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tumulte urbain

Je ne veux plus du splendide soleil silencieux,

Je ne veux plus, Nature, de tes bois ni la lisière paisible de tes bois,

Je ne veux plus du trèfle dans tes champs, de la fléole dans tes prés, de tes maïs ni tes vergers,

Je ne veux plus de ton épeautre épanoui où butinent en essaim les abeilles du neuvième Mois,

Je veux les visages et les rues – je veux l’incessante cohue de ces fantômes sur leurs kilomètres de trottoir !

Je veux interminablement les yeux – je veux les femmes – je veux les camarades les amants par milliers !

Je veux qu’il en vienne de nouveaux tous les jours – je veux tenir des mains différentes dans ma main tous les jours !

Je veux tous les spectacles – je veux les rues de Manhattan !

Je veux Broadway, les soldats qui défilent – je veux le chant de la trompette, le tambour !

(Par compagnies par régiments les soldats – il y a ceux qui partent, les intrépides, ils claquent le feu,

Il y a ceux qui, service fini, rentrent, ils sont jeunes et cependant très vieux, usés, rangs décimés ils marchent regard absent.)

Je veux les rives les quais franges encombrées de coques de navires noirs !

Je les veux toutes ! Je veux une vie intense, pleine à satiété mais multiple !

La vie théâtrale, les salons du bar, les grands hôtels, oui, je veux ça !

La salle des alcools à bord du vapeur, la sortie en mer à plusieurs, la procession aux flambeaux, oui oui !

La brigade en partance pour le front, chariots militaires provisions en piles l’accompagnant ;

Les gens, cela ne finira jamais, ils vont en foule, ils ont des voix fortes, leurs passions, leurs parades,

Les rues de Manhattan comme des artères qui battent, on y entend à l’instant le tambour,

Le chœur, le concert des bruits, cela n’en finit pas, le cliquetis du maniement des mousquets (je n’oublie pas le spectacle des blessés),

Ah ! les foules manhattaniennes, ah ! leur turbulence musicale tous ensemble !

Les visages, les yeux des Manhattaniens, je les veux pour toujours !

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Je demande le splendide soleil silencieux, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, pages 425-426

[ réjouissant ] [ ville ] [ citadin ] [ animation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

ode urbaine

Comme je recherchais du précis du parfait pour ma cité

Tout à coup surgit comment mais bien sûr ! son nom d’origine !

 

Ah ! vraiment j’ai compris aujourd’hui tout ce qu’il pouvait y avoir dans un nom comme plénitude liquide débridée comme musicalité autonome,

J’ai compris que c’était ce mot ancien qui convenait à ma cité

Parce que c’est un mot nidifiant dans son nid de superbes baies marines,

Qu’il est riche qu’il est tout entouré d’une doublure de voiles de voiliers de vapeurs que c’est une île de seize milles en longueur à socle compact,

Qu’elle a des rues innombrables pleines de monde de hautes structures de fer poutrelles graciles et solides qui montent en légèreté dans les hauteurs claires du ciel,

Que les marées y sont amples vives ah ! comme je les aime au coucher du soleil,

Que les courants marins coulent en tous sens qu’il y a des îlots flanqués de plus grandes îles des hauteurs des villas,

Des mâts à n’en plus finir des vapeurs côtiers tout blancs des barges des ferries des vapeurs tout noirs aux formes agréables,

Et les rues du centre-ville les maisons des affréteurs les maisons de commerce des armateurs des coutiers les rues autour du fleuve,

Ls immigrants qui n’arrêtent pas de débarquer quinze à vingt mille la semaine,

Les chariots de marchandises la masculinité de la race des conducteurs les marines visages hâlés,

Le ciel estival avec le soleil brillant au milieu et les nuages qui passent très haut,

Les neiges hivernales les clochettes des traîneaux la glace qu’on brise dans le fleuve et dont les blocs suivent dans les deux sens le courant de la marée,

Les ouvriers de la cité les maîtres bien bâtis visage ouvert qui vous regardent droit dans les yeux,

La cohue sur les trottoirs, les véhicules dans Broadway, les femmes, les boutiques, les spectacles,

Un million de personnes – quelle liberté magnifique dans les manières – quelles voix dégagées – quelle hospitalité – ce sont les jeunes gens les plus courageux les plus amicaux que je connaisse,

Ah ! cité où l’eau partout étincelle dans l’échange la hâte, cité aux clochers et aux mâts,

Cité douillettement au creux de ses baies ma cité !

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Mannahatta, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, page 623

[ poème ] [ activité trépidante ] [ diversité ] [ Manhattan ] [ enthousiasme ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

art religieux

Le genre français, c’est un Jésus glorieux, en robe de brocart pourpré, entr’ouvrant, avec une céleste modestie, son sein, et dévoilant, du bout des doigts, à une visitandine enfarinée d’extase, un énorme cœur d’or couronné d’épines et rutilant comme une cuirasse.

