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sentence

Qu'est-ce que la maxime en effet ? On peut dire en simplifiant que c'est une équation où les signes du premier terme se retrouvent exactement dans le second, mais avec un ordre différent. C'est pour cela que la maxime idéale peut toujours être retournée. Toute sa vérité est en elle-même et pas plus que la formule algébrique, elle n'a de correspondant dans l'expérience. On peut en faire ce que l'on veut jusqu'à épuisement des combinaisons possibles entre les termes donnés dans l'énoncé, que ces termes soient amour, haine, intérêt ou pitié, liberté ou justice. On peut même, et toujours comme en algèbre, tirer de l'une de ces combinaisons un pressentiment à l'égard de l'expérience. Mais rien de cela n'est réel parce que tout y est général.

Auteur: Camus Albert

Info: Essai critiques, Essais, la Pléiade, nrf Gallimard 1965 <Introduction à Chamfort, p.1100>

[ chiasme ]

 

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humour

C'est la plaisanterie qui doit faire justice de tous les travers des hommes et de la société. C'est par elle qu'on évite de se compromettre. C'est par elle qu'on met tout en place sans sortir de la sienne. C'est elle qui atteste notre supériorité sur les choses et sur les personnes dont nous nous moquons, sans que les personnes puissent s'en offenser, à moins qu'elles ne manquent de gaieté ou de moeurs. La réputation de savoir bien manier cette arme donne à l'homme d'un rang inférieur, dans le monde et dans la meilleure compagnie, cette sorte de considération que les militaires ont pour ceux qui manient supérieurement l'épée. J'ai entendu dire à un homme d'esprit : "Otez à la plaisanterie son empire, et je quitte demain la société." C'est une sorte de duel où il n'y a pas de sang versé, et qui, comme l'autre, rend les hommes plus mesurés et polis.

Auteur: Chamfort Nicolas de

Info: Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes, Garnier-Flammarion 1968 246 p.103

[ compétition ] [ langage ]

 

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injustice

Quinze jours avant l'attentat de Damiens contre Louis XV, un négociant provençal, passant dans une petite ville à six lieues de Lyon, et étant à l'auberge, entendit dire dans une chambre qui n'était séparée de la sienne que par une cloison, qu'un nommé Damiens devait assassiner le roi. Ce négociant venait à Paris ; il alla se présenter chez M. Berryer, ne le trouva point, lui écrivit ce qu'il avait entendu, retourna voir M. Berryer, et lui dit qui il était. Il repartit pour sa province : comme il était en route, arriva l'attentat de Damiens. M. Berryer, qui comprit que ce négociant conterait son histoire, et que cette négligence le perdrait, lui, Berryer, envoie un exempt de police et des gardes sur la roule de Lyon ; on saisit l'homme, on le bâillonne, on l'amène à Paris, on le met à la Bastille, où il est resté pendant dix-huit ans. M. de Malesherbes, qui en délivra plusieurs prisonniers en 1775, conta cette histoire dans le premier moment de son indignation.

Auteur: Chamfort Nicolas de

Info:

[ anecdote ] [ régicide ]

 

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richesse

Un ambassadeur anglais à Naples avait donné une fête charmante, mais qui n'avait pas coûté bien cher. On le sut, et on partit de là pour dénigrer sa fête, qui avait d'abord bien réussi. Il s'en vengea en véritable Anglais et en homme à qui les guinées ne coûtaient pas grand-chose. Il annonça une autre fête. On crut que c'était pour prendre sa revanche et que la fête serait superbe. On accourt. Grande affluence. Point d'apprêts. Enfin, on apporte un réchaud à esprit-de-vin. On s'attendait à quelque miracle. "Messieurs, dit-il, ce sont les dépenses et non l'agrément d'une fête, que vous cherchez. Regardez bien (et il ouvre son habit dont il montre la doublure) : c'est un tableau du Dominicain, qui vaut cinq mille guinées. Mais ce n'est pas tout : voyez ces dix billets ; ils sont de mille guinées chacun, payables à vue sur la banque d'Amsterdam." Il en fait un rouleau et les met sur le réchaud allumé. "Je ne doute pas, messieurs, que cette fête ne vous satisfasse et que vous ne vous retiriez tous contents de moi. Adieu, Messieurs, la fête est finie."

