Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 251
Temps de recherche: 0.0505s

multi-milliardaires

DE LA SURVIE DES PLUS RICHES
Quand des patrons de fonds d'investissement new-yorkais font appel à un spécialiste de la société de l'information, afin d'améliorer leurs chances de survie après l'Évènement qui détruira le monde tel que nous le connaissons.

AVERTISSEMENT, CECI N'EST PAS UNE FICTION
L’année dernière, j’ai été invité à donner une conférence dans un complexe hôtelier d’hyper-luxe face à ce que je pensais être un groupe d’une centaine de banquiers spécialisés dans l’investissement. On ne m’avait jamais proposé une somme aussi importante pour une intervention - presque la moitié de mon salaire annuel de professeur - et délivrer mes visions sur "l’avenir de la technologie".

Je n’ai jamais aimé parler du futur. Ce genre de séance d’échange se termine fatalement par un interrogatoire, à l’occasion duquel on me demande de me prononcer sur les dernières "tendances" technologiques, comme s’il s’agissait d’indicateurs boursiers pour les investisseurs : blockchain, impression 3D, CRISPR. L’audience s’y préoccupe généralement moins des technologies en elles-mêmes et de leurs implications, que de savoir si elles méritent ou non que l’on parie sur elles, en mode binaire. Mais l’argent ayant le dernier mot, j’ai accepté le boulot.

À mon arrivée, on m’a accompagné dans ce que j’ai cru n’être qu’une vulgaire salle technique. Mais alors que je m’attendais à ce que l’on me branche un microphone ou à ce que l’on m’amène sur scène, on m’a simplement invité à m’asseoir à une grande table de réunion, pendant que mon public faisait son entrée : cinq gars ultra-riches - oui, uniquement des hommes - tous issus des plus hautes sphères de la finance internationale. Dès nos premiers échanges, j’ai réalisé qu’ils n’étaient pas là pour le topo que je leur avais préparé sur le futur de la technologie. Ils étaient venus avec leurs propres questions.

Ça a d’abord commencé de manière anodine. Ethereum ou Bitcoin ? L’informatique quantique est-elle une réalité ? Lentement mais sûrement, ils m’ont amené vers le véritable sujet de leurs préoccupations.

Quelle sera la région du monde la plus épargnée par la prochaine crise climatique : la nouvelle Zélande ou l’Alaska ? Est-ce que Google construit réellement un nouveau foyer pour le cerveau de Ray Kurzweil ? Est-ce que sa conscience survivra à cette transition ou bien mourra-t-elle pour renaître ensuite ? Enfin, le PDG d’une société de courtage s’est inquiété, après avoir mentionné le bunker sous-terrain dont il achevait la construction : "Comment puis-je conserver le contrôle de mes forces de sécurité, après l’Événement ?"

L’Évènement. Un euphémisme qu’ils employaient pour évoquer l’effondrement environnemental, les troubles sociaux, l’explosion nucléaire, le nouveau virus impossible à endiguer ou encore l’attaque informatique d’un Mr Robot qui ferait à lui seul planter tout le système.

Cette question allait nous occuper durant toute l’heure restante. Ils avaient conscience que des gardes armés seraient nécessaires pour protéger leurs murs des foules en colère. Mais comment payer ces gardes, le jour où l’argent n’aurait plus de valeur ? Et comment les empêcher de se choisir un nouveau leader ? Ces milliardaires envisageaient d’enfermer leurs stocks de nourriture derrière des portes blindées aux serrures cryptées, dont eux seuls détiendraient les codes. D’équiper chaque garde d’un collier disciplinaire, comme garantie de leur survie. Ou encore, si la technologie le permettait à temps, de construire des robots qui serviraient à la fois de gardes et de force de travail.

C’est là que ça m’a frappé. Pour ces messieurs, notre discussion portait bien sur le futur de la technologie. Inspirés par le projet de colonisation de la planète Mars d’Elon Musk, les tentatives d’inversion du processus du vieillissement de Peter Thiel, ou encore les expériences de Sam Altman et Ray de Kurzweil qui ambitionnent de télécharger leurs esprits dans de super-ordinateurs, ils se préparaient à un avenir numérique qui avait moins à voir avec l’idée de construire un monde meilleur que de transcender la condition humaine et de se préserver de dangers aussi réels qu’immédiats, comme le changement climatique, la montée des océans, les migrations de masse, les pandémies planétaires, les paniques identitaires et l’épuisement des ressources. Pour eux, le futur de la technologie se résumait à une seule finalité : fuir.

Il n’y a rien de mal aux visions les plus follement optimistes sur la manière dont la technologie pourrait bénéficier à l’ensemble de la société humaine. Mais l’actuel engouement pour les utopies post-humaines est d’un tout autre ordre. Il s’agit moins d’une vision de la migration de l’ensemble de notre espèce vers une nouvelle condition humaine, que d’une quête pour transcender tout ce qui nous constitue : nos corps, notre interdépendance, la compassion, la vulnérabilité et la complexité. Comme l’indiquent maintenant depuis plusieurs années les philosophes de la technologie, le prisme transhumaniste réduit trop facilement la réalité à un conglomérat de données, en concluant que "les humains ne sont rien d’autre que des centres de traitement de l’information".

L’évolution humaine s’apparente alors à une sorte de jeu vidéo labyrinthique, dont les heureux gagnants balisent le chemin de la sortie pour leurs partenaires les plus privilégiés. S’agit-il de Musk, Bezos, Thiel… Zuckerberg ? Ces quelques milliardaires sont les gagnants présupposés d’une économie numérique régie par une loi de la jungle qui sévit dans le monde des affaires et de la spéculation dont ils sont eux-mêmes issus.

Bien sûr, il n’en n’a pas toujours été ainsi. Il y a eu une période courte, au début des années 1990, où l’avenir numérique apparaissait fertile, enthousiasmant, ouvert à la création. La technologie y devenait le terrain de jeu de la contre-culture, qui vit là l’opportunité de créer un futur plus inclusif, mieux réparti et pro-humain. Mais les intérêts commerciaux n’y ont vu pour leur part que de nouveaux potentiels pour leurs vieux réflexes. Et trop de technologues se sont laissés séduire par des IPO (introduction en bourse) chimériques. Les futurs numériques s’en retrouvèrent envisagés sous le même prisme que le cours de la bourse ou du coton, dans ce même jeu dangereux de paris et de prédictions. Ainsi, la moindre étude documentaire, le moindre article ou livre blanc publié sur ce thème n’étaient plus interprété que comme un nouvel indice boursier. Le futur s’est transformé en une sorte de scénario prédestiné, sur lequel on parie à grands renforts de capital-risque, mais qu’on laisse se produire de manière passive, plus que comme quelque chose que l’on crée au travers de nos choix présents et de nos espoirs pour l’espèce humaine.

Ce qui a libéré chacun d’entre nous des implications morales de son activité. Le développement technologique est devenu moins une affaire d’épanouissement collectif que de survie individuelle. Pire, comme j’ai pu l’apprendre à mes dépens, le simple fait de pointer cette dérive suffisait à vous désigner d’emblée comme un ennemi rétrograde du marché, un ringard technophobe.

Et plutôt que de questionner la dimension éthique de pratiques qui exploitent et appauvrissent les masses au profit d’une minorité, la majorité des universitaires, des journalistes et des écrivains de science fiction ont préféré se focaliser sur des implications plus abstraites et périphériques : "Est-il juste qu’un trader utilise des drogues nootropiques ? Doit-on greffer des implants aux enfants pour leur permettre de parler des langues étrangères? Les véhicules intelligents doivent-ils privilégier la sécurité des piétons ou celle de leurs usagers? Est-ce que les premières colonies martiennes se doivent d’adopter un modèle démocratique? Modifier son ADN, est-ce modifier son identité ? Est-ce que les robots doivent avoir des droits ?".

Sans nier le côté divertissant de ces questions sur un plan philosophique, force est d’admettre qu’elles ne pèsent pas lourd face aux vrais enjeux moraux posés par le développement technologique débridé, au nom du capitalisme pratiqué par les multinationales. Les plateformes numériques ont modifié un marché déjà fondé sur l’exploitation (Walmart) pour donner naissance à un successeur encore plus déshumanisant (Amazon). La plupart d’entre-nous sommes conscients de ces dérives, rendues visibles par la recrudescence des emplois automatisés, par l’explosion de l’économie à la tâche et la disparition du commerce local de détails.

Mais c’est encore vis-à-vis de l’environnement et des populations les plus pauvres que ce capitalisme numérique désinhibé produit ses effets les plus dévastateurs. La fabrication de certains de nos ordinateurs et de nos smartphones reste assujettie au travail forcé et à l’esclavage. Une dépendance si consubstantielle que Fairphone, l’entreprise qui ambitionnait de fabriquer et de commercialiser des téléphones éthiques, s’est vue obligée de reconnaître que c’était en réalité impossible. Son fondateur se réfère aujourd’hui tristement à ses produits comme étant "plus" éthiques.

Pendant ce temps, l’extraction de métaux et de terres rares, conjuguée au stockage de nos déchets technologiques, ravage des habitats humains transformés en véritables décharges toxiques, dans lesquels es enfants et des familles de paysans viennent glaner de maigres restes utilisables, dans l’espoir de les revendre plus tard aux fabricants.

Nous aurons beau nous réfugier dans une réalité alternative, en cachant nos regards derrière des lunettes de réalité virtuelle, cette sous-traitance de la misère et de la toxicité n’en disparaîtra pas pour autant. De fait, plus nous en ignorerons les répercussions sociales, économiques et environnementales, plus elles s’aggraveront. En motivant toujours plus de déresponsabilisation, d’isolement et de fantasmes apocalyptiques, dont on cherchera à se prémunir avec toujours plus de technologies et de business plans. Le cycle se nourrit de lui-même.

Plus nous adhérerons à cette vision du monde, plus les humains apparaitront comme la source du problème et la technologie comme la solution. L’essence même de ce qui caractérise l’humain est moins traité comme une fonctionnalité que comme une perturbation. Quels que furent les biais idéologiques qui ont mené à leur émergence, les technologies bénéficient d’une aura de neutralité. Et si elles induisent parfois des dérives comportementales, celles-ci ne seraient que le reflet de nos natures corrompues. Comme si nos difficultés ne résultaient que de notre sauvagerie constitutive. À l’instar de l’inefficacité d’un système de taxis locaux pouvant être "résolue" par une application qui ruine les chauffeurs humains, les inconsistances contrariantes de notre psyché pouvait être corrigée par une mise à jour digitale ou génétique.

Selon l’orthodoxie techno-solutionniste, le point culminant de l’évolution humaine consisterait enfin à transférer notre conscience dans un ordinateur, ou encore mieux, à accepter la technologie comme notre successeur dans l’évolution des espèces. Comme les adeptes d’un culte gnostique, nous souhaitons atteindre la prochaine phase transcendante de notre évolution, en nous délestant de nos corps et en les abandonnant, avec nos péchés et nos problèmes.

Nos films et nos productions télévisuelles continuent d’alimenter ces fantasmes. Les séries sur les zombies dépeignent ainsi une post-apocalypse où les gens ne valent pas mieux que les morts vivants - et semblent en être conscients. Pire, ces projections fictives invitent les spectateurs à envisager l’avenir comme une bataille à somme nulle entre les survivants, où la survie d’un groupe dépend mécaniquement de la disparition d’un autre. Jusqu’à la série Westworld, basée sur un roman de science-fiction dans lequel les robots deviennent fous et qui clôt sa seconde saison sur une ultime révélation : les êtres humains sont plus simples et plus prévisibles que les intelligences artificielles qu’ils ont créées. Les robots y apprennent que nous nous réduisons, tous autant que nous sommes, à quelques lignes de code et que notre libre arbitre n’est qu’une illusion. Zut ! Dans cette série, les robots eux-mêmes veulent échapper aux limites de leurs corps et passer le reste de leurs vies dans une simulation informatique.

