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citation s'appliquant à FLP

A l'origine il y a cet atavisme, l'attrait et le plaisir des formules verbales. Mais que dans la tête donc, parce qu'à l'époque, on n'avait pas de portables pour enregistrer en vitesse un bon mot sur la fonction dictaphone... Plus tard je me suis amusé à noter les idées, marrantes ou pas. J'avais mes petits papiers... cahiers...

Mon premier ordinateur était un Atari, avec une mémoire de termite : 500 ko si je me rappelle bien, c'était l'équivalent d'une disquette d'alors. Mais quel ne fut pas mon plaisir, par ce confort informatique soudain, de pouvoir conserver et organiser les extraits qui me plaisaient. Et surtout corriger et peaufiner mes propres textes au fur et à mesure. Et puis arriva Microsoft Office et surtout Excel, ce qui permit l'ouverture de deux bases de données, parallèles aux textes proprement dits, bases qui n'ont cessé de se développer depuis : une pour les auteurs (avec les dates, pays, profession, etc..) l'autre avec les catégories et leurs corrélats... J'étais sur la voie d'un début d'organisation.

De fils en aiguille, les années passant et les ordinateurs s'améliorant, sans oublier l'irruption d'Internet, cette manie s'amplifia... J'en vins à parler de ce syndrome quasi maladif avec un élève de mes cours de musique, Fabrice. Etant informaticien, il se proposa de programmer un logiciel PHP afin de classer le moins mal possible ces données. Il fut décidé de faire simple, en taguant les textes/formules à deux niveaux distincts : CATEGORIE et CORRELATS. La recherche pouvant ensuite se combiner de multiples manières (par corrélat, mot du texte, catégorie, auteur, etc... et leurs mélanges). Il faut aussi savoir que le mot du tag n'apparait pas dans le texte cible, ce qui constitue une véritable VALEUR AJOUTEE, même si elle est subjective. Ainsi se sont développées des grappes de citations classées par catégories... Les tags des corrélats venant soit en éclairage secondaire soit, en les prenant tous ensemble, comme un mur de mots venant préciser l'extrait où la formule. En même temps se développaient les deux bases. Celle des auteurs permettant d'avoir une structure temporelle très intéressante puisqu'on peut voir les 21000 auteurs se déployer chronologiquement sur près de 5000 ans, en commençant par les égyptiens. Et celle des catégorie et des corrélats, structure centrale de tous les tags connectés, tablés sur Excel, un peu comme une transposition des associations diverses - et bien sûr subjectives - de mon petit cerveau... Outil fort utile ma foi quand, ne sachant plus trop quoi faire pour taguer ou associer intelligemment une citation ou un mot, je m'y réfère, utilisant aussi beaucoup les dictionnaires de synonymes en ligne pour ce faire.

Il y a bien sûr énormément de manques, de redondances, d'erreurs, doublons... Cette application est tout sauf exhaustive. Je conserve cependant espoir que l'électronique aidant il sera toujours plus aisé de corriger, d'augmenter les entrées, d'affiner et de contrôler mieux les tags, etc., d'autant qu'avec une mise en ligne on pourra user du retours des internautes. Tiens, par exemple il fut ajouté sur suggestion externe un filtre pour pouvoir choisir la longueur du texte recherché. (actuellement 25 mots au max, ou 100, ou illimité). L'établissement des catégories est une problématique complexe. Il faudrait pouvoir synthétiser le plus possible avec un mot unique ce qui est impossible. Et puis la langue évolue... et nous aussi... et chacun a sa manière de voir. Bref je me suis de fait retrouvé à établir des "mots clefs catégories" toujours plus affinés, et qui s'affineront encore avec le temps je suppose. Exemples : hommes-par-femmes, femmes-par-hommes, dialogue-web (pour mes emprunts sur les chats), pensée-de-femme, art-de-vivre, fond-forme... et beaucoup d'autres que vous découvrirez si vous vous promenez sur l'application.

Ainsi, au fil des années, (à ce jour près d'une trentaine), s'est établi une routine matinale d'une ou deux heures où je vais à la pêche aux extraits. Une prédation qui prend plusieurs formes. D'abord la traduction (de l'anglais et de l'allemand, avec une dilection pour les sciences et l'humour), ce qui constitue un excellent exercice, et qui permet parfois d'importer des idées différentes dans la langue française. Ensuite par le surf, au hasard d'un concept, en allant sur des sites spécialisés ou autre. Enfin, en lisant tel livre ou tel dictionnaire et en en annotant les parties que je fais ensuite saisir par ma fille ainée - contre salaire ! Cette marotte matinale me permet du coup de noter les idées qui me viennent au cours du processus. Transmutées en langage électronique je les tague aussi, avant de les mettre dans la base de données, ce qui me permet, oh immense présomption, de mêler mon nom et mes cogitations à celles d'immenses créateurs... tout autant qu'à celles d'illustre inconnus. 

Je me vois souvent mieux en sémanticien-joueur-explorateur, plutôt qu'en écrivain ou compilateur ; le langage - en tant qu'émergence de codes de communication - m'intéresse finalement plus que les histoires proprement dites. On pourra donc déceler un fort tropisme vers les jeux de mots, la poésie, les réparties amusantes, les paradoxes...

Mais en fait, ce qui est passionnant ici, c'est de taguer. Car classer est une forme de jugement, de critique... (avec une petit pensée au passage pour Perec). Alors : classer de manière neuronale ?!.. Bref c'est un plaisir, une quête... Du coup j'ai pris aussi quelques voies latérales, établissant par exemple, à l'aide de sites spécialisés, un classement personnel des personnages importants de l'histoire et de la pensée humaine dans plusieurs domaines (penseurs militaires, philosophes, maîtres spirituels...). Ce qui me permit, en utilisant ma classification des écrivains clefs, d'ouvrir quelques catégories sur certains pivots de la littérature mondiale. On retrouvera donc des textes où sont commentés Dostoïevski, Nietzsche, les grecs anciens, Montaigne, Dante, Shakespeare, Cervantès, etc. Auteurs qui se retrouvent de fait être les seuls et uniques à exister aussi bien dans la base de données "auteurs" que dans celle des "mots/clefs et corrélats". La problématique du tri sélectif dans l'histoire de la culture humaine a toujours été une grande interrogation personnelle. Pourquoi ceci ou cela demeure dans la culture humaine.

Il existe beaucoup de pistes pour des éléments de réponse mais il me semble que j'aurai vécu cette époque charnière, c'est à dire celle d'une explosion informatique ou l'outil intellectuel s'est retrouvé multiplié de manière incroyable. De fait ce délire personnel participera peut-être d'une manière ou d'une autre à quelque forme de tri futur ? Allons savoir.

On aura donc compris combien l'application FLP ne fut initiée que par des choix subordonnés à mon bon plaisir, mon goût pour l'ordre et la fantaisie... et aussi une ouverture naturelle que je ne réfrène aucunement. C'est à dire, pour être vraiment clair, que j'ai toujours eu une appétence autant pour le sérieux que pour le vulgaire, le superficiel, voire le grossier choquant... Est-ce ce qu'on appelle aimer les extrêmes ? Avec pour résultat que j'ai parfois une légère honte rétrospective quant à certaines catégories : porno, vulgarité... Je n'y suis parfois pas allé avec le dos de la cuillère... je ne sais pas me restreindre je vous dis... et comme l'informatique ne nous limite pas en terme de mémoire...

A aussi émergé, avant de bien se développer, une catégorie "Citations s'appliquant au logiciel", à l'instar de "Titre possible pour ce logiciel", qui permettent de consulter un grand nombre du vues que moi ou d'autres considèrent comme pertinentes quant à la définition de cette application.

Maintenant une de mes principales espérance reste qu'il devrait être possible pour tout un chacun, avec cet outil, tout comme je le fais moi-même, de développer et de fixer des filaments de pensées, (voir sous Memex) un peu à l'image de ces photos de l'univers où l'on voit les amas de galaxies s'étirer en de grands lambeaux dorés... J'ai vécu beaucoup de ces "voyages sur un concept" de par et grâce à l'organisation de cette base de donnée, les voyant se développer malgré moi en fonction de l'avancée de l'indexation de tel ou tel mot. Une des premières rubriques qui fit scintiller mes neurones se passa avec ce beau mot : "réminiscence"...

Beaucoup de catégories se sont donc développées en parallèle, certaines comme "humour" ou "littérature" venant au fil du temps envelopper de grands pans de la base. D'autres prenant de très grandes dimensions en terme de nombre d'entrées : femmes-hommes, déclarations d'amour, justifications... Au point qu'un jour cela donna lieu à l'édition d'un recueil, les "dernières paroles". J'avais fait sans le savoir de l'édition "en live".

Il y a aussi quelques domaines où, de par ma curiosité propre, mon parcours de vie et l'accumulation des données, j'ai la faiblesse de m'auto bombarder "connaisseur". En voici quelques-uns : musique, extraterrestres, judaïsme...

Il y eu souvent aussi des périodes, de quelques jours à quelques semaines, où je me suis concentré sur un mot/concept/catégorie précis, comme : haïkus, questions, positiver, réparties, quête.... Ou mieux. Suite à des demandes, il m'est arrivé de faire des recherches plus précises. Sur deux mots par exemple. Un jour une connaissance m'interrogea sur l'existence d'un extrait "littéraire" où serait décrit quelqu'un en pleine lecture lors d'une forte pluie. Ne trouvant pas l'extrait, je l'ai écrit. Eh oui... Le client est finalement roi !! Donc, pour qui utiliserait le logiciel pour ce cas précis, il lui faudra faire une recherche qui associera ces deux mots : pluie et lecture.

Et puis il y eut la rencontre avec cet incroyable logicien sémanticien que fut C.S. Peirce, qu'on pourra découvrir via les extraits que nous avons intégrés, sur Internet... ou dans la profession de foi de FLP. Et puis je fis connaissance avec notre chère Colimasson dont les retours et autres remontrances aidèrent, à partir de 2015, à préciser beaucoup de choses. Et puis il y a tous les autres contributeurs, que je ne puis que chaleureusement remercier ici. 

Bon, assez, je vous laisse essayer si ça vous dit -, moi j'y retourne. Ces temps j'ai un petit faible pour "crépuscule" et "source"... Que suis-je d'autre, ma foi, que la personne, subjective et égocentrée, à la source de cette compilation multidimensionnelle. Le dico des avocats ? Devenu FLP.

Avec maintenant les chatbots, bons outils comparatifs, qui nous aident à préciser certaines choses.

Auteur: Mg

Info: 24 nov. 2012. Précisé et mis à jour au fil du temps

[ création ] [ autocritique ] [ confession ] [ au coeur de FLP ]

 

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surpopulation

Faut-il instaurer un permis de procréer?
Pour sauver la planète et mieux prévenir la maltraitance infantile, l’essayiste Antoine Buéno défend une idée hautement controversée: repenser la liberté d’avoir des enfants.
Face au réchauffement climatique, certains couples décident de ne pas faire d’enfant. Chargé de mission au Sénat, la chambre haute du Parlement français, Antoine Buéno, lui, veut montrer dans son livre "Permis de procréer" (Ed. Albin Michel) qu’un système de contrôle des naissances humaniste est possible.

FEMINA : Vous venez d’avoir un second enfant, conçu avec le sentiment d’un désir que vous qualifiez d’égoïste. Votre livre résulte-il d’un sentiment de culpabilité?
Antoine Buéno : Une culpabilité, non. Je vais faire un parallèle entre procréation et rapport à l’alimentation. On sait que la situation environnementale est catastrophique, par conséquent on s’interroge sur notre manière de consommer. Parmi ceux qui modifient leur rapport à l’alimentation il y a, d’un côté, les végétariens et les véganes, de l’autre, les flexitariens, qui continuent à manger de la viande, mais moins, car ils ont conscience que cela pose un problème.

F : Le sujet est extrêmement sensible. Récemment, une infographie de l’Agence France Presse allant dans ce sens, a suscité un tollé…
AB : Vous faites référence à une infographie tirée d’une étude de 2017 montrant l’effet des gestes individuels que le citoyen peut mettre en œuvre pour réduire significativement son impact climatique. Certains sont assez connus, comme devenir végétarien, ne pas avoir de voiture et ne pas prendre l’avion et… avoir un enfant de moins que prévu, qui a vingt-quatre fois plus d’effet que les autres sur l’environnement. En réalité, ce n’est même pas mesurable, car c’est exponentiel. Votre enfant aura un ou plusieurs enfants, qui auront un ou plusieurs enfants, etc.

F : Le problème est-il vraiment la densité de la population ou le mode de vie?
AB : Les deux. Mais aujourd’hui, les politiques environnementales mettent exclusivement l’accent sur le mode de vie. Or, on ne peut pas le changer du jour au lendemain. Pour mettre en place la transition énergétique, il va falloir brûler énormément d’hydrocarbures, donc polluer. Et cela va prendre des décennies. Ce temps-là, on ne l’a pas. A court terme, le seul levier dont on dispose pour faire face à ce défi de vie ou de mort pour l’humanité, c’est notre démographie.

F : Difficile de bousculer un tel tabou, non?
AB : La procréation est sacro-sainte. La contrôler est intolérable. Nous vivons dans un système sociétal, religieux, économique, intégralement fondé sur une surenchère procréative. Toute la société vous pousse à procréer. Selon moi, il faut que les individus soient aidés par un dispositif collectif de responsabilisation de la procréation, que tous ensemble on change de mentalité et de pratiques.

F : Votre solution est donc une politique nataliste restrictive?
AB : Je n’emploierais pas le terme restrictive. A l’échelle internationale, en ce qui concerne les pays en développement, je mets en avant l’instauration d’un planning familial et de l’éducation des filles. Ce n’est pas restrictif, c’est rencontrer une attente, un désir, un besoin des femmes. Il ne s’agit pas de contraindre, mais de faire évoluer les mentalités.

F : Toutefois, pour des pays comme la Suisse ou la France, vous prônez une incitation étatique à faire baisser la natalité. L’idée de contrôle des naissances est de sinistre mémoire. La politique chinoise de l’enfant unique a conduit à des avortements et même à des stérilisations forcés. Veut-on prendre le risque de retomber dans ce genre de dérives?
AB : Une politique n’est rien en elle-même, tout dépend de la manière dont on la met en œuvre. Une politique démographique peut être abominable, et ça a été fait. C’est contre cela que j’ai écrit chaque ligne de mon livre.

F : Concrètement, vous proposez d’agir à travers l’octroi d’un permis de procréer, un peu comme un permis de conduire…
AB : Attention, car je dévoie le sens du mot permis. Il ne s’agit pas d’un véritable permis. Il n’y a pas d’interdiction de procréer. Le poids du mot permis, en revanche, je le conserve. Même si on ne va pas vous dire: "Monsieur, Madame, vous n’avez pas le droit de faire d’enfant", le fait d’employer ce terme vous fait psychologiquement changer de regard vis-à-vis de la procréation.

