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rêve

Sitôt après avoir bien déjeuné, le père Anselme rejoignit son potager. Il faisait encore trop chaud pour arroser. Il s'installa confortablement sur un banc, à l'ombre du figuier.

Les poireaux qui la veille étaient rangés comme de vaillants petits soldats, se mirent à se tordre dans tous les sens. Ils répétaient en chœur: Nous voulons marcher, courir, gambader et sauter dans les flaques quand il pleut.

— C'est impossible, vous n'avez qu'un seul pied, vous ne pourriez avancer qu'à cloche-pied, et croyez-moi, c'est très fatigant. Contentez-vous de grandir.

C'est alors qu'éclata un joyeux tumulte dans le carré des choux : Nous voulons qu'Anselme nous chante la chanson.

— Calmez-vous voyons, je ne sais pas chanter, et je ne connais aucune chanson.

— Tout le monde connaît cette chanson, elle est à la mode de chez nous. Tu dois savoir la chanter avec ton doigt, ton coude, ton genou, ton pied et ton nez.

— Bon, c'est d'accord, je m'en vais vous satisfaire, en essayant de ne point me rompre les os !

Le père Anselme se pencha, s'agenouilla et gesticula tant et si bien, que l'on crut voir dans le jardin, tourner le manège enchanté.

Le râteau enlaça la pelle en souriant de toutes ses dents, et l'entraîna dans un irrésistible pas de danse, tandis que la bêche marquait le tempo.

Les arrosoirs très excités, se prirent par la anse, faisant s'entrechoquer leurs corps d'acier, qui faillirent perdre leurs pommes!

Une sauterelle qui sautait dans l'herbette, s'écria: C'est jour de fête, faisons des galipettes, des bonds et des courbettes, de jolies pirouettes, sans pour autant perdre la tête !

Lili la tortue qui venait quémander une feuille de salade, fut tellement surprise de voir Anselme vagabonder à quatre pattes, qu'elle faillit tomber à la renverse.

Quand Anselme se releva, il crut naïvement avoir ramené la sérénité dans le potager.

C'était compter sans les carottes et les navets, qui se chamaillaient pour des broutilles sans intérêt, tandis que la terre bâillait d'ennui et se lamentait: Comment les faire taire, quelle galère ! Fort heureusement, il me reste mes chères pommes de terre qui se contentent de peu, et ne cessent de se multiplier sans rien demander.

Les carottes acceptaient les navets qui tournaient rond, mais détestaient ceux qui poussaient en long. De quel droit osez-t-ils imiter leur si gracieuse silhouette, alors qu'ils avaient cette peau blême, triste à pleurer !

Les navets accusaient les carottes de frivolité: Des coquettes dépourvues de jugeote, qui passaient la majeure partie de leur temps à peaufiner la beauté de leur teint, des prétentieuses ne songeant qu'à paraître afin d'occuper le devant de la scène !

Face à ces querelles de voisinage, Anselme se sentait impuissant et cela le rendait un peu triste. Mais une gentille coccinelle vint lui murmurer à l'oreille: Soyez sans crainte père Anselme, tout va bien, ce n'est pas la fin des haricots !

Justement, parlons-en des haricots ! C'est quoi cette manie qui les pousse à grimper toujours plus haut ! Impossible d'attraper les gousses qui pendent au sommet. Anselme aimerait voir ses bras s'allonger, devenir des rames capables d'accrocher les nuages.

Cela fit rire Zoé qui se balançait sur sa toile: Que tu es drôle père Anselme, que ferais-tu d'un nuage, cette chose molle, froide et mouillée ?

— Tu n'es qu'une minuscule araignée Zoé, qui ne voit pas plus loin que le bout de son fil !

— Peut-être, mais sur mon fil, je deviens funambule, tandis que toi sur tes deux pieds, tu es souvent bien ridicule ! Pourtant j'aime le bruit de ton pas, le son de ta voix, l'habileté de tes mains, et surtout ton regard quand il se perd dans les nuages.

— Je vais t‘expliquer pourquoi petite sorcière ? Quand je regarde les nuages, j'attrape des milliers de rêves qui me font la vie plus belle !

—Tu as parfois des idées bizarres père Anselme, si tu veux rêver, commence par dormir.

— C'est exactement ce que je vais faire. Rien de tel qu'une bonne sieste pour réconforter un vieux jardinier, dont les os commencent à rouiller.

