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adaptation cinématographique

D’abord, il faut vous dire que je lisais beaucoup. Les Américains comme Hammett et Chandler. Des Français comme Jean Cocteau et, surtout, Louis-Ferdinand Céline. J’admets que Jean-Paul Sartre m’intéressait pour son importance historique, mais il m’apportait peu d’émotion. Je préférais Céline. Je pense que la confession de Jack Kerouac était honnête. Il a dit que Voyage au bout de la nuit était le seul roman qui l’ait vraiment influencé. Je le crois. Céline vous marque jusqu’à la mort. J’ai souvent pensé en faire un film. Mais je ne sais pas s’il serait raisonnable de toucher à un tel chef-d’œuvre. Quand j’aime autant un auteur, j’étouffe d’un sentiment de pudeur. Je suis aussi un auteur, en tant que cinéaste. Spontanément, je trahirais l’œuvre de base de Céline. J’en ferais quelque chose d’autre. Et je ne sais pas s’il faut le faire. […] Céline, c’est la réalité: le constat magistral de la vie moderne. On peut y toucher, j'aimerais le faire […] (Malraux a fait L'Espoir), cinquante ans après cela ne va plus. Le Voyage au bout de la nuit n'a pas ce handicap. C’est la lutte contre l’idiotie. C’est toujours d’actualité. Il y a fort à craindre que ça le restera.

Auteur: Leone Sergio

Info: Conversation avec Noël Simsolo (Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma, pp. 77-79 et p. 161)

[ source d'inspiration ] [ éloge ] [ humilité ]

 

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surf

<Aleks> T'as fait quoi de ta journée ?
<Pony> Rien de spé.
<Aleks> Tu fous jamais rien, toi ! :o
<Pony> Je me suis levée, j'ai allumé l'ordi, je suis allée sur facebook, j'ai vu un test "quel péché êtes vous ?", ça m'a donné envie de regarder le film Se7en, dans lequel ils parlent également des "sept vertues", je suis allée sur Google me renseigner sur quelles étaient ces sept vertues. Je suis allée voir comment ils présentaient le film Se7en dans la bande-annonce. Dans les bandes annonces proposées il y avait celle de Saw, j'ai regardé Saw, je me suis renseignée sur l'intrigue générale de Saw, ça m'a amené à regarder le "top 10 des psychopathes de films" alors je suis allée prendre une douche où j'ai commencé à psychoter sur le fait que si il y avait une personne de l'autre côté de la douche, je ne pourrais pas m'échapper, mais que, d'un autre côté, l'image cinématographique pourrait ne pas être trop mal, alors je suis allée voir l'esthétique des films d'horreur sur internet et là j'ai fait une pause alors me voilà.
<Aleks> ... Ah quand même.
<Pony> Et ce PUTAIN de test osait dire que mon péché est la paresse !!!

Auteur: Internet

Info:

[ dialogue-web ]

 

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scrupules

J'ai eu envie de poser ce problème, et en même temps cela me gênait de le faire, surtout compte tenu du fait qu'évidemment je n'ai jamais torturé, ni été torturé, ni vu torturer. Au début, j'étais allé voir Jean Cayrol, l'auteur du commentaire de Nuit et Brouillard pour lui demander conseil, mais il m'a beaucoup déconseillé de montrer la torture, et je le comprends très bien. Je pense que si j'avais jamais été torturé, je n'aurais jamais osé le montrer, et que, si l'on peut dire, j'ai été aidé par mon manque d'expérience personnelle de la chose. Ceci dit, j'ai décidé de montrer la torture de la manière la plus discrète possible. C'est pourquoi je fais dire au début de cette scène : "La torture, c'est monotone et triste, et c'est difficile d'en parler ; j'en parlerai peu." Je n'ai pas cherché à faire réaliste, à bouleverser le spectateur, à lui montrer des systèmes de torture et leurs effets. J'ai simplement montré le minimum d'images nécessaires pour exprimer le fait que des personnes en font souffrir volontairement d'autres. Je n'ai d'ailleurs pas évoqué ceci comme une scène vécue, mais comme le souvenir d'une scène vécue, comme une réflexion sur le phénomène. Je n'ai pas voulu faire s'évanouir les gens dans la salle, mais les faire réfléchir.

Auteur: Godard Jean-Luc

Info: in "Cinéma 61", n°52, janvier 1961 - cité dans "Passage du cinéma", éd. Ansedonia, p. 770

[ représentation ] [ violence ] [ cinéma ] [ référence cinématographique ] [ pari sur l'intelligence ]

 

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extrapolation

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas l'impossibilité de communiquer, mais plutôt une difficulté mais qui ne vient pas justement du langage. Qui, à certains moments, peut avoir l'air de venir du langage ou des mots, mais ce n'est pas du tout ça puisque les mots sont ce qu'ils sont, comme vous l'expliquera Brice Parain dans Vivre sa vie. Ce qu'il faut, c'est bien se comporter vis-à-vis d'eux et c'est ça qui est difficile justement... Qu'il n'y ait pas de malentendu. Parce que, dans Le Mépris, il y a un malentendu, cela devient vite la catastrophe et c'est irrattrapable, alors au fond c'est une morale très candide et c'est la morale du Candide de Voltaire. A un moment du reste, Le Petit Soldat, j'avais pensé l'appeler Candide 62. Il y a pire dans Le Mépris que la mauvaise interprétation... il y a le désir d'interpréter. Je veux dire que quand quelqu'un parle allemand et que vous ne comprenez pas, là il y a besoin d'interpréter ; mais quand quelqu'un parle français et qu'il vous dit : "Bonjour !" il n'y a pas besoin d'interpréter ; "Ah !, il me dit bonjour, mais est-ce qu'il ne voudrait pas me dire au revoir ?" Or, c'est ce que nous faisons beaucoup et c'est de là que viennent souvent les malentendus.

Auteur: Godard Jean-Luc

Info: Cinéma 65, n°94, mars 1965

[ souci de clarté ] [ référence littéraire ] [ références cinématographiques ]

 

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médias

Les hommes du jour ont à peine fini leur geste que les actualités cinématographiques nous le restituent. Si promptement et si fidèlement que c'est comme si, dans un miroir grisâtre, l'instant se répétait. Et pourtant, entre les deux moments de l'image vécue et de l'image reproduite, quelle que soit la hâte du bélinogramme ou la vitesse de l'avion transporteur de pellicules, plusieurs heures se sont écoulées. Pendant ces heures-là, les premiers articles de journaux ont eu le temps d'émerger du flot des télégrammes d'agences; les premiers sourires et les premières colères ont eu le loisir d'apparaître sur les visages de l'opinion publique. Choc en retour, souvent plus stupéfiant que le choc initial lui-même. De sorte que, lorsque les actualités passent à l'écran devant nos yeux, elles sont déjà aussi inactuelles, aussi férocement immobiles, aussi définitives et sans merci que l'histoire qu'on écrira dans cent ans. Et pourtant l'image de ce qui fut hier nous attire, nous la recherchons. Elle a sur nos idées, sur nos sentiments qui commencent à se définir, une influence certaine. Nous lui demandons une preuve a posteriori de la validité de nos jugements. Le film d'actualité décongestionne la pensée; en remplaçant par l'image concrète tout ce qu'une passion peut avoir d'abstrait, de douloureux, d'insaisissable, il fait descendre la température. Le film d'actualité se situe quelque part entre l'action et l'histoire, là où s'asseyait jadis le journalisme ; il est le centre de la dépression météorologique de ces pot-au-noir qu'on nomme le cerveau du lecteur, la cervelle de l'électeur.

Auteur: Morand Paul

Info: Chroniques 1931-1954 (2001, 651 p., Grasset)

[ société de l'urgence ] [ modernité ] [ immédiateté de l'information ]

 
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technique

Il se trouve que très souvent, en particulier à cause de l'apport de la couleur, les photogrammes sont devenus beaucoup trop riches d'informations inutiles ; le cerveau a une capacité limitée de traitement de l'information. Quand tu montres à l'oeil une image à grand angle de prise de vue, à haute définition et très polychrome, tu satures très vite cette capacité de traitement. Cela se constate très fréquemment quand on compare une photo en couleurs et une photo en noir et blanc ; les photos d'Isis (*) sont à cet égard très révélatrices ; on parle de l'abstraction des films en noir et blanc, le regardeur s'y trouve moins assommé, le cerveau garde plus de disponibilité pour traiter les valeurs, les images et les sons. (...) Donc, il est important de pouvoir raréfier l'information apportée par les images, en jouant sur un ou plusieurs des paramètres constitutifs du photogramme : par exemple diminuer l'échelle des valeurs (Vie privée de Louis Malle), désaturer les couleurs (Une journée particulière de Ettore Scola), supprimer quasiment la couleur (Le Miroir, de Tarkovsky), noyer les détails fins dans le grain (News from Home de Chantal Akerman), ou même les supprimer (Numéro Deux de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville) ; il est à l'inverse possible d'augmenter les contrastes et la saturation des couleurs, au point de supprimer toute modulation intermédiaire et d'accentuer la délinéation au détriment des demi-teintes. En somme, la raréfaction c'est vider le photogramme des informations saturantes, au profit de l'audition des sons et de la perception du temps (les films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet).

Auteur: Beauviala Jean-Pierre

Info: Entretien paru dans les "Cahiers du cinéma", n°288, mai 1978 - cité dans "Passage du cinéma", éd. Ansedonia, p. 756 - (*) peut-être Beauviala parle-t-il du photographe Israëlis Bidermanas (1911-1980), connu sous le nom d'artiste "Izis"

[ cinéma ] [ problème ] [ éventail de solutions ] [ perception ] [ exemples cinématographiques ] [ noir-et-blanc ] [ image-son ]

 

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célébrité

Cette séduction a la blancheur spectrale des étoiles, comme elles furent si bien nommées. Tour à tour les masses n'ont été  "séduites", à l'ère moderne, que par deux grands événements : la lumière blanche des stars, et la lumière noire du terrorisme. Ces deux phénomènes ont bien des choses en commun. Comme les étoiles, les stars ou les actes terroristes "clignotent" : ils n'éclairent pas, ils ne rayonnent pas d'une lumière blanche et continue, mais froide et intermittente, ils déçoivent en même temps qu'ils exaltent, ils fascinent par la soudaineté de leur apparition et l'imminence de leur disparition. Ils s'éclipsent aux-mêmes, dans une perpétuelle surenchère.

Les grandes séductrices ou les grandes stars ne brillent jamais par leur talent ou par leur intlligence, elles brillent par leur nullité, et leur froideur, qui est celle du maquillage et du hiératisme rituel (le rituel est cool, selon MacLuhan). Elles métaphorisent l'immense processus glaciaire qui s'est emparé de notre univers de sens pris dans les réseaux clignotants de signes et d'images- mais en même temps à un moment donné de cette histoire et dans une conjoncture qui ne se reproduira plus, elles le transfigurent en effet de séduction. 

Le cinéma n'a jamais resplendi que par cette séduction pure, par cette pure vibration du non-sens- vibration chaude d'autant plus belle qu'elle veneit du froid.

Artifice et non-sens : tel est le visage ésotérique de l'idole, son masque initiatique. Séduction d'un visage expurgé de toute expression, sinon celle d'un sourire rituel et d'une beauté non moins conventionnelle. Visage blanc, de la blancheur des signes voués à leur apparence ritualisée, et non plus soumis à quelques loi profonde de signification. La stérilité des idoles est bien connue : elles ne se reproduisent pas, elles ressuscitent à chaque fois de leurs cendres, comme le phénix, ou de leur miroir, comme la femme séductrice.

Ces grandes effigies séductrices sont nos masques à nous, ce sont nos statuts de l'île de pâques. Mais ne nous y trompons pas ; s'il y a eu historiquement les foules chaudes de l'adoration, de la passion religieuse, du sacrifice et de l'insurrection, il y a maintenant les masses froides de la séduction et de la fascination. Leur effigie est cinématographique, et elle est celle d'un autre sacrifice.

La mort des stars n'est que la sanction de leur idôlatrie rituelle. Il faut qu'elles meurent, il faut qu'elles soient déjà mortes. Il le faut pour être parfaite et superficielle, dans le maquillage aussi. Mais ceci ne doit pas nous incliner à une abrécation négative. Car il y a là derrière la seule immortalité qui soit, et qui est celle de l'artifice, l'idée, incarnée par les stars, que la mort elle-même brille par son absence, qu'elle peut se résoudre dans une apparence brillante et superficielle, qu'elle est une surface séduisante.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: de la séduction (1988, 246 p., folio essais) p.132, 133, 134.

[ vedette ] [ fausse gloire ] [ manipulation ] [ néant ] [ populace ]

 

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interprétation

Cinq adaptations "exemplaires" (littérature et cinéma)
Dès ses origines, le cinéma a tissé avec la littérature des liens contradictoires et complexes. Alors que le septième art a toujours tenté de s'affirmer comme art " autonome ", il a d'une manière constante puisé dans les classiques de la littérature pour se nourrir et s'enrichir. L'opinion commune veut qu'une adaptation cinématographique d'un texte littéraire soit vouée à être moins intéressante que l'oeuvre d'origine. Or un examen un peu attentif prouve que l'histoire du cinéma est truffée de chefs-d'oeuvre tirés de romans ou de pièces de théâtre. La question, dès lors, est de savoir comment le cinéma peut parvenir à traduire sur grand écran des oeuvres littéraires sans les trahir et en conservant sa propre singularité d'art " visuel ".
Entre littérature et cinéma, c'est une histoire immédiate. Lorsque Georges Meliès réalise, en 1902, Le voyage dans la lune, il s'inspire déjà du roman de Jules Verne De la terre à la lune. Et même lorsqu'il est encore muet, le cinéma trouve dans les oeuvres de Victor Hugo (L'homme qui rit de Paul Leni en 1928) ou d'Alexandre Dumas une inépuisable source d'inspiration.
Parce que le cinéma est parvenu à développer, au temps du muet, une grammaire et des articulations très fines, une esthétique qui n'appartient qu'à lui ; certains voient dans le passage au parlant une régression et un retour à la théâtralité, à la littérature.
Pourtant, les noces entre les deux arts s'avèrent fructueuses : les romans donnent naissance à de grands classiques de l'histoire du cinéma (citons, de manière exemplaire, Autant en emporte le vent de Victor Fleming) et les écrivains s'intéressent au septième art et passent parfois de l'autre côté de la barrière de manière ponctuelle (André Malraux réalisant Espoir en1938-39) ou plus régulière (Pagnol, Guitry, Duras et Robbe-Grillet érigeant de véritables oeuvres cinématographiques).
Au début des années 50 François Truffaut, alors jeune critique, s'en prend violemment au cinéma français " de qualité ", reprochant en particulier aux cinéastes de se contenter d'illustrer pour le grand écran des classiques du patrimoine littéraire de manière totalement académique (Le rouge et le noir d'Autant-Lara, Notre-Dame de Paris et La princesse de Clèves de Jean Delannoy, etc.). Il oppose à ce cinéma poussiéreux un cinéma à la première personne où le réalisateur serait, tel un écrivain,l'auteur d'une oeuvre personnelle et intime.
Pourtant, Truffaut comme les autres cinéastes de la Nouvelle Vague, adapteront à leur tour des oeuvres littéraires. A quel moment, peut-on dire qu'un film se contente d'illustrer platement un roman ou bien qu'il transcende son matériau d'origine pour offrir au spectateur une oeuvre cinématographique à part entière ?
La question est tellement vaste qu'un simple article ne suffirait pas à en épuiser toutes les dimensions. Alors de manière subjective, tentons de nous appuyer sur cinq films pour analyser les éléments qui entrent en compte dans le succès d'une d'une adaptation d'une oeuvre littéraire.
1- Des mots aux images : Mouchette (1967) de Robert Bresson (d'après Bernanos)
La première difficulté à laquelle se heurte un cinéaste, c'est de traduire de manière " visuelle " des mots qui sont, eux-mêmes, porteurs d'images. A vouloir se contenter uniquement des mots, on prend le risque de laisser de côté les questions de mise en scène cinématographique de ces mots et de retomber dans le piège de l'illustration académique (Cf. Germinal de Claude Berri). Du coup, les mots doivent devenir le corps même de l'oeuvre et certains vont s'y employer en procédant par accumulation (la parole qui s'emballe chez Guitry et Pagnol) ou par soustraction. Robert Bresson appartient à la deuxième catégorie. Lorsqu'il adapte Mouchette sur grand écran, il n'en est pas à sa première tentative de transposition d'une oeuvre littéraire. Il a déjà filmé Diderot (Les dames du bois de Boulogne) et Bernanos (Le journal d'un curé de campagne). Pour lui, pas question de trouver un système d'équivalences mais d'adapter les oeuvres de manière littérale (avec, par exemple, un recours à la voix-off ou des cartons). Dans Mouchette, la parole se raréfie et c'est la stylisation d'une mise en scène épurée jusqu'à l'extrême qui permet de traduire la noirceur du roman d'origine. Lorsque la petite Mouchette se suicide en roulant obstinément jusqu'à un cours d'eau, Bresson parvient à traduire l'âpreté du roman de Bernanos et nous bouleverse de manière indélébile.
2- L'anecdote : Le mépris (1963) de Jean-Luc Godard (d'après Moravia)
Une des difficultés de l'adaptation cinématographique est la question de l'anecdote. Beaucoup de cinéastes se sont contentés de prendre les romans comme de beaux scénarios. L'anecdote l'emporte sur l'invention cinématographique. C'est peut-être pour cette raison que les meilleures adaptations sont sans doute celles qui se sont appuyées sur des oeuvres littéraires mineures, permettant aux cinéastes de dépasser l'anecdote et d'injecter dans leurs films des thèmes personnels. Belle de jour de Kessel n'est pas un roman très intéressant. En revanche, Buñuel en a fait un chef-d'oeuvre du cinéma, une oeuvre totalement énigmatique et opaque où l'onirisme et l'ironie sont de mises. De la même manière, il est couramment admis que les films d'Hitchcock comme Rebecca et Les oiseaux sont supérieurs aux romans de Daphné du Maurier qui les ont inspirés.
A l'origine du Mépris, il y a un roman de Moravia que les connaisseurs s'accordent à trouver médiocre (j'avoue ne pas l'avoir lu) mais le plus important n'est pas dans l'anecdote mais dans la manière dont Jean-Luc Godard parvient à la transplanter sur son propre territoire : le cinéma, le mythe et les questions que le taraudent toujours : l'amour, la trahison, le malentendu...
3- La réappropriation : Shining (1980) de Stanley Kubrick (d'après Stephen King)
Toujours dans le même ordre d'idée, les romans regroupés parfois sous l'étiquette " mauvais genre " (la série noire, le fantastique, la science-fiction, l'érotisme...) furent de formidables réservoirs à récits pour les cinéastes. Certains écrivains de polars, comme Raymond Chandler, furent également scénaristes pour Hollywood. Parmi les auteurs contemporains oeuvrant dans le fantastique, Stephen King fut sans doute l'écrivain le plus adapté au cinéma, pour le meilleur (Dead Zone de Cronenberg, Carrie de De Palma, Stand by me et Misery de Rob Reiner...) ou pour le pire (Firestarter de Lester, Peur bleue...).
Avec Shining, nous nous trouvons face à un cas intéressant car il est évident que Stanley Kubrick trahit l'oeuvre originale (King ne s'est pas entendu avec le cinéaste et détestait cette adaptation) mais il se la réapproprie de manière totalement personnelle et livre un des plus beaux films d'épouvante jamais tourné. Avec ce film, le cinéaste tente de réaliser LE film d'horreur définitif (comme il cherchera à réaliser LE film de guerre absolu avec Full Metal Jacket) et nous offre une oeuvre mentale où l'espace de l'hôtel et du jardin qui l'entoure devient la projection d'un cerveau atteint par la folie.
4- Le style : Le temps retrouvé (1999) de Raoul Ruiz (d'après Marcel Proust)
Un des problèmes majeurs auxquels se heurtent les cinéastes projetant d'adapter une oeuvre littéraire, c'est celui du style. Si, au cinéma, l'anecdote importe moins que la mise en scène et le style du réalisateur ; il est évident que l'intérêt d'un livre tient avant tout à son style et non pas à son " histoire ".
C'est sans doute pour cette raison que certains grands stylistes n'ont jamais été adaptés au cinéma, que ce soit Céline ou James Joyce qui ne fut adapté que pour son récit le plus " classique " (Gens de Dublin par John Huston en 1987). Même si certaines tentatives maladroites ont été effectuées, certains romans conservent la réputation d'être inadaptables, que ce soit Belle du seigneur de Cohen ou A la recherche du temps perdu de Proust. Contrairement à ce que l'on entend parfois, Proust a fait l'objet de quelques adaptations cinématographiques. Parfois catastrophiques (le très académique Un amour de Swann de Schlöndorff avec Alain Delon en 1984), parfois intéressantes (La captive de Chantal Akerman), ces transpositions restèrent néanmoins assez éloignées de l'univers de l'écrivain. Dans Le temps retrouvé, c'est le caractère extrêmement mouvant de la mise en scène qui frappe. Ruiz a recours aux effets qu'il affectionne depuis toujours : juxtaposition du zoom et du travelling dans des directions opposées, décors mobiles, amples mouvements de caméra donnant la sensation d'un univers extrêmement fluctuant et éphémère. Grâce à ses partis pris de mise en scène, le cinéaste parvient à nous loger au coeur même de la tête de l'écrivain qui revient, à la veille de sa mort, sur son existence et son oeuvre, comme si tout était désormais écrit. Le film est donc à la fois une oeuvre cinématographique et une traduction assez juste de l'univers évanescent de Proust. Pour transposer à l'écran un écrivain au style unique, il fallait un styliste de la caméra !
5- Les limites : Salo ou les 120 journées de Sodome (1975) de Pier Paolo Pasolini (d'après Sade)
Dernier écueil auquel se heurte le cinéma : les limites de la représentation. Lorsque Apollinaire évoque un " soleil cou coupé " ou que Breton nous entraîne à sa suite dans un Paris mystérieux et poétique dans Nadja, on a du mal à concevoir quelles images photographiques pourraient traduire la poésie de ces mots et les gouffres imaginaires qu'ils entrouvrent.
Réaliste par essence, l'image cinématographique se heurte à certaines limites que ne connaissent pas les mots. Lorsqu'il s'agit de violence ou de sexe, il paraît littéralement impossible de montrer ce que les mots peuvent parfois dire. Une adaptation fidèle d'American psycho de Brett Easton Ellis serait tout bonnement insoutenable.
De la même manière, on imagine mal un film qui suivrait scrupuleusement les descriptions du marquis de Sade. Pourtant, le grand écrivain fut maintes fois adaptés au cinéma, de manière classique et édulcoré comme dans le Justine de Claude Pierson ou de manière plus originale (mais " soft ") dans Marquis de Sade : Justine de Jess Franco.
Lorsqu'il entreprend de filmer Les 120 journées de Sodome, Pasolini sort de sa " trilogie de la vie " où il exaltait les sens et une sexualité débridée en s'appuyant sur des oeuvres littéraires du passé (Les mille et une nuits, Le Décaméron de Boccace et Les contes de Canterbury de Chaucer). Mais ce qu'il voit autour de lui le rend pessimiste et il cherche désormais à dénoncer les excès du consumérisme dans lesquels s'inscrit la prétendue " libéralisation des moeurs ". Il choisit d'adapter Sade qu'il transpose à l'époque fasciste. Là encore, la réappropriation qu'il se permet de l'oeuvre du divin Marquis est une sorte de " trahison " mais elle lui permet de transgresser les limites de la représentation. On a vu des films beaucoup plus " pornographiques " ou même plus violents mais le style glacial de Pasolini confère à cette oeuvre un caractère éprouvant et en fait un des films les plus effrayants jamais tourné.
Il y aurait sans doute beaucoup d'autres choses à dire sur ces liens paradoxaux entre le cinéma et la littérature mais ces quelques idées jetées de manière maladroite ici ont déjà pris beaucoup de place. Il ne vous reste plus qu'à vous laisser réagir et à vous inciter à citer des adaptations que vous trouvez réussies...

Auteur: Internet

Info: Dr Orlof, http://drorlof.over-blog.com/

[ texte ] [ image ]

 

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littérature

Les 19 lois du bon polar, selon Borges.

Le grand écrivain argentin s'était amusé à codifier la narration policière. En partenariat avec le magazine BoOks.

Dans son article "Lois de la narration policière" (1), de 1933, Jorge Luis Borges propose quelques règles élémentaires, ou "commandements", pour le récit policier classique. Ces conventions, comme il le remarque avec esprit, "ne visent pas à éluder les difficultés, mais plutôt à les imposer". Borges énonce explicitement les six règles suivantes:

1 : Une limite facultative de ses personnages

Les personnages doivent être peu nombreux et bien définis, de façon que lecteur puisse les connaître et les distinguer. "La téméraire infraction à cette loi est responsable de la confusion et de l'ennui fastidieux de tous les films policiers."

2 : Exposition de toutes les données du problème

On doit mettre toutes les cartes sur la table, sans as sortis de la manche à la dernière minute. À partir d'un certain point, le lecteur devra disposer de toutes les pistes nécessaires pour trouver lui-même la solution. "L'infraction répétée de cette deuxième loi est le défaut préféré de Conan Doyle. Il s'agit parfois de quelques imperceptibles particules de cendre, ramassées dans le dos du lecteur par ce privilégié d'Holmes. Parfois l'escamotage est plus grave. Il s'agit du coupable, terriblement démasqué au dernier moment, qui s'avère être un inconnu : une insipide et maladroite interpolation."

3 : Avare économie de moyens

Qu'un personnage se dédouble, on peut l'admettre, dit Borges. Mais que deux individus en contrefassent un troisième pour lui conférer un don d'ubiquité "court le risque incontestable de paraître une surcharge". La solution doit être la plus claire et nette possible, sans lourdeurs techniques, artifices improbables ou déploiements accablants de mouvements et de détails. La solution doit aussi pouvoir se déduire des ressources déjà mises en jeu, comme réorganisation des éléments connus.

4 : Primauté du comment sur le qui

Le véritable mystère d'un bon whodunit(2) n'est pas le nom de celui qui a commis le crime, mais ce que sera le nouvel ordre logique, plus subtil, la vérité souterraine qui éclaire le récit d'un nouveau jour.

5 : Pudeur de la mort

À la différence des thrillers du cinéma contemporain, où l'imagination cherche à concevoir des crimes de plus en plus sanglants et des cadavres de plus en plus choquants, dans le récit policier classique, la mort est comme une ouverture au jeu d'échecs et n'a pas en soi beaucoup d'importance. "Les pompes de la mort n'ont pas leur place dans la narration policière dont les muses glaciales sont l'hygiène, l'imposture et l'ordre", écrit Borges.

On trouve une transgression exemplaire de cette loi dans "le Noël d'Hercule Poirot"(3), d'Agatha Christie. Ce roman, comme on le comprend dans la dédicace, est conçu comme un défi, son beau-frère lui ayant reproché d'éviter le sang dans ses crimes. "Vous y déploriez que mes meurtres deviennent trop épurés - exsangues, pour parler net. Vous y réclamiez un de ces bons vieux meurtres bien saignants. Un meurtre qui, sans l'ombre d'un doute, en soit bien un." Le plus remarquable est peut-être que, dans ce crime esthétiquement opposé aux précédents, Agatha Christie reste elle-même: le cri terrifiant, la scène brutale du meurtre, le sang abondamment répandu sont des clés de l'élucidation finale.

6 : Nécessité et merveilleux dans la solution

"La première implique que le problème soit un problème précis susceptible d'une seule réponse, l'autre requiert que cette réponse puisse émerveiller le lecteur." Cette sensation de merveilleux, précise Borges, ne doit pas faire appel au surnaturel. La solution d'une énigme policière doit être comme la démonstration d'un théorème complexe: difficile à imaginer à partir des prémisses, mais dont la nécessité s'impose par la rigueur d'une explication parfaitement logique. En plus de ces six axiomes déclarés, Borges en postule indirectement certains autres dans son article: Le véritable récit policier repousse - ai-je besoin de le préciser - avec le même dédain les risques physiques et la justice distributive. Il fait abstraction, avec sérénité, des cachots, des escaliers secrets, des remords, de la voltige, des barbes postiches, de l'escrime, des chauves-souris, de Charles Baudelaire et même du hasard. Il découle de ce passage trois règles supplémentaires :

7 : Dédain des risques physiques

Dans ce dédain des risques physiques réside l'une des principales différences avec le roman noir ou le thriller cinématographique. Borges observe que, dans les premiers exemples du genre, "l'histoire se limite à la discussion et à la résolution abstraite d'un crime, parfois à cent lieues de l'événement ou bien éloignée dans le temps". Isidro Parodi, le détective qu'il imagina avec Bioy Casares, résout les énigmes alors qu'il est enfermé dans une prison. Dans les aventures de Sherlock Holmes comme dans celles d'Hercule Poirot, la vie du détective est parfois en danger imminent, mais ces risques sont éphémères et ne constituent jamais la matière narrative principale, sauf peut-être dans leurs dernières enquêtes. C. Auguste Dupin, la vieille Miss Marple, le père Brown et Perry Mason(4) sont tous des exemples de détectives à l'abri des risques physiques.

8 : Renoncement aux considérations ou jugements moraux

Sur la question de la "justice distributive", "la Huella del crimen" de Raúl Waleis, premier roman policier argentin (il date de 1877 et a été récemment réédité - (5)), avait l'intention déclarée de favoriser une nouvelle législation, à travers l'exposé d'une affaire mettant en évidence une faille dans la justice: "Le droit est la source où je puiserai mes arguments. Les mauvaises lois doivent être dénoncées pour les effets que produit leur application. Je crée le drame auquel j'applique la loi en vigueur. Ses conséquences fatales prouveront la nécessité de la réformer. " Les enquêtes de Perry Mason et les récits de Chesterton témoignaient peut-être d'un certain attachement aux canons de la justice et aux considérations morales sur les innocents et les coupables.

9 : Rejet du hasard

À cet égard, citons les intéressantes réflexions de Patricia Highsmith, qui ne craint pas de mettre à l'épreuve la crédulité du lecteur: " J'aime beaucoup qu'il y ait dans l'intrigue des coïncidences et des situations presque (mais pas entièrement) incroyables comme par exemple le plan audacieux qu'un homme propose à un autre qu'il connaît depuis deux heures à peine dans "L'Inconnu du Nord-Express". [...] L'idéal est que les événements prennent une tournure inattendue, en gardant une certaine consonance avec le caractère des personnages. La crédulité du lecteur, son sens de la logique - qui est très élastique -, peut être étirée au maximum, mais il ne faut pas la rompre " ("L'Art du suspense" (6), chap. 5). Le hasard peut survenir dans la narration comme ellipse, tout comme, dans les comédies, on accepte qu'une porte s'ouvre pour laisser sortir un personnage et qu'un autre apparaisse aussitôt. Ou comme le catalyseur d'une circonstance propice à l'accomplissement d'un crime quand le mobile n'est pas très affirmé. C'est ce qui arrive, par exemple, avec l'apparition d'un parent éloigné, dans "Paiement différé" (7) de Cecil Scott Forester. En revanche, le hasard ne devrait pas jouer un rôle décisif dans l'explication finale. À noter que, dans la nouvelle de Borges "la Mort et la Boussole", c'est un accident fortuit, une mort inattendue, qui donne à l'assassin l'idée de la série de meurtres qu'il va commettre. D'autres règles peuvent encore être tirées de l'article de Borges :

10 : Méfiance ou rejet des procédures de l'investigation policière

"Les démarches quotidiennes des investigations policières - empreintes digitales, torture et délation - sembleraient ici des solécismes." L'enquête policière appartient à l'ordre prosaïque des faits et du bon sens. C'est ce qui établit la différence entre le plan de l'enquête officielle de la justice et l'enquête parallèle, de l'ordre de la fiction - à l'écart des critères et des paramètres usuels -, que mène le détective. Dans "la Mort et la Boussole", ironiquement, le policier et le détective ont tous deux raison, mais chacun à sa manière.

11 : L'assassin doit appartenir à la distribution initiale des personnages

"Dans les récits honnêtes, écrit Borges, le criminel est l'une des personnes qui figurent dès le début."

12 : La solution doit éviter le recours au surnaturel, qui ne peut être invoqué que comme une conjecture transitoire à écarter

La réponse doit émerveiller le lecteur "sans faire appel bien sûr au surnaturel, dont l'usage dans ce genre de fiction est un alanguissement et une félonie. Chesterton réalise toujours le tour de force de proposer une explication surnaturelle et de la remplacer ensuite, sans perdre au change, par une autre, toute naturelle."

13 : La solution ne peut comporter des éléments inconnus du lecteur

"Sont également prohibés [...] les élixirs d'origine inconnue." Voici donc les règles énoncées par Borges dans son article. Nous pourrions en rajouter quelques autres :

14 : Omission de la vie privée du détective et de ses aventures sentimentales ou sexuelles

Règle enfreinte dans tous les films policiers, où immanquablement l'enquêteur divorce, mène une existence malheureuse et a une liaison avec l'actrice principale.

15 : Dans le cas d'un double ou triple dénouement, il doit y avoir une progression, chaque fin surpassant la précédente en ingéniosité et en rigueur

Comme dans la règle des trois adjectifs que mentionne Proust à propos des salons de la bonne société française, le troisième est tenu de surpasser les deux premiers.

16 : Le meurtrier ne peut être le majordome (à moins d'être dans un congrès de majordomes)

L'assassin ne peut être un personnage trop secondaire, maintenu en permanence caché, comme une carte que l'on garde pour la fin.

17 : L'assassin ne peut être l'immigré ou le fanatique religieux ou le suspect d'extrémisme politique

Règle toujours soigneusement respectée par Agatha Christie. Les mobiles du meurtre doivent être intimes et le meurtrier doit appartenir au noyau dur de l'histoire. Cette règle est négligée de manière particulièrement décevante dans "Meurtriers sans visage", de Henning Mankell.

18 : L'assassin ne doit pas être le narrateur

Règle admirablement transgressée par Agatha Christie dans "le Meurtre de Roger Ackroyd" et, de manière plus prévisible, par Tchekhov dans "la Confession".

19 : L'assassin ne doit pas être l'enquêteur

Règle non respectée par Agatha Christie dans "le Noël d'Hercule Poirot" et par Juan José Saer dans "l'Enquête". Pourrait-on encore allonger cette liste ? Assurément. Mais cela créerait peut-être une fausse illusion, l'illusion que le genre peut être circonscrit et réduit à un formalisme d'axiomes, à une liste de règles et de procédés. Une illusion symétrique et tout aussi erronée - bien que prisée dans les tables rondes, car elle permet la pose iconoclaste et les métaphores guerrières - veut que le genre doit être dynamité, qu'il faut faire voler en éclats toutes les règles, que les lois sont faites pour être violées. Quiconque s'y est essayé sait en tout cas qu'il est difficile, sinon impossible, de se défaire de toutes à la fois, et qu'il y a dans le genre policier une tension extraordinaire entre ce qui a déjà été dit, entre la rhétorique accumulée dans des milliers de romans, et ce qui reste encore à dire, à la limite des règles. Les lois sont, en ce sens, comme une barrière que l'astuce et la créativité doivent franchir. Dans une des très rares occasions où Borges conçoit un projet de roman (dans l'article "è vero, ma non troppo", paru en 1938 dans la revue "El Hogar") ce n'est pas un hasard s'il choisit, entre tous les genres littéraires, le roman policier. Le sien serait, dit-il, "un peu hétérodoxe". Et il souligne que c'est là un point important, car "le genre policier, comme tous les genres, vit de l'incessante et délicate infraction à ses lois". Oui, la délicate infraction à ses lois.

Auteur: Martinez Guillermo

Info: Texte paru dans le quotidien argentin La Nación, le 15 août 2009, traduit de l'espagnol par François Gaudry

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