C’est encore le même Jésus plastronné, déployant ses bras pour l’hypothétique embrassement de la multitude inattentive ; c’est l’éternelle Vierge sébacée, en proie à la même recette de désolation séculaire, tenant sur ses genoux, non seulement la tête, mais le corps entier d’un minable Fils, décloué suivant de cagneuses formules. Puis, les innumérables Immaculées Conceptions de Lourdes, en premières communiantes azurées d’un large ruban, offrant au ciel, à mains jointes, l’indubitable innocence de leur émail et de leur carmin.

Enfin, la tourbe polychrôme des subalternes élus : les saints Joseph, nourriciers et frisés, généralement vêtus d’un tartan rayé de bavures de limaces, offrant une fleur de pomme de terre à un poupon bénisseur ; les saints Vincent de Paul en réglisse, ramassant, avec une allégresse réfrénée, de petits monstres en stéarine, pleins de gratitude ; les saints Louis de France ingénus, porteurs de couronnes d’épines sur de petits coussins en peluche ; les saints Louis de Gonzague, chérubinement agenouillés et cirés avec le plus grand soin, les mains croisées sur le virginal surplis, la bouche en cul de poule et les yeux noyés ; les saints François d’Assise, glauques ou céruléens, à force d’amour et de continence, dans le pain d’épice de leur pauvreté ; saint Pierre avec ses clefs, saint Paul avec son glaive, sainte Marie-Madeleine avec sa tête de mort, saint Jean-Baptiste avec son petit mouton, les martyrs palmés, les confesseurs mitrés, les vierges fleuries, les papes aux doigts spatulés d’infaillibles bénédictions, et l’infinie cohue des pompiers de chemins de croix.

Tout cela conditionné et tarifé sagement, confortablement, commercialement, économiquement. Riches ou pauvres, toutes les paroisses peuvent s’approvisionner de pieux simulacres en ces bazars, où se perpétue, pour le chaste assouvissement de l’œil des fidèles, l’indéracinable tradition raphaélique. Ces purgatives images dérivent, en effet, de la grande infusion détersive des madonistes ultramontains. Les avilisseurs italiens du grand Art mystique furent les incontestables ancêtres de ce crépi. Qu’ils eussent ou non le talent divin qu’on a si jobardement exalté sur les lyres de la rengaine, ils n’en furent pas moins les matelassiers du lit de prostitution où le paganisme fornicateur vint dépuceler la Beauté chrétienne. Et voilà leur progéniture !

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 229-230

[ critique ] [ description dégoûtée ] [ christianisme édulcoré ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cité imaginaire

A Eudoxia, qui s'étend de haut en bas, avec des ruelles sinueuses, des escaliers, des impasses, des taudis, un tapis est conservé sur lequel on peut contempler la véritable forme de la ville. À première vue, rien ne semble moins ressembler à Eudoxia que le dessin du tapis, ordonné en figures symétriques qui répètent leurs motifs le long de lignes droites et circulaires, tissées avec des aiguilles de couleurs vives, dont on peut suivre l'alternance des trames tout au long de la chaîne. Mais si vous vous arrêtez pour le regarder attentivement, vous vous persuadez qu'à chaque détail du tapis correspond une place dans la ville, et que toutes les choses contenues dans la ville sont incluses dans le dessin, disposées selon leurs véritables relations, qui échappent à votre œil distrait par l'agitation du fourmillement de la cohue. Toute la confusion d'Eudoxia, le braiement des mules, les taches de noir de fumée, l'odeur du poisson, c'est ce qui apparaît dans la perspective partielle que vous saisissez ; mais le tapis prouve qu'il existe un point à partir duquel la ville montre ses véritables proportions, le modèle géométrique impliqué dans chacun de ses plus petits détails.

Il est facile de se perdre dans Eudoxia : mais si l'on se concentre pour regarder le tapis, on reconnaît le chemin que l'on cherchait dans un fil cramoisi, indigo ou amarante qui, par un long virage, nous conduit dans une enceinte violette qui est notre véritable point d'arrivée. Chaque habitant d'Eudoxia compare à l'ordre immobile du tapis sa propre image de la ville, sa propre angoisse, et chacun peut trouver caché parmi les arabesques une réponse, l'histoire de sa vie, les tournants du destin.

Un oracle a été interrogé sur la relation mystérieuse entre deux objets aussi différents que le tapis et la ville. L'un des deux objets, - fut la réponse, - a la forme que les dieux ont donnée au ciel étoilé et aux orbites sur lesquelles tournent les mondes ; l'autre en est un reflet approximatif, comme toute œuvre humaine.

Les augures étaient depuis longtemps certains que le dessin harmonieux du tapis était d'origine divine ; c'est dans ce sens que l'oracle a été interprété, sans donner lieu à controverse. Mais de la même manière, on peut tirer la conclusion inverse : que la véritable carte de l'univers est la ville d'Eudoxia telle qu'elle est, une tache qui s'étend sans forme, avec des rues toutes en zigzag, des maisons qui s'effondrent les unes sur les autres dans la poussière, des incendies, des cris dans le noir.

Auteur: Calvino Italo

Info:

[ fractale ] [ reflet solipsiste ]

 

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Ajouté à la BD par miguel