Un bourdon curieux vint tournoyer autour du banc sur lequel Anselme s'était allongé, tandis qu'une fourmi intriguée lui chatouillait le menton, et qu'un lézard gris se promenait sur sa casquette.

Anselme sursauta, se redressa, se frotta les yeux et constata avec bonheur, que la paix régnait dans son jardin.

Auteur: Lacroix-Pesce Marie

Info: Chahut dans le potager !

[ conte ] [ historiette ] [ légumes ] [ comptine ]

 

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gilets jaunes

Cher Monsieur Macron,

Vous comprendrez que si c’est pour venir faire tapisserie le petit doigt en l’air au milieu des pitres façon BHL, Enthoven, ou des intellectuels de cour comme Patrick Boucheron, je préférerais avoir piscine ou même dîner avec François Hollande. Au moins votre invitation ajoute-t-elle un élément supplémentaire pour documenter votre conception du débat. Savez-vous qu’à part les éditorialistes qui vous servent de laquais et répètent en boucle que la-démocratie-c’est-le-débat, votre grand débat à vous, personne n’y croit ? Vous-même n’y croyez pas davantage. Dans une confidence récente à des journalistes, qui aurait gagné à recevoir plus de publicité, vous avez dit ceci : "Je ressoude, et dès que c’est consolidé je réattaque". C’est très frais. Vous ressoudez et vous réattaquez. C’est parfait, nous savons à quoi nous en tenir, nous aussi viendrons avec le chalumeau.

En réalité, sur la manière dont vous utilisez le langage pour "débattre" comme vous dites, nous sommes assez au clair depuis longtemps. C’est une manière particulière, dont on se souviendra, parce qu’elle aura fait entrer dans la réalité ce qu’un roman d’Orwell bien connu avait anticipé il y a 70 ans très exactement – au moins, après la grande réussite de votre itinérance mémorielle, on ne pourra pas dire que vous n’avez pas le sens des dates anniversaires. C’est une manière particulière d’user du langage en effet parce qu’elle n’est plus de l’ordre du simple mensonge.

Bien sûr, dans vos institutions, on continue de mentir, grossièrement, éhontément. Vos procureurs mentent, votre police ment, vos experts médicaux de service mentent – ce que vous avez tenté de faire à la mémoire d’Adama Traoré par experts interposés, par exemple, c’est immonde. Mais, serais-je presque tenté de dire, c’est du mensonge tristement ordinaire.

Vous et vos sbires ministériels venus de la start-up nation, c’est autre chose : vous détruisez le langage. Quand Mme Buzyn dit qu’elle supprime des lits pour améliorer la qualité des soins ; quand Mme Pénicaud dit que le démantèlement du code du travail étend les garanties des salariés ; quand Mme Vidal explique l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers par un souci d’équité financière ; quand vous-même présentez la loi sur la fake news comme un progrès de la liberté de la presse, la loi anti-casseur comme une protection du droit de manifester, ou quand vous nous expliquez que la suppression de l’ISF s’inscrit dans une politique de justice sociale, vous voyez bien qu’on est dans autre chose – autre chose que le simple mensonge. On est dans la destruction du langage et du sens même des mots.

Si des gens vous disent "Je ne peux faire qu’un repas tous les deux jours" et que vous leur répondez "Je suis content que vous ayez bien mangé", d’abord la discussion va vite devenir difficile, ensuite, forcément, parmi les affamés, il y en a qui vont se mettre en colère. De tous les arguments qui justifient amplement la rage qui s’est emparée du pays, il y a donc celui-ci qui, je crois, pèse également, à côté des 30 ans de violences sociales et des 3 mois de violences policières à vous faire payer : il y a que, face à des gens comme vous, qui détruisent à ce point le sens des mots – donc, pensez-y, la possibilité même de discuter –, la seule solution restante, j’en suis bien désolé, c’est de vous chasser.

Il y a peu encore, vous avez déclaré : "Répression, violences policières, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit". Mais M. Macron, vous êtes irréparable. Comment dire : dans un Etat de droit, ce ne sont pas ces mots, ce sont ces choses qui sont inacceptables. À une morte, 22 éborgnés et 5 mains arrachées, vous vous repoudrez la perruque et vous nous dites : "Je n’aime pas le terme répression, parce qu’il ne correspond pas à la réalité". La question – mais quasi-psychiatrique – qui s’en suit, c’est de savoir dans quelle réalité au juste vous demeurez.