Seul un profond dégoût pour l’humanité autorise une telle gymnastique mentale, en inversant ainsi les rôles de l’homme et de la machine. Modifions-les ou fuyons-les, pour toujours.

Ainsi, nous nous retrouvons face à des techno-milliardaires qui expédient leurs voiture électriques dans l’espace, comme si ça symbolisait autre chose que la capacité d’un milliardaire à assurer la promotion de sa propre compagnie. Et quand bien même quelques élus parviendraient à rallier la planète Mars pour y subsister dans une sorte de bulle artificielle - malgré notre incapacité à maintenir des telles bulles sur Terre, malgré les milliards de dollars engloutis dans les projets Biosphère - le résultat s’apparenterait plus à une espèce de chaloupe luxueuse réservée une élite qu’à la perpétuation de la diaspora humaine.

Quand ces responsables de fonds d’investissement m’ont interrogé sur la meilleure manière de maintenir leur autorité sur leurs forces de sécurité "après l’Évènement", je leur ai suggéré de traiter leurs employés du mieux possible, dès maintenant. De se comporter avec eux comme s’il s’agissait des membres de leur propre famille. Et que plus ils insuffleraient cette éthique inclusive à leur pratiques commerciales, à la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement, au développement durable et à la répartition des richesses, moins il y aurait de chances que "l’Événement" se produise. Qu’ils auraient tout intérêt à employer cette magie technologique au service d’enjeux, certes moins romantiques, mais plus collectifs, dès aujourd’hui.

Mon optimisme les a fait sourire, mais pas au point de les convaincre. Éviter la catastrophe ne les intéressait finalement pas, persuadés qu’ils sont que nous sommes déjà trop engagés dans cette direction. Malgré le pouvoir que leur confèrent leurs immenses fortunes, ils ne veulent pas croire en leur propre capacité d’infléchir sur le cours des événements. Ils achètent les scénarios les plus sombres et misent sur leur argent et la technologie pour s’en prémunir - surtout s’ils peuvent disposer d’un siège dans la prochaine fusée pour Mars.

Heureusement, ceux d’entre nous qui n’ont pas de quoi financer le reniement de leur propre humanité disposent de meilleures options. Rien nous force à utiliser la technologie de manière aussi antisociale et destructive. Nous pouvons nous transformer en individus consommateurs, aux profils formatés par notre arsenal de plateformes et d’appareils connectés, ou nous pouvons nous souvenir qu’un être humain véritablement évolué ne fonctionne pas seul.

Être humain ne se définit pas dans notre capacité à fuir ou à survivre individuellement. C’est un sport d’équipe. Quel que soit notre futur, il se produira ensemble.

Auteur: Rushkoff Douglas

Info: Quand les riches conspirent pour nous laisser derrière. Avec l’accord de l’auteur, traduction de Céleste Bruandet, avec la participation de Laurent Courau

[ prospective ] [ super-riches ] [ oligarques ]

 

Commentaires: 0

USA

Le paysage médiatique en Amérique est dominé par les "fausses nouvelles". Depuis des décennies. Ces fausses nouvelles n’émanent pas du Kremlin. C’est une industrie de plusieurs milliards de dollars par an, qui est habilement conçue et gérée par des agences de relations publiques, des publicistes et des services de communications au nom d’individus précis, du gouvernement, et des sociétés pour manipuler l’opinion publique.
Cette industrie de la propagande met en scène des pseudo-événements pour façonner notre perception de la réalité. Le public est tellement inondé par ces mensonges, livrés 24 heures par jour à la radio, à la télévision et dans la presse écrite, que les téléspectateurs et les lecteurs ne peuvent plus distinguer entre la vérité et la fiction.
Donald Trump et les théoriciens racistes-conspirateurs, les généraux et les milliardaires autour de lui, ont hérité et exploité cette situation, tout comme ils ont hérité et exploiteront la destruction des libertés civiles et l’effondrement des institutions démocratiques. Trump n’a pas créé ce vide politique, moral et intellectuel. C’est l’inverse. Ce vide a créé un monde où les faits changent avec l’opinion, où les célébrités ont d’énormes mégaphones tout simplement parce que ce sont des célébrités, où l’information doit être divertissante et où nous avons la possibilité de croire ce que nous voulons, indépendamment de la vérité. Un démagogue comme Trump est le résultat que vous obtenez quand la culture et la presse tournent au burlesque.
Les journalistes ont depuis longtemps renoncé à décrire un monde objectif ou à donner la parole aux hommes et aux femmes ordinaires. Ils ont été conditionnés pour répondre aux demandes des entreprises. Les personnalités de l’actualité, qui gagnent souvent des millions de dollars par an, deviennent courtisanes. Elles vendent des commérages. Elles favorisent le consumérisme et l’impérialisme. Elles bavardent sans cesse au sujet des sondages, des stratégies, de la présentation et des tactiques ou jouent à des jeux de devinettes sur les rendez-vous présidentiels à venir. Elles comblent l’absence de nouvelles avec des histoires triviales, conduites émotionnellement, qui nous font sentir bien dans notre peau. Ils sont incapables de produire de véritables reportages. Elles s’appuient sur des propagandistes professionnels pour encadrer toute discussion et débat.
Il y a des journalistes établis qui ont passé toute leur carrière à reformuler des communiqués de presse ou à participer à des séances d’information officielles ou à des conférences de presse – j’en connaissais plusieurs lorsque j’étais au New York Times. Ils travaillent comme sténographes des puissants. Beaucoup de ces reporters sont très estimés dans la profession.
Les entreprises qui possèdent des médias, contrairement aux anciens empires de presse, voient les nouvelles comme simplement une autre source de revenus publicitaires. Ces revenus concourent au bénéfice de l’entreprise. Lorsque le secteur des nouvelles ne produit pas ce qui est considéré comme un profit suffisant, la hache tombe. Le contenu n’est pas pertinent. Les courtisans de la presse, redevables à leurs seigneurs dans l’entreprise, s’accrochent férocement à des places privilégiées et bien rémunérées. Parce qu’ils endossent servilement les intérêts du pouvoir des entreprises, ils sont haïs par les travailleurs américains, qu’ils ont rendus invisibles. Ils méritent la haine qu’ils suscitent.
La plupart des rubriques d’un journal – "style de vie", voyages, immobilier et mode, entre autres – sont conçues pour s’adresser au 1%. Ce sont des appâts pour la publicité. Seulement environ 15% de la surface rédactionnelle de n’importe quel journal est consacrée aux nouvelles. Si vous supprimez de ces 15% le contenu fourni par l’industrie des relations publiques à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement, le pourcentage de nouvelles tombe à un seul chiffre. Pour les nouvelles diffusées par les ondes et le câble, le pourcentage des nouvelles véritables, rapportées de façon indépendante, serait proche de zéro.
L’objet des fausses nouvelles est de façonner l’opinion publique, en créant des personnalités fantoches et des réponses émotionnelles qui submergent la réalité. Hillary Clinton, contrairement à la façon dont elle a souvent été dépeinte lors de la récente campagne présidentielle, n’a jamais combattu dans l’intérêt des femmes et des enfants – elle avait défendu la destruction d’un système d’aide sociale dans lequel 70% des bénéficiaires étaient des enfants. Elle est un outil des grandes banques, de Wall Street et de l’industrie de guerre. De pseudo-événements ont été créés pour maintenir la fiction de son souci pour les femmes et les enfants, de sa compassion et de ses liens avec les gens ordinaires. Trump n’a jamais été un grand homme d’affaires. Il a une longue histoire de faillites et de pratiques commerciales obscures. Mais il a joué le rôle fictif d’un titan de la finance dans son émission de télé-réalité, L’Apprenti.
"Les pseudo-événements qui inondent notre conscience ne sont ni vrais ni faux, dans le vieux sens familier", écrit Daniel Boorstin dans son livre L’image : un guide des pseudo-événements en Amérique : "Les mêmes progrès qui les ont rendues possibles, ont aussi rendu les images plus réalistes, plus attirantes, plus impressionnantes et plus convaincantes que la réalité elle-même, bien que planifiées, artificielles ou déformées."
La réalité est consciemment prémâchée en récits faciles à digérer. Ceux qui sont impliqués dans les relations publiques, les campagnes politiques et le gouvernement ressassent implacablement le message. Ils ne s’écartent pas du simple slogan criard ou du cliché qu’ils sont invités à répéter. C’est une espèce de conversation continue avec des bébés.
"Les raffinements de la raison et les nuances d’ombre de l’émotion ne peuvent pas atteindre un public considérable", a noté cyniquement Edward Bernays, le père des relations publiques modernes.
Le rythme trépidant et le format abrégé de la télévision excluent les complexités et les nuances. La télévision est manichéenne, bien et mal, noir et blanc, héros et méchant. Elle nous fait confondre les émotions induites avec la connaissance. Elle renforce le récit mythique de la vertu et de la bonté américaines. Elle rend hommage à des experts et spécialistes soigneusement sélectionnés par les élites du pouvoir et l’idéologie régnante. Elle discrédite ou ridiculise tous ceux qui s’opposent.
Le Parti démocrate est-il assez stupide pour croire qu’il a perdu l’élection présidentielle à cause des courriels fuités de John Podesta et de la décision du directeur du FBI, James Comey, peu de temps avant le vote, d’envoyer une lettre au Congrès à propos du serveur de messagerie privé de Clinton ? La direction du parti démocrate ne peut-elle pas voir que la cause première de la défaite est qu’elle a abandonné les travailleurs pour promouvoir les intérêts des entreprises ? Ne comprend-t’elle pas que, bien que ses mensonges et sa propagande aient fonctionné pendant trois décennies, les Démocrates ont fini par perdre leur crédibilité auprès de ceux qu’ils avaient trahis ?
L’indignation de l’establishment démocratique, au sujet de la fuite de courrier électronique vers le site de WikiLeaks, ignore le fait qu’une telle divulgation d’information dommageable est une tactique employée couramment par le gouvernement des États-Unis et d’autres, y compris la Russie, pour discréditer des individus et des entités. Cela fait partie intégrante de la presse. Personne, même au sein du parti démocrate, n’a fait valoir de façon convaincante que les emails de Podesta étaient fabriqués. Ces courriels sont réels. Ils ne peuvent pas être étiquetés fausses nouvelles.
En tant que correspondant à l’étranger, j’ai reçu régulièrement des informations divulguées, parfois confidentielles, de divers groupes ou gouvernements cherchant à endommager certaines cibles. L’agence de renseignement nationale d’Israël, le Mossad, m’avait parlé d’un petit aéroport appartenant au gouvernement iranien à l’extérieur de Hambourg, en Allemagne. Je suis allé à l’aéroport et j’ai publié une enquête qui a constaté que, comme les Israéliens m’en avaient correctement informé, l’Iran l’utilisait pour démonter du matériel nucléaire, l’expédier en Pologne, le remonter et l’envoyer vers l’Iran par avion. L’aéroport a été fermé après mon article.
Dans un autre cas, le gouvernement des États-Unis m’a remis des documents montrant qu’un membre important du parlement chypriote et son cabinet d’avocats blanchissaient de l’argent pour la mafia russe. Mon histoire a paralysé les affaires légitimes du cabinet d’avocats et a incité le politicien à poursuivre The New York Times et moi. Les avocats du journal ont choisi de contester la poursuite devant un tribunal chypriote, en disant qu’ils ne pouvaient pas obtenir un procès équitable là-bas. Ils m’ont dit que, pour éviter l’arrestation, je ne devais pas retourner à Chypre.
Je pourrais remplir plusieurs colonnes avec des exemples comme ceux-ci.
Les gouvernements n’organisent pas des fuites parce qu’ils se soucient de la démocratie ou d’une presse libre. Ils le font parce qu’il est dans leur intérêt de faire tomber quelqu’un ou quelque chose. Dans la plupart des cas, parce que le journaliste vérifie l’information divulguée, la nouvelle n’est pas un faux. C’est lorsque le journaliste ne vérifie pas l’information – comme ce fut le cas lorsque le New York Times a rapporté sans scrupule les accusations de l’administration Bush prétendant faussement que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive en Irak – qu’il participe à la vaste industrie des fausses nouvelles.
De fausses nouvelles sont maintenant utilisées pour dépeindre des sites d’information indépendants, y compris Truthdig, et des journalistes indépendants, comme des informateurs ou des agents involontaires de la Russie. Les élites des partis républicain et démocrate utilisent des fausses nouvelles dans leur tentative pour présenter Trump comme une marionnette du Kremlin et invalider l’élection. Aucune preuve convaincante de telles accusations n’a été rendue publique. Mais la fausse nouvelle est devenue un bélier dans la dernière série de diffamations russophobes.
Dans une lettre à Truthdig, datée du 7 décembre, l’avocat du Washington Post (qui a publié un article le 24 novembre à propos d’allégations selon lesquelles Truthdig et quelque 200 autres sites Web étaient des outils de propagande russe), disait que l’auteur de l’article, Craig Timberg connaissait l’identité des accusateurs anonymes de PropOrNot, le groupe qui a fait les accusations. [Note de la rédaction de Truthdig : l’avocat a écrit, en partie, au sujet de l’article du 24 novembre et de PropOrNot, "La description de l’article repose sur des rapports substantiels de M. Timberg, y compris de nombreuses entrevues, des vérifications d’antécédents de personnes spécifiques impliquées dans le groupe (dont les identités étaient connues de Timberg, contrairement à vos spéculations). […]"]. Le Washington Post dit qu’il doit protéger l’anonymat de PropOrNot. Il a transmis une fausse accusation sans preuve. Les victimes, dans ce cas, ne peuvent pas répondre adéquatement, parce que les accusateurs sont anonymes. Ceux qui sont diffamés sont informés qu’ils devraient faire appel à PropOrNot pour obtenir que leurs noms soient retirés de la liste noire du groupe. Ce procédé de raisonnement circulaire donne de la crédibilité aux groupes anonymes qui établissent des listes noires et propagent des fausses nouvelles, ainsi qu’aux mensonges qu’ils répandent.
La transformation culturelle et sociale du XXe siècle, dont E.P. Thompson a parlé dans son essai Time, Work-Discipline, and Industrial Capitalism, s’est avérée être beaucoup plus que l’étreinte d’un système économique ou la célébration du patriotisme. Cela fait partie, a-t-il souligné, d’une réinterprétation révolutionnaire de la réalité. Elle marque l’ascendant de la culture de masse, la destruction de la culture authentique et de la véritable vie intellectuelle.
Richard Sennett, dans son livre The Fall of the Public Man, a identifié la montée de la culture de masse comme l’une des forces principales derrière ce qu’il a appelé une nouvelle "personnalité collective […] engendrée par un fantasme commun". Et les grands propagandistes du siècle sont non seulement d’accord, mais ajoutent que ceux qui peuvent manipuler et façonner ces fantasmes déterminent les directions prises par la "personnalité collective".
Cette énorme pression interne, cachée à la vue du public, rend la production d’un bon journalisme et d’une bonne érudition très, très difficile. Les journalistes et les universitaires qui se soucient de la vérité, et ne reculent pas, sont soumis à une coercition subtile, parfois ouverte, et sont souvent purgés des institutions.
Les images, qui sont le moyen par lequel la plupart des gens ingèrent maintenant les informations, sont particulièrement enclines à être transformées en fausses nouvelles. La langue, comme le remarque le critique culturel Neil Postman, "ne fait sens que lorsqu’elle est présentée comme une suite de propositions. La signification est déformée lorsqu’un mot ou une phrase est, comme on dit, pris hors contexte. Quand un lecteur ou un auditeur est privé de ce qui a été dit avant et après". Les images n’ont pas de contexte. Elles sont "visibles d’une manière différente". Les images, surtout lorsqu’elles sont livrées en segments longs et rapides, démembrent et déforment la réalité. Le procédé "recrée le monde dans une série d’événements idiosyncrasiques".
Michael Herr, qui a couvert la guerre du Vietnam pour le magazine Esquire, a observé que les images de la guerre présentées dans les photographies et à la télévision, à la différence du mot imprimé, obscurcissent la brutalité du conflit. "La télévision et les nouvelles ont toujours été présentées comme ayant mis fin à la guerre, a déclaré M. Herr. J’ai pensé le contraire. Ces images ont toujours été vues dans un autre contexte – intercalées entre les publicités – de sorte qu’elles sont devenues un entremet sucré dans l’esprit du public. Je pense que cette couverture a prolongé la guerre."
Une population qui a oublié l’imprimerie, bombardée par des images discordantes et aléatoires, est dépouillée du vocabulaire ainsi que du contexte historique et culturel permettant d’articuler la réalité. L’illusion est la vérité. Un tourbillon d’élans émotionnels fabriqués nourrit notre amnésie historique.
Internet a accéléré ce processus. Avec les nouvelles par câble, il a divisé le pays en clans antagonistes. Les membres d’un clan regardent les mêmes images et écoutent les mêmes récits, créant une réalité collective. Les fausses nouvelles abondent dans ces bidonvilles virtuels. Le dialogue est clos. La haine des clans opposés favorise une mentalité de troupeau. Ceux qui expriment de l’empathie pour l’ennemi sont dénoncés par leurs compagnons de route pour leur impureté supposée. C’est aussi vrai à gauche qu’à droite. Ces clans et leurs troupeaux, gavés régulièrement de fausses nouvelles conçues pour émouvoir, ont donné naissance à Trump.
Trump est habile à communiquer à travers l’image, les slogans tapageurs et le spectacle. Les fausses nouvelles, qui dominent déjà la presse écrite et la télévision, définiront les médias sous son administration. Ceux qui dénonceront les mensonges seront vilipendés et bannis. L’État dévoué aux grandes entreprises multinationales a créé cette machine monstrueuse de propagande et l’a léguée à Trump. Il l’utilisera.