Auteur: Chamfort Nicolas de

Info: Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes/Garnier-Flammarion 1968

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persévérance

Une femme avait un procès au Parlement de Dijon. Elle vint à Paris, sollicita M. le garde des Sceaux, 1784 de vouloir bien écrire, en sa faveur, un mot qui lui faisait gagner un procès très juste ; le garde des Sceaux la refusa. La comtesse de Talleyrand prenait intérêt à cette femme ; elle en parla au garde des Sceaux : nouveau refus. Mme de Talleyrand en fit parler par la reine : autre refus. Mme de Talleyrand se souvint que le garde des Sceaux caressait beaucoup l'abbé de Périgord, son fils. Elle fit écrire par lui : refus très bien tourné. Cette femme désespérée résolut de faire une tentative, et d'aller à Versailles. Le lendemain, elle part ; l'incommodité de la voiture publique l'engage à descendre à Sèvres et à faire le reste de la route à pied. Un homme lui offre de la mener par un chemin plus agréable et qui abrège. Elle accepte, et lui conte son histoire. Cet homme lui dit : "Vous aurez demain ce que vous demandez." Elle va chez le garde des Sceaux, est refusée encore, veut partir. L'homme l'engage à coucher à Versailles, et, le lendemain matin, lui apporte le papier qu'elle demandait. C'était un commis d'un commis, nommé M. Etienne.

Auteur: Chamfort Nicolas de

Info: Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes, Garnier-Flammarion 1968 716 p.212

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éloge

Léon Bloy est mort. Ce volcan d'imprécations éclatantes, cet Etna d'immondices embrasés, sans cesse en déflagrations pyrotechniques éblouissantes, ce foyer lumineux d'éruptions fulminatoires s'est éteint et refroidi, après avoir vomi sa lave de lapidaires anathèmes sur deux générations de ses contemporains.

On pouvait ne pas aimer l'homme, déplorer son caractère qui participait de l'orgueil titanesque et de l'inconsciente envie ; on doit condamner ses procédés de catapulte offensive qui ne s'appuyaient sur aucune plate-forme critique déterminée ; mais il nous faut bien reconnaître la maîtrise surprenante de l'écrivain lapideur qui taillait avec tant d'art ses projectiles et semblait un Géryon polygame qui aurait épousé cyniquement à la fois Tisiphone, Alecto, Mégère, les furieuses Erinnyes de la fable. 

Y eut-il jamais dans notre doux pays, sous notre joli ciel de tempérance, pamphlétaire aussi tumultueux, excessif et inexorable que cet exécuteur des hautes œuvres qui se servait du pal, qu'il avait occidentalisé et qui, né démolisseur, fusait ou plutôt mésusait du marmitage de ses torpilles multilobées et pourvues parfois de gaz hilarants pour anéantir toutes les statues en pain d'épice de notre Foire du Trône aux vanités.

Celui qui intitulait un recueil de portraits satiriques de certains hommes en vue : Causeries sur quelques charognes, et qui nommait le livre de la Bonne Souffrance, par François Coppée un Lavement rendu, n'avait pas, à vrai dire, l'esprit parisien ou la verve intellectuelle ironique d'un Chamfort. Il était de mœurs apaches, dédaignait les subtiles élégances des luttes au fleuret ou à l'épée et préférait assommer, avec une lourde matraque d'or stylisé qu'il maniait terriblement, comme un dégringoleur de pentes, terreur des barrières mal famées.

Auteur: Uzanne Octave

Info: Un Diogène Théocrate. Léon Bloy est mort. Article publié dans La Dépêche du samedi 17 novembre 1917, http://www.octaveuzanne.com/2020/05/un-diogene-theocrate-leon-bloy-est-mort.html

[ hommage ] [ hyperbolique ] [ trickster ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

russie - occident

Publié il y a près d’un an, alors que l’invasion russe de l’Ukraine ne faisait que commencer, Le mage du Kremlin (Gallimard) a reçu à l’automne le prix de l’Académie française, et a manqué de très peu de remporter aussi le prix Goncourt.