Des éléments de réponse nous sont donnés par un article publié il y a de ça quelques jours par le Gorafi sous le titre : "Le comité de médecine du ministère de l’intérieur confirme que le LBD est bon pour la santé". On peut y lire ceci : "Christophe Castaner s’est réjoui des résultats des tests du comité de médecins et a aussitôt signé une ordonnance qualifiant de rébellion et outrage à agent toute personne qui mettrait en cause la fiabilité de cette étude". M. Macron, voyez-vous la minceur de l’écart qui vous tient encore séparé du Gorafi ? Vous êtes la gorafisation du monde en personne. Sauf que, normalement, le Gorafi, c’est pour rire. En réalité, personne ne veut vivre dans un monde gorafisé. Si donc le macronisme est un gorafisme mais pour de vrai, vous comprendrez qu’il va nous falloir ajuster nos moyens en conséquence. Et s’il est impossible de vous ramener à la raison, il faudra bien vous ramener à la maison.

Tous les glapissements éditorialistes du pays sur votre légitimité électorale ne pourront rien contre cette exigence élémentaire, et somme toute logique. En vérité, légitime, vous ne l’avez jamais été. Votre score électoral réel, c’est 10%. 10% c’est votre score de premier tour corrigé du taux d’abstention et surtout du vote utile puisque nous savons que près de la moitié de vos électeurs de premier tour ont voté non par adhésion à vos idées mais parce qu’on les avait suffisamment apeurés pour qu’ils choisissent l’option "ceinture et bretelles".

Mais quand bien même on vous accorderait cette fable de la légitimité électorale, il n’en reste plus rien au moment où vous avez fait du peuple un ennemi de l’État, peut-être même un ennemi personnel, en tout cas au moment où vous lui faites la guerre – avec des armes de guerre, et des blessures de guerre. Mesurez-vous à quel point vous êtes en train de vous couvrir de honte internationale ? Le Guardian, le New-York Times, et jusqu’au Financial Times, le Conseil de l’Europe, Amnesty International, l’ONU, tous sont effarés de votre violence. Même Erdogan et Salvini ont pu s’offrir ce plaisir de gourmets de vous faire la leçon en matière de démocratie et de modération, c’est dire jusqu’où vous êtes tombé.

Mais de l’international, il n’arrive pas que des motifs de honte pour vous : également des motifs d’espoir pour nous. Les Algériens sont en train de nous montrer comment on se débarrasse d’un pouvoir illégitime. C’est un très beau spectacle, aussi admirable que celui des Gilets Jaunes. Une pancarte, dont je ne sais si elle est algérienne ou française et ça n’a aucune importance, écrit ceci : "Macron soutient Boutef ; les Algériens soutiennent les Gilets Jaunes ; solidarité internationale". Et c’est exactement ça : solidarité internationale ; Boutef bientôt dégagé, Macron à dégager bientôt.

Dans le film de Perret et Ruffin, un monsieur qui a normalement plus l’âge des mots croisés que celui de l’émeute – mais on a l’âge de sa vitalité bien davantage que celui de son état civil –, un monsieur à casquette, donc, suggère qu’on monte des plaques de fer de 2 mètres par 3 sur des tracteurs ou des bulls, et que ce soit nous qui poussions les flics plutôt que l’inverse. C’est une idée. Un autre dit qu’il s’est mis à lire la Constitution à 46 ans alors qu’il n’avait jamais tenu un livre de sa vie. M. Macron je vous vois d’ici vous précipiter pour nous dire que voilà c’est ça qu’il faut faire, lisez la Constitution et oubliez bien vite ces sottes histoires de plaques de fer. Savez-vous qu’en réalité ce sont deux activités très complémentaires. Pour être tout à fait juste, il faudrait même dire que l’une ne va pas sans l’autre : pas de Constitution avant d’avoir passé le bull.

C’est ce que les Gilets Jaunes ont très bien compris, et c’est pourquoi ils sont en position de faire l’histoire. D’une certaine manière M. Macron, vous ne cessez de les y inviter. En embastillant un jeune homme qui joue du tambour, en laissant votre police écraser à coups de botte les lunettes d’un interpellé, ou violenter des Gilets Jaunes en fauteuil roulant – en fauteuil roulant ! –, vous fabriquez des images pour l’histoire, et vous appelez vous-même le grand vent de l’histoire.