Auteur: Hedges Chris

Info: Internet, Truthdig, 18 décembre 2016

[ Etats-Unis ] [ Russie ] [ vingt-et-unième siècle ]

 

Commentaires: 0

homme-machine

Comment l'IA comprend des trucs que personne ne lui lui a appris

Les chercheurs peinent à comprendre comment les modèles d'Intelligence artificielle, formés pour perroquetter les textes sur Internet, peuvent effectuer des tâches avancées comme coder, jouer à des jeux ou essayer de rompre un mariage.

Personne ne sait encore comment ChatGPT et ses cousins ​​de l'intelligence artificielle vont transformer le monde, en partie parce que personne ne sait vraiment ce qui se passe à l'intérieur. Certaines des capacités de ces systèmes vont bien au-delà de ce pour quoi ils ont été formés, et même leurs inventeurs ne savent pas pourquoi. Un nombre croissant de tests suggèrent que ces systèmes d'IA développent des modèles internes du monde réel, tout comme notre propre cerveau le fait, bien que la technique des machines soit différente.

"Tout ce que nous voulons faire avec ces systèmes pour les rendre meilleurs ou plus sûrs ou quelque chose comme ça me semble une chose ridicule à demander  si nous ne comprenons pas comment ils fonctionnent", déclare Ellie Pavlick de l'Université Brown,  un des chercheurs travaillant à combler ce vide explicatif.

À un certain niveau, elle et ses collègues comprennent parfaitement le GPT (abréviation de generative pretrained transformer) et d'autres grands modèles de langage, ou LLM. Des modèles qui reposent sur un système d'apprentissage automatique appelé réseau de neurones. De tels réseaux ont une structure vaguement calquée sur les neurones connectés du cerveau humain. Le code de ces programmes est relativement simple et ne remplit que quelques pages. Il met en place un algorithme d'autocorrection, qui choisit le mot le plus susceptible de compléter un passage sur la base d'une analyse statistique laborieuse de centaines de gigaoctets de texte Internet. D'autres algorithmes auto-apprenants supplémentaire garantissant que le système présente ses résultats sous forme de dialogue. En ce sens, il ne fait que régurgiter ce qu'il a appris, c'est un "perroquet stochastique", selon les mots d'Emily Bender, linguiste à l'Université de Washington. Mais les LLM ont également réussi à réussir l'examen pour devenir avocat, à expliquer le boson de Higgs en pentamètre iambique (forme de poésie contrainte) ou à tenter de rompre le mariage d'un utilisateurs. Peu de gens s'attendaient à ce qu'un algorithme d'autocorrection assez simple acquière des capacités aussi larges.

Le fait que GPT et d'autres systèmes d'IA effectuent des tâches pour lesquelles ils n'ont pas été formés, leur donnant des "capacités émergentes", a surpris même les chercheurs qui étaient généralement sceptiques quant au battage médiatique sur les LLM. "Je ne sais pas comment ils le font ou s'ils pourraient le faire plus généralement comme le font les humains, mais tout ça mes au défi mes pensées sur le sujet", déclare Melanie Mitchell, chercheuse en IA à l'Institut Santa Fe.

"C'est certainement bien plus qu'un perroquet stochastique, qui auto-construit sans aucun doute une certaine représentation du monde, bien que je ne pense pas que ce soit  vraiment de la façon dont les humains construisent un modèle de monde interne", déclare Yoshua Bengio, chercheur en intelligence artificielle à l'université de Montréal.

Lors d'une conférence à l'Université de New York en mars, le philosophe Raphaël Millière de l'Université de Columbia a offert un autre exemple à couper le souffle de ce que les LLM peuvent faire. Les modèles avaient déjà démontré leur capacité à écrire du code informatique, ce qui est impressionnant mais pas trop surprenant car il y a tellement de code à imiter sur Internet. Millière est allé plus loin en montrant que le GPT peut aussi réaliser du code. Le philosophe a tapé un programme pour calculer le 83e nombre de la suite de Fibonacci. "Il s'agit d'un raisonnement en plusieurs étapes d'un très haut niveau", explique-t-il. Et le robot a réussi. Cependant, lorsque Millière a demandé directement le 83e nombre de Fibonacci, GPT s'est trompé, ce qui suggère que le système ne se contentait pas de répéter ce qui se disait sur l'internet. Ce qui suggère que le système ne se contente pas de répéter ce qui se dit sur Internet, mais qu'il effectue ses propres calculs pour parvenir à la bonne réponse.

Bien qu'un LLM tourne sur un ordinateur, il n'en n'est pas un lui-même. Il lui manque des éléments de calcul essentiels, comme sa propre mémoire vive. Reconnaissant tacitement que GPT seul ne devrait pas être capable d'exécuter du code, son inventeur, la société technologique OpenAI, a depuis introduit un plug-in spécialisé -  outil que ChatGPT peut utiliser pour répondre à une requête - qui remédie à cela. Mais ce plug-in n'a pas été utilisé dans la démonstration de Millière. Au lieu de cela, ce dernier suppose plutôt que la machine a improvisé une mémoire en exploitant ses mécanismes d'interprétation des mots en fonction de leur contexte -  situation similaire à la façon dont la nature réaffecte des capacités existantes à de nouvelles fonctions.