Son auteur, Giuliano Da Empoli, Italo-suisse né en 1973, est le fils d’un conseiller politique blessé lors d’un attentat en 1986. Il a lui-même été conseiller politique pour Matteo Renzi. 

Politique-fiction

Depuis le succès de son livre, qui mêle politique et littérature, on voit régulièrement passer sa chevelure grisonnante sur les télévisions et les radios françaises. Avec son léger accent italien trainant, il y gratifie ses auditeurs de formules marquantes, comme, par exemple "j’ai l’habitude de dire que l’Italie est la Silicon Valley du populisme".

Le Russe Vladislav Sourkov, cofondateur du parti Russie unie, qui mena Vladimir Poutine au pouvoir, photographié ici en 2010. Photo : Wikimedia Commons.

L’ouvrage se penche sur un personnage énigmatique, Vadim Baranov, largement inspiré par Vladislav Sourkov, conseiller politique et idéologue de Vladimir Poutine depuis la fin des années 1990 jusqu’à sa prise de distance avec le Kremlin, en 2020. Au milieu des anciens du KGB, Sourkov, fan de John Lennon et du rappeur Tupac, détonnait quelque peu. En quelque sorte, il était l’un des derniers vestiges, sous l’ère Poutine, de la Russie hédoniste des années 1990, même s’il a lui aussi participé à la forte verticalisation du pouvoir. 

Un grand-père aristo, un père communiste

La part de fiction qu’ajoute Da Empoli semble se résumer à l’histoire d’amour compliquée de Baranov ("il n’existe pas une femme qui soit aussi précieuse que la vérité qu’elle nous révèle en nous faisant souffrir"), à sa solide culture classique, très française, pétrie de citations de Chamfort et de La Bruyère, et à sa généalogie. 

Baranov est le petit-fils d’un aristocrate excentrique, insolent à l’égard du pouvoir soviétique, qui "se serait fait pendre plutôt que de renoncer à un bon mot". Et le fils d’un apparatchik conformiste, qui a mené sa fronde à l’égard du paternel en adhérant totalement au régime communiste. "Je peux comprendre. C’est aussi une rébellion à sa façon. Quand tu grandis auprès d’un personnage tellement hors du commun, la seule révolte possible est le conformisme".

Quatre décennies de politique russe

Au tout début du roman, un narrateur français, de passage en Russie, échange avec un inconnu sur Twitter à coup d’allusions à Evgueni Zamiatine, auteur de science-fiction et compagnon de route très rapidement désillusionné de la Révolution de 1917. Un beau jour, il se laisse entrainer dans une grosse berline qui parcourt les kilomètres dans la forêt russe, avec une inquiétude montante au fil des heures : "La curiosité amusée qui m’avait habité jusque-là était en train de faire place à une certaine appréhension. En Russie, me disais-je, tout se passe en général très bien, mais quand les choses vont mal, elles vont vraiment très mal. À Paris, la pire chose qui puisse vous arriver c’est un restaurant surestimé, le regard méprisant d’une jolie fille, une amende. À Moscou, la gamme des expériences déplaisantes est considérablement plus vaste". Le narrateur se retrouve dans la riche demeure de Vadim Baranov et laisse débuter le long monologue de son hôte qui passe en revue quatre décennies de vie politique russe. Baranov raconte sa jeunesse soviétique et les paniers de victuailles réservés aux hauts fonctionnaires, puis la parenthèse libérale de la décennie 90, au cours de laquelle Baranov devient producteur d’une télévision plus trash encore que celle de l’Occident de la même époque, et l’ascension de Poutine, que l’oligarque Boris Berezovski vient dénicher dans les profondeurs du deep state. 

La première rencontre entre Poutine et Baranov, présentés l’un à l’autre par Berezovsky, est marquante : à ce moment-là, "le Tsar n’était pas encore le Tsar" ; c’est un fonctionnaire un peu terne, la main presque moite, à l’air un peu idiot. Bref, l’homme idéal selon Berezovsky (le vrai maître de la Russie de cette époque) pour donner un tour de vis au régime russe sans sacrifier pour autant les privilèges glanés par les oligarques. Avoir l’air un peu idiot n’a jamais été une mauvaise chose en politique : Louis-Napoléon Bonaparte avait volontiers joué ce jeu auprès des tenants de la droite de son époque, avant de ravir le pouvoir pendant plus de deux décennies. Juan Carlos avait également usé de la même stratégie auprès de Franco : "Faire l’idiot est une discipline fatigante, très dure pour les nerfs", confia-t-il plus tard. 

Berezovsky, capable, lui, de combiner à un haut niveau "intelligence pointue" et "stupidité abyssale", s’aperçoit mais un peu tard qu’il ne maîtrise plus du tout sa créature politique.

Hantises obsidionales et égo russes

Da Empoli parvient à se placer dans la tête du conseiller russe, à restituer les hantises obsidionales d’un pays qui se sent encerclé et qui a eu le sentiment d’être humilié par l’Occident pendant toutes les années 1990. On se souvient de la fameuse scène du fou rire de Clinton face à un Eltsine ivre mort et l’on se dit, nostalgiques, que le monde était globalement plus sûr quand nous étions coincés entre une Russie gouvernée par un alcoolique et une Amérique par un obsédé sexuel. Si la séquence a alimenté pendant des années le bêtisier des Enfants de la télé, elle a aussi mis plus bas que terre l’égo national russe. Lors de la première rencontre Poutine-Clinton, le nouveau président russe fixe tout de suite les nouvelles règles.  Baranov raconte : "Avec lui ce serait différent. Plus de claques dans le dos ni de gros rires. Clinton a été déçu, c’est évident. Il pensait que désormais tous les présidents russes seraient de braves portiers d’hôtels, gardiens des plus vastes ressources de gaz de la planète pour le compte de multinationales américaines. Pour une fois, lui et ses conseillers sont repartis un peu moins souriants que lorsqu’ils sont arrivés". Da Empoli restitue donc la mentalité du conseiller russe, sans entrer dans le jeu de la propagande russe. De toute façon, Baranov-Sourkov est un peu trop décalé, un peu trop occidental pour être totalement dupe de celle-ci.

Écrit avant le début de l’invasion russe, le livre n’avait évidemment pas anticipé le contexte actuel explosif. L’Ukraine n’est toutefois pas absente du roman, Baranov ayant observé attentivement la contestation ukrainienne des élections de 2004 autour d’une jeunesse rassemblée sur la place Maïdan et appuyée notamment par l’argent de Berezovsky. Cette subversion ukrainienne va inspirer directement le régime russe, qui va tenter de se mettre dans la poche tout ce que la Russie compte de marginaux et de subversifs, des bikers aux communistes en passant par l’extrême-droite, afin de maîtriser le mouvement. Baranov reçoit dans son bureau du Kremlin un certain Zaldostanov, chef d’un gang de motards. Baranov le met rapidement au service du pouvoir, grâce à une observation politique froide et clinique : "J’ai pu constater à plusieurs reprises que les rebelles les plus féroces sont parmi les sujets les plus sensibles à la pompe du pouvoir. Et plus ils grognent quand ils sont devant la porte, plus ils glapissent de joie une fois passé le seuil. Contrairement aux notables, qui cachent parfois des pulsions anarchiques sous l’habitude des dorures, les rebelles sont immanquablement éblouis comme les animaux sauvages face aux phares des routiers".

Porté par son écriture mais aussi par l’actualité, le livre connait un grand succès et a fait l’objet de plusieurs tirages depuis sa sortie. Un livre que l’auteur n’écrirait peut-être plus aujourd’hui. En décembre dernier, dans l’Express, il confiait : "il y a quelques années, Vladislav Sourkov m’apparaissait comme un personnage romanesque. C’était déjà un "méchant", mais il était aussi féru de théâtre d’avant-garde et présentait un profil atypique pour un homme de pouvoir. J’ai écrit Le Mage du Kremlin dans un autre contexte. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, je n’en aurais plus envie… 



 

Auteur: Magellan Frédéric

Info: Causeur.fr, 20 février 2023. Giuliano Da Empoli n’écrirait plus “Le mage du Kremlin”, aujourd’hui

[ littérature ]

 

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Ajouté à la BD par miguel