Vous et vos semblables, qui vous en croyez la pointe avancée, il se pourrait que vous finissiez balayés par elle. C’est ainsi en effet que finissent les démolisseurs en général. Or c’est ce que vous êtes : des démolisseurs. Vous détruisez le travail, vous détruisez les territoires, vous détruisez les vies, et vous détruisez la planète. Si vous, vous n’avez plus aucune légitimité, le peuple, lui, a entièrement celle de résister à sa propre démolition – craignez même que dans l’élan de sa fureur il ne lui vienne le désir de démolir ses démolisseurs.

Comme en arriver là n’est souhaitable pour personne, il reste une solution simple, logique, et qui préserve l’intégrité de tous : M. Macron, il faut partir. M. Macron, rendez les clés.

Auteur: Lordon Fredéric

Info: sa réponse à l'invitation faite par Macron, à une centaine d'intellectuels français dans le cadre du "grand débat public " le 18 mars 2019

[ gaulois rétif ] [ révolution ] [ vacheries ]

 

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résonances organiques

Les avantages sociaux de la synchronisation de notre cerveau

Nos ondes cérébrales peuvent s'aligner lorsque nous travaillons et jouons en étroite collaboration. Le phénomène, connu sous le nom de synchronisation inter-cerveau, suggère que la collaboration est biologique.

(Photo : De plus en plus de recherches montrent comment l’activité neuronale peut se synchroniser entre plusieurs personnes, ce qui entraîne de meilleurs résultats sociaux et créatifs.)

Le célèbre duo de pianos polonais Marek et Wacek n'utilisait pas de partitions lors de ses concerts live. Et pourtant, sur scène, le duo semblait parfaitement synchronisé. Sur des pianos adjacents, ils reprenaient de manière ludique divers thèmes musicaux, mêlé musique classique et jazz et improvisé en temps réel. "Nous avons suivi le courant", a déclaré Marek Tomaszewski, qui a joué avec Wacek Kisielewski jusqu'à la mort de Wacek en 1986. "C'était un pur plaisir."

Les pianistes semblaient lire dans les pensées des autres en échangeant des regards. C’était, dit Marek, comme s’ils étaient sur la même longueur d’onde. Un nombre croissant de recherches suggèrent que cela aurait pu être littéralement vrai.

Des dizaines d'expériences récentes étudiant l'activité cérébrale de personnes qui se produisent et travaillent ensemble – pianistes en duo, joueurs de cartes, enseignants et étudiants, puzzleurs et autres – montrent que leurs ondes cérébrales peuvent s'aligner dans un phénomène connu sous le nom de synchronisation neuronale interpersonnelle, également connue sous le nom de synchronie inter-cerveau.

"De nombreuses recherches montrent désormais que les personnes qui interagissent ensemble présentent des activités neuronales coordonnées", a déclaré Giacomo Novembre, neuroscientifique cognitif à l'Institut italien de technologie de Rome, qui a publié l'été dernier un article clé sur ce sujet. Les études se sont multipliées au cours des dernières années – notamment la semaine dernière – au fur et à mesure que de nouveaux outils et des techniques améliorées ont affiné la science et la théorie.

Ils montrent que la synchronisation entre les cerveaux présente des avantages. Qui conduit à une meilleure résolution de problèmes, à un meilleur apprentissage et à une meilleure coopération, et même à des comportements qui aident les autres à leur dépens. De plus, des études récentes dans lesquelles les cerveaux ont été stimulés par un courant électrique suggèrent que la synchronisation elle-même pourrait entraîner l'amélioration des performances observée par les scientifiques.

" La cognition est quelque chose qui se produit non seulement dans le crâne, mais aussi en relation avec l'environnement et avec les autres ", a déclaré Guillaume Dumas, professeur de psychiatrie computationnelle à l'Université de Montréal. Comprendre quand et comment nos cerveaux se synchronisent pourrait nous aider à communiquer plus efficacement, à concevoir de meilleures salles de classe et à aider les équipes à coopérer.

Se synchroniser


Les humains, comme les autres animaux sociaux, ont tendance à synchroniser leurs comportements. Si vous marchez à côté de quelqu’un, vous commencerez probablement à marcher au pas. Si deux personnes s’assoient côte à côte dans des fauteuils à bascule, il y a de fortes chances qu’elles commencent à se balancer au même rythme.

Une telle synchronisation comportementale, selon les recherches, nous rend plus confiants, nous aide à créer des liens et stimule nos instincts sociaux. Dans une étude, danser de manière synchronisée permettait aux participants de se sentir émotionnellement proches les uns des autres – bien plus que pour les groupes qui se déplaçaient de manière asynchrone. Dans une autre étude, les participants qui scandaient des mots de manière rythmée étaient plus susceptibles de coopérer à un jeu d'investissement. Même une simple marche à l'unisson avec une personne issue d'une minorité ethnique peut réduire les préjugés.

" La coordination est une caractéristique de l’interaction sociale. C'est vraiment crucial " a déclaré Novembre. "Lorsque la coordination est altérée, l'interaction sociale est profondément altérée."

Lorsque nos mouvements se coordonnent, une myriade de synchronisations invisibles à l’œil nu se produisent également à l’intérieur de notre corps. Quand les gens tambourinent ensemble, leurs cœurs battent ensemble. Les fréquences cardiaques des thérapeutes et de leurs patients peuvent se synchroniser pendant les séances (surtout si la relation thérapeutique fonctionne bien), tout comme celles des couples mariés. D’autres processus physiologiques, tels que notre rythme respiratoire et nos niveaux de conductance cutanée, peuvent également correspondre à ceux d’autres personnes.

(Photo : Ce n’est qu’au cours des 20 dernières années qu’est apparue une technologie permettant aux neuroscientifiques d’étudier la synchronisation inter-cerveau. L'hyperscanning utilise la spectroscopie fonctionnelle proche infrarouge, portée sur un appareil semblable à un bonnet de bain, pour surveiller l'activité neuronale de plusieurs individus s'engageant socialement.)

L’activité de notre cerveau peut-elle se synchroniser ? En 1965, la revue Science a publié les résultats d’une expérience suggérant que c’était possible. Des scientifiques de l'Université Thomas Jefferson de Philadelphie ont testé des paires de jumeaux identiques en insérant des électrodes sous leur cuir chevelu pour mesurer leurs ondes cérébrales – une technique appelée électroencéphalographie. Les chercheurs ont rapporté que lorsque les jumeaux restaient dans des pièces séparées, si l’un d’eux fermait les yeux, les ondes cérébrales des deux reflétaient le même mouvement. Les pointes sur l'électroencéphalographe de l'un des jumeaux reflétaient celles de l'autre. L’étude était cependant erronée sur le plan méthodologique. Les chercheurs avaient testé plusieurs paires de jumeaux mais n'avaient publié les résultats que pour la paire dans laquelle ils avaient observé une synchronie. Voilà qui n’a pas aidé ce domaine universitaire en plein essor. Pendant des décennies, la recherche sur la synchronisation intercérébrale fut donc reléguée dans la catégorie des " étranges bizarreries paranormales " et n’a pas été prise au sérieux.

La réputation du domaine a commencé à changer au début des années 2000 avec la popularisation de l' hyperscanning, une technique qui permet aux scientifiques de scanner simultanément le cerveau de plusieurs personnes en interaction. Au début, cela impliquait de demander à des paires de volontaires de s'allonger dans des appareils d'IRMf séparés, ce qui limitait considérablement les types d'études que les scientifiques pouvaient réaliser. Les chercheurs ont finalement pu utiliser la spectroscopie fonctionnelle proche infrarouge (fNIRS), qui mesure l'activité des neurones dans les couches externes du cortex. Le grand avantage de cette technologie est sa facilité d'utilisation : les volontaires peuvent jouer de la batterie ou étudier dans une salle de classe tout en portant des bonnets fNIRS, qui ressemblent à des bonnets de bain avec une multitude de câbles qui dépassent.