Cette capacité impromptue démontre que les LLM développent une complexité interne qui va bien au-delà d'une analyse statistique superficielle. Les chercheurs constatent que ces systèmes semblent parvenir à une véritable compréhension de ce qu'ils ont appris. Dans une étude présentée la semaine dernière à la Conférence internationale sur les représentations de l'apprentissage (ICLR), le doctorant Kenneth Li de l'Université de Harvard et ses collègues chercheurs en intelligence artificielle, Aspen K. Hopkins du Massachusetts Institute of Technology, David Bau de la Northeastern University et Fernanda Viégas , Hanspeter Pfister et Martin Wattenberg, tous à Harvard, ont créé leur propre copie plus petite du réseau neuronal GPT afin de pouvoir étudier son fonctionnement interne. Ils l'ont entraîné sur des millions de matchs du jeu de société Othello en alimentant de longues séquences de mouvements sous forme de texte. Leur modèle est devenu un joueur presque parfait.

Pour étudier comment le réseau de neurones encodait les informations, ils ont adopté une technique que Bengio et Guillaume Alain, également de l'Université de Montréal, ont imaginée en 2016. Ils ont créé un réseau de "sondes" miniatures pour analyser le réseau principal couche par couche. Li compare cette approche aux méthodes des neurosciences. "C'est comme lorsque nous plaçons une sonde électrique dans le cerveau humain", dit-il. Dans le cas de l'IA, la sonde a montré que son "activité neuronale" correspondait à la représentation d'un plateau de jeu d'Othello, bien que sous une forme alambiquée. Pour confirmer ce résultat, les chercheurs ont inversé la sonde afin d'implanter des informations dans le réseau, par exemple en remplaçant l'un des marqueurs noirs du jeu par un marqueur blanc. "En fait, nous piratons le cerveau de ces modèles de langage", explique Li. Le réseau a ajusté ses mouvements en conséquence. Les chercheurs ont conclu qu'il jouait à Othello à peu près comme un humain : en gardant un plateau de jeu dans son "esprit" et en utilisant ce modèle pour évaluer les mouvements. Li pense que le système apprend cette compétence parce qu'il s'agit de la description la plus simple et efficace de ses données pour l'apprentissage. "Si l'on vous donne un grand nombre de scripts de jeu, essayer de comprendre la règle qui les sous-tend est le meilleur moyen de les comprimer", ajoute-t-il.

Cette capacité à déduire la structure du monde extérieur ne se limite pas à de simples mouvements de jeu ; il apparaît également dans le dialogue. Belinda Li (aucun lien avec Kenneth Li), Maxwell Nye et Jacob Andreas, tous au MIT, ont étudié des réseaux qui jouaient à un jeu d'aventure textuel. Ils ont introduit des phrases telles que "La clé est dans le coeur du trésor", suivies de "Tu prends la clé". À l'aide d'une sonde, ils ont constaté que les réseaux encodaient en eux-mêmes des variables correspondant à "coeur" et "Tu", chacune avec la propriété de posséder ou non une clé, et mettaient à jour ces variables phrase par phrase. Le système n'a aucun moyen indépendant de savoir ce qu'est une boîte ou une clé, mais il a acquis les concepts dont il avait besoin pour cette tâche."

"Une représentation de cette situation est donc enfouie dans le modèle", explique Belinda Li.

Les chercheurs s'émerveillent de voir à quel point les LLM sont capables d'apprendre du texte. Par exemple, Pavlick et sa doctorante d'alors, l'étudiante Roma Patel, ont découvert que ces réseaux absorbent les descriptions de couleur du texte Internet et construisent des représentations internes de la couleur. Lorsqu'ils voient le mot "rouge", ils le traitent non seulement comme un symbole abstrait, mais comme un concept qui a une certaine relation avec le marron, le cramoisi, le fuchsia, la rouille, etc. Démontrer cela fut quelque peu délicat. Au lieu d'insérer une sonde dans un réseau, les chercheurs ont étudié sa réponse à une série d'invites textuelles. Pour vérifier si le systhème ne faisait pas simplement écho à des relations de couleur tirées de références en ligne, ils ont essayé de le désorienter en lui disant que le rouge est en fait du vert - comme dans la vieille expérience de pensée philosophique où le rouge d'une personne correspond au vert d'une autre. Plutôt que répéter une réponse incorrecte, les évaluations de couleur du système ont évolué de manière appropriée afin de maintenir les relations correctes.

Reprenant l'idée que pour remplir sa fonction d'autocorrection, le système recherche la logique sous-jacente de ses données d'apprentissage, le chercheur en apprentissage automatique Sébastien Bubeck de Microsoft Research suggère que plus la gamme de données est large, plus les règles du système faire émerger sont générales. "Peut-être que nous nous constatons un tel bond en avant parce que nous avons atteint une diversité de données suffisamment importante pour que le seul principe sous-jacent à toutes ces données qui demeure est que des êtres intelligents les ont produites... Ainsi la seule façon pour le modèle d'expliquer toutes ces données est de devenir intelligent lui-même".

En plus d'extraire le sens sous-jacent du langage, les LLM sont capables d'apprendre en temps réel. Dans le domaine de l'IA, le terme "apprentissage" est généralement réservé au processus informatique intensif dans lequel les développeurs exposent le réseau neuronal à des gigaoctets de données et ajustent petit à petit ses connexions internes. Lorsque vous tapez une requête dans ChatGPT, le réseau devrait être en quelque sorte figé et, contrairement à l'homme, ne devrait pas continuer à apprendre. Il fut donc surprenant de constater que les LLM apprennent effectivement à partir des invites de leurs utilisateurs, une capacité connue sous le nom d'"apprentissage en contexte". "Il s'agit d'un type d'apprentissage différent dont on ne soupçonnait pas l'existence auparavant", explique Ben Goertzel, fondateur de la société d'IA SingularityNET.

Un exemple de la façon dont un LLM apprend vient de la façon dont les humains interagissent avec les chatbots tels que ChatGPT. Vous pouvez donner au système des exemples de la façon dont vous voulez qu'il réponde, et il obéira. Ses sorties sont déterminées par les derniers milliers de mots qu'il a vus. Ce qu'il fait, étant donné ces mots, est prescrit par ses connexions internes fixes - mais la séquence de mots offre néanmoins une certaine adaptabilité. Certaines personnes utilisent le jailbreak à des fins sommaires, mais d'autres l'utilisent pour obtenir des réponses plus créatives. "Il répondra mieux aux questions scientifiques, je dirais, si vous posez directement la question, sans invite spéciale de jailbreak, explique William Hahn, codirecteur du laboratoire de perception de la machine et de robotique cognitive à la Florida Atlantic University. "Sans il sera un meilleur universitaire." (Comme son nom l'indique une invite jailbreak -prison cassée-, invite à  moins délimiter-verrouiller les fonctions de recherche et donc à les ouvrir, avec les risques que ça implique) .

Un autre type d'apprentissage en contexte se produit via l'incitation à la "chaîne de pensée", ce qui signifie qu'on demande au réseau d'épeler chaque étape de son raisonnement - manière de faire qui permet de mieux résoudre les problèmes de logique ou d'arithmétique en passant par plusieurs étapes. (Ce qui rend l'exemple de Millière si surprenant  puisque le réseau a trouvé le nombre de Fibonacci sans un tel encadrement.)

En 2022, une équipe de Google Research et de l'École polytechnique fédérale de Zurich - Johannes von Oswald, Eyvind Niklasson, Ettore Randazzo, João Sacramento, Alexander Mordvintsev, Andrey Zhmoginov et Max Vladymyrov - a montré que l'apprentissage en contexte suit la même procédure de calcul de base que l'apprentissage standard, connue sous le nom de descente de gradient". 

Cette procédure n'était pas programmée ; le système l'a découvert sans aide. "C'est probablement une compétence acquise", déclare Blaise Agüera y Arcas, vice-président de Google Research. De fait il pense que les LLM peuvent avoir d'autres capacités latentes que personne n'a encore découvertes. "Chaque fois que nous testons une nouvelle capacité que nous pouvons quantifier, nous la trouvons", dit-il.

Bien que les LLM aient suffisamment d'angles morts et autres défauts pour ne pas être qualifiés d'intelligence générale artificielle, ou AGI - terme désignant une machine qui atteint l'ingéniosité du cerveau animal - ces capacités émergentes suggèrent à certains chercheurs que les entreprises technologiques sont plus proches de l'AGI que même les optimistes ne l'avaient deviné. "Ce sont des preuves indirectes que nous en sommes probablement pas si loin", a déclaré Goertzel en mars lors d'une conférence sur le deep learning à la Florida Atlantic University. Les plug-ins d'OpenAI ont donné à ChatGPT une architecture modulaire un peu comme celle du cerveau humain. "La combinaison de GPT-4 [la dernière version du LLM qui alimente ChatGPT] avec divers plug-ins pourrait être une voie vers une spécialisation des fonctions semblable à celle de l'homme", déclare Anna Ivanova, chercheuse au M.I.T.

Dans le même temps, les chercheurs s'inquiètent de voir leur capacité à étudier ces systèmes s'amenuiser. OpenAI n'a pas divulgué les détails de la conception et de l'entraînement de GPT-4, en partie du à la concurrence avec Google et d'autres entreprises, sans parler des autres pays. "Il y aura probablement moins de recherche ouverte de la part de l'industrie, et les choses seront plus cloisonnées et organisées autour de la construction de produits", déclare Dan Roberts, physicien théoricien au M.I.T., qui applique les techniques de sa profession à la compréhension de l'IA.

Ce manque de transparence ne nuit pas seulement aux chercheurs, il entrave également les efforts qui visent à comprendre les répercussions sociales de l'adoption précipitée de la technologie de l'IA. "La transparence de ces modèles est la chose la plus importante pour garantir la sécurité", affirme M. Mitchell.

Auteur: Musser Georges

Info: https://www.scientificamerican.com,  11 mai 2023. *algorithme d'optimisation utilisé dans l'apprentissage automatique et les problèmes d'optimisation. Il vise à minimiser ou à maximiser une fonction en ajustant ses paramètres de manière itérative. L'algorithme part des valeurs initiales des paramètres et calcule le gradient de la fonction au point actuel. Les paramètres sont ensuite mis à jour dans la direction du gradient négatif (pour la minimisation) ou positif (pour la maximisation), multiplié par un taux d'apprentissage. Ce processus est répété jusqu'à ce qu'un critère d'arrêt soit rempli. La descente de gradient est largement utilisée dans la formation des modèles d'apprentissage automatique pour trouver les valeurs optimales des paramètres qui minimisent la différence entre les résultats prédits et les résultats réels. Trad et adaptation Mg

[ singularité technologique ] [ versatilité sémantique ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

question

La conscience est-elle partie prenante de l'univers et de sa structure ?

Des physiciens et des philosophes se sont récemment rencontrés pour débattre d'une théorie de la conscience appelée panpsychisme.

Il y a plus de 400 ans, Galilée a montré que de nombreux phénomènes quotidiens, tels qu'une balle qui roule sur une pente ou un lustre qui se balance doucement au plafond d'une église, obéissent à des lois mathématiques précises. Pour cette intuition, il est souvent salué comme le fondateur de la science moderne. Mais Galilée a reconnu que tout ne se prêtait pas à une approche quantitative. Des choses telles que les couleurs, les goûts et les odeurs "ne sont rien de plus que de simples noms", a déclaré Galilée, car "elles ne résident que dans la conscience". Ces qualités ne sont pas réellement présentes dans le monde, affirmait-il, mais existent uniquement dans l'esprit des créatures qui les perçoivent. "Par conséquent, si l'on supprimait la créature vivante, écrivait-il, toutes ces qualités seraient effacées et anéanties.