F : Vous conditionneriez le fait d’avoir des enfants à une enquête et à une autorisation?
AB : Il n’y a pas d’autorisation à avoir. Vous voulez avoir un enfant, vous faites un enfant, mais vous devez le déclarer et là, vous serez accompagné par des services sociaux, à savoir une assistante sociale, qui viendra voir si vous accueillez votre enfant dans des conditions qui ne présentent pas de danger pour un nouveau-né. On regardera, par ailleurs, si vous avez des besoins spécifiques (allocations familiales, logement, emploi, etc). La société a des moyens qu’elle répartit de manière aveugle. Je propose, à travers la signature d’un contrat de parentalité, de pouvoir cibler les moyens sociaux sur les besoins véritables.

F : Est-ce que ça va réellement freiner les gens d’avoir des enfants?
AB : Ça ne va être qu’un frein marginal à court terme, car il est bien évident qu’un contrat qui prévoit un entretien avec une assistante sociale et un psy dissuadera très peu de gens d’avoir un enfant. En tout cas, je crois que ça ne dissuadera pas les meilleurs parents. A plus long terme, en revanche, ça va changer notre rapport à la procréation. On instille ainsi l’idée que procréer est un partenariat avec la société qui comporte des devoirs et des obligations. Et puis, cela permet d’avoir, dès le début, un regard sur un certain nombre de situations qui pourraient aboutir à de la maltraitance infantile. En résumé, on peut sauver la planète en conciliant les droits de la nature, les droits des enfants et les droits des femmes.

F : Qu’est-ce qui arriverait aux parents qui feraient un enfant sans permis?
AB : Vous avez deux cas de figure. Les gens négligents ou mal informés, qui peuvent se régulariser a posteriori. Mais pour les gens qui refusent, la seule sanction possible est la déchéance de l’autorité parentale. Là, oui, c’est radical.

F : Ce système suppose une ingérence étatique. Est-ce réellement possible sans abus?
AB : Oui, c’est une ingérence, mais on vit dans une société où l’Etat s’ingère partout, tout le temps, dans nos vies quotidiennes. Ce matin, vous êtes sortie de chez vous, vous avez traversé sur les clous, vous avez suivi le Code de la route. On est en permanence en train de dealer avec ses libertés, ses droits individuels et les impératifs posés par la société.

F : Vous ne considérez pas le fait de faire des enfants comme un droit?
AB : Je n’entre pas dans ce débat-là, mais je crois que le mode de procréation, naturel ou artificiel, importera peu dans un monde où on aura instauré un permis de procréer. Car, dans cette situation, ce qui compte ce sont les conditions dans lesquelles on accueille un enfant, quelle que soit la manière dont on l’a fabriqué.

F : Même si c’était efficace, dans les pays occidentaux, comme la Suisse ou la France, on se plaint plutôt d’avoir un taux de fécondité trop bas pour assurer les futures retraites des aînés. Ça va coincer…
AB : Oui, mais encore une fois, je propose un changement de perspective. Si aujourd’hui on vieillit et on décroît, c’est lié à notre explosion démographique passée. Alors, on peut recourir à des moyens qui relèvent du ripolinage ou mettre en place des réformes beaucoup plus substantielles de la société. Face à l’enjeu de savoir comment maintenir la vie sur Terre, celui qui consiste à savoir comment financer les retraites ne fait pas le poids.

En encadré une infographie qui embrasa Internet en son temps, intitulée "Quelques moyens de réduire son empreinte carbone". Publié par l’Agence France Presse dans la foulée du rapport du GIEC du 8 octobre 2018 le tableau montre que’opter pour des ampoules plus écologiques ne permet pas de réduire beaucoup ses émissions. Renoncer à faire un enfant, surtout s’il grandit selon notre mode de consommation actuel, par contre est sans comparaison… Jugée choquante, l’infographie a valu une avalanche de réactions hostiles à l’agence de presse, qui a dû préciser que les informations étaient tirées d’une étude scientifique tout à fait sérieuse, publiée une année plus tôt dans la revue "Environmental Research Letters" en ajoutant explicitement: "L’AFP ne vous invite pas à faire moins d’enfants."

Droit: Restreindre une liberté fondamentale
En Suisse, faire un enfant peut être considéré comme un droit fondamental de l’individu, garanti notamment par l’article 10 de la Constitution fédérale (droit à la vie et à la liberté personnelle), mais aussi par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale).

"Il s’agit d’un droit au sens d’une liberté, c’est-à-dire que l’Etat ne peut pas interdire à quelqu’un d’avoir des enfants", précise Olivier Guillod, directeur de l’institut de droit de la santé de l’Université de Neuchâtel.

Cette liberté peut toutefois être soumise à des restrictions, pour autant que celles-ci soient inscrites dans la loi et admises par la société.

Dans notre pays, une restriction à la liberté de procréer a, par exemple, été discutée dans le cas de personnes handicapées mentales. Une loi fédérale régit les questions éminemment sensibles liées à la stérilisation. Interdite par principe, puisque la règle veut que la stérilisation ne puisse être pratiquée sur un adulte capable de discernement qu’avec son consentement "libre et éclairé", elle est toutefois autorisée, à titre exceptionnel, sous certaines conditions, en ce qui concerne une personne durablement incapable de discernement si elle est considérée dans l’intérêt de cette personne (notamment si la conception d’un enfant ne peut être empêchée par d’autres méthodes de contraception appropriées ou si la séparation d’avec l’enfant après la naissance est inévitable).

Est-il envisageable de restreindre légalement cette liberté pour le bien de la planète? L’article 8 de la CEDH prévoit bien des exceptions, autrement dit la possibilité de légiférer en faveur d’une plus grande ingérence de l’Etat, au nom notamment de "la sécurité nationale", mais aussi du "bien-être économique du pays", de "la protection de la santé ou de la morale", ou encore de celle "des droits et libertés d’autrui".

Pour Olivier Guillod, cependant, on en est très loin: "Si on se base sur l’interprétation qui est donnée actuellement de ces notions, on peut affirmer que la Cour européenne des droits de l’homme ne toucherait pas à un droit aussi fondamental et ne validerait jamais une loi nationale qui imposerait, par exemple, de limiter les familles à un seul enfant. Est-ce que ce sera toujours le cas dans cinquante ans? Je ne peux pas vous le dire…" Internet,

Auteur: Internet

Info: Femina, 1 Avril 2019, Geneviève Comby

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Ajouté à la BD par miguel

littérature

Les 19 lois du bon polar, selon Borges.

Le grand écrivain argentin s'était amusé à codifier la narration policière. En partenariat avec le magazine BoOks.

Dans son article "Lois de la narration policière" (1), de 1933, Jorge Luis Borges propose quelques règles élémentaires, ou "commandements", pour le récit policier classique. Ces conventions, comme il le remarque avec esprit, "ne visent pas à éluder les difficultés, mais plutôt à les imposer". Borges énonce explicitement les six règles suivantes:

1 : Une limite facultative de ses personnages

Les personnages doivent être peu nombreux et bien définis, de façon que lecteur puisse les connaître et les distinguer. "La téméraire infraction à cette loi est responsable de la confusion et de l'ennui fastidieux de tous les films policiers."

2 : Exposition de toutes les données du problème

On doit mettre toutes les cartes sur la table, sans as sortis de la manche à la dernière minute. À partir d'un certain point, le lecteur devra disposer de toutes les pistes nécessaires pour trouver lui-même la solution. "L'infraction répétée de cette deuxième loi est le défaut préféré de Conan Doyle. Il s'agit parfois de quelques imperceptibles particules de cendre, ramassées dans le dos du lecteur par ce privilégié d'Holmes. Parfois l'escamotage est plus grave. Il s'agit du coupable, terriblement démasqué au dernier moment, qui s'avère être un inconnu : une insipide et maladroite interpolation."

3 : Avare économie de moyens

Qu'un personnage se dédouble, on peut l'admettre, dit Borges. Mais que deux individus en contrefassent un troisième pour lui conférer un don d'ubiquité "court le risque incontestable de paraître une surcharge". La solution doit être la plus claire et nette possible, sans lourdeurs techniques, artifices improbables ou déploiements accablants de mouvements et de détails. La solution doit aussi pouvoir se déduire des ressources déjà mises en jeu, comme réorganisation des éléments connus.

4 : Primauté du comment sur le qui

Le véritable mystère d'un bon whodunit(2) n'est pas le nom de celui qui a commis le crime, mais ce que sera le nouvel ordre logique, plus subtil, la vérité souterraine qui éclaire le récit d'un nouveau jour.

5 : Pudeur de la mort

À la différence des thrillers du cinéma contemporain, où l'imagination cherche à concevoir des crimes de plus en plus sanglants et des cadavres de plus en plus choquants, dans le récit policier classique, la mort est comme une ouverture au jeu d'échecs et n'a pas en soi beaucoup d'importance. "Les pompes de la mort n'ont pas leur place dans la narration policière dont les muses glaciales sont l'hygiène, l'imposture et l'ordre", écrit Borges.

On trouve une transgression exemplaire de cette loi dans "le Noël d'Hercule Poirot"(3), d'Agatha Christie. Ce roman, comme on le comprend dans la dédicace, est conçu comme un défi, son beau-frère lui ayant reproché d'éviter le sang dans ses crimes. "Vous y déploriez que mes meurtres deviennent trop épurés - exsangues, pour parler net. Vous y réclamiez un de ces bons vieux meurtres bien saignants. Un meurtre qui, sans l'ombre d'un doute, en soit bien un." Le plus remarquable est peut-être que, dans ce crime esthétiquement opposé aux précédents, Agatha Christie reste elle-même: le cri terrifiant, la scène brutale du meurtre, le sang abondamment répandu sont des clés de l'élucidation finale.

6 : Nécessité et merveilleux dans la solution

"La première implique que le problème soit un problème précis susceptible d'une seule réponse, l'autre requiert que cette réponse puisse émerveiller le lecteur." Cette sensation de merveilleux, précise Borges, ne doit pas faire appel au surnaturel. La solution d'une énigme policière doit être comme la démonstration d'un théorème complexe: difficile à imaginer à partir des prémisses, mais dont la nécessité s'impose par la rigueur d'une explication parfaitement logique. En plus de ces six axiomes déclarés, Borges en postule indirectement certains autres dans son article: Le véritable récit policier repousse - ai-je besoin de le préciser - avec le même dédain les risques physiques et la justice distributive. Il fait abstraction, avec sérénité, des cachots, des escaliers secrets, des remords, de la voltige, des barbes postiches, de l'escrime, des chauves-souris, de Charles Baudelaire et même du hasard. Il découle de ce passage trois règles supplémentaires :

7 : Dédain des risques physiques

Dans ce dédain des risques physiques réside l'une des principales différences avec le roman noir ou le thriller cinématographique. Borges observe que, dans les premiers exemples du genre, "l'histoire se limite à la discussion et à la résolution abstraite d'un crime, parfois à cent lieues de l'événement ou bien éloignée dans le temps". Isidro Parodi, le détective qu'il imagina avec Bioy Casares, résout les énigmes alors qu'il est enfermé dans une prison. Dans les aventures de Sherlock Holmes comme dans celles d'Hercule Poirot, la vie du détective est parfois en danger imminent, mais ces risques sont éphémères et ne constituent jamais la matière narrative principale, sauf peut-être dans leurs dernières enquêtes. C. Auguste Dupin, la vieille Miss Marple, le père Brown et Perry Mason(4) sont tous des exemples de détectives à l'abri des risques physiques.

8 : Renoncement aux considérations ou jugements moraux

Sur la question de la "justice distributive", "la Huella del crimen" de Raúl Waleis, premier roman policier argentin (il date de 1877 et a été récemment réédité - (5)), avait l'intention déclarée de favoriser une nouvelle législation, à travers l'exposé d'une affaire mettant en évidence une faille dans la justice: "Le droit est la source où je puiserai mes arguments. Les mauvaises lois doivent être dénoncées pour les effets que produit leur application. Je crée le drame auquel j'applique la loi en vigueur. Ses conséquences fatales prouveront la nécessité de la réformer. " Les enquêtes de Perry Mason et les récits de Chesterton témoignaient peut-être d'un certain attachement aux canons de la justice et aux considérations morales sur les innocents et les coupables.

9 : Rejet du hasard

À cet égard, citons les intéressantes réflexions de Patricia Highsmith, qui ne craint pas de mettre à l'épreuve la crédulité du lecteur: " J'aime beaucoup qu'il y ait dans l'intrigue des coïncidences et des situations presque (mais pas entièrement) incroyables comme par exemple le plan audacieux qu'un homme propose à un autre qu'il connaît depuis deux heures à peine dans "L'Inconnu du Nord-Express". [...] L'idéal est que les événements prennent une tournure inattendue, en gardant une certaine consonance avec le caractère des personnages. La crédulité du lecteur, son sens de la logique - qui est très élastique -, peut être étirée au maximum, mais il ne faut pas la rompre " ("L'Art du suspense" (6), chap. 5). Le hasard peut survenir dans la narration comme ellipse, tout comme, dans les comédies, on accepte qu'une porte s'ouvre pour laisser sortir un personnage et qu'un autre apparaisse aussitôt. Ou comme le catalyseur d'une circonstance propice à l'accomplissement d'un crime quand le mobile n'est pas très affirmé. C'est ce qui arrive, par exemple, avec l'apparition d'un parent éloigné, dans "Paiement différé" (7) de Cecil Scott Forester. En revanche, le hasard ne devrait pas jouer un rôle décisif dans l'explication finale. À noter que, dans la nouvelle de Borges "la Mort et la Boussole", c'est un accident fortuit, une mort inattendue, qui donne à l'assassin l'idée de la série de meurtres qu'il va commettre. D'autres règles peuvent encore être tirées de l'article de Borges :

10 : Méfiance ou rejet des procédures de l'investigation policière

"Les démarches quotidiennes des investigations policières - empreintes digitales, torture et délation - sembleraient ici des solécismes." L'enquête policière appartient à l'ordre prosaïque des faits et du bon sens. C'est ce qui établit la différence entre le plan de l'enquête officielle de la justice et l'enquête parallèle, de l'ordre de la fiction - à l'écart des critères et des paramètres usuels -, que mène le détective. Dans "la Mort et la Boussole", ironiquement, le policier et le détective ont tous deux raison, mais chacun à sa manière.

11 : L'assassin doit appartenir à la distribution initiale des personnages

"Dans les récits honnêtes, écrit Borges, le criminel est l'une des personnes qui figurent dès le début."

12 : La solution doit éviter le recours au surnaturel, qui ne peut être invoqué que comme une conjecture transitoire à écarter

La réponse doit émerveiller le lecteur "sans faire appel bien sûr au surnaturel, dont l'usage dans ce genre de fiction est un alanguissement et une félonie. Chesterton réalise toujours le tour de force de proposer une explication surnaturelle et de la remplacer ensuite, sans perdre au change, par une autre, toute naturelle."

13 : La solution ne peut comporter des éléments inconnus du lecteur

"Sont également prohibés [...] les élixirs d'origine inconnue." Voici donc les règles énoncées par Borges dans son article. Nous pourrions en rajouter quelques autres :

14 : Omission de la vie privée du détective et de ses aventures sentimentales ou sexuelles

Règle enfreinte dans tous les films policiers, où immanquablement l'enquêteur divorce, mène une existence malheureuse et a une liaison avec l'actrice principale.

15 : Dans le cas d'un double ou triple dénouement, il doit y avoir une progression, chaque fin surpassant la précédente en ingéniosité et en rigueur

Comme dans la règle des trois adjectifs que mentionne Proust à propos des salons de la bonne société française, le troisième est tenu de surpasser les deux premiers.

16 : Le meurtrier ne peut être le majordome (à moins d'être dans un congrès de majordomes)

L'assassin ne peut être un personnage trop secondaire, maintenu en permanence caché, comme une carte que l'on garde pour la fin.

17 : L'assassin ne peut être l'immigré ou le fanatique religieux ou le suspect d'extrémisme politique

Règle toujours soigneusement respectée par Agatha Christie. Les mobiles du meurtre doivent être intimes et le meurtrier doit appartenir au noyau dur de l'histoire. Cette règle est négligée de manière particulièrement décevante dans "Meurtriers sans visage", de Henning Mankell.

18 : L'assassin ne doit pas être le narrateur

Règle admirablement transgressée par Agatha Christie dans "le Meurtre de Roger Ackroyd" et, de manière plus prévisible, par Tchekhov dans "la Confession".

19 : L'assassin ne doit pas être l'enquêteur

Règle non respectée par Agatha Christie dans "le Noël d'Hercule Poirot" et par Juan José Saer dans "l'Enquête". Pourrait-on encore allonger cette liste ? Assurément. Mais cela créerait peut-être une fausse illusion, l'illusion que le genre peut être circonscrit et réduit à un formalisme d'axiomes, à une liste de règles et de procédés. Une illusion symétrique et tout aussi erronée - bien que prisée dans les tables rondes, car elle permet la pose iconoclaste et les métaphores guerrières - veut que le genre doit être dynamité, qu'il faut faire voler en éclats toutes les règles, que les lois sont faites pour être violées. Quiconque s'y est essayé sait en tout cas qu'il est difficile, sinon impossible, de se défaire de toutes à la fois, et qu'il y a dans le genre policier une tension extraordinaire entre ce qui a déjà été dit, entre la rhétorique accumulée dans des milliers de romans, et ce qui reste encore à dire, à la limite des règles. Les lois sont, en ce sens, comme une barrière que l'astuce et la créativité doivent franchir. Dans une des très rares occasions où Borges conçoit un projet de roman (dans l'article "è vero, ma non troppo", paru en 1938 dans la revue "El Hogar") ce n'est pas un hasard s'il choisit, entre tous les genres littéraires, le roman policier. Le sien serait, dit-il, "un peu hétérodoxe". Et il souligne que c'est là un point important, car "le genre policier, comme tous les genres, vit de l'incessante et délicate infraction à ses lois". Oui, la délicate infraction à ses lois.

Auteur: Martinez Guillermo

Info: Texte paru dans le quotidien argentin La Nación, le 15 août 2009, traduit de l'espagnol par François Gaudry

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vacheries

Le Top 10 des livres que vous n'avez jamais réussi à finir

Quel est le livre que vous n'avez jamais réussi à terminer ? Nous vous avons posé la question sur les réseaux sociaux, et vous avez été plus de trois mille à nous répondre. Voici le top 10 des livres qui vous sont tombés des mains.

On a rarement vu autant de pavés sur les tables des libraires ! Il n'existe pas forcément de lien entre la difficulté à lire un livre, et son épaisseur. Pour autant, cette rentrée littéraire riche en gros volumes nous a inspiré un sondage, que nous avons lancé sur nos réseaux sociaux le 27 septembre : nous avons voulu savoir quels romans vous n'aviez jamais réussi à terminer. Voici donc le top 10 des livres qui vous sont tombés des mains. Ceux qui détiennent la palme de l'ennui, de la complexité, ou du malaise... ! De l'Ulysse de James Joyce, au Voyage au bout de la nuit, de Céline.

1. "Ulysse", de James Joyce

La palme du livre le plus difficile à terminer revient sans conteste à l'Ulysse, de Joyce. Si ça peut ôter des scrupules à certains, notez que lors de sa parution, en 1922, Virginia Woolf elle-même l'avait jugé "prétentieux" et "vulgaire" !

Je n'y arrive pas. J'ai testé deux traductions différentes. J'ai même essayé en anglais. J'ai tout essayé. Impossible. Pour moi ce texte ne fait aucun sens. Je n'ai jamais dépassé la page 50. Marie-Claude

À la centième page ça lasse. Et il y en a bien plus ! Pourtant j'ai essayé trois fois. La dernière fois j'étais en Turquie : le livre y est resté. Échangé contre un polar dans une auberge. Moins bien écrit, mais lisible ! Delphine

Trop longuement perché pour moi, décourageant quand on pense que ces mille pages ne représentent qu'une journée narrée ! @Antilabe

Très touffu, assez opaque, nécessite, je pense, pour être bien compris, de solides connaissances en art littéraire, ou en tout cas d'avoir un parcours littéraire très développé, pour mettre à nu l'architecture du roman. Alexis

Ils disent tous que c'est immense mais quand tu prends le livre sur les étagères, à partir de la page 10 c'est du papier Canson. @xabicasto

Si vous cherchez à dompter l'Ulysse de James Joyce, vous pouvez commencer par réécouter ces Nouveaux chemins de la connaissance d'octobre 2014. Pour parler du roman, Adèle Van Reeth recevait Jacques Aubert, universitaire et éditeur des œuvres de Joyce (et de Virginia Woolf) dans la Bibliothèque de la Pléiade.

2. "Les Bienveillantes", de Jonathan Littell

Médaille d'argent pour Les Bienveillantes, prix Goncourt 2006, qui, à en croire vos témoignages, a donné la nausée à un certain nombre d'entre vous ! Notamment à cause d'une identification au narrateur (un ancien SS), vécue difficilement...

Une plume sublissime. Mais je finis par m'identifier au "je".... et je vomis. Impossible de prendre du recul tant l'écriture est puissante. Géraldine

J'ai étalé ma lecture sur neuf mois... malgré tout, impossible d'arriver au bout. Trop long, trop lourd, trop sordide, trop d'abréviations qui renvoient le lecteur tous les quatre paragraphes au glossaire de fin d'ouvrage (tout est en allemand) !! Je n'ai pas réussi, ni voulu me familiariser avec ce tout. Jeanne

Ce livre m'a plongée dans une angoisse monstre. Jusqu'à me poursuivre la nuit, sous forme de cauchemars... je l'ai arrêté à contre-cœur car je le trouvais aussi fascinant que perturbant. Anaïs

Le décalage, certes voulu, entre l’horreur des faits évoqués et la froideur du récit m’était insupportable. Par ailleurs, le profil du narrateur me semblait peu crédible et sans intérêt : sur neuf-cents pages, c’est long. Stéphane

Je n'ai pas trouvé la grille de lecture, pas compris le sens. Absence d'émotions, même négatives. Un catalogue d'horreurs aseptisées. Si quelqu’un peut m'aider à comprendre ce qui lui a valu le Prix Goncourt, je suis preneur. Geoffrey

En décembre 2006, année de publication des Bienveillantes, l'émission Répliques se posait la question de savoir si le succès de ce roman historique sur le génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, était ou non choquant. Au micro, la journaliste Nathalie Crom, qui qualifiait ce roman de "stupéfiant", mais aussi l'un des détracteurs de l'ouvrage, le philosophe Michel Terestchenko, qui le considérait comme "un mélange de lieux communs, de platitudes et de clichés" :

3. "À la Recherche du temps perdu", de Marcel Proust

Le bronze revient sans surprise à Marcel Proust, mondialement connu pour ses phrases interminables, et à son oeuvre cathédrale, À la recherche du temps perdu. Rappelons qu'en 1913, Gallimard avait dans un premier temps refusé de publier Du côté de chez Swann.

C'est illisible. Des paragraphes qui font cinq pages, des phrases qui n'en finissent jamais... Un éditeur moderne ne l'aurait jamais publié ! Pierre

Longtemps je me suis couchée de bonne heure... pour lire, mais celui-là m'a complètement endormie. @Tlih_Eilerua

Quand j'avais 15-16 ans, il a même traversé la fenêtre et a atterri dans la rue. Je trouvais ce livre insupportable. Olivier

C'est tellement riche et beau qu'après avoir lu une page, il faut la savourer et la méditer avant de passer à la suivante. Et après une dizaine de pages, je ressens comme un trop plein, une sorte d'écœurement. Rémi

Ah, "La Recherche"... Arrêtée au Temps retrouvé ! @TataMarceline

Les lecteurs du XXe siècles ont-ils eu du mal, eux aussi, à entrer dans La Recherche du temps perdu ? Pour le savoir, réécoutez ce Lieux de mémoire diffusé sur notre antenne en 1997. Antoine Compagnon et Jean-Yves Tadié y racontaient leur première lecture de La Recherche, et expliquaient comment donner envie de lire cette oeuvre... voilà qui tombe plutôt bien !

4. "Le Seigneur des anneaux", de J. R. R. Tolkien

La trilogie de Tolkien, parue entre 1954 et 1955, a recueilli également de très nombreux suffrages ! Beaucoup d'entre vous n'ont notamment pas su dépasser le très long préambule consacré aux mœurs des Hobbits et à leur vie dans La Comté.

Après avoir eu l'impression de passer une vie à errer dans la forêt, j'ai lâché l'affaire. @manel_bertrand

Le style, les longueurs, l'ennui... ! J'ai essayé de zapper les passages du début, comme on me l'avait conseillé. Mais rien à faire, je ne suis jamais arrivé à entrer dedans. Pourtant j'ai lu "Le Hobbit" facilement, ainsi que d'autres œuvres de fantasy. Sandrine

Au milieu du troisième tome, j'avais perdu tout intérêt de savoir si le bien allait triompher du mal. @emilycsergent

Tolkien, on aime, ou pas. Mais il faut reconnaître que l'écrivain était prodigieusement inventif, capable de créer un univers entier, doté de sa géographie particulière, et de ses langues singulières. En 1985, France Culture s'intéressait à ses inspirations, depuis le poème anglo-saxon de Béowulf, jusqu'aux légendes celtiques, en passant par les anciens livres gallois :

5. "Belle du Seigneur", d'Albert Cohen

Vous n'y êtes pas allés avec le dos de la cuillère pour dire votre incapacité à venir à bout du roman-fleuve de l'écrivain suisse francophone, publié en 1968 ! Joseph Kessel l'avait pourtant qualifié de "chef-d'œuvre absolu"...

J'avais l'impression de voir l'auteur se donner des tapes dans le dos et s'auto-contempler en train d'écrire. J'ai rarement lu quelque chose d'aussi satisfait et suffisant. Pas un personnage pour rattraper l'autre, on a envie de leur mettre des baffes à la Bud Spencer, à tour de rôle. Aucun humour en fait, pas de place pour l'autodérision, Cohen se prenant bien trop au sérieux. Samia

J'avais très envie d'aimer ce livre. Mais la scène où son sentiment pour le jeune homme bascule était tellement rapide et illogique, que ça m'a tout fichu en l'air. Je trouvais tout le monde tarte, j'ai arrêté au bout de deux-cents pages et je n'ai pas regretté. Solène

Impossible, malgré trois essais et à des années d’intervalle. Rien à faire. Ecriture trop poussive, métaphorique à l’excès, détails à foison... Impossible pour moi, grande lectrice et professeur de littérature, d’apprécier ce roman pourtant salué de tous. Françoise

En 2006, dans Carnet nomade, des artistes, des chercheurs et des zélateurs d'Albert Cohen venaient raconter leur lecture personnelle de Belle du seigneur. Nombre d'entre eux trouvaient à ce livre "humour, ferveur, et intelligence". Sauront-ils vous convaincre ?

6. "L'Homme sans qualités", de Robert Musil

Paru en 1932, le roman inachevé de l'écrivain autrichien Robert Musil a également fait consensus. Mille huit cents pages... on ne vous trouve pas très endurants !

Les premiers chapitres m'ont ravi : ce style et cet univers m'ont très vite pris. Pourquoi alors, au fur et à mesure, cette sensation d'enlisement, de stériles redites, d'absurdité, de vanité ? Et malgré tout l'impression saisissante de passer à côté de quelque chose d'énorme, pour lequel je ne serais pas outillé... Patrick

Des passages lents et interminables, et quelques éclats de génie qui m'ont fait m'accrocher jusqu'à la moitié (du premier tome), c'est déjà une performance. Méli

J'ai essayé maintes et maintes fois, il me tombe des mains et finit toujours sous mon lit ! Martine

Les premières pages sont prodigieuses, puis la magie disparaît. Musil ne l'a pas fini non plus ! @BrouLou

Et vous, êtes-vous parvenu(e) au bout de la grande oeuvre de Musil, qui met en scène des personnages ambivalents et en quête d'équilibre dans un monde en pleine mutation ? Peut-être que l'écoute de ce Une vie, une oeuvre, diffusé en 1989, vous décidera à en tenter ou en retenter la lecture !

7. "Le Rouge et le Noir", de Stendhal

Pour l'écrivain britannique William Somerset Maugham, il fait partie des dix plus grands romans jamais écrits. Pourtant, le grand classique de Stendhal, publié en 1830, vous tombe des mains ! Peut-être est-il trop étudié en classe ?

J'ai craqué au bout de quelques chapitres. Une à deux pages pour décrire une tapisserie de salon ou d'antichambre... juste imbuvable ! Nathalie

J'avais en permanence envie de secouer les protagonistes, insupportables de mollesse, à contempler leurs sentiments et émotions sous toutes les coutures (je reste polie). Je les hais. J'ai fini par jeter l'éponge, ce qui ne m'arrive jamais. Marie

Obligée de le lire à l'école deux années de suite, car la même prof de français. Je crois bien ne pas être allée jusqu'au bout, et ça m'a dégoûtée de la littérature classique ! Christine

Le professeur de littérature française Yves Ansel saura-t-il réconcilier les lecteurs avec Stendhal ? Il était venu en 2014, parler de ce fameux roman dans Les Nouveaux chemins de la connaissance :

8. "Madame Bovary", de Gustave Flaubert

Il ne pouvait pas ne pas faire partie de ce top 10 ! Il faut dire que Flaubert a tendu le bâton pour se faire battre : en écrivant ce roman publié en 1856, son but assumé était bel et bien de "faire un livre sur rien".

Alors que j'aime beaucoup Flaubert - j'ai adoré "Salammbô" ! -, je n'ai jamais réussi à finir "Madame Bovary". Je suppose que Flaubert est tellement doué pour décrire l'ennui d'Emma que cet ennui m'a gagné aussi. C'est un personnage qui m'ennuie, et m'agace... Certainement pour des raisons personnelles ! Caroline

Tous les personnages sont médiocres, lâches, stupides, on ne peut pas s'identifier à eux. Il faudrait que je m'y essaye à nouveau ! @AudeJavel1

Je n ai jamais pu aller plus loin que le mariage. Ça m'ennuyait trop. Un livre qui ne tient que par son style, ça ne m'intéresse pas. Il faut qu'il se passe des choses. Je suis peut être trop parisienne ? Caroline

En août 2017, nous consacrions un article à la manière dont Flaubert avait révolutionné l'écriture romanesque avec Madame Bovary. Car dès sa publication, en 1856, le roman choqua d'abord par son style, avant même d'être mis en procès pour son caractère "licencieux" l'année suivante. De quoi peut-être rassurer le lectorat récalcitrant !

9. "Cent ans de solitude", de Gabriel Garcia Marquez

Trop de personnages, et une traduction jugée "laborieuse" pour certains. La grande oeuvre de Gabriel Garcia Marquez (Nobel de littérature en 1982), parue en 1967, a dérouté un bon nombre d'entre vous ! Après tout, peut-être que l'on peut se contenter de la première phrase du roman, connue comme l'un des incipits les plus célèbres de la littérature : "Bien des années plus tard, face au peloton d'exécution, le colonel Aureliano Buendía devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l'emmena faire connaissance avec la glace."

Une oeuvre géniale dans laquelle je me suis plongé à corps perdu. Et puis, je ne sais plus quand, j'ai arrêté de le lire pendant une deux semaines. Et quand j'ai voulu m'y remettre, je ne savais plus qui était qui dans cette histoire (fichus Buendia avec leurs prénoms mélangés !), et j'ai abandonné. Lucas

J'ai eu l'impression de rentrer dans un monde distorsion avec des malheurs sans fin, je n'en pouvais plus. Anne-Sophie

Je ne sais pas pourquoi les éditeurs n'insèrent pas un arbre généalogique ! C'est bien ça qui manque pour le terminer... Dee Dee

En 1970, sur France Culture, l'émission Les Voix étrangères s'intéressait à Cent ans de solitude : "Il arrive parfois qu'un livre refuse sa condition de livre. La condition d'un volume que chacun ouvre ou pose à son gré, pour faire irruption dans la vie quotidienne du lecteur, s'installer d'un air résolu dans les rêves, mais aussi dans la conversation familiale du soir", commentait la critique littéraire Ugne Karvelis.

10. "Voyage au bout de la nuit", de Louis-Ferdinand Céline

"Voyage au bout de l'ennui", le jeu de mots est facile, mais vous êtes nombreux à l'avoir osé ! En avril 1932, Céline promettait pourtant à Gaston Gallimard que son roman était "du pain pour un siècle entier de littérature" !

J'avais et j'ai toujours l'impression que le vieux Céline sortait comme un diable de sa boîte à chaque ponctuation, ricanant, insultant et grinçant. Cette vision récurrente m'effraie encore, rien que d'y penser. C'est le seul livre que j'ai jeté au travers d'une pièce, de peur et de rage. Le seul roman qui me renvoie à un perpétuel effondrement. Hélène

Bien que je trouve l'écriture de Céline fascinante et d'une intelligence rare, le dernier tiers me laisse toujours moralement le cœur au bord des lèvres. J'avance toujours un peu plus mais ne le termine jamais. Stéfanie

J'ai essayé deux fois : style apprécié, mais c'est le contexte, je n'arrive jamais à garder mon attention quand l'objet parle des guerres du XXe siècle. Je ne saurais même pas dire si c'est par ennui ou par dégoût de cette période. Oda

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Auteur: Internet

Info: Combis Hélène, https://www.franceculture.fr, 06/10/2017

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ufo

Un bon copain et ancien compagnon d'escadron, Dave "Sex" Fravor, a vécu une des histoires d'aviation les plus bizarres de tous les temps. Un truc qui éclate la crédibilité, alors je vais la raconter en m'appuyant sur la bonne foi de Dave.
Je le connais personnellement - très bien. Nous avons volé sur des A-6 ensemble avant qu'il n'entre dans le monde des Hornet. C'est un mec drôle. Intelligent et malin, avec la typique surestimation de ses compétences du pilote de chasse. En vol cependant, Dave était aussi professionnel que possible.
Au matin du 14 novembre 2004, Dave et son équipier se sont lancés dans le ciel bleu clair de la Californie du Sud, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de San Diego. Leur nom d'appel était FASTEAGLE 01. Son ailier a décollé juste après eux dans FASTEAGLE 02. Ils ont grimpé au-dessus du navire et eu rendez-vous de façon normale avant de partir vers la zone de travail assignée dans l'océan ouvert au sud de l'USS Nimitz. Jour normal, opérations normales pour le pré-déploiement du cycle de travail dans tel milieu.
Le Nimitz Carrier Strike Group était déjà en poste depuis quelques semaines et travaillait à intégrer les opérations du transporteur avec ses différents navires de soutien, y compris le croiseur de missiles guidés de classe Ticonderoga, USS Princeton. En ce qui concerne Dave, c'était un jour standard, autre étape dans le long processus de la préparation des navires du Strike group et des avions de l'Air Wing pour travailler harmonieusement leur prochain déploiement de combat.
Ce que Dave ne savait pas, c'était qu'au cours des derniers jours, le Princeton avait attrapé des retours bizarres sur leur radar SPY-1. À plusieurs occasions, à compter du 10 novembre, le fire control officer, un type expérimenté, tout comme les radaristes, avaient détecté de nombreux échos qui se situaient bien au-dessus du volume de balayage du radar, quelque part à plus de 80 000 pieds. Des signaux qui partaient de 80 000 pieds jusqu'à planer à environ 50 pieds au-dessus de l'eau en quelques secondes. Toujours au même endroit, à la latitude d'environ 30NM au large de la côte de Baja, à environ 70NM au sud-ouest de Tijuana. À l'époque, le SPY-1 était le radar tactique le plus sophistiqué et le plus puissant de la planète. Avec cet engin, ils ont pu suivre ces AAV* pendant qu'ils descendaient, tournaient et glissaient à des vitesses, des taux de rotation et des accélérations plus rapides que n'importe quel avion ami ou menace connu. Incroyablement rapide.
Une fois les avions de l'escadre aérienne arrivés près du Nimitz, le fire squad control du Princeton y vit l'opportunité d'utiliser ces atouts et ces yeux pour aider à résoudre le mystère de ces AAVs.
A un moment, le vol FASTEAGLE terminait son entraînement prévu, le cmdt de l'escadron VMFA-232 de Marine, le lieutenant-colonel "Cheeks" Kurth, effectuait un vol de vérification post-maintenance pas très loin. Il fut le premier engin rapide contacté par le Princeton. La communication était étrange et intrigante. On lui demandait d'enquêter sur un contact aérien non identifié. Ce n'est pas une demande terriblement inhabituelle quand un Strike Group est en transit ou déployé loin des eaux domestiques, mais c'est plus qu'un peu étrange, pratiquement en vue du San Diego Homeport. Pour ajouter aux communications inhabituelles, on lui demanda quel armement il avait à bord. "Aucun."
Alors que le Princeton communiquait avec Cheeks, ils tentait également de transmettre ce contact AAV à l'E-2C Hawkeye de l'Air Wing, également en vol à l'époque. L'équipage de VAW-117 participait au contrôle d'interception pour le vol FASTEAGLE pendant leur entraînement et le Princeton souhaitait maintenant que l'E-2 guide les Super Hornets vers le point d'interception avec le contact de l'AAV, qui planait à ce moment sur leur spot préféré, mais maintenant à environ 20 000 pieds au-dessus de l'océan.
Les retours de l'AAV n'étaient pas été assez forts pour apparaître sur le large balayage de l'E-2, mais une fois qu'ils concentrèrent leur radar sur les coordonnées que le Princeton leur indiqua ils obtinrent un contact faible. Echos qui ne suffisaient pas pour générer une piste cible. Alors le Princeton contacta directement FASTEAGLE. Bien qu'il n'ait pas pu verrouiller les AAV, le contrôleur E-2 resta sur la fréquence et put suivre toute l'évolution qui s'ensuivit.
Alors que Cheeks s'approchait de l'endroit où il était dirigé, le Princeton lui conseilla de rester au-dessus de 10K alors que la section des Super Hornets s'approchait de la cible. Son radar reconnut les deux ships FASTEAGLE, mais pas d'autre contact. Un moment plus tard, le Princeton lui ordonna de le laisser tomber et de retourner au navire. Comme il était très proche, il décida de survoler l'action et de jeter un coup d'oeil.
La mer était calme, presque vitreuse et on était en fin de matinée d'une belle journée. Des conditions parfaites. Alors que Cheeks survolait l'endroit, il vit une perturbation à la surface de l'océan. Une section ronde d'eau turbulente d'environ 50-100 mètres de diamètre. C'était la seule zone du type de ce qu'il nomma "eau vive", décrivant ça comme s'il y avait quelque chose sous la surface comme un banc ou ce qu'il avait entendu dire de ce à quoi ressemble un navire qui coule rapidement.
Il survola la perturbation et fit demi-tour en direction de Nimitz sans voir ce qui faisait mousser l'eau. Comme il s'en retournait, au moment où les Super Hornets convergeaient vers l'endroit, les eaux blanches cessèrent et la surface de l'océan redevint lisse. Le point de la perturbation précédente étant complètement indiscernable.
À quelques milliers de pieds au-dessous de lui, Dave avait vu le même spectacle surréaliste, tout comme il s'était fait demander par le Princeton si les jets FASTEAGLE avaient des armes avec munition. Dave, déconcerté, rapporta que tout ce qu'ils avaient c'était deux missiles d'entraînement passifs. On lui donna des vecteurs de portée et un ensemble de coordonnées et on leur a dit d'enquêter sur un contact aérien inconnu à cet endroit.
Sans plus d'informations sur le contact, ils descendirent vers 20 mile pieds pour balayer avec un radar, ne percevant rien. Aucun avion de ce vol ne portait de girouette FLIR, ce qui limitait le type de capteurs avec lesquels il pouvait effectuer des recherches; mais les deux avions étaient neufs, selon les termes de Dave: "Ils avaient toujours cette nouvelle odeur de voiture". Les radars APG-73 étaient à la fois neufs et avaient parfaitement fonctionné durant l'entraînement de l'heure précédente. Pourtant, les écrans des deux avions étaient vides au point que Princeton lança "Merge plot!" (radars stop ?)
De ce moment les quatre membres d'équipage n'étaient plus que des yeux. La première indication inhabituelle que Dave nota fut la zone d'eau vive sur la surface que Cheeks regardait par-dessus son épaule alors qu'il s'éloignait. Il se souvient avoir pensé qu'il s'agissait de la taille d'un 737 et peut-être que le contact sur lequel ils avaient été dirigés était un avion de ligne qui venait de s'écraser. Il manoeuvra son F-18 plus bas pour mieux voir. Comme il descendait à environ 20K il fut surpris à la vue d'un objet blanc qui se déplaçait juste au-dessus de l'eau moussante. Il était immaculé, sans relief, oblong, et effectuait des mouvements latéraux mineurs tout en restant à une altitude constante au-dessus du disque d'eau turbulente.
Dave mis FASTEAGLE 02 en haute couverture passant vers environ 15K et avec son équipier put assister aux événements d'un point de vue parfait. Dave continua sa plongée en bas vers l'objet, essayant maintenant d'asservir le radar par l'intermédiaire de son NCSM pour le régler sur une distance de courte portée. Sans succès. Son intention était de passer près de l'objet à près de 350 nœuds. En se rapprochant il remarqua que l'AAV avait orienté l'une de ses extrémités fine vers lui, comme si, selon ses mots, "Il venait de nous remarquer et maintenant il nous pointait".
L'AAV commença alors à s'élever de son vol stationnaire. L'objet, qu'il décrivit plus tard comme bougeant en tic-tac, s'est élevé et fit deux cercles à droite, à environ un mile de la trajectoire en cercle du Hornet de Dave. Les instincts de BFM prirent le dessus et Dave poussa le nez vers le bas pour couper le bas du cercle. Alors il regarda l'AAV en mettant le nez en l'air, et tenta à nouveau d'asservir son radar via le NCSM. Encore une fois, l'APG-73 ne put verrouiller l'objet volant blanc de la taille d'un chasseur à quelques milliers de pieds de là.
Tout au long de ces manoeuvres, le WSO de Dave diffusait les événements en temps réel de l'interception vers le Princeton. Les opérateurs radar de l'E-2 entendirent sur le réseau sécurisé ce qui ressemblait à l'une des centaines d'interceptions qu'ils avaient entendues au fil des ans. À l'exception notable que les voix des équipages étaient plus stressées et que le verbiage pour identifier la cible était différent de ce qu'ils entendaient en général.
Dans leurs commentaires de débriefing, Dave, son OSM et les deux autres équipages déclarèrent que l'objet avait initialement plané comme un Harrier. Ils le décrivirent comme étant uniformément blanc, mesurant environ 45 pieds de longueur (grosso modo comme un avion de chasse), avec un axe horizontal discernable (comme un fuselage) mais sans fenêtres visibles, ni nacelles, ailes ou de systèmes de propulsion.
Alors que Dave tentait de manoeuvrer et d'essayer d'obtenir un verrou de combat avec son radar, l'AAV resserra son virage, "lift vector, puis vers l'arrière" comme Dave l'a décrit. Dave demanda immédiatement au Princeton un snap instantané, mais le radar SPY-1 avait également perdu le contact.
Les premières réponses du Princeton furent "image propre". Quelques instants plus tard, le Princeton relança "Vous n'allez pas le croire, mais il est à votre CAP." Le Princeton avait récupéré l'AAV planant à 24K au niveau assigné Lat / Long que Dave avait utilisé plus tôt pendant l'entraînement comme point orbital.
Bien que court en carburant, le vol FASTEAGLE bascula vers la position CAP pour essayer de reprendre l'AAV. Ils ne virent rien, ni sur leur chemin de retour vers Nimitz. Même le cercle de 100 mètres d'eau océanique turbulente avait disparu, lieu maintenant indiscernable du reste de la surface de la mer. Interrogé plus tard, Dave rapporta qu'il n'avait rien vu sur ou sous la surface de l'océan qui aurait pu causer ce cercle d'eau turbulente. Il était là quand ils acquirent visuellement le tic-tac, puis c'était parti lorsqu'ils cerclèrent quelques minutes plus tard.
De retour sur Nimitz, les quatre membres d'équipage se sont dirigés vers le paraloft pour retirer leur équipement. Les quatre équipages suivants de VFA-41 s'habillaient pour leur mission d'entraînement dans la même zone, avec utilisation des mêmes points Lat / Long que les points CAP de Dave. Dave et ses membres d'équipage transmirent ce qu'ils avaient vu aux nouveaux gars et leur rappelèrent d'enregistrer s'ils le pouvaient.
Le temps que lancement de la nouvelle équipe se fasse avec rendez-vous et vérification avec l'E-2 pour le contrôle, on était en début d'après-midi; 1500. Les avions se séparèrent, avec un cap vers ce même emplacement du sud de la PAC. Ils naviguaient à 20K et 300kts, max endurance. Là aussi le jet, le radar et aussi cette fois le FLIR, étaient nickel et fonctionnaient parfaitement.
Le WSO acquit d'abord un contact sur le radar à une distance d'environ 30 NM alors qu'il fonctionnait en mode balayage RWS. Il vérifia les coordonnées et ça oscillait en effet au point précis du CAP. Il tenta plusieurs verrouillage STT, sans succès. Plus tard, lors du débriefing, il expliqua qu'il avait plusieurs indices révélateurs d'EA.
L'aspect de la cible sur l'enregistrement de tracking tournait à 360 degrés avec d'autres indications de brouillage distinctes. En mode de balayage moins précis, le retour indiquait que l'objet était, aux dires du WSO, "à quelques milliers de pieds au-dessous de nous. Environ 15-20K- mais stationnaire." Le seul mouvement fut généré par le verrouillage radar du jet vers l'emplacement de la PAC.
Le WSO utilisa le pod FLIR à bord, l'asservissant à la piste faible que le mode RWS avait pu générer. Il enregistra la séquence sur l'enregistreur de bord. En utilisant le mode IR, il avait pu se verrouiller sur l'AAV., qui apparaissait sur l'écran dans l’enregistrement comme un objet blanc sur fond noir planant sans moyens connus.
La caméra Infra rouge ne détectait pas de gaz chauds sous l'AAV, comme avec un Harrier ou un hélicoptère. C'était simplement suspendu dans les airs. Il passa en mode TV et put verrouiller à nouveau le FLIR sur l'objet tout en essayant, sans succès, d'obtenir une piste STT sur le radar. Comme il regardait, l'AAV sortit de l'écran vers la gauche si soudainement qu'il sembla disparaître. Sur la bande au ralenti l'objet accélère hors du champ de vision avec une vitesse choquante. Le WSO ne fut pas en mesure de réacquérir l'AAV soit dans RWS soit avec le FLIR.
D'une manière ou d'une autre, la bande fut diffusée sur YouTube. Quelques années après l'incident, en me racontant l'histoire, Dave me montra le lien. C'était sans grand intérêt sans les informations de base. Mais remis dans le contexte, c'était incroyable, en particulier le ralenti du point d'accélération hors de l'écran. Pendant des années, j'ai raconté l'histoire à des amis et leur ai montré la vidéo.
Le mois dernier, lorsque j'ai appelé Dave pour me rafraîchir la mémoire avant de m'asseoir pour écrire cette rencontre bizarre, il m'a informé que la vidéo avait été retirée de YouTube. Il m'a dit qu'une agence gouvernementale avec un identificateur à trois lettres avait récemment mené une enquête sur les AAVs et avait interviewé exhaustivement toutes les parties impliquées, les sept membres d'équipage, dont les 6 membres du VFA-41 et Cheeks du VMFA-232, le fire control officer et le chef principal du Princeton, ainsi que l'opérateur radar de l'E-2. Ils ont même questionné l'équipage de l'USS Louisville, un sous-marin Fast-Attack de la classe de Los Angeles, qui faisait partie du Nimitz Carrier Strike Group, qui a rapporté qu'il n'y avait pas de contacts sonar non identifiés ou de bruits sous-marins étranges ce jour-là.
Je ne sais pas quoi faire de ces événements. J'ai aimé l'histoire dès sa première écoute parce que c'est tellement fou. Je n'avais jamais beaucoup réfléchi aux extraterrestres ou aux ovnis. C'était pour moi du gaspillage de le faire. S'ils voulaient prendre contact, ils le feraient. S'ils voulaient observer de loin, ils pourraient facilement être impossibles à discerner compte tenu de la haute technologie qu'ils semblent avoir.
Maintenant j'ai été confronté à des témoins crédibles. Pas des cinglés portant des chapeaux de papier mais des gens que je connais, des gens de mon monde. Il y eut plusieurs plates-formes corroborantes qui détectèrent l'AAV à l'aide de capteurs variés. Et, bien sûr, les huit globes oculaires qui ont eu le visuel sur le tic-tac blanc alors que Dave manœuvrait pour l'intercepter.
Dave n'a pas besoin d'être un étranger pour vous non plus. Regardez-le sur la série PBS, Carrier, et faites-vous votre propre opinion sur son professionnalisme et sa santé mentale.

Auteur: Chierici Paco

Info: 14 mars 2015. *Anomalous Aerial Vehicles

[ témoignage ] [ extraterrestres ]

 

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transgressions verbales

Avant même de parler, nous jurions.

Furieux de ce qu'il considère comme une pandémie virtuelle de vulgarité verbale émanant de personnalités aussi diverses que Howard Stern, Bono de U2 et Robert Novak, le Sénat des États-Unis est sur le point d'examiner un projet de loi qui augmenterait fortement les sanctions pour obscénité à l'antenne.

En multipliant par quinze les amendes qui seraient infligées aux radiodiffuseurs contrevenants, pour atteindre un montant d'environ 500 000 dollars par diffusion de grossièretés, et en menaçant de révoquer les licences des contrevenants récidivistes, le Sénat cherche à redonner à la place publique la teneur plus douce d'antan, lorsque l'on entendait rarement des propos calomnieux et que les célébrités n'étaient pas grossières à longueur de journée.

Pourtant, les chercheurs qui étudient l'évolution du langage et la psychologie des jurons disent qu'ils n'ont aucune idée du modèle mystique de gentillesse linguistique que les critiques pourraient avoir en tête. Le juron, disent-ils, est un universel humain. Toutes les langues, tous les dialectes et tous les patois étudiés, vivants ou morts, parlés par des millions de personnes ou par une petite tribu, ont leur part d'interdits, une variante de la célèbre liste des sept gros mots qui ne doivent pas être prononcés à la radio ou à la télévision, établie par le comédien George Carlin.

Les jeunes enfants mémorisent cet inventaire illicite bien avant d'en saisir le sens, explique John McWhorter, spécialiste de la linguistique au Manhattan Institute et auteur de "The Power of Babel", et les géants de la littérature ont toujours construit leur art sur sa colonne vertébrale.

"Le dramaturge jacobéen Ben Jonson a parsemé ses pièces de fackings et de "Culs peremptoirs", et Shakespeare ne pouvait guère écrire une strophe sans insérer des blasphèmes de l'époque comme "zounds" ou "sblood" - contractions offensantes de "God's wounds" et "God's blood" - ou autre étonnant  jeu de mots sexuel.

Le titre "Much Ado About Nothing", dit son auteur le Dr McWhorter, est un jeu de mots sur "Much Ado About an O Thing", le O thing étant une référence aux organes génitaux féminins.

Même la quintessence du bon livre abonde en passages coquins comme les hommes de II Kings 18:27 qui, comme le dit la traduction relativement douce du King James, "mangent leur propre merde et boivent leur propre pisse".

En fait, selon Guy Deutscher, linguiste à l'université de Leyde, aux Pays-Bas, et auteur de "The Unfolding of Language : An Evolutionary Tour of Mankind's Greatest Invention", les premiers écrits, qui datent d'il y a 5 000 ans, comportent leur lot de descriptions colorées de la forme humaine et de ses fonctions encore plus colorées. Et les écrits ne sont que le reflet d'une tradition orale qui, selon le Dr Deutscher et de nombreux autres psychologues et linguistes évolutionnistes, remonte à l'apparition du larynx humain, si ce n'est avant.

Certains chercheurs sont tellement impressionnés par la profondeur et la puissance du langage grossier qu'ils l'utilisent comme un judas dans l'architecture du cerveau, comme un moyen de sonder les liens enchevêtrés et cryptiques entre les nouvelles régions "supérieures" du cerveau chargées de l'intellect, de la raison et de la planification, et les quartiers neuronaux plus anciens et plus "bestiaux" qui donnent naissance à nos émotions.

Les chercheurs soulignent que le fait de jurer est souvent un amalgame de sentiments bruts et spontanés et de ruse ciblée, à la dérobée. Lorsqu'une personne en insulte une autre, disent-ils, elle crache rarement des obscénités et des insultes au hasard, mais évalue plutôt l'objet de son courroux et adapte le contenu de son explosion "incontrôlable" en conséquence.

Étant donné que l'injure fait appel aux voies de la pensée et des sentiments du cerveau dans une mesure à peu près égale et avec une ferveur facilement évaluable, les scientifiques affirment qu'en étudiant les circuits neuronaux qui la sous-tendent, ils obtiennent de nouvelles informations sur la façon dont les différents domaines du cerveau communiquent - et tout cela pour une réplique bien sentie.

D'autres chercheurs se sont penchés sur la physiologie de l'injure, sur la façon dont nos sens et nos réflexes réagissent à l'audition ou à la vue d'un mot obscène. Ils ont déterminé que le fait d'entendre un juron suscite une réaction littérale chez les gens. Lorsque des fils électrodermiques sont placés sur les bras et le bout des doigts d'une personne pour étudier les schémas de conductivité de sa peau et que les sujets entendent ensuite quelques obscénités prononcées clairement et fermement, les participants montrent des signes d'excitation instantanée. La conductivité de leur peau augmente, les poils de leurs bras se dressent, leur pouls s'accélère et leur respiration devient superficielle.

Il est intéressant de noter, selon Kate Burridge, professeur de linguistique à l'université Monash de Melbourne, en Australie, qu'une réaction similaire se produit chez les étudiants universitaires et d'autres personnes qui se targuent d'être instruites lorsqu'elles entendent des expressions de mauvaise grammaire ou d'argot qu'elles considèrent comme irritantes, illettrées ou déclassées.

"Les gens peuvent se sentir très passionnés par la langue, dit-elle, comme s'il s'agissait d'un artefact précieux qu'il faut protéger à tout prix contre les dépravations des barbares et des étrangers lexicaux." 

Le Dr Burridge et un collègue de Monash, Keith Allan, sont les auteurs de "Forbidden Words : Taboo and the Censoring of Language", qui sera publié au début de l'année prochaine par la Cambridge University Press.

Les chercheurs ont également découvert que les obscénités peuvent s'insinuer dans la peau d'une personne qui a la chair de poule, puis ne plus bouger. Dans une étude, les scientifiques ont commencé par le célèbre test de Stroop, qui consiste à montrer à des sujets une série de mots écrits en différentes couleurs et à leur demander de réagir en citant les couleurs des mots plutôt que les mots eux-mêmes.

Si les sujets voient le mot "chaise" écrit en lettres jaunes, ils sont censés dire "jaune".

Les chercheurs ont ensuite inséré un certain nombre d'obscénités et de vulgarités dans la gamme standard. En observant les réponses immédiates et différées des participants, les chercheurs ont constaté que, tout d'abord, les gens avaient besoin de beaucoup plus de temps pour triller les couleurs des mots d'injures que pour des termes neutres comme "chaise".

L'expérience de voir un texte titillant détournait manifestement les participants de la tâche de codage des couleurs. Pourtant, ces interpolations osées ont laissé des traces. Lors de tests de mémoire ultérieurs, les participants ont non seulement été beaucoup plus aptes à se souvenir des vilains mots que des mots neutres, mais cette supériorité s'appliquait également aux teintes des mots vilains, ainsi qu'à leur sens.

Oui, il est difficile de travailler dans la pénombre des ordures idiomatiques. Dans le cadre d'une autre étude, des chercheurs ont demandé à des participants de parcourir rapidement des listes de mots contenant des obscénités, puis de se souvenir du plus grand nombre possible de ces mots. Là encore, les sujets se sont montrés plus aptes à se remémorer les injures, et moins aptes à se souvenir de tout ce qui était acceptable et qui précédait ou suivait les injures.

Pourtant, si le langage grossier peut donner un coup de fouet, il peut aussi aider à évacuer le stress et la colère. Dans certains contextes, la libre circulation d'un langage grossier peut signaler non pas l'hostilité ou une pathologie sociale, mais l'harmonie et la tranquillité.

"Des études montrent que si vous êtes avec un groupe d'amis proches, plus vous êtes détendu, plus vous jurez", a déclaré le Dr Burridge. "C'est une façon de dire : 'Je suis tellement à l'aise ici que je peux me défouler. Je peux dire ce que je veux".

Il est également prouvé que les jurons peuvent être un moyen efficace d'évacuer l'agressivité et de prévenir ainsi la violence physique.

Avec l'aide d'une petite armée d'étudiants et de volontaires, Timothy B. Jay, professeur de psychologie au Massachusetts College of Liberal Arts à North Adams et auteur de "Cursing in America" et "Why We Curse", a exploré en détail la dynamique du juron.

Les enquêteurs ont découvert, entre autres, que les hommes jurent généralement plus que les femmes, à moins que ces dernières ne fassent partie d'une sororité, et que les doyens d'université jurent plus que les bibliothécaires ou les membres du personnel de la garderie universitaire.

Selon le Dr Jay, peu importe qui jure ou quelle est la provocation, la raison de l'éruption est souvent la même.

"À maintes reprises, les gens m'ont dit que le fait de jurer était pour eux un mécanisme d'adaptation, une façon de réduire le stress", a-t-il déclaré lors d'un entretien téléphonique. "C'est une forme de gestion de la colère qui est souvent sous-estimée".

En effet, les chimpanzés se livrent à ce qui semble être une sorte de match de jurons pour évacuer leur agressivité et éviter un affrontement physique potentiellement dangereux.

Frans de Waal, professeur de comportement des primates à l'université Emory d'Atlanta, a déclaré que lorsque les chimpanzés sont en colère, "ils grognent, crachent ou font un geste brusque et ascendant qui, si un humain le faisait, serait reconnu comme agressif".

Ces comportements sont des gestes de menace, a déclaré le professeur de Waal, et ils sont tous de bon augure.

"Un chimpanzé qui se prépare vraiment à se battre ne perd pas de temps avec des gestes, mais va tout simplement de l'avant et attaque". De la même manière, a-t-il ajouté, rien n'est plus mortel qu'une personne trop enragée pour utiliser des jurons, qui prend une arme à feu et commence à tirer sans bruit.

Les chercheurs ont également examiné comment les mots atteignent le statut de discours interdit et comment l'évolution du langage grossier affecte les couches plus lisses du discours civil empilées au-dessus. Ils ont découvert que ce qui est considéré comme un langage tabou dans une culture donnée est souvent un miroir des peurs et des fixations de cette culture.

"Dans certaines cultures, les jurons sont principalement liés au sexe et aux fonctions corporelles, tandis que dans d'autres, ils sont principalement liés au domaine de la religion", a déclaré le Dr Deutscher.

Dans les sociétés où la pureté et l'honneur des femmes sont d'une importance capitale, "il n'est pas surprenant que de nombreux jurons soient des variations sur le thème "fils de pute" ou fassent référence de manière imagée aux organes génitaux de la mère ou des sœurs de la personne concernée".

Le concept même de juron ou de serment trouve son origine dans la profonde importance que les cultures anciennes accordaient au fait de jurer au nom d'un ou de plusieurs dieux. Dans l'ancienne Babylone, jurer au nom d'un dieu était censé donner une certitude absolue contre le mensonge, a déclaré le Dr Deutscher, "et les gens croyaient que jurer faussement contre un dieu attirerait sur eux la terrible colère de ce dieu." La mise en garde contre tout abus du serment sacré se reflète dans le commandement biblique selon lequel il ne faut pas "prendre le nom du Seigneur en vain", et aujourd'hui encore, les témoins dans les tribunaux jurent sur la Bible qu'ils disent toute la vérité et rien que la vérité.

Chez les chrétiens, cette interdiction de prendre le nom du Seigneur en vain s'étendait à toute allusion désinvolte envers le fils de Dieu ou à ses souffrances corporelles - aucune mention du sang, des plaies ou du corps, et cela vaut aussi pour les savantes contractions. De nos jours, l'expression "Oh, golly !" peut être considérée comme presque comiquement saine, mais il n'en a pas toujours été ainsi. "Golly" est une compaction de "corps de Dieu" et, par conséquent, était autrefois un blasphème.

Pourtant, ni les commandements bibliques, ni la censure victorienne la plus zélée ne peuvent faire oublier à l'esprit humain son tourment pour son corps indiscipliné, ses besoins chroniques et embarrassants et sa triste déchéance. L'inconfort des fonctions corporelles ne dort jamais, a déclaré le Dr Burridge, et le besoin d'une sélection toujours renouvelée d'euphémismes sur des sujets sales a longtemps servi de moteur impressionnant à l'invention linguistique.

Lorsqu'un mot devient trop étroitement associé à une fonction corporelle spécifique, dit-elle, lorsqu'il devient trop évocateur de ce qui ne devrait pas être évoqué, il commence à entrer dans le domaine du tabou et doit être remplacé par un nouvel euphémisme plus délicat.

Par exemple, le mot "toilette" vient du mot français "petite serviette" et était à l'origine une manière agréablement indirecte de désigner l'endroit où se trouve le pot de chambre ou son équivalent. Mais depuis, le mot "toilettes" désigne le meuble en porcelaine lui-même, et son emploi est trop brutal pour être utilisé en compagnie polie. Au lieu de cela, vous demanderez à votre serveur en smoking de vous indiquer les toilettes pour dames ou les toilettes ou, si vous le devez, la salle de bains.

De même, le mot "cercueil" (coffin) désignait à l'origine une boîte ordinaire, mais une fois qu'il a été associé à la mort, c'en fut fini du "cercueil à chaussures" ou de la "pensée hors du cercueil". Selon le Dr Burridge, le sens tabou d'un mot "chasse toujours les autres sens qu'il aurait pu avoir".

Les scientifiques ont récemment cherché à cartographier la topographie neuronale du discours interdit en étudiant les patients atteints du syndrome de Tourette qui souffrent de coprolalie, l'envie pathologique et incontrôlable de jurer. Le syndrome de Gilles de la Tourette est un trouble neurologique d'origine inconnue qui se caractérise principalement par des tics moteurs et vocaux chroniques, une grimace constante ou le fait de remonter ses lunettes sur l'arête du nez, ou encore l'émission d'un flot de petits glapissements ou de grognements.

Seul un faible pourcentage des patients atteints de la maladie de Gilles de la Tourette sont atteints de coprolalie - les estimations varient de 8 à 30 % - et les patients sont consternés par les représentations populaires de la maladie de Gilles de la Tourette comme une affection humoristique et invariablement scatologique. Mais pour ceux qui souffrent de coprolalie, dit le Dr Carlos Singer, directeur de la division des troubles du mouvement à la faculté de médecine de l'université de Miami, ce symptôme est souvent l'aspect le plus dévastateur et le plus humiliant de leur maladie.

Non seulement il peut être choquant pour les gens d'entendre une volée de jurons jaillir sans raison apparente, parfois de la bouche d'un enfant ou d'un jeune adolescent, mais les jurons peuvent aussi être provocants et personnels, des insultes fleuries contre la race, l'identité sexuelle ou la taille d'un passant, par exemple, ou des références obscènes délibérées et répétées au sujet d'un ancien amant dans les bras d'un partenaire ou d'un conjoint actuel.

Dans un rapport publié dans The Archives of General Psychiatry, le Dr David A. Silbersweig, directeur du service de neuropsychiatrie et de neuro-imagerie du Weill Medical College de l'université Cornell, et ses collègues ont décrit leur utilisation de la TEP pour mesurer le débit sanguin cérébral et identifier les régions du cerveau qui sont galvanisées chez les patients atteints de la maladie de Tourette pendant les épisodes de tics et de coprolalie. Ils ont constaté une forte activation des ganglions de la base, un quatuor de groupes de neurones situés dans le cerveau antérieur, à peu près au niveau du milieu du front, connus pour aider à coordonner les mouvements du corps, ainsi qu'une activation des régions cruciales du cerveau antérieur arrière gauche qui participent à la compréhension et à la production du langage, notamment l'aire de Broca.

Les chercheurs ont également constaté l'activation de circuits neuronaux qui interagissent avec le système limbique, le trône des émotions humaines en forme de berceau, et, de manière significative, avec les domaines "exécutifs" du cerveau, où les décisions d'agir ou de s'abstenir d'agir peuvent être prises : la source neuronale, selon les scientifiques, de la conscience, de la civilité ou du libre arbitre dont les humains peuvent se prévaloir.

Selon le Dr Silbersweig, le fait que le superviseur exécutif du cerveau s'embrase lors d'une crise de coprolalie montre à quel point le besoin de dire l'indicible peut être un acte complexe, et pas seulement dans le cas du syndrome de Tourette. La personne est saisie d'un désir de maudire, de dire quelque chose de tout à fait inapproprié. Les circuits linguistiques d'ordre supérieur sont sollicités pour élaborer le contenu de la malédiction. Le centre de contrôle des impulsions du cerveau s'efforce de court-circuiter la collusion entre l'envie du système limbique et le cerveau néocortical, et il peut y parvenir pendant un certain temps. 

Mais l'envie monte, jusqu'à ce que les voies de la parole se déchaînent, que le verboten soit prononcé, et que les cerveaux archaïques et raffinés en portent la responsabilité.

Auteur: Angier Natalie

Info: The New York Times, 20 septembre 2005

[ vocables pulsions ] [ onomasiologie ] [ tiercités réflexes ] [ jargon reptilien ] [ verbe soupape ]

 
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consumérisme

Comment réguler l’exploitation de notre attention ? Dans Les marchands d’attention (The Attention Merchants, 2017, Atlantic Books, non traduit), le professeur de droit, spécialiste des réseaux et de la régulation des médias, Tim Wu (@superwuster), 10 ans après avoir raconté l’histoire des télécommunications et du développement d’internet dans The Master Switch (où il expliquait la tendance de l’industrie à créer des empires et le risque des industries de la technologie à aller dans le même sens), raconte, sur 400 pages, l’histoire de l’industrialisation des médias américains et de la publicité de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui. En passant d’une innovation médiatique l’autre, des journaux à la radio, de la télé à l’internet, Wu tisse une très informée histoire du rapport de l’exploitation commerciale de l’information et du divertissement. Une histoire de l’industrialisation des médias américains qui se concentre beaucoup sur leurs innovations et leurs modèles d’affaires, c’est-à-dire qui s’attarde à montrer comment notre attention a été convertie en revenus, comment nous avons été progressivement cédés à la logique du commerce – sans qu’on n’y trouve beaucoup à redire d’ailleurs.

"La compétition pour notre attention n’a jamais cherché à nous élever, au contraire."

Tout le long de cette histoire, Tim Wu insiste particulièrement sur le fait que la capture attentionnelle produite par les médias s’est faite par-devers nous. La question attentionnelle est souvent présentée comme le résultat d’une négociation entre l’utilisateur, le spectateur, et le service ou média qu’il utilise… mais aucun d’entre nous n’a jamais consenti à la capture attentionnelle, à l’extraction de son attention. Il souligne notamment que celle-ci est plus revendue par les médias aux annonceurs, qu’utilisée par les médias eux-mêmes. Il insiste également à montrer que cette exploitation vise rarement à nous aider à être en contrôle, au contraire. Elle ne nous a jamais apporté rien d’autre que toujours plus de contenus insignifiants. Des premiers journaux à 1 cent au spam publicitaire, l’exploitation attentionnelle a toujours visé nos plus vils instincts. Elle n’a pas cherché à nous élever, à nous aider à grandir, à développer nos connaissances, à créer du bien commun, qu’à activer nos réactions les plus instinctives. Notre exploitation commerciale est allée de pair avec l’évolution des contenus. Les journaux qui ont adopté le modèle publicitaire, ont également inventé des rubriques qui n’existaient pas pour mieux les servir : comme les faits divers, les comptes-rendus de procès, les récits de crimes… La compétition pour notre attention dégrade toujours les contenus, rappelle Tim Wu. Elle nous tourne vers "le plus tapageur, le plus sinistre, le plus choquant, nous propose toujours l’alternative la plus scandaleuse ou extravagante". Si la publicité a incontestablement contribué à développer l’économie américaine, Wu rappelle qu’elle n’a jamais cherché à présenter une information objective, mais plutôt à déformer nos mécanismes de choix, par tous les moyens possibles, même par le mensonge. L’exploitation attentionnelle est par nature une course contre l’éthique. Elle est et demeure avant tout une forme d’exploitation. Une traite, comme disait le spécialiste du sujet Yves Citton, en usant volontairement de ce vocabulaire marqué au fer.

Wu souligne que l’industrie des contenus a plus été complice de cette exploitation qu’autre chose. La presse par exemple, n’a pas tant cherché à contenir ou réguler la publicité et les revenus qu’elle générait, qu’à y répondre, qu’à évoluer avec elle, notamment en faisant évoluer ses contenus pour mieux fournir la publicité. Les fournisseurs de contenus, les publicitaires, aidés des premiers spécialistes des études comportementales, ont été les courtiers et les ingénieurs de l’économie de l’attention. Ils ont transformé l’approche intuitive et improvisée des premières publicités en machines industrielles pour capturer massivement l’attention. Wu rappelle par exemple que les dentifrices, qui n’existaient pas vraiment avant les années 20, vont prendre leur essor non pas du fait de la demande, mais bien du fait de l’offensive publicitaire, qui s’est attaquée aux angoisses inconscientes des contemporains. Plus encore que des ingénieurs de la demande, ces acteurs ont été des fabricants de comportements, de moeurs…

L’histoire de l’exploitation de notre attention souligne qu’elle est sans fin, que "les industries qui l’exploitent, contrairement aux organismes, n’ont pas de limite à leur propre croissance". Nous disposons de très peu de modalités pour limiter l’extension et la croissance de la manipulation attentionnelle. Ce n’est pas pour autant que les usagers ne se sont pas régulièrement révoltés, contre leur exploitation. "La seule dynamique récurrente qui a façonné la course des industries de l’attention a été la révolte". De l’opposition aux premiers panneaux publicitaires déposés en pleine ville au rejet de services web qui capturent trop nos données ou exploitent trop notre attention, la révolte des utilisateurs semble avoir toujours réussi à imposer des formes de régulations. Mais l’industrie de l’exploitation attentionnelle a toujours répondu à ces révoltes, s’adaptant, évoluant au gré des rejets pour proposer toujours de nouvelles formes de contenus et d’exploitation. Parmi les outils dont nous nous sommes dotés pour réguler le développement de l’économie de l’attention, Wu évoque trop rapidement le travail des associations de consommateurs (via par exemple le test de produits ou les plaintes collectives…) ou celui des régulateurs définissant des limites au discours publicitaire (à l’image de la création de la Commission fédérale du commerce américaine et notamment du bureau de la protection des consommateurs, créée pour réguler les excès des annonceurs, que ce soit en améliorant l’étiquetage des produits ou en interdisant les publicités mensongères comme celles, nombreuses, ventant des produits capables de guérir des maladies). Quant à la concentration et aux monopoles, ils ont également toujours été surveillés et régulés, que ce soit par la création de services publics ou en forçant les empires des médias à la fragmentation.

L’attention, un phénomène d’assimilation commercial et culturel L’invention du prime time à la radio puis à la télé a été à la fois une invention commerciale et culturelle, fusionnant le contenu au contenant, l’information/divertissement et la publicité en inventant un rituel d’attention collective massive. Il n’a pas servi qu’à générer une exposition publicitaire inédite, il a créé un phénomène social, une conscience et une identité partagée, tout en rendant la question de l’exposition publicitaire normale et sociale.

Dans la succession des techniques qu’ont inventés les médias de masse pour mobiliser et orienter les foules que décrit Tim Wu, on constate qu’une sorte de cycle semble se reproduire. Les nouvelles technologies et les nouveaux formats rencontrent des succès très rapides. Puis, le succès rencontre des résistances et les audiences se délitent vers de nouvelles techniques ou de nouveaux formats proposés par des concurrents. On a l’impression d’être dans une course poursuite où chaque décennie pourrait être représentée par le succès d’un support phare à l’image des 28 courts chapitres qui scandent le livre. L’essor de la télévision par exemple est fulgurant : entre 1950 et 1956 on passe de 9% à 72% des maisons équipées et à la fin des années 50, on l’a regarde déjà 5 heures par jour en moyenne. Les effets de concentration semblent très rapides… et dès que la fatigue culturelle pointe, que la nouveauté s’émousse, une nouvelle vague de propositions se développe à la fois par de nouveaux formats, de nouvelles modalités de contrôle et de nouveaux objets attentionnels qui poussent plus loin l’exploitation commerciale des publics. Patiemment, Wu rappelle la très longue histoire des nouveaux formats de contenus : la naissance des jeux, des journaux télé, des soirées spéciales, du sport, des feuilletons et séries, de la télé-réalité aux réseaux sociaux… Chacun ayant généré une nouvelle intrication avec la publicité, comme l’invention des coupures publicitaires à la radio et à la télé, qui nécessitaient de réinventer les contenus, notamment en faisant monter l’intrigue pour que les gens restent accrochés. Face aux outils de révolte, comme l’invention de la télécommande ou du magnétoscope, outils de reprise du contrôle par le consommateur, les industries vont répondre par la télévision par abonnement, sans publicité. Elles vont aussi inventer un montage plus rapide qui ne va cesser de s’accélérer avec le temps.

Pour Wu, toute rébellion attentionnelle est sans cesse assimilée. Même la révolte contre la communication de masse, d’intellectuels comme Timothy Leary ou Herbert Marcuse, sera finalement récupérée.

De l’audience au ciblage

La mesure de l’audience a toujours été un enjeu industriel des marchands d’attention. Notamment avec l’invention des premiers outils de mesure de l’audimat permettant d’agréger l’audience en volumes. Wu prend le temps d’évoquer le développement de la personnalisation publicitaire, avec la socio-géo-démographie mise au point par la firme Claritas à la fin des années 70. Claritas Prizm, premier outil de segmentation de la clientèle, va permettre d’identifier différents profils de population pour leur adresser des messages ciblés. Utilisée avec succès pour l’introduction du Diet Coke en 1982, la segmentation publicitaire a montré que la nation américaine était une mosaïque de goûts et de sensibilités qu’il fallait adresser différemment. Elle apporte à l’industrie de la publicité un nouvel horizon de consommateurs, préfigurant un ciblage de plus en plus fin, que la personnalisation de la publicité en ligne va prolonger toujours plus avant. La découverte des segments va aller de pair avec la différenciation des audiences et la naissance, dans les années 80, des chaînes câblées qui cherchent à exploiter des populations différentes (MTV pour la musique, ESPN pour le sport, les chaînes d’info en continu…). L’industrie du divertissement et de la publicité va s’engouffrer dans l’exploitation de la fragmentation de l’audience que le web tentera de pousser encore plus loin.

Wu rappelle que la technologie s’adapte à ses époques : "La technologie incarne toujours l’idéologie, et l’idéologie en question était celle de la différence, de la reconnaissance et de l’individualité". D’un coup le spectateur devait avoir plus de choix, plus de souveraineté… Le visionnage lui-même changeait, plus inattentif et dispersé. La profusion de chaînes et le développement de la télécommande se sont accompagnés d’autres modalités de choix comme les outils d’enregistrements. La publicité devenait réellement évitable. D’où le fait qu’elle ait donc changé, devenant plus engageante, cherchant à devenir quelque chose que les gens voudraient regarder. Mais dans le même temps, la télécommande était aussi un moyen d’être plus branché sur la manière dont nous n’agissons pas rationnellement, d’être plus distraitement attentif encore, à des choses toujours plus simples. "Les technologies conçues pour accroître notre contrôle sur notre attention ont parfois un effet opposé", prévient Wu. "Elles nous ouvrent à un flux de sélections instinctives et de petites récompenses"… En fait, malgré les plaintes du monde de la publicité contre la possibilité de zapper, l’état d’errance distrait des spectateurs n’était pas vraiment mauvais pour les marchands d’attention. Dans l’abondance de choix, dans un système de choix sans friction, nous avons peut-être plus perdu d’attention qu’autre chose.

L’internet a démultiplié encore, par de nouvelles pratiques et de nouveaux médiums, ces questions attentionnelles. L’e-mail et sa consultation sont rapidement devenus une nouvelle habitude, un rituel attentionnel aussi important que le prime time. Le jeu vidéo dès ses débuts a capturé toujours plus avant les esprits.

"En fin de compte, cela suggère aussi à quel point la conquête de l’attention humaine a été incomplète entre les années 1910 et les années 60, même après l’entrée de la télévision à la maison. En effet, même s’il avait enfreint la sphère privée, le domaine de l’interpersonnel demeurait inviolable. Rétrospectivement, c’était un territoire vierge pour les marchands d’attention, même si avant l’introduction de l’ordinateur domestique, on ne pouvait pas concevoir comment cette attention pourrait être commercialisée. Certes, personne n’avait jamais envisagé la possibilité de faire de la publicité par téléphone avant même de passer un appel – non pas que le téléphone ait besoin d’un modèle commercial. Ainsi, comme AOL qui a finalement opté pour la revente de l’attention de ses abonnés, le modèle commercial du marchand d’attention a été remplacé par l’un des derniers espaces considérés comme sacrés : nos relations personnelles." Le grand fournisseur d’accès des débuts de l’internet, AOL, a développé l’accès aux données de ses utilisateurs et a permis de développer des techniques de publicité dans les emails par exemple, vendant également les mails de ses utilisateurs à des entreprises et leurs téléphones à des entreprises de télémarketing. Tout en présentant cela comme des "avantages" réservés à ses abonnés ! FB n’a rien inventé ! "

La particularité de la modernité repose sur l’idée de construire une industrie basée sur la demande à ressentir une certaine communion". Les célébrités sont à leur tour devenues des marchands d’attention, revendant les audiences qu’elles attiraient, à l’image d’Oprah Winfrey… tout en transformant la consommation des produits qu’elle proposait en méthode d’auto-récompense pour les consommateurs.

L’infomercial a toujours été là, souligne Wu. La frontière entre divertissement, information et publicité a toujours été floue. La télé-réalité, la dernière grande invention de format (qui va bientôt avoir 30 ans !) promettant justement l’attention ultime : celle de devenir soi-même star.

Le constat de Wu est amer. "Le web, en 2015, a été complètement envahi par la malbouffe commerciale, dont une grande partie visait les pulsions humaines les plus fondamentales du voyeurisme et de l’excitation." L’automatisation de la publicité est le Graal : celui d’emplacements parfaitement adaptés aux besoins, comme un valet de chambre prévenant. "Tout en promettant d’être utile ou réfléchi, ce qui a été livré relevait plutôt de l’intrusif et pire encore." La télévision – la boîte stupide -, qui nous semblait si attentionnellement accablante, paraît presque aujourd’hui vertueuse par rapport aux boucles attentionnelles sans fin que produisent le web et le mobile.

Dans cette histoire, Wu montre que nous n’avons cessé de nous adapter à cette capture attentionnelle, même si elle n’a cessé de se faire à notre détriment. Les révoltes sont régulières et nécessaires. Elles permettent de limiter et réguler l’activité commerciale autour de nos capacités cognitives. Mais saurons-nous délimiter des frontières claires pour préserver ce que nous estimons comme sacré, notre autonomie cognitive ? La montée de l’internet des objets et des wearables, ces objets qui se portent, laisse supposer que cette immixtion ira toujours plus loin, que la régulation est une lutte sans fin face à des techniques toujours plus invasives. La difficulté étant que désormais nous sommes confrontés à des techniques cognitives qui reposent sur des fonctionnalités qui ne dépendent pas du temps passé, de l’espace ou de l’emplacement… À l’image des rythmes de montage ou des modalités de conception des interfaces du web. Wu conclut en souhaitant que nous récupérions "la propriété de l’expérience même de la vie". Reste à savoir comment…

Comment répondre aux monopoles attentionnels ?

Tim Wu – qui vient de publier un nouveau livre The Curse of Bigness : antitrust in the new Gilded age (La malédiction de la grandeur, non traduit) – prône, comme d’autres, un renforcement des lois antitrusts américaines. Il y invite à briser les grands monopoles que construisent les Gafam, renouvelant par là la politique américaine qui a souvent cherché à limiter l’emprise des monopoles comme dans le cas des télécommunications (AT&T), de la radio ou de la télévision par exemple ou de la production de pétrole (Standard Oil), pour favoriser une concurrence plus saine au bénéfice de l’innovation. À croire finalement que pour lutter contre les processus de capture attentionnels, il faut peut-être passer par d’autres leviers que de chercher à réguler les processus attentionnels eux-mêmes ! Limiter le temps d’écran finalement est peut-être moins important que limiter la surpuissance de quelques empires sur notre attention !

La règle actuelle pour limiter le développement de monopoles, rappelle Wu dans une longue interview pour The Verge, est qu’il faut démontrer qu’un rachat ou une fusion entraînera une augmentation des prix pour le consommateur. Outre, le fait que c’est une démonstration difficile, car spéculative, "il est pratiquement impossible d’augmenter les prix à la consommation lorsque les principaux services Internet tels que Google et Facebook sont gratuits". Pour plaider pour la fragmentation de ces entreprises, il faudrait faire preuve que leur concentration produit de nouveaux préjudices, comme des pratiques anticoncurrentielles quand des entreprises absorbent finalement leurs concurrents. Aux États-Unis, le mouvement New Brandeis (qui fait référence au juge Louis Brandeis acteur majeur de la lutte contre les trusts) propose que la régulation favorise la compétition.

Pour Wu par exemple, la concurrence dans les réseaux sociaux s’est effondrée avec le rachat par Facebook d’Instagram et de WhatsApp. Et au final, la concurrence dans le marché de l’attention a diminué. Pour Wu, il est temps de défaire les courtiers de l’attention, comme il l’explique dans un article de recherche qui tente d’esquisser des solutions concrètes. Il propose par exemple de créer une version attentionnelle du test du monopoleur hypothétique, utilisé pour mesurer les abus de position dominante, en testant l’influence de la publicité sur les pratiques. Pour Tim Wu, il est nécessaire de trouver des modalités à l’analyse réglementaire des marchés attentionnels.

Dans cet article, Wu s’intéresse également à la protection des audiences captives, à l’image des écrans publicitaires des pompes à essence qui vous délivrent des messages sans pouvoir les éviter où ceux des écrans de passagers dans les avions… Pour Wu, ces nouvelles formes de coercition attentionnelle sont plus qu’un ennui, puisqu’elles nous privent de la liberté de penser et qu’on ne peut les éviter. Pour lui, il faudrait les caractériser comme un "vol attentionnel". Certes, toutes les publicités ne peuvent pas être caractérisées comme telles, mais les régulateurs devraient réaffirmer la question du consentement souligne-t-il, notamment quand l’utilisateur est captif ou que la capture cognitive exploite nos biais attentionnels sans qu’on puisse lutter contre. Et de rappeler que les consommateurs doivent pouvoir dépenser ou allouer leur attention comme ils le souhaitent. Que les régulateurs doivent chercher à les protéger de situations non consensuelles et sans compensation, notamment dans les situations d’attention captive ainsi que contre les intrusions inévitables (celles qui sont augmentées par un volume sonore élevé, des lumières clignotantes, etc.). Ainsi, les publicités de pompe à essence ne devraient être autorisées qu’en cas de compensation pour le public (par exemple en proposant une remise sur le prix de l’essence)…

Wu indique encore que les réglementations sur le bruit qu’ont initié bien des villes peuvent être prises pour base pour construire des réglementations de protection attentionnelle, tout comme l’affichage sur les autoroutes, également très réglementé. Pour Tim Wu, tout cela peut sembler peut-être peu sérieux à certain, mais nous avons pourtant imposé par exemple l’interdiction de fumer dans les avions sans que plus personne aujourd’hui n’y trouve à redire. Il est peut-être temps de prendre le bombardement attentionnel au sérieux. En tout cas, ces défis sont devant nous, et nous devrons trouver des modalités pour y répondre, conclut-il.

Auteur: Guillaud Hubert

Info: 27 décembre 2018, http://internetactu.blog.lemonde.fr

[ culture de l'epic fail ] [ propagande ] [ captage de l'attention ]

 

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dichotomie

Un nouvel opus magnum postule l'existence d'un lien mathématique caché, semblable à la connexion entre l'électricité et le magnétisme.

En 2018, alors qu'il s'apprêtait à recevoir la médaille Fields, la plus haute distinction en mathématiques, Akshay Venkatesh avait un morceau de papier dans sa poche. Il y avait inscrit un tableau d'expressions mathématiques qui, depuis des siècles, jouent un rôle clé dans la théorie des nombres.

Bien que ces expressions aient occupé une place prépondérante dans les recherches de Venkatesh au cours de la dernière décennie, il les gardait sur lui non pas comme un souvenir de ce qu'il avait accompli, mais comme un rappel de quelque chose qu'il ne comprenait toujours pas.

Les colonnes du tableau étaient remplies d'expressions mathématiques à l'allure énigmatique : À l'extrême gauche se trouvaient des objets appelés périodes, et à droite, des objets appelés fonctions L, qui pourraient être la clé pour répondre à certaines des questions les plus importantes des mathématiques modernes. Le tableau suggérait une sorte de relation entre les deux. Dans un livre publié en 2012 avec Yiannis Sakellaridis, de l'université Johns Hopkins, Venkatesh avait trouvé un sens à cette relation : Si on leur donne une période, ils peuvent déterminer s'il existe une fonction L associée.

Mais ils ne pouvaient pas encore comprendre la relation inverse. Il était impossible de prédire si une fonction L donnée avait une période correspondante. Lorsqu'ils ont examiné les fonctions L, ils ont surtout constaté un certain désordre.

C'est pourquoi Venkatesh a gardé le papier dans sa poche. Il espérait que s'il fixait la liste suffisamment longtemps, les traits communs de cette collection apparemment aléatoire de fonctions L lui apparaîtraient clairement. Au bout d'un an, ce n'était pas le cas.

"Je n'arrivais pas à comprendre le principe qui sous-tendait ce tableau", a-t-il déclaré.

2018 fut une année importante pour Venkatesh à plus d'un titre. En plus de recevoir la médaille Fields, il a également quitté l'université de Stanford, où il se trouvait depuis une dizaine d'années, pour rejoindre l'Institute for Advanced Study à Princeton, dans le New Jersey.

Sakellaridis et lui ont également commencé à discuter avec David Ben-Zvi, un mathématicien de l'université du Texas, à Austin, qui passait le semestre à l'institut. Ben-Zvi avait construit sa carrière dans un domaine parallèle des mathématiques, en étudiant le même type de questions sur les nombres que Sakellaridis et Venkatesh, mais d'un point de vue géométrique. Lorsqu'il a entendu Venkatesh parler de cette table mystérieuse qu'il emportait partout avec lui, Ben-Zvi a presque immédiatement commencé à voir une nouvelle façon de faire communiquer les périodes et les fonctions L entre elles.

Ce moment de reconnaissance a été à l'origine d'une collaboration de plusieurs années qui s'est concrétisée en juillet dernier, lorsque Ben-Zvi, Sakellaridis et Venkatesh ont publié un manuscrit de 451 pages. L'article crée une traduction dans les deux sens entre les périodes et les fonctions L en refondant les périodes et les fonctions L en termes d'une paire d'espaces géométriques utilisés pour étudier des questions fondamentales en physique.

Ce faisant, il réalise un rêve de longue date dans le cadre d'une vaste initiative de recherche en mathématiques appelée "programme Langlands". Les mathématiciens qui travaillent sur des questions dans le cadre de ce programme cherchent à jeter des ponts entre des domaines disparates pour montrer comment des formes avancées de calcul (d'où proviennent les périodes) peuvent être utilisées pour répondre à des questions ouvertes fondamentales en théorie des nombres (d'où proviennent les fonctions L), ou comment la géométrie peut être utilisée pour répondre à des questions fondamentales en arithmétique.

Ils espèrent qu'une fois ces ponts établis, les techniques pourront être portées d'un domaine mathématique à un autre afin de répondre à des questions importantes qui semblent insolubles dans leur propre domaine.

Le nouvel article est l'un des premiers à relier les aspects géométriques et arithmétiques du programme, qui, pendant des décennies, ont progressé de manière largement isolée. En créant ce lien et en élargissant effectivement le champ d'application du programme Langlands tel qu'il a été conçu à l'origine, le nouvel article fournit un cadre conceptuel unique pour une multitude de connexions mathématiques.

"Il unifie un grand nombre de phénomènes disparates, ce qui réjouit toujours les mathématiciens", a déclaré Minhyong Kim, directeur du Centre international des sciences mathématiques d'Édimbourg, en Écosse.

Connecter eulement  

Le programme Langlands a été lancé par Robert Langlands, aujourd'hui professeur émérite à l'Institute for Advanced Study. Il a débuté en 1967 par une lettre manuscrite de 17 pages adressée par Langlands, alors jeune professeur à l'université de Princeton, à Andre Weil, l'un des mathématiciens les plus connus au monde. Langlands proposait d'associer des objets importants du calcul, appelés formes automorphes, à des objets de l'algèbre, appelés groupes de Galois. Les formes automorphes sont une généralisation des fonctions périodiques telles que le sinus en trigonométrie, dont les sorties se répètent à l'infini lorsque les entrées augmentent. Les groupes de Galois sont des objets mathématiques qui décrivent comment des entités appelées champs (comme les nombres réels ou rationnels) changent lorsqu'on leur ajoute de nouveaux éléments.

Les paires comme celle entre les formes automorphes et les groupes de Galois sont appelées dualités. Elles suggèrent que différentes classes d'objets se reflètent l'une l'autre, ce qui permet aux mathématiciens d'étudier l'une en fonction de l'autre.

Des générations de mathématiciens se sont efforcées de prouver l'existence de la dualité supposée de Langlands. Bien qu'ils n'aient réussi à l'établir que pour des cas limités, même ces cas limités ont souvent donné des résultats spectaculaires. Par exemple, en 1994, lorsque Andrew Wiles a démontré que la dualité proposée par Langlands était valable pour une classe particulière d'exemples, il a prouvé le dernier théorème de Fermat, l'un des résultats les plus célèbres de l'histoire des mathématiques.

En poursuivant le programme de Langlands, les mathématiciens l'ont également élargi dans de nombreuses directions.

L'une de ces directions a été l'étude de dualités entre des objets arithmétiques apparentés, mais distincts, de ceux qui intéressaient Langlands. Dans leur livre de 2012, Sakellaridis et Venkatesh ont étudié une dualité entre les périodes, qui sont étroitement liées aux formes automorphes, et les fonctions L, qui sont des sommes infinies attachées aux groupes de Galois. D'un point de vue mathématique, les périodes et les L-fonctions sont des objets d'espèces totalement différentes, sans traits communs évidents.

Les périodes sont devenues des objets d'intérêt mathématique dans les travaux d'Erich Hecke dans les années 1930.

Les fonctions L sont des sommes infinies utilisées depuis les travaux de Leonhard Euler au milieu du 18e siècle pour étudier des questions fondamentales sur les nombres. La fonction L la plus célèbre, la fonction zêta de Riemann, est au cœur de l'hypothèse de Riemann, qui peut être considérée comme une prédiction sur la répartition des nombres premiers. L'hypothèse de Riemann est sans doute le plus important problème non résolu en mathématiques.

Langlands était conscient des liens possibles entre les fonctions L et les périodes, mais il les considérait comme une question secondaire dans son projet de relier différents domaines des mathématiques.

"Dans un article, [Langlands] considérait que l'étude des périodes et des fonctions L ne valait pas la peine d'être étudiée", a déclaré M. Sakellaridis.

Bienvenue dans la machine

Bien que Robert Langlands n'ait pas insisté sur le lien entre les périodes et les fonctions L, Sakellaridis et Venkatesh les considéraient comme essentiels pour élargir et approfondir les liens entre des domaines mathématiques apparemment éloignés, comme l'avait proposé Langlands.

Dans leur livre de 2012, ils ont développé une sorte de machine qui prend une période en entrée, effectue un long calcul et produit une fonction L. Cependant, toutes les périodes ne produisent pas des L-fonctions correspondantes, et la principale avancée théorique de leur livre était de comprendre lesquelles le font. (Ce travail s'appuie sur des travaux antérieurs d'Atsushi Ichino et de Tamotsu Ikeda à l'université de Kyoto).

Mais leur approche avait deux limites. Premièrement, elle n'explique pas pourquoi une période donnée produit une fonction L donnée. La machine qui transforme l'une en l'autre était une boîte noire. C'était comme s'ils avaient construit un distributeur automatique qui produisait souvent de manière fiable quelque chose à manger chaque fois que vous mettiez de l'argent, sauf qu'il était impossible de savoir ce que ce serait à l'avance, ou si la machine mangerait l'argent sans distribuer d'en-cas.

Dans tous les cas, vous deviez déposer votre argent - votre période - puis "faire un long calcul et voir quelle fonction L vous obteniez parmi un zoo de fonctions", a déclaré M. Venkatesh.

La deuxième chose qu'ils n'ont pas réussi à faire dans leur livre, c'est de comprendre quelles fonctions L ont des périodes associées. Certaines en ont. D'autres non. Ils n'ont pas réussi à comprendre pourquoi.

Ils ont continué à travailler après la publication du livre, en essayant de comprendre pourquoi la connexion fonctionnait et comment faire fonctionner la machine dans les deux sens - non seulement en obtenant une fonction L à partir d'une période, mais aussi dans l'autre sens.

En d'autres termes, ils voulaient savoir que s'ils mettaient 1,50 $ dans le distributeur automatique, cela signifiait qu'ils allaient recevoir un sachet de Cheetos. De plus, ils voulaient pouvoir dire que s'ils tenaient un sachet de Cheetos, cela signifiait qu'ils avaient mis 1,50 $ dans le distributeur automatique.

Parce qu'elles relient des objets qui, à première vue, n'ont rien en commun, les dualités sont puissantes. Vous pourriez fixer un alignement d'objets mathématiques pendant une éternité sans percevoir la correspondance entre les fonctions L et les périodes.

"La manière dont elles sont définies et données, cette période et cette fonction L, n'a rien d'évident", explique Wee Teck Gan, de l'université nationale de Singapour.

Pour traduire des choses superficiellement incommensurables, il faut trouver un terrain d'entente. L'un des moyens d'y parvenir pour des objets tels que les fonctions L et les périodes, qui trouvent leur origine dans la théorie des nombres, est de les associer à des objets géométriques.

Pour prendre un exemple ludique, imaginez que vous avez un triangle. Mesurez la longueur de chaque côté et vous obtiendrez un ensemble de nombres qui vous indiquera comment écrire une fonction L. Prenez un autre triangle et, au lieu de mesurer les longueurs, regardez les trois angles intérieurs - vous pouvez utiliser ces angles pour définir une période. Ainsi, au lieu de comparer directement les fonctions L et les périodes, vous pouvez comparer les triangles qui leur sont associés. On peut dire que les triangles "indexent" les L-fonctions et les périodes - si une période correspond à un triangle avec certains angles, alors les longueurs de ce triangle correspondent à une L-fonction correspondante.

Si une période correspond à un triangle avec certains angles, les longueurs de ce triangle correspondent à une fonction L. "Cette période et cette fonction L, il n'y a pas de relation évidente dans la façon dont elles vous sont données. L'idée était donc que si vous pouviez comprendre chacune d'entre elles d'une autre manière, d'une manière différente, vous pourriez découvrir qu'elles sont très comparables", a déclaré M. Gan.

Dans leur ouvrage de 2012, Sakellaridis et Venkatesh ont réalisé une partie de cette traduction. Ils ont trouvé un moyen satisfaisant d'indexer des périodes en utilisant un certain type d'objet géométrique. Mais ils n'ont pas pu trouver une façon similaire de penser aux fonctions L.

Ben-Zvi pensait pouvoir le faire.

Le double marteau de Maxwell

Alors que les travaux de Sakellaridis et Venkatesh se situaient légèrement à côté de la vision de Langlands, Ben-Zvi travaillait dans un domaine des mathématiques qui se situait dans un univers totalement différent - une version géométrique du programme de Langlands.

Le programme géométrique de Langlands a débuté au début des années 1980, lorsque Vladimir Drinfeld et Alexander Beilinson ont suggéré une sorte de dualité de second ordre. Drinfeld et Beilinson ont proposé que la dualité de Langlands entre les groupes de Galois et les formes automorphes puisse être interprétée comme une dualité analogue entre deux types d'objets géométriques. Mais lorsque Ben-Zvi a commencé à travailler dans le programme géométrique de Langlands en tant qu'étudiant diplômé à l'université de Harvard dans les années 1990, le lien entre le programme géométrique et le programme original de Langlands était quelque peu ambitieux.

"Lorsque le programme géométrique de Langlands a été introduit pour la première fois, il s'agissait d'une séquence d'étapes psychologiques pour passer du programme original de Langlands à cet énoncé géométrique qui semblait être un tout autre genre d'animal", a déclaré M. Ben-Zvi.

En 2018, lorsque M. Ben-Zvi a passé une année sabbatique à l'Institute for Advanced Study, les deux parties se sont rapprochées, notamment dans les travaux publiés la même année par Vincent Lafforgue, chercheur à l'Institut Fourier de Grenoble. Pourtant, M. Ben-Zvi prévoyait d'utiliser son séjour sabbatique de 2018 à l'IAS pour effectuer des recherches sur l'aspect géométrique du programme Langlands. Son plan a été perturbé lorsqu'il est allé écouter un exposé de Venkatesh.

"Mon fils et la fille d'Akshay étaient des camarades de jeu, et nous étions amis sur le plan social, et j'ai pensé que je devrais assister à certaines des conférences qu'Akshay a données au début du semestre", a déclaré Ben-Zvi.

Lors de l'une de ces premières conférences, Venkatesh a expliqué qu'il fallait trouver un type d'objet géométrique capable d'indexer à la fois les périodes et les fonctions L, et il a décrit certains de ses récents progrès dans cette direction. Il s'agissait d'essayer d'utiliser des espaces géométriques issus d'un domaine des mathématiques appelé géométrie symplectique, que Ben-Zvi connaissait bien pour avoir travaillé dans le cadre du programme géométrique de Langlands.

"Akshay et Yiannis ont poussé dans une direction où ils ont commencé à voir des choses dans la géométrie symplectique, et cela m'a fait penser à plusieurs choses", a déclaré M. Ben-Zvi.

L'étape suivante est venue de la physique.

Pendant des décennies, les physiciens et les mathématiciens ont utilisé les dualités pour trouver de nouvelles descriptions du fonctionnement des forces de la nature. Le premier exemple, et le plus célèbre, est celui des équations de Maxwell, écrites pour la première fois à la fin du XIXe siècle, qui relient les champs électriques et magnétiques. Ces équations décrivent comment un champ électrique changeant crée un champ magnétique, et comment un champ magnétique changeant crée à son tour un champ électrique. Ils peuvent être décrits conjointement comme un champ électromagnétique unique. Dans le vide, "ces équations présentent une merveilleuse symétrie", a déclaré M. Ben-Zvi. Mathématiquement, l'électricité et le magnétisme peuvent changer de place sans modifier le comportement du champ électromagnétique commun.

Parfois, les chercheurs s'inspirent de la physique pour prouver des résultats purement mathématiques. Par exemple, dans un article de 2008, les physiciens Davide Gaiotto et Edward Witten ont montré comment les espaces géométriques liés aux théories quantiques des champs de l'électromagnétisme s'intègrent dans le programme géométrique de Langlands. Ces espaces sont présentés par paires, une pour chaque côté de la dualité électromagnétique : les espaces G hamiltoniens et leur dual : Les espaces Ğ hamiltoniens (prononcés espaces G-hat).

Ben-Zvi avait pris connaissance de l'article de Gaiotto-Witten lors de sa publication, et il avait utilisé le cadre physique qu'il fournissait pour réfléchir à des questions relatives à la géométrie de Langlands. Mais ce travail - sans parler de l'article de physique qui l'a motivé - n'avait aucun lien avec le programme original de Langlands.

Jusqu'à ce que Ben-Zvi se retrouve dans le public de l'IAS en train d'écouter Venkatesh. Il a entendu Venkatesh expliquer qu'à la suite de leur livre de 2012, lui et Sakellaridis en étaient venus à penser que la bonne façon géométrique d'envisager les périodes était en termes d'espaces Hamiltoniens G. Mais Venkatesh a admis qu'ils ne savaient pas quel type d'objet géométrique associer aux L-fonctions. 

Cela a mis la puce à l'oreille de Ben-Zvi. Une fois que Sakellaridis et Venkatesh ont relié les périodes aux espaces G hamiltoniens, les objets géométriques duaux des fonctions L sont devenus immédiatement clairs : les espaces Ğ dont Gaiotto et Witten avaient dit qu'ils étaient les duaux des espaces G. Pour Ben-Zvi, toutes ces dualités, entre l'arithmétique, la géométrie et la physique, semblaient converger. Même s'il ne comprenait pas toute la théorie des nombres, il était convaincu que tout cela faisait partie d'une "grande et belle image".

To G or Not to Ğ

Au printemps 2018, Ben-Zvi, Sakellaridis et Venkatesh se sont rencontrés régulièrement au restaurant du campus de l'Institute for Advanced Study ; pendant quelques mois, ils ont cherché à savoir comment interpréter les données extraites des L-fonctions comme une recette pour construire des Ğ-espaces hamiltoniens. Dans l'image qu'ils ont établie, la dualité entre les périodes et les fonctions L se traduit par une dualité géométrique qui prend tout son sens dans le programme géométrique de Langlands et trouve son origine dans la dualité entre l'électricité et le magnétisme. La physique et l'arithmétique deviennent des échos l'une de l'autre, d'une manière qui se répercute sur l'ensemble du programme de Langlands.

"On pourrait dire que le cadre original de Langlands est maintenant un cas particulier de ce nouveau cadre", a déclaré M. Gan.

En unifiant des phénomènes disparates, les trois mathématiciens ont apporté une partie de l'ordre intrinsèque à la relation entre l'électricité et le magnétisme à la relation entre les périodes et les fonctions L.

"L'interprétation physique de la correspondance géométrique de Langlands la rend beaucoup plus naturelle ; elle s'inscrit dans cette image générale des dualités", a déclaré Kim. "D'une certaine manière, ce que [ce nouveau travail] fait est un moyen d'interpréter la correspondance arithmétique en utilisant le même type de langage.

Le travail a ses limites. Les trois mathématiciens prouvent en particulier  la dualité entre les périodes et les fonctions L sur des systèmes de nombres qui apparaissent en géométrie, appelés champs de fonctions, plutôt que sur des champs de nombres - comme les nombres réels - qui sont le véritable domaine d'application du programme de Langlands.

"L'image de base est censée s'appliquer aux corps de nombres. Je pense que tout cela sera finalement développé pour les corps de nombres", a déclaré M. Venkatesh.

Même sur les champs de fonctions, le travail met de l'ordre dans la relation entre les périodes et les fonctions L. Pendant les mois où Venkatesh a transporté un imprimé dans sa poche, lui et Sakellaridis n'avaient aucune idée de la raison pour laquelle ces fonctions L devraient être celles qui sont associées aux périodes. Aujourd'hui, la relation est logique dans les deux sens. Ils peuvent la traduire librement en utilisant un langage commun.

"J'ai connu toutes ces périodes et j'ai soudain appris que je pouvais retourner chacune d'entre elles et qu'elle se transformait en une autre que je connaissais également. C'est une prise de conscience très choquante", a déclaré M. Venkatesh.



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org. Kevin Hartnett, contributing Writer, October 12, 2023 https://www.quantamagazine.org/echoes-of-electromagnetism-found-in-number-theory-20231012/?mc_cid=cc4eb576af&mc_eid=78bedba296

[ fonction L p-adique ] [ fonction périodique ]

 

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