Lorsque plusieurs personnes  interagissent tout en portant des casquettes fNIRS, les scientifiques ont commencé à découvrir une activité interneurale synchronisée dans des régions du cerveau, qui variaient selon la tâche et la configuration de l'étude. Ils ont également observé des ondes cérébrales, qui représentent des schémas électriques dans le déclenchement neuronal, se synchronisant sur plusieurs fréquences. Sur une lecture électroencéphalographique de deux cerveaux synchronisés, les lignes représentant l'activité neuronale de chaque personne fluctuent ensemble : chaque fois que l'une monte ou descend, l'autre fait de même, bien que parfois avec un décalage dans le temps. Parfois, des ondes cérébrales apparaissent dans des images en miroir – lorsque celles d’une personne montent, celles de l’autre descendent en même temps et avec une ampleur similaire – ce que certains chercheurs considèrent également comme une forme de synchronie.

Avec de nouveaux outils, il est devenu de plus en plus clair que la synchronisation inter-cerveau n’était ni un charabia métaphysique ni le produit de recherches erronées. "Le signal est définitivement là", a déclaré Antonia Hamilton , neuroscientifique sociale à l'University College de Londres. Ce qui s'est avéré plus difficile à comprendre, c'est comment deux cerveaux indépendants, dans deux corps distincts, pouvaient montrer une activité similaire dans l'espace. Maintenant, dit Hamilton, la grande question est : " Qu’est-ce que cela nous raconte ? "

La recette de la synchronisation

Novembre est fasciné depuis longtemps par la manière dont les humains se coordonnent pour atteindre des objectifs communs. Comment les musiciens – les pianistes en duo, par exemple – collaborent-ils si bien ? Pourtant, c'est en pensant aux animaux, comme les lucioles synchronisant leurs flashs, qu'il s'est mis sur la voie de l'étude des ingrédients nécessaires à l'apparition de la synchronisation inter-cerveau.

Étant donné que la synchronie est " si répandue parmi tant d’espèces différentes ", se souvient-il, " je me suis dit : OK, alors il pourrait y avoir un moyen très simple de l’expliquer. "

Novembre et ses collègues ont mis en place une expérience, publiée l'été dernier , dans laquelle des paires de volontaires ne faisaient que s'asseoir l'un en face de l'autre tandis qu'un équipement photographique suivait les mouvements de leurs yeux, de leur visage et de leur corps. Parfois, les volontaires pouvaient se voir ; à d'autres moments, ils étaient séparés par une cloison. Les chercheurs ont découvert que dès que les volontaires se regardaient dans les yeux, leurs ondes cérébrales se synchronisaient instantanément. Le sourire s’est avéré encore plus puissant pour aligner les ondes cérébrales.

" Il y a quelque chose de spontané dans la synchronisation", a déclaré Novembre.

Le mouvement est également lié à l’activité synchronisée des ondes cérébrales. Dans l'étude de Novembre, lorsque les gens bougeaient leur corps de manière synchronisée – si, par exemple, l'un levait la main et que l'autre faisait de même – leur activité neuronale correspondait, avec un léger décalage. Cependant, la synchronisation intercérébrale va au-delà de la simple reproduction des mouvements physiques. Dans une étude publiée l'automne dernier sur des pianistes jouant en duo, une rupture de la synchronisation comportementale n'a pas provoqué la désynchronisation des deux cerveaux.

Un autre ingrédient important de la synchronisation neuronale "face à face" semble être la prédiction mutuelle : anticiper les réponses et les comportements d'une autre personne. Chaque personne " bouge ses mains, son visage ou son corps, ou parle ", a expliqué Hamilton, " et réagit également aux actions de l'autre personne ". Par exemple, lorsque les gens jouaient au jeu de cartes italien Tressette, l'activité neuronale des partenaires se synchronisait, mais le cerveau de leurs adversaires ne s'alignait pas avec eux.

Le partage d’objectifs et l’attention commune semblent souvent cruciaux pour la synchronisation inter-cerveau. Dans une expérience menée en Chine, des groupes de trois personnes ont dû coopérer pour résoudre un problème. Se présenta un problème : l'un des membres de l'équipe était un chercheur qui faisait seulement semblant de s'engager dans la tâche, hochant la tête et commentant lorsque c'était approprié, mais ne se souciant pas vraiment du résultat. Son cerveau ne se synchronisait pas avec celui des véritables membres de l'équipe.

Cependant, certains critiques affirment que l’apparition d’une activité cérébrale synchronisée n’est pas la preuve d’une quelconque connexion, mais peut plutôt s’expliquer par la réaction des personnes à un environnement partagé. " Imaginez deux personnes écoutant la même station de radio dans deux pièces différentes ", a écrit Clay Holroyd, neuroscientifique cognitif à l'Université de Gand en Belgique qui n'étudie pas la synchronisation intercérébrale, dans un article de 2022 . "La synchronisation inter-cerveau pourrait augmenter pendant les chansons qu'ils apprécient  ensemble par rapport aux chansons qu'ils trouvent tous deux ennuyeuses, mais cela ne serait pas une conséquence d'un couplage direct de cerveau à cerveau."

Pour tester cette critique, des scientifiques de l'Université de Pittsburgh et de l'Université Temple ont conçu une expérience dans laquelle les participants travaillaient différemment sur une tâche ciblée : terminer un puzzle . Les volontaires ont soit assemblé un puzzle en collaboration, soit travaillé sur des puzzles identiques séparément, côte à côte. Même s’il existait une certaine synchronisation interneurale entre les chercheurs travaillant de manière indépendante, elle était bien plus importante chez ceux qui collaboraient.

Pour Novembre, ces découvertes et d’autres similaires suggèrent que la synchronisation intercérébrale est plus qu’un artefact environnemental. "Tant que vous mesurerez le cerveau lors d'une interaction sociale, vous devrez toujours faire face à ce problème", a-t-il déclaré. "Les cerveaux en interaction sociale seront exposés à des informations similaires."

(Photo : La Mutual Wave Machine, qui a fait le tour des villes du monde entier de 2013 à 2019, permet aux passants d'explorer la synchronisation intercérébrale par paires tout en générant des données pour la recherche en neurosciences.)

À moins qu’ils ne soient à des endroits différents, bien sûr. Pendant la pandémie, les chercheurs se sont intéressés à comprendre comment la synchronisation intercérébrale pourrait changer lorsque les gens parlent face à face par vidéo. Dans une étude, publiée fin 2022 , Dumas et ses collègues ont mesuré l'activité cérébrale des mères et de leurs préadolescents lorsqu'ils communiquaient par vidéo en ligne. Les cerveaux des couples étaient à peine synchronisés, bien moins que lorsqu'ils parlaient en vrai. Une telle mauvaise synchronisation inter-cerveau en ligne pourrait aider à expliquer pourquoi les réunions Zoom ont tendance à être si fatigantes, selon les auteurs de l'étude.

"Il manque beaucoup de choses dans un appel Zoom par rapport à une interaction en face à face", a déclaré Hamilton, qui n'a pas participé à la recherche. " Votre contact visuel est un peu différent parce que le positionnement de la caméra est incorrect. Plus important encore, votre attention commune est différente."

Identifier les ingrédients nécessaires à l'apparition de la synchronisation inter-cerveau – qu'il s'agisse d'un contact visuel, d'un sourire ou du partage d'un objectif – pourrait nous aider à mieux profiter des avantages de la synchronisation avec les autres. Lorsque nous sommes sur la même longueur d’onde, les choses deviennent tout simplement plus faciles.

Avantages émergents

La neuroscientifique cognitive Suzanne Dikker aime exprimer son côté créatif en utilisant l'art pour étudier le fonctionnement du cerveau humain. Pour capturer la notion insaisissable d’être sur la même longueur d’onde, elle et ses collègues ont créé la Mutual Wave Machine : mi-installation artistique, mi-expérience neurologique. Entre 2013 et 2019, les passants de diverses villes du monde – Madrid, New York, Toronto, Athènes, Moscou et autres – ont pu faire équipe avec une autre personne pour explorer la synchronisation interneurale. Ils sont assis dans deux structures en forme de coquille se faisant face tout en portant un casque électroencéphalographe pour mesurer leur activité cérébrale. Pendant qu’ils interagissent pendant 10 minutes, les coquilles s’éclairent avec des projections visuelles qui servaient de neurofeedback : plus les projections sont lumineuses, plus leurs ondes cérébrales sont couplées. Cependant, certaines paires n'étaient pas informées que la luminosité des projections reflétait leur niveau de synchronisation, tandis que d'autres voyaient de fausses projections.

Lorsque Dikker et ses collègues ont analysé les résultats, publiés en 2021, ils ont découvert que les couples qui savaient qu'ils voyaient du neurofeedback se synchronisaient davantage avec le temps – un effet motivé par leur motivation à rester concentrés sur leur partenaire, ont expliqué les chercheurs. Plus important encore, leur synchronisation accrue a augmenté le sentiment de connexion sociale entre les deux. Il est apparu qu’être sur la même longueur d’onde cérébrale pourrait aider à établir des relations.

Dikker a également étudié cette idée dans un cadre moins artistique : la salle de classe. Dans une salle de classe de fortune dans un laboratoire, un professeur de sciences du secondaire encadrait des groupes de quatre élèves maximum pendant que Dikker et ses collègues enregistraient leur activité cérébrale. Dans une étude publiée sur le serveur de prépublication biorxiv.org en 2019, les chercheurs ont rapporté que plus les cerveaux des étudiants et de l'enseignant étaient synchronisés, plus les étudiants retenaient le matériel lorsqu'ils étaient testés une semaine plus tard. Une analyse de 2022 portant sur 16 études a confirmé que la synchronisation intercérébrale est effectivement liée à un meilleur apprentissage.

" La personne qui prête le plus d'attention ou qui s'accroche le mieux au signal de l'orateur sera également la plus synchronisée avec d'autres personnes qui accordent également la plus grande attention à ce que dit l'orateur ", a déclaré Dikker.

Ce n'est pas seulement l'apprentissage qui semble stimulé lorsque nos cerveaux sont synchronisés, mais également les performances et la coopération de l'équipe. Dans une autre étude réalisée par Dikker et ses collègues, des groupes de quatre personnes ont réfléchi à des utilisations créatives d'une brique ou classé des éléments essentiels pour survivre à un accident d'avion. Les résultats ont montré que plus leurs ondes cérébrales étaient synchronisées, mieux ils effectuaient ces tâches en groupe. Entre-temps, d'autres études ont montré que les équipes neuronales synchronisées non seulement communiquent mieux, mais surpassent également les autres dans les activités créatives telles que l'interprétation de la poésie .

Alors que de nombreuses études ont établi un lien entre la synchronisation intercérébrale et un meilleur apprentissage et de meilleures performances, la question reste de savoir si la synchronisation entraîne réellement de telles améliorations. Serait-ce plutôt une mesure d’engagement ? "Les enfants qui prêtent attention à l'enseignant feront preuve d'une plus grande synchronisation avec cet enseignant parce qu'ils sont plus engagés", a déclaré Holroyd. "Mais cela ne signifie pas que les processus synchrones contribuent réellement d'une manière ou d'une autre à l'interaction et à l'apprentissage."

Pourtant, les expériences sur les animaux suggèrent que la synchronisation neuronale peut effectivement conduire à des changements de comportement. Lorsque l’activité neuronale des souris était mesurée en leur faisant porter de minuscules capteurs en forme de chapeau haut de forme, par exemple, la synchronisation inter-cerveau prédisait si et comment les animaux interagiraient dans le futur. "C'est une preuve assez solide qu'il existe une relation causale entre les deux", a déclaré Novembre.

Chez l’homme, les preuves les plus solides proviennent d’expériences utilisant la stimulation électrique du cerveau pour générer une synchronisation interneurale. Une fois les électrodes placées sur le cuir chevelu des personnes, des courants électriques peuvent passer entre les électrodes pour synchroniser l’activité neuronale du cerveau des personnes. En 2017, Novembre et son équipe ont réalisé la première de ces expériences. Les résultats suggèrent que la synchronisation des ondes cérébrales dans la bande bêta, liée aux fonctions motrices, améliore la capacité des participants à synchroniser les mouvements de leur corps – dans ce cas, en frappant un rythme avec leurs doigts.

Plusieurs études ont récemment reproduit les conclusions de Novembre. Fin 2023, des chercheurs ont découvert qu'une fois les ondes cérébrales synchronisées par stimulation électrique, leur capacité à coopérer dans un jeu informatique simple s'améliorait considérablement. Et l'été dernier d'autres scientifiques ont montré qu'une fois que deux cerveaux sont synchronisés, les gens parviennent mieux à transférer des informations et à se comprendre.

La science est nouvelle, donc le jury ne sait toujours pas s'il existe un véritable lien de causalité entre la synchronie et le comportement humain coopératif. Malgré cela, la science de la synchronisation neuronale nous montre déjà à quel point nous bénéficions lorsque nous faisons les choses en synchronisation avec les autres. Sur le plan biologique, nous sommes programmés pour nous connecter.


Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Marta Zaraska, 28 mars 2024

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