Depuis l'époque de Galilée, les sciences physiques ont fait un bond en avant, expliquant le fonctionnement des plus petits quarks jusqu'aux plus grands amas de galaxies. Mais expliquer les choses qui résident "uniquement dans la conscience" - le rouge d'un coucher de soleil, par exemple, ou le goût amer d'un citron - s'est avéré beaucoup plus difficile. Les neuroscientifiques ont identifié un certain nombre de corrélats neuronaux de la conscience - des états cérébraux associés à des états mentaux spécifiques - mais n'ont pas expliqué comment la matière forme les esprits en premier lieu. Comme l'a dit le philosophe Colin McGinn dans un article publié en 1989, "d'une manière ou d'une autre, nous avons l'impression que l'eau du cerveau physique est transformée en vin de la conscience". Le philosophe David Chalmers a célèbrement surnommé ce dilemme le "problème difficile" de la conscience*.

Des chercheurs se sont récemment réunis pour débattre de ce problème au Marist College de Poughkeepsie, dans l'État de New York, à l'occasion d'un atelier de deux jours consacré à une idée connue sous le nom de panpsychisme. Ce concept propose que la conscience soit un aspect fondamental de la réalité, au même titre que la masse ou la charge électrique. L'idée remonte à l'Antiquité - Platon l'a prise au sérieux - et a eu d'éminents partisans au fil des ans, notamment le psychologue William James et le philosophe et mathématicien Bertrand Russell. Elle connaît depuis peu un regain d'intérêt, notamment à la suite de la publication en 2019 du livre du philosophe Philip Goff, Galileo's Error, qui plaide vigoureusement en sa faveur.

M. Goff, de l'université de Durham en Angleterre, a organisé l'événement récent avec le philosophe mariste Andrei Buckareff, et il a été financé par une subvention de la Fondation John Templeton. Dans une petite salle de conférence dotée de fenêtres allant du sol au plafond et donnant sur l'Hudson, environ deux douzaines d'universitaires ont examiné la possibilité que la conscience se trouve peut-être en bas de l'échelle.

L'attrait du panpsychisme réside en partie dans le fait qu'il semble apporter une solution à la question posée par M. Chalmers : nous n'avons plus à nous préoccuper de la manière dont la matière inanimée forme des esprits, car l'esprit était là depuis le début, résidant dans le tissu de l'univers. Chalmers lui-même a adopté une forme de panpsychisme et a même suggéré que les particules individuelles pourraient être conscientes d'une manière ou d'une autre. Il a déclaré lors d'une conférence TED qu'un photon "pourrait avoir un élément de sentiment brut et subjectif, un précurseur primitif de la conscience". Le neuroscientifique Christof Koch est également d'accord avec cette idée. Dans son livre Consciousness paru en 2012, il note que si l'on accepte la conscience comme un phénomène réel qui ne dépend d'aucune matière particulière - qu'elle est "indépendante du substrat", comme le disent les philosophes - alors "il est facile de conclure que le cosmos tout entier est imprégné de sensibilité".

Pourtant, le panpsychisme va à l'encontre du point de vue majoritaire dans les sciences physiques et en philosophie, qui considère la conscience comme un phénomène émergent, quelque chose qui apparaît dans certains systèmes complexes, tels que le cerveau humain. Selon ce point de vue, les neurones individuels ne sont pas conscients, mais grâce aux propriétés collectives de quelque 86 milliards de neurones et à leurs interactions - qui, il est vrai, ne sont encore que mal comprises - les cerveaux (ainsi que les corps, peut-être) sont conscients. Les enquêtes suggèrent qu'un peu plus de la moitié des philosophes universitaires soutiennent ce point de vue, connu sous le nom de "physicalisme" ou "émergentisme", tandis qu'environ un tiers rejette le physicalisme et penche pour une alternative, dont le panpsychisme est l'une des nombreuses possibilités.

Lors de l'atelier, M. Goff a expliqué que la physique avait manqué quelque chose d'essentiel en ce qui concerne notre vie mentale intérieure. En formulant leurs théories, "la plupart des physiciens pensent à des expériences", a-t-il déclaré. "Je pense qu'ils devraient se demander si ma théorie est compatible avec la conscience, car nous savons qu'elle est réelle.

De nombreux philosophes présents à la réunion ont semblé partager l'inquiétude de M. Goff quant à l'échec du physicalisme lorsqu'il s'agit de la conscience. "Si vous connaissez les moindres détails des processus de mon cerveau, vous ne saurez toujours pas ce que c'est que d'être moi", déclare Hedda Hassel Mørch, philosophe à l'université des sciences appliquées de Norvège intérieure. "Il existe un fossé explicatif évident entre le physique et le mental. Prenons l'exemple de la difficulté d'essayer de décrire la couleur à quelqu'un qui n'a vu le monde qu'en noir et blanc. Yanssel Garcia, philosophe à l'université du Nebraska Omaha, estime que les faits physiques seuls sont inadéquats pour une telle tâche. "Il n'y a rien de physique que l'on puisse fournir [à une personne qui ne voit qu'en nuances de gris] pour qu'elle comprenne ce qu'est l'expérience de la couleur ; il faudrait qu'elle en fasse elle-même l'expérience", explique-t-il. "La science physique est, en principe, incapable de nous raconter toute l'histoire. Parmi les différentes alternatives proposées, il estime que "le panpsychisme est notre meilleure chance".

Mais le panpsychisme attire également de nombreuses critiques. Certains soulignent qu'il n'explique pas comment de petits morceaux de conscience s'assemblent pour former des entités conscientes plus substantielles. Ses détracteurs affirment que cette énigme, connue sous le nom de "problème de la combinaison", équivaut à une version du problème difficile propre au panpsychisme. Le problème de la combinaison "est le défi majeur de la position panpsychiste", admet M. Goff. "Et c'est là que se concentre la majeure partie de notre énergie.

D'autres remettent en question le pouvoir explicatif du panpsychisme. Dans son livre Being You (2021), le neuroscientifique Anil Seth écrit que les principaux problèmes du panpsychisme sont qu'"il n'explique rien et qu'il ne conduit pas à des hypothèses vérifiables. C'est une échappatoire facile au mystère apparent posé par le problème difficile".

Si la plupart des personnes invitées à l'atelier étaient des philosophes, les physiciens Sean Carroll et Lee Smolin, ainsi que le psychologue cognitif Donald Hoffman, ont également pris la parole. Carroll, un physicaliste pur et dur, a joué le rôle de chef de file officieux de l'opposition pendant le déroulement de l'atelier. (Lors d'un débat public très suivi entre Goff et Carroll, la divergence de leurs visions du monde est rapidement devenue évidente. Goff a déclaré que le physicalisme ne menait "précisément nulle part" et a suggéré que l'idée même d'essayer d'expliquer la conscience en termes physiques était incohérente. M. Carroll a affirmé que le physicalisme se porte plutôt bien et que, bien que la conscience soit l'un des nombreux phénomènes qui ne peuvent être déduits des phénomènes microscopiques, elle constitue néanmoins une caractéristique réelle et émergente du monde macroscopique. Il a présenté la physique des gaz comme un exemple parallèle. Au niveau micro, on parle d'atomes, de molécules et de forces ; au niveau macro, on parle de pression, de volume et de température. Il s'agit de deux types d'explications, en fonction du "niveau" étudié, mais elles ne présentent pas de grand mystère et ne constituent pas un échec pour la physique. En peu de temps, Goff et Carroll se sont enfoncés dans les méandres de l'argument dit de la connaissance (également connu sous le nom de "Marie dans la chambre noire et blanche"), ainsi que de l'argument des "zombies". Tous deux se résument à la même question clé : Y a-t-il quelque chose à propos de la conscience qui ne peut être expliqué par les seuls faits physiques ? Une grande partie du ping-pong rhétorique entre Goff et Carroll a consisté pour Goff à répondre oui à cette question et pour Carroll à y répondre non.

Une autre objection soulevée par certains participants est que le panpsychisme n'aborde pas ce que les philosophes appellent le problème des "autres esprits". (Vous avez un accès direct à votre propre esprit, mais comment pouvez-vous déduire quoi que ce soit de l'esprit d'une autre personne ?) "Même si le panpsychisme est vrai, il y aura toujours un grand nombre de choses - notamment des choses liées à l'expérience des autres - que nous ne connaîtrons toujours pas", déclare Rebecca Chan, philosophe à l'université d'État de San José. Elle craint que l'invocation d'une couche sous-jacente d'esprit ne revienne à invoquer Dieu. Je me demande parfois si la position panpsychiste n'est pas similaire aux arguments du "dieu des lacunes"", dit-elle, en référence à l'idée que Dieu est nécessaire pour combler les lacunes de la connaissance scientifique.

D'autres idées ont été évoquées. L'idée du cosmopsychisme a été évoquée - en gros, l'idée que l'univers lui-même est conscient. Paul Draper, philosophe à l'université de Purdue qui a participé via Zoom, a parlé d'une idée subtilement différente connue sous le nom de "théorie de l'éther psychologique", à savoir que les cerveaux ne produisent pas la conscience mais l'utilisent plutôt. Selon cette théorie, la conscience existait déjà avant que les cerveaux n'existent, comme un ether omniprésent. Si cette idée est correcte, écrit-il, "alors (selon toute vraisemblance) Dieu existe".

M. Hoffman, chercheur en sciences cognitives à l'université de Californie à Irvine, qui s'est également adressé à l'atelier via Zoom, préconise de rejeter l'idée de l'espace-temps et de rechercher quelque chose de plus profond. (Il a cité l'idée de plus en plus populaire en physique ces derniers temps selon laquelle l'espace et le temps ne sont peut-être pas fondamentaux, mais constituent plutôt des phénomènes émergents). L'entité plus profonde liée à la conscience, suggère Hoffman, pourrait consister en "sujets et expériences" qui, selon lui, "sont des entités au-delà de l'espace-temps, et non dans l'espace-temps". Il a développé cette idée dans un article de 2023 intitulé "Fusions of Consciousness" (Fusions de conscience).

M. Smolin, physicien à l'Institut Perimeter pour la physique théorique en Ontario, qui a également participé via Zoom, a également travaillé sur des théories qui semblent offrir un rôle plus central aux agents conscients. Dans un article publié en 2020, il a suggéré que l'univers "est composé d'un ensemble de vues partielles de lui-même" et que "les perceptions conscientes sont des aspects de certaines vues" - une perspective qui, selon lui, peut être considérée comme "une forme restreinte de panpsychisme".

Carroll, qui s'est exprimé après la session à laquelle participaient Hoffman et Smolin, a noté que ses propres opinions divergeaient de celles des intervenants dès les premières minutes (au cours du déjeuner, il a fait remarquer que participer à l'atelier donnait parfois l'impression d'être sur un subreddit pour les fans d'une série télévisée qui ne vous intéresse tout simplement pas). Il a admis que les débats interminables sur la nature de la "réalité" le laissaient parfois frustré. Les gens me demandent : "Qu'est-ce que la réalité physique ? C'est la réalité physique ! Il n'y a rien qu'elle 'soit'. Que voulez-vous que je dise, qu'elle est faite de macaronis ou d'autre chose ?" (Même Carroll admet cependant que la réalité est plus complexe qu'il n'y paraît. Il est un fervent partisan de l'interprétation "multi-mondes" de la mécanique quantique, selon laquelle notre univers n'est qu'une facette d'un vaste multivers quantique).

Si tout cela semble n'avoir aucune valeur pratique, M. Goff a évoqué la possibilité que la façon dont nous concevons les esprits puisse avoir des implications éthiques. Prenons la question de savoir si les poissons ressentent la douleur. La science traditionnelle ne peut étudier que le comportement extérieur d'un poisson, et non son état mental. Pour M. Goff, se concentrer sur le comportement du poisson n'est pas seulement une erreur, c'est aussi une "horreur", car cela laisse de côté ce qui est en fait le plus important : ce que le poisson ressent réellement. "Nous allons cesser de nous demander si les poissons sont conscients et nous contenter de regarder leur comportement ? Qui se soucie du comportement ? Je veux savoir s'il a une vie intérieure, c'est tout ce qui compte ! Pour les physicalistes comme Carroll, cependant, les sentiments et le comportement sont intimement liés, ce qui signifie que nous pouvons éviter de faire souffrir un animal en ne le plaçant pas dans une situation où il semble souffrir en raison de son comportement. "S'il n'y avait pas de lien entre eux [comportement et sentiments], nous serions en effet dans le pétrin", déclare Carroll, "mais ce n'est pas notre monde".

Seth, le neuroscientifique, n'était pas présent à l'atelier, mais je lui ai demandé quelle était sa position dans le débat sur le physicalisme et ses différentes alternatives. Selon lui, le physicalisme offre toujours plus de "prise empirique" que ses concurrents, et il déplore ce qu'il considère comme une crispation excessive sur ses prétendus échecs, y compris la difficulté supposée due à un problème complexe. Critiquer le physicalisme au motif qu'il a "échoué" est une erreur volontaire de représentation", déclare-t-il. "Il se porte très bien, comme l'attestent les progrès de la science de la conscience. Dans un article récemment publié dans le Journal of Consciousness Studies, Seth ajoute : "Affirmer que la conscience est fondamentale et omniprésente n'éclaire en rien la raison pour laquelle l'expérience du bleu est telle qu'elle est, et pas autrement. Cela n'explique pas non plus les fonctions possibles de la conscience, ni pourquoi la conscience est perdue dans des états tels que le sommeil sans rêve, l'anesthésie générale et le coma".

Même ceux qui penchent pour le panpsychisme semblent parfois hésiter à plonger dans le grand bain. Comme le dit Garcia, malgré l'attrait d'un univers imprégné de conscience, "j'aimerais qu'on vienne m'en dissuader".

 

Auteur: Internet

Info: Dan Falk, September 25, 2023

[ perspectiviste ] [ atman ] [ interrogation ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

épistémologie

Opinion: Pourquoi la science a besoin de la philosophe

Malgré les liens historiques étroits entre la science et la philosophie, les scientifiques d'aujourd'hui perçoivent souvent la philosophie comme complètement différente, voire antagoniste, de la science. Nous soutenons ici que, au contraire, la philosophie peut avoir un impact important et productif sur la science.

Nous illustrons notre propos par trois exemples tirés de divers domaines des sciences de la vie contemporaines. Chacun d'entre eux concerne la recherche scientifique de pointe, et chacun ayant été explicitement reconnu par les chercheurs en exercice comme une contribution utile à la science. Ces exemples, et d'autres, montrent que la contribution de la philosophie peut prendre au moins quatre formes : la clarification des concepts scientifiques, l'évaluation critique des hypothèses ou des méthodes scientifiques, la formulation de nouveaux concepts et de nouvelles théories, et la promotion du dialogue entre les différentes sciences, ainsi qu'entre la science et la société.

Clarification conceptuelle et cellules souches.

Tout d'abord, la philosophie offre une clarification conceptuelle. Les clarifications conceptuelles améliorent non seulement la précision et l'utilité des termes scientifiques, mais conduisent également à de nouvelles recherches expérimentales, car le choix d'un cadre conceptuel donné contraint fortement la façon dont les expériences sont conçues.

La définition des cellules souches (stem cells) en est un excellent exemple. La philosophie a une longue tradition d'étude des propriétés, et les outils utilisés dans cette tradition ont récemment été appliqués pour décrire la "souche", propriété qui définit les cellules souches. L'un d'entre nous a montré que quatre types de propriétés différentes existent sous cette dénomination de souche (stemness) au vu des connaissances scientifiques actuelles. Selon le type de tissu, la stemness peut être une propriété catégorielle (propriété intrinsèque de la cellule souche, indépendante de son environnement), une propriété dispositionnelle (propriété intrinsèque de la cellule souche qui est contrôlée par le micro-environnement), une propriété relationnelle (propriété extrinsèque qui peut être conférée aux cellules non souches par le microenvironnement), ou une propriété systémique (propriété qui est maintenue et contrôlée au niveau de la population cellulaire entière).

Hans Clevers, chercheur en biologie des cellules souches et du cancer, note que cette analyse philosophique met en lumière d'importants problèmes sémantiques et conceptuels en oncologie et en biologie des cellules souches ; il suggère également que cette analyse soit facilement applicable à l'expérimentation. En effet, au-delà de la clarification conceptuelle, ce travail philosophique a des applications dans le monde réel, comme l'illustre le cas des cellules souches cancéreuses en oncologie.

Les recherches visant à développer des médicaments ciblant soit les cellules souches cancéreuses, soit leur microenvironnement, reposent en fait sur différents types de souches et sont donc susceptibles d'avoir des taux de réussite différents selon le type de cancer. En outre, elles pourraient ne pas couvrir tous les types de cancer, car les stratégies thérapeutiques actuelles ne tiennent pas compte de la définition systémique de la souche. Déterminer le type de souche présent dans chaque tissu et chaque cancer est donc utile pour orienter le développement et le choix des thérapies anticancéreuses. Dans la pratique, ce cadre a conduit à la recherche de thérapies anticancéreuses qui combinent le ciblage des propriétés intrinsèques des cellules souches cancéreuses, de leur microenvironnement et des points de contrôle immunitaires afin de couvrir tous les types possibles de souches.

En outre, ce cadre philosophique a récemment été appliqué à un autre domaine, l'étude des organoïdes (tissus en 3D dérivés de cellules souches, sont capables de s'auto-organiser et de reproduire certaines fonctions d'un organe.). Dans une revue systémique des données expérimentales sur les organoïdes provenant de diverses sources, Picollet-D'hahan et al. ont caractérisé la capacité à former des organoïdes comme une propriété dispositionnelle. Ils ont pu alors affirmer que pour accroître l'efficacité et la reproductibilité de la production d'organoïdes, actuellement un défi majeur dans le domaine, les chercheurs doivent mieux comprendre la partie intrinsèque de la propriété dispositionnelle qui est influencée par le microenvironnement. Pour distinguer les caractéristiques intrinsèques des cellules qui ont une telle disposition, ce groupe développe actuellement des méthodes de génomique fonctionnelle à haut débit, permettant d'étudier le rôle de pratiquement tous les gènes humains dans la formation des organoïdes.

Immunogénicité et microbiome.

En complément de son rôle dans la clarification conceptuelle, la philosophie peut contribuer à la critique des hypothèses scientifiques et peut même être proactive dans la formulation de théories nouvelles, testables et prédictives qui aident à définir de nouvelles voies pour la recherche empirique.

Par exemple, une critique philosophique du cadre du cadre immunitaire du soi et du non-soi a conduit à deux contributions scientifiques importantes. Tout d'abord, elle a servi de base à la formulation d'un nouveau cadre théorique, la théorie de la discontinuité de l'immunité, qui complète les modèles antérieurs du non-soi et du danger en proposant que le système immunitaire réagisse aux modifications soudaines des motifs antigéniques. Cette théorie éclaire de nombreux phénomènes immunologiques importants, notamment les maladies auto-immunes, les réponses immunitaires aux tumeurs et la tolérance immunologique à des ligands exprimés de façon chronique. La théorie de la discontinuité a été appliquée à une multitude de questions, aidant à explorer les effets des agents chimiothérapeutiques sur l'immunomodulation dans le cancer et expliquant comment les cellules tueuses naturelles modifient constamment leur phénotype et leurs fonctions grâce à leurs interactions avec leurs ligands** d'une manière qui assure la tolérance aux constituants corporels. La théorie permet également d'expliquer les conséquences des vaccinations répétées chez les personnes immunodéprimées et propose des modèles mathématiques dynamiques de l'activation immunitaire. Collectivement, ces diverses évaluations empiriques illustrent comment des propositions d'inspiration philosophique peuvent conduire à des expériences inédites, ouvrant ainsi de nouvelles voies de recherche.

Deuxièmement, la critique philosophique a contribué, avec d'autres approches philosophiques, à la notion selon laquelle tout organisme, loin d'être un soi génétiquement homogène, est une communauté symbiotique abritant et tolérant de multiples éléments étrangers (notamment des bactéries et des virus), qui sont reconnus mais non éliminés par son système immunitaire. La recherche sur l'intégration symbiotique et la tolérance immunitaire a des conséquences considérables sur notre conception de ce qui constitue un organisme individuel, qui est de plus en plus conceptualisé comme un écosystème complexe dont les fonctions clés, du développement à la défense, la réparation et la cognition, sont affectées par les interactions avec les microbes.

Influence sur les sciences cognitives.

L'étude de la cognition et des neurosciences cognitives offre une illustration frappante de l'influence profonde et durable de la philosophie sur la science. Comme pour l'immunologie, les philosophes ont formulé des théories et des expériences influentes, aidé à lancer des programmes de recherche spécifiques et contribué à des changements de paradigme. Mais l'ampleur de cette influence est bien plus importante que dans le cas de l'immunologie. La philosophie a joué un rôle dans le passage du behaviorisme au cognitivisme et au computationnalisme dans les années 1960. La théorie de la modularité de l'esprit, proposée par le philosophe Jerry Fodor, a peut-être été la plus visible. Son influence sur les théories de l'architecture cognitive peut difficilement être dépassée. Dans un hommage rendu après le décès de Fodor en 2017, l'éminent psychologue cognitif James Russell a parlé dans le magazine de la British Psychological Society de "psychologie cognitive du développement BF (avant Fodor) et AF (après Fodor) ".

La modularité renvoie à l'idée que les phénomènes mentaux résultent du fonctionnement de multiples processus distincts, et non d'un seul processus indifférencié. Inspiré par les résultats de la psychologie expérimentale, par la linguistique chomskienne et par les nouvelles théories computationnelles de la philosophie de l'esprit, Fodor a théorisé que la cognition humaine est structurée en un ensemble de modules spécialisés de bas niveau, spécifiques à un domaine et encapsulés sur le plan informationnel, et en un système central de plus haut niveau, général à un domaine, pour le raisonnement abductif, l'information ne circulant que verticalement vers le haut, et non vers le bas ou horizontalement (c'est-à-dire entre les modules). Il a également formulé des critères stricts de modularité. Aujourd'hui encore, la proposition de Fodor définit les termes d'une grande partie de la recherche empirique et de la théorie dans de nombreux domaines des sciences cognitives et des neurosciences, y compris le développement cognitif, la psychologie de l'évolution, l'intelligence artificielle et l'anthropologie cognitive. Bien que sa théorie ait été révisée et remise en question, les chercheurs continuent d'utiliser, de peaufiner et de débattre de son approche et de sa boîte à outils conceptuelle de base.

La philosophie et la science partagent les outils de la logique, de l'analyse conceptuelle et de l'argumentation rigoureuse. Cependant, les philosophes peuvent utiliser ces outils avec des degrés de rigueur, de liberté et d'abstraction théorique que les chercheurs praticiens ne peuvent souvent pas se permettre dans leurs activités quotidiennes.

La tâche des fausses croyances constitue un autre exemple clé de l'impact de la philosophie sur les sciences cognitives. Le philosophe Daniel Dennett a été le premier à concevoir la logique de base de cette expérience comme une révision d'un test utilisé pour évaluer la théorie de l'esprit, la capacité d'attribuer des états mentaux à soi-même et aux autres. Cette tâche teste la capacité d'attribuer à autrui des croyances que l'on considère comme fausses, l'idée clé étant que le raisonnement sur les croyances fausses d'autrui, par opposition aux croyances vraies, exige de concevoir les autres personnes comme ayant des représentations mentales qui divergent des siennes et de la façon dont le monde est réellement. Sa première application empirique remonte à 1983 , dans un article dont le titre, "Beliefs About Beliefs : Representation and Constraining Function of Wrong Beliefs in Young Children's Understanding of Deception", est en soi un hommage direct à la contribution de Dennett.

La tâche des fausses croyances représente une expérience marquante dans divers domaines des sciences cognitives et des neurosciences, avec de vastes applications et implications. Il s'agit notamment de tester les stades du développement cognitif chez les enfants, de débattre de l'architecture de la cognition humaine et de ses capacités distinctes, d'évaluer les capacités de la théorie de l'esprit chez les grands singes, de développer des théories de l'autisme en tant que cécité de l'esprit (selon lesquelles les difficultés à réussir la tâche des fausses croyances sont associées à cette maladie), et de déterminer quelles régions particulières du cerveau sont associées à la capacité de raisonner sur le contenu de l'esprit d'une autre personne .

La philosophie a également aidé le domaine des sciences cognitives à éliminer les hypothèses problématiques ou dépassées, contribuant ainsi à l'évolution de la science. Les concepts de l'esprit, de l'intelligence, de la conscience et de l'émotion sont utilisés de manière omniprésente dans différents domaines, avec souvent peu d'accord sur leur signification. L'ingénierie de l'intelligence artificielle, la construction de théories psychologiques des variables de l'état mental et l'utilisation d'outils neuroscientifiques pour étudier la conscience et l'émotion nécessitent des outils conceptuels pour l'autocritique et le dialogue interdisciplinaire - précisément les outils que la philosophie peut fournir.

La philosophie - parfois représentée par la lettre grecque phi - peut contribuer à faire progresser tous les niveaux de l'entreprise scientifique, de la théorie à l'expérience. Parmi les exemples récents, citons les contributions à la biologie des cellules souches, à l'immunologie, à la symbiose et aux sciences cognitives.  

La philosophie et la connaissance scientifique.

Les exemples ci-dessus sont loin d'être les seuls : dans les sciences de la vie, la réflexion philosophique a joué un rôle important dans des questions aussi diverses que l'altruisme évolutif , le débat sur les unités de sélection, la construction d'un "arbre de vie", la prédominance des microbes dans la biosphère, la définition du gène et l'examen critique du concept d'innéité. De même, en physique, des questions fondamentales comme la définition du temps ont été enrichies par les travaux des philosophes. Par exemple, l'analyse de l'irréversibilité temporelle par Huw Price et les courbes temporelles fermées par David Lewis ont contribué à dissiper la confusion conceptuelle en physique.

Inspirés par ces exemples et bien d'autres, nous considérons que la philosophie et la science se situent sur un continuum. La philosophie et la science partagent les outils de la logique, de l'analyse conceptuelle et de l'argumentation rigoureuse. Cependant, les philosophes peuvent utiliser ces outils avec des degrés de minutie, de liberté et d'abstraction théorique que les chercheurs praticiens ne peuvent souvent pas se permettre dans leurs activités quotidiennes. Les philosophes possédant les connaissances scientifiques pertinentes peuvent alors contribuer de manière significative à l'avancement de la science à tous les niveaux de l'entreprise scientifique, de la théorie à l'expérimentation, comme le montrent les exemples ci-dessus.

Mais comment, en pratique, faciliter la coopération entre chercheurs et philosophes ? À première vue, la solution pourrait sembler évidente : chaque communauté devrait faire un pas vers l'autre. Pourtant, ce serait une erreur de considérer cette tâche comme facile. Les obstacles sont nombreux. Actuellement, un nombre important de philosophes dédaignent la science ou ne voient pas la pertinence de la science pour leur travail. Même parmi les philosophes qui privilégient le dialogue avec les chercheurs, rares sont ceux qui ont une bonne connaissance de la science la plus récente. À l'inverse, peu de chercheurs perçoivent les avantages que peuvent leur apporter les idées philosophiques. Dans le contexte scientifique actuel, dominé par une spécialisation croissante et des demandes de financement et de résultats de plus en plus importantes, seul un nombre très limité de chercheurs a le temps et l'opportunité d'être au courant des travaux produits par les philosophes sur la science, et encore moins de les lire.

 Pour surmonter ces difficultés, nous pensons qu'une série de recommandations simples, assez facile à mettre en œuvre, peuvent aider à combler le fossé entre la science et la philosophie. La reconnexion entre la philosophie et la science est à la fois hautement souhaitable et plus réalisable en pratique que ne le suggèrent les décennies d'éloignement qui les séparent.

1) Laisser plus de place à la philosophie dans les conférences scientifiques. Il s'agit d'un mécanisme très simple permettant aux chercheurs d'évaluer l'utilité potentielle des idées des philosophes pour leurs propres recherches. Réciproquement, davantage de chercheurs pourraient participer à des conférences de philosophie, en développant les efforts d'organisations telles que l'International Society for the History, Philosophy, and Social Studies of Biology, la Philosophy of Science Association et la Society for Philosophy of Science in Practice.

2) Accueillir des philosophes dans des laboratoires et des départements scientifiques. Il s'agit d'un moyen efficace (déjà exploré par certains des auteurs et d'autres) pour les philosophes d'apprendre la science et de fournir des analyses plus appropriées et bien fondées, et pour les chercheurs de bénéficier d'apports philosophiques et de s'acclimater à la philosophie en général. C'est peut-être le moyen le plus efficace d'aider la philosophie à avoir un impact rapide et concret sur la science.

3) Co-superviser des doctorants. La co-supervision de doctorants par un chercheur et un philosophe est une excellente occasion de rendre possible l'enrichissement mutuel des deux domaines. Elle facilite la production de thèses qui sont à la fois riches sur le plan expérimental et rigoureuses sur le plan conceptuel et, ce faisant, elle forme la prochaine génération de philosophes-scientifiques.

4) Créer des programmes d'études équilibrés en science et en philosophie qui favorisent un véritable dialogue entre elles. De tels programmes existent déjà dans certains pays, mais leur développement devrait être une priorité absolue. Ils peuvent offrir aux étudiants en sciences une perspective qui les rend plus aptes à relever les défis conceptuels de la science moderne et fournir aux philosophes une base solide de connaissances scientifiques qui maximisera leur impact sur la science. Les programmes d'enseignement des sciences peuvent inclure un cours d'histoire des sciences et de philosophie des sciences. Les programmes de philosophie pourraient inclure un module de sciences.

5) Lire science et philosophie. La lecture des sciences est indispensable à la pratique de la philosophie des sciences, mais la lecture de la philosophie peut également constituer une grande source d'inspiration pour les chercheurs, comme l'illustrent certains des exemples ci-dessus. Par exemple, les clubs de lecture où les contributions scientifiques et philosophiques sont discutées constituent un moyen efficace d'intégrer la philosophie et la science.

6) Ouvrir de nouvelles sections consacrées aux questions philosophiques et conceptuelles dans les revues scientifiques. Cette stratégie serait un moyen approprié et convaincant de suggérer que le travail philosophique et conceptuel est continu avec le travail expérimental, dans la mesure où il est inspiré par celui-ci, et peut l'inspirer en retour. Cela rendrait également les réflexions philosophiques sur un domaine scientifique particulier beaucoup plus visibles pour la communauté scientifique concernée que lorsqu'elles sont publiées dans des revues de philosophie, qui sont rarement lues par les scientifiques.

Nous espérons que les mesures pratiques exposées ci-dessus encourageront une renaissance de l'intégration de la science et de la philosophie. En outre, nous soutenons que le maintien d'une allégeance étroite à la philosophie renforcera la vitalité de la science. La science moderne sans la philosophie se heurtera à un mur : le déluge de données dans chaque domaine rendra l'interprétation de plus en plus difficile, négligence et ampleur ampleur de l'histoire risquent de séparer davantage les sous-disciplines scientifiques, et l'accent mis sur les méthodes et les résultats empiriques entraînera une formation de moins en moins approfondie des étudiants. Comme l'a écrit Carl Woese : "une société qui permet à la biologie de devenir une discipline d'ingénierie, qui permet à la science de se glisser dans le rôle de modifier le monde vivant sans essayer de le comprendre, est un danger pour elle-même." Nous avons besoin d'une revigoration de la science à tous les niveaux, une revigoration qui nous rende les bénéfices de liens étroits avec la philosophie.

Auteur: Internet

Info: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02269657/document. " janvier 2020. Publication collective de Lucie Laplane, Paolo Mantovani, Ralph Adolphs, Hasok Chang, Alberto Mantovani, Margaret McFall-Ngai, Carlo Rovelli, Elliott Sober, et Thomas Pradeua. Trad Mg

[ mécanisme ] [ état des lieux ] [ corps-esprit ] [ tétravalences ] [ tour d'horizon ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

refus

Jours, années, vies. Les arbres avaient perdu leurs parures multicolores. C’était ça : elle se trouvait pile à cette conjonction des trois boucles. L’entame du dernier quart. La journée avait dépassé sa dix-neuvième heure, l’hiver était là et Emma se préparait à fêter ses soixante et un ans. Anniversaire dont elle avait fait le symbolique début de l’hiver de sa vie.

Encore récemment elle avait le sentiment de commencer à jouir de la sérénité de son âge. Jusqu’à l’arrivée du gosse.

Emma l’albanaise n’en revenait pas.

Imaginez : vous êtes en charge du service psychiatrique d’un hôpital Suisse. On vous amène un petit garçon, noiraud aux cheveux ondulés, Jean-Sébastien. Enfant sans aucun problème apparent selon toutes les informations et surtout ses proches. Un gosse qui a été éduqué tout à fait correctement dans ce pays, dans son pays : la Suisse. Diagnostic du corps médical : anorexie mentale. Le gosse refuse de s’alimenter et même, surprise, a sa propre auto-évaluation, affirmée : je refuse de vivre mon général. Un credo presque annoncé avec humour.

Après quelques jours tout le personnel de l’immense hôpital en parlait. Une anorexie à neuf ans, c’était déjà exceptionnel, quoi qu’on commençait à en voir apparaître dans les statistiques occidentales, mais ce gosse avait une telle tranquillité, une conscience, comme si son regard et ses appréciations liquidaient d’un coup la raison d’être, l’existence même de la structure hospitalière. Et tout le reste. Une gifle pour le Monde. Pour tous. Les êtres humains. Un déni.

Le tapis de feuilles mortes rassemblées devant les escaliers par un jardinier l’obligea à faire un crochet. Elle lança un sourire à l’homme au balai qui le lui rendit.

Selon le garçonnet, la vie ne valait pas la peine d’être vécue, point. Et les bipèdes adultes de son espèce, malgré tous leurs efforts, n’y changeraient rien. L’amour conjugué de ses proches, les visites de ses camarades, l’abnégation souriante des infirmières, l’attention soutenue de la doctoresse en chef… rien n’avait pu infléchir sa décision. L’enfant au regard foncé répétait et déclinait en souriant :

- Je ne suis pas fait pour vivre.. je suis de trop, c’est évident…

Les infirmières comprenaient confusément que le gosse ne voyait pas pourquoi ce monde méritait encore d’être connu, exploré. C’était juste une non envie d’entrer en matière. Ses parents, elle secrétaire, lui mécanicien, n’avaient rien de particulier. Des gens simples, adorables. Le fiston l’assurait lui-même : il n’avait rien à leur reprocher, surtout pas de l’avoir amené à la vie, au contraire, surtout pas…. Son expérience restait irremplaçable. Il insistait : irremplaçable. Leur expliquant : vous n’y pouvez rien, mes amours, mes chéris… c’est comme ça. Il parvenait à même leur remonter le moral.

Dans le hall, l’hôtesse d’accueil lui adressa le salut matinal routinier derrière son grand vitrage.

Une semaine après l’arrivée du malade, un collègue d’Emma, Pierre B, vieux médecin, était venu trouver l’enfant sous un prétexte imaginaire. Quelques heures plus tard il prenait la doctoresse à part au détour d’un couloir :
- Je suis bouleversé, je reviens des Andes… ici les magasins, les rues, tout m’inspire une aversion irraisonnée. Les fêtes qui approchent, la foule des acheteurs, les corps pétant de cholestérol, le fric… C’est affreux, le seul endroit où je me sens mieux c’est ici, à l’hôpital. L’argent me gêne, il envahit tout… je ne vois plus des personnes, mais de petits amas de pognon, de mesquines solitudes feutrées, comme si les gens n’avaient pas besoin les uns des autres, comme s’il n’y avait plus de communauté…

La médecin chef lui répondit sur le ton de la plaisanterie, expliquant que ce n’était pas professionnel, qu’il fallait maîtriser ses émotions.

Elle se dirigeait vers la chambre du petit, ses pas étouffés par l’épais revêtement de linoléum gris. Emma, qui avait réussi, à force de volonté, à se faire sa place de médecin dans la société occidentale, se disait que dans son pays, en Albanie - elle y retournait chaque année - ce genre de syndrome n’apparaissait pas. Jamais. Encore moins chez des êtres si jeunes.

L’infirmière de garde lui indiqua que le petit venait de s’endormir.

Tous pouvaient observer, impuissants, les parents du môme déployer des trésors d’imagination pour essayer de le sortir de ce qu’ils voyaient comme une torpeur incompréhensible. Ils avaient proposé, l’air de rien, d’aller observer un volcan en éruption, d’affronter les cinquantièmes hurlants en catamaran…. Lui les remerciait d’un sourire. Il comprenait parfaitement la démarche, leur expliquait que d’autres que lui seraient enchantés d’aller suivre en direct les ébats amoureux des baleines au large de la Californie, ajoutant que ce devrait être facile d’emmener des enfants défavorisés jouer dans l’eau avec des dauphins. Pas lui.

***

Ce soir là, au sortir de son travail elle croisa la gérante du petit supermarché voisin, une femme d’âge mûr aux grands cheveux frisés, pleine d’ardeur, avec qui elle avait de bons rapports. Elle ne put s’empêcher de lui parler de l’enfant. La dame la transperça de son regard bleu. Deux vrilles sous la masse crépue.

- Mon Dieu, le pauvre chéri… il est trop intelligent….

Elle avait tout dit. Et puis elle rentra. Il fallait prendre le courrier, faire manger les enfants. Il faisait déjà nuit.

***

Le lendemain en fin de matinée la doctoresse quitta son service un peu plus tôt qu’à l’accoutumée, préoccupée. Elle était de plus en plus frustrée parce que depuis plusieurs jours le gamin sommeillait durant la journée alors qu’elle aurait vraiment voulu essayer de communiquer avec lui. Ce qui l’amena à couper la priorité à’un automobiliste, qui, après avoir ouvert sa vitre latérale lui lança, rigolard. "Je comprends maintenant pourquoi vous êtes passée devant un million de spermatozoïdes, vous êtes un hymne à la précipitation… à l’engouffrement". Elle se surprit à sourire, libérée pour un instant du monologue intérieur nourris par l’image du jeune être en train de se faner. Elle se sentait comme enceinte mentalement de lui. De cet homme. Oui, c’était bien un homme… puisqu’il était en fin de parcours, sur sa propre décision. Puisqu’il leur parlait autrement, couché dans son lit trop grand, comme une sorte d’enseignant cosmique, loin de leurs volontés absurdes de vouloir avoir une prise sur le réel. Il avait annoncé la couleur à son arrivée à l’hôpital :

- Je ne veux pas me soigner parce que plus je vais mal mieux je me porte.

Ainsi, après deux semaines d’hospitalisation il avait nettement faibli. Il fallait maintenant faire un effort d’attention pour le comprendre, lui parler doucement et distinctement. Lui restait imperturbable, ses grands yeux marrons brillants d’une sérénité de fer.

***

Emma avait accepté de dîner avec son ami Miguel, helvète de vieille souche, qu’elle appréciait pour cette raison mais aussi parce que son humour self destructeur l’amusait. Il l’accueillit, goguenard, après avoir brièvement jaugé la voiture qu’elle venait de s’acheter.

- Attention ! Je ne vais bientôt plus accepter de te voir, notre amitié va s’achever… regardes-toi un peu, tu es déjà plus Suisse que moi…. mon Dieu la bourgeoise ! J’ose pas t’imaginer dans dix piges ?
- Tu veux dire ?
- Que tu es de plus en plus organisée, aseptisée, maintenant presque riche…. Il ne te manque plus qu’un peu d’inhibition.. Peut-être aussi de réprobation dans l’attitude.
- T'es dur Miguel
- Tu sais bien que le succès et l’argent nous éloignent de l’essentiel.
- C’est quoi l’essentiel ?
- La vie
- Tu en es sûr ?

Elle ne lui parla pas du gosse.

***

De retour à l’hôpital elle aperçut Pierre B. en discussion avec les parents de Jean-Sébastien. Tous se firent un petit signe de loin. Elle monta dans son service, traversa les couloirs déserts pour aller le voir. Il somnolait et réagit mollement lorsqu’elle lui prit la main, esquissant une moue. Elle resta ainsi, assise sur le lit arrosé par l’éclairage crû.

Qui avait chanté un jour que la lumière ne fait pas de bruit ?

Son regard glissait sur les choses. Elle pensait à sa vie, à la vie. Pourquoi se retrouvait-elle médecin… dans ce pays ? Fourmi parmi les autres fourmis. Quelle était la société qui pouvait produire de tel effet sur ses petits ?… Sa pensée se fixa sur des connaissances côtoyées récemment ; une clique d’artistes quadra et quinquagénaires, presque tous issus de la bourgeoisie locale qui, malgré la mise en place de façades plus ou moins réussies, assorties de quelques petites excentricités d’habillement, représentaient pour elle la société dans laquelle elle vivait. Ils formaient un de ces clans ou les individus se rassemblent plutôt par crainte de la marginalité et de la solitude que par de réelles affinités. Sérail ou l’on se fait la bise comme les stars de la télévision ; pour marquer sa différence, son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti. Tels étaient donc les révoltés ?… Les artistes ?... quelles étaient donc leur réflexions ?. Assise sur le lit sa main autour de celle du gosse Emma se demandait s’il ne fallait pas voir chez eux une forme d’élitisme atroce, imbécile, destructeur, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec les excréments, les coups, le sang, les hurlements. Vivaient-ils réellement, ces gens encoconnés qu’elle avait vu ignorer ostensiblement ici une caissière édentée ou là un clodo en pleine cuite. Qui, lors des fêtes réunissant les familles, paraissaient tout de suite excédés par leurs enfants, comme s’ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, par ennui. Dans son pays à elle la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir.

… mais qu’ont-ils de différents des autres humains, somme toute... ne suis-je pas comme eux ?

Jean-Sébastien gardait les yeux fermés, la respiration régulière. Elle caressa doucement le maigre avant-bras que la perfusion prolongeait de manière incongrue.

***

Cette nuit là elle eut ce rêve : Il y avait, lors d’une grande réunion de diverses familles, une scène de discussion animée entre adultes. Les enfants présents - les siens y étaient, tout comme Jean-Sébastien - enthousiastes comme toujours amenaient continuellement des interruptions qui dérangent la continuité des phrases, si sérieuses, des adultes. Coupures qui, à la longue, entraînèrent quelques haussements de voix puis, finalement, l’enfermement de Jean-Sébastien dans une voiture. Il y eut alors un zoom arrière et les humains se transformèrent en arbres. C’étaient les mêmes individus mais qui en sapin, en hêtre, etc.. Et, dans un film accéléré, elle put alors contempler la nouvelle forêt ainsi formée endurer la douce agression des jeunes pousses qui, après s’être hardiment insinuées au pied des grands troncs, s’accrochaient ensuite au premières frondaisons, avant de vaillamment titiller les niveaux supérieurs et d’émerger au sommet pour faire partie de la Pangée. Voir le soleil.

Elle se retrouva assise sur son lit, en nage. Et l’enfant dans la voiture ?… Pourquoi ces plages temporelles mélangées ?… Pourquoi Jean-Sébastien n’avait-il plus cette volonté de monter, de toucher les crêtes… cette curiosité de la vie ?


***

Les forces du gosse déclinaient doucement, implacablement. L’esprit imperturbable et sans tristesse il continuait de communiquer au maximum de ses possibilités, c’est à dire qu’à ce stade il ne faisait plus qu’acquiescer ou rejeter. Mais il observait. Emma, incrédule, attendait quelque chose. Elle ne savait pas exactement quoi : une forme de culpabilisation du gosse, des parents… de grands transports d’émotion avec la famille. De culpabilisation elle n’en vit point. Quand à l’émotion, il y en avait. Beaucoup. Mais tout le monde se maîtrisait.

On le sentait se détacher, comme un fruit. Le temps du silence mûrissait.

***

Il y eut alors ce colloque, une journée/rencontre prévue de longue date où le professeur P., grande ponte allemand de pédopsychiatrie, fit état de l’augmentation sensible des cas d’anorexie chez les enfants en occident. Dans la continuité ils reçurent communication du travail d’une équipe de chercheurs Hindous où étaient explicitées la progression et l'incidence constante des problèmes psychiques de la jeunesse dans les sociétés industrielles. Un médecin psychiatre japonais vint ensuite parler des difficultés rencontrées dans son pays. On commençait à y voir de plus en plus de groupes de discussion sur Internet qui amenaient - et poussaient parfois - de jeunes nippons à se suicider ensemble. Puis il y eut ce rapport sur une maladie mystérieuse affectant plus de 400 enfants de requérants d'asile en Suède, issus la plupart du temps de l'ancienne union Soviétique et des états yougoslaves. Ces enfants tombaient dans une dépression profonde et perdaient la volonté de vivre. Pour finir une intervenante vint expliquer comment les résultats de son étude sociologique de la Suède montraient que la courbe des suicides était inversement proportionnelle aux difficultés économiques. En bref, lors de temps difficiles les gens se suicidaient moins….

Tout ce monde se retrouva ce soir là au milieu de la chaude et joviale l’atmosphère d’une brasserie pour un repas en commun bigarré qui concluait le colloque. Les participants à la conférence confabulèrent bruyamment de tout, sauf de problèmes professionnels. Emma aimait ce genre de brouhaha. Il était passé minuit quand elle rentra. Excitée par l’alcool elle se prépara un grand verre d’eau, prit la zappette et s’installa devant la télévision. Les informations présentaient un sujet sur les prévisions alarmistