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portrait

Seul l’âge, qui chez la plupart des hommes dissout les traits personnels et les émiette en argile grise, seule la vie patriarcale, la vieillesse et la maladie, de leur ciseau créateur, donnent au visage de Freud un caractère spécial indéniable. Depuis que les cheveux grisonnent, que la barbe n’encadre plus aussi richement le menton obstiné, que la moustache ombrage moins la bouche sévère, depuis que s’avance le soubassement osseux et cependant plastique de sa figure, un quelque chose de dur, d’incontestablement offensif, se découvre : la volonté inexorable, pénétrante et presque irritée de sa nature. Plus profond, plus sombre, le regard, jadis simplement contemplateur, est maintenant aigu et perçant ; un pli amer et méfiant fend comme une blessure le front découvert et sillonné de rides. Les lèvres minces et serrées se ferment comme sur un "non" ou un "ce n’est pas vrai". Pour la première fois on sent dans le visage de Freud la rigueur et la véhémence de son être, et l’on devine que ce n’est point là un good grey old man, que l’âge a rendu doux et sociable, mais un analyste impitoyable, qui ne se laisse duper par personne et n’admet point de duperie.

Auteur: Zweig Stefan

Info: Dans "Freud", page 42

[ révélateur ] [ effet du temps ]

 
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écriture

C'est la lenteur de l'art d'écrire, dans son exécution mécanique, qui depuis des années déjà me rebute parfois et me décourage: le temps perdu pour un écrivain à jeter les mots sur la page, comme pour le musicien les notes sur la portée. Un travail de transcripteur et de copiste, par intervalles dégrisants comme un jet d'eau froide, s'interpose entre l'agitation chaleureuse de l'esprit et la fixation matérielle de l'oeuvre. Ce que j'envie aux peintres et aux sculpteurs, ce qui rend (du moins je l'imagine tel) leur travail si sensuellement jubilant et régulier, c'est l'absence complète de ces temps morts - si minimes soient-ils - c'est le miracle d'économie, le feed back de la touche ou du coup de ciseau qui dans un seul mouvement à la fois crée, fixe et corrige; c'est le circuit de bout en bout animé et sensible unissant chez eux le cerveau qui conçoit et enjoint à la main qui non seulement réalise et fixe, mais en retour et indivisiblement rectifie, nuance et suggère - circulation sans temps mort aucun, tantôt artérielle, tantôt veineuse, qui semble véhiculer à chaque instant comme un esprit de la matière vers le cerveau et une matérialité de la pensée vers la main.

Auteur: Gracq Julien

Info: En lisant en écrivant

 

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création

C'est la lenteur de l'art d'écrire, dans son exécution mécanique, qui depuis des années déjà me rebute parfois et me décourage: le temps perdu pour un écrivain à jeter les mots sur la page, comme pour le musicien les notes sur la portée. Un travail de transcripteur et de copiste, par intervalles dégrisants comme un jet d'eau froide, s'interpose entre l'agitation chaleureuse de l'esprit et la fixation matérielle de l'oeuvre. Ce que j'envie aux peintres et aux sculpteurs, ce qui rend (du moins je l'imagine tel) leur travail si sensuellement jubilant et régulier, c'est l'absence complète de ces temps morts - si minimes soient-ils - c'est le miracle d'économie, le feed back de la touche ou du coup de ciseau qui dans un seul mouvement à la fois crée, fixe et corrige; c'est le circuit de bout en bout animé et sensible unissant chez eux le cerveau qui conçoit et enjoint à la main qui non seulement réalise et fixe, mais en retour et indivisiblement rectifie, nuance et suggère - circulation sans temps mort aucun, tantôt artérielle, tantôt veineuse, qui semble véhiculer à chaque instant comme un esprit de la matière vers le cerveau et une matérialité de la pensée vers la main.

Auteur: Gracq Julien

Info: En lisant, en écrivant

 

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captation technologique

Conformément à l’aphorisme de Ludwig Wittgenstein que je cite abondamment dans cette étude, selon lequel "le monde est l’ensemble des faits et non des choses", la structure du monde ainsi que d’un langage correctement – non pathologiquement – institué, et partant celle du réel se situant à leur interface est d’être relationnelle. Suivant notre perspective moniste, le cerveau humain inscrit dans un semblable écrin reçoit son plein oxygène de cette structure relationnelle dans laquelle il doit impérativement évoluer sous peine de dépérir. Le cadre circonscrivant les écrans est établi au prix de quatre coups de ciseaux qui le délimitent, et le désarriment du réel en constituant un pseudo-réel appauvri de substitution. Pseudo-réel appauvri : on imagine bien la destructivité d’une semblable chose, d’où l’interaction intersubjective a totalement disparu, quand on a compris que seule l’intersubjectivité effective contribue à l’institution et la vascularisation du sujet.

