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: maître de conférences, historien de la consommation et du marketing
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans "La fabrique du consommateur", éd. La découverte, Paris, 2020
[
viande
]
[
méthode traditionnelle
]
[
rite
]
[
faire boucherie
]
[
historique
]
politique
au pays des vampires
il est naturel
de se faire vampiriser
à tout moment
on en a l’habitude
on connaît les suceurs par cœur
on les reconnaît même déguisés
en angelots
alors quand on voyage dans d’autres contrées
nos globules rouges sont tellement affutées
qu’elles sentent le danger
sur 239 mille kilomètres carrés
elles reconnaissent ces malfaisants
même dissimulés en sociétés humanitaires
elles savent qu’ils ne sont jamais loin de la croix rouge
des dons et des collectes
ou bien des écrans plasma du pouvoir
pour combler leur soif
se faire des transfusions de masse
et voyager dans les vaisseaux de notre corps
quand bon leur semble
les copycats de dracula recourent à toutes les astuces
ils se constituent par exemple dans un parti sans idéologie
et légifèrent à droite et à gauche selon leurs flux veineux
pour justifier leurs immenses fortunes d’hémoglobine
garder leurs prérogatives sanguines
et couper la carotide à toute contestation
s’ils peuvent le faire
c’est que l’état est en phase terminale
mais dans une vraie démocratie
les vampires se font
du mauvais sang
Auteur:
Radu Bata
Années: 195? - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, poète
Continent – Pays: Europe - France ?
Info:
la greffe cardiaque / de dracula
[
poème
]
[
profiteurs
]
sécularisation
Le xvie siècle fut un équinoxe historique, où l’Idéal bafoué par les giboulées du sensualisme s’abattit enfin, racines en l’air. Le spirituel christianisme, sabordé dans ses méninges, saigné au tronc des carotides, vidé de sa plus intime substance, ne mourut pas, hélas ! Il devint idiot et déliquescent dans sa gloire percée.
Ce fut une convulsion terrible pendant cent ans, accompagnée d’un infiniment inutile et lamentable rappel des âmes. Notre circulante sphère parut rouler au travers des autres planètes comme un arrosoir de sang. Mais le martyre même ayant perdu sa vertu, la vieille bourbe originelle fut réintégrée triomphalement, toutes les portes des étables furent arrachées de leurs gonds et l’universelle porcherie moderne commença son bréneux exode.
Le christianisme, qui n’avait su ni vaincre ni mourir, fit alors comme tous les conquis. Il reçut la loi et paya l’impôt. Pour subsister, il se fit agréable, huileux et tiède. Silencieusement, il se coula par le trou des serrures, s’infiltra dans les boiseries, obtint d’être utilisé comme essence onctueuse pour donner du jeu aux institutions et devint ainsi un condiment subalterne, que tout cuisinier politique put employer ou rejeter à sa convenance. On eut le spectacle inattendu et délicieux, d’un christianisme converti à l’idolâtrie païenne, esclave respectueux des conculcateurs du Pauvre, et souriant acolyte des phallophores.
Miraculeusement édulcoré, l’ascétisme ancien s’assimila tous les sucres et tous les onguents pour se faire pardonner de ne pas être précisément la volupté, et devint, dans une religion de tolérance, cette chose plausible qu’on pourrait nommer le catinisme de la piété. Saint François de Sales apparut, en ces temps-là, juste au bon moment, pour tout enduire. De la tête aux pieds, l’Église fut collée de son miel, aromatisée de ses séraphiques pommades. La Société de Jésus, épuisée de ses trois ou quatre premiers grands hommes et ne donnant déjà plus qu’une vomitive resucée de ses apostoliques débuts, accueillit avec joie cette parfumerie théologique, où la gloire de Dieu, définitivement, s’achalanda. Les bouquets spirituels du prince de Genève furent offerts par de caressantes mains sacerdotales aux explorateurs du Tendre, qui dilatèrent aussitôt leur géographie pour y faire entrer un aussi charmant catholicisme… Et l’héroïque Moyen Âge fut enterré à dix mille pieds !…
Auteur:
Bloy Léon
Années: 1846 - 1917
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 226-228
[
décadence
]
[
religion traîtresse
]