D’où provient donc une telle fascination pour les images, et pis encore, pour les images animées, véritable trou noir qui aspire irrémédiablement le sujet fragile ? Le problème provient des conditions de notre inscription au sein du monde, sous le sceau de notre finitude, dont l’horizon ultime est une certitude lancinante : celle de notre propre mort. Dans ce cadre, notre cerveau est soumis à un stress cognitif permanent lié à la profusion d’informations chaotiques qu’il reçoit du monde, en permanence et sans aucun répit. Pour y faire face, il ne cesse d’analyser, de classer, d’évaluer et de comparer les informations reçues avec celles déjà connues, en cherchant à établir des vecteurs de causalité qui permettraient d’anticiper les différents types de finalités éventuellement présentes en leur sein. Tout ceci est effectué à l’aune d’une grille référentielle simple mais constante : ceci ou cela va-t-il vers l’accroissement de mon être, donc vers la vie, ou vers une atteinte à ma propre vitalité, psychique, physique, affective, etc… donc vers la mort, ou au moins une logique mortifère ? Ce stress cognitif est épuisant et cherche en permanence un répit quel qu’il soit. L’image, et bien plus encore l’image animée, comporte en elle-même des inférences causales préétablies par le peintre, le photographe, le cinéaste, qui l’orientent téléologiquement a priori, sous le surplomb de l’intentionnalité du geste artistique initial. Le spectateur est existentiellement à l’abri du surgissement de tout événement chaotique relevant de la constitution naturelle du sens causal, dont l’établissement dans la vie réelle relève toujours d’une construction a posteriori. Ceci ligote le spectateur dans sa dimension de sujet en le livrant à une irrémédiable passivité dont on peut certes retenir le bénéfice d’un mimétisme cathartique pour un sujet déjà correctement institué, mais dont la destructivité pour un sujet fragile ou incomplètement advenu à lui-même est incalculable. La raison en est double : pour que la catharsis puisse s’établir, en premier lieu, il faut que l’identification à soi-même soit rendue possible par un soi déjà constitué dans sa quasi plénitude ; par ailleurs, la représentation (re-présentation) est toujours arrimée à un référent initial et premier dans l’ordre de l’expérience, en raison d’une simple évidence : le monde nous précède fondamentalement, chronologiquement et ontologiquement. Si la représentation se trouve en situation de précéder le référent initial, les polarités cognitives s’inversent de façon extrêmement destructrice, le monde devenant une représentation de la représentation : doublement éloigné dans l’ordre de l’absence, où les conditions initiales permettant l’émergence du sujet – la triade fondamentale Je-Tu-Il – sont condamnées à une indistinction létale.

Enfin, last but not least, la caractéristique essentielle à retenir de l’art comme élément constituant sans lequel il disparaîtrait en tant que tel, est qu’il repose sur l’éviction de toute forme d’intersubjectivité réelle comme je l’ai signalé plus haut, le spectateur étant consigné à une indépassable passivité réceptive. Les diverses tentatives contemporaines pour briser cet effet de structure se signalent surtout par le fait qu’elles démontrent son intangibilité, sous peine de condamner l’art à l’insignifiance d’une gesticulation dépourvue de propos, du fait de l’effraction du réel en son sein.

J’en conclus qu’il est impératif de supprimer toute forme d’écran, quelle qu’en soit la nature, dans l’entourage des personnes atteintes de troubles autistiques sévères. J’ai pu vérifier, durant mon travail avec Raphaël, à quel point leur influence était délétère sur les progrès de son développement subjectal, en régression nette par rapport aux séances précédentes si par malheur il avait visionné quelque film : il était à nouveau sujet à des écholalies et des comportements erratiques à nouveau difficilement maîtrisables, nécessitant un effort supplémentaire conséquent de notre part à lui et à moi pour récupérer le terrain ainsi perdu.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, pages 44-46

[ parodie désubjectivante ] [ dangers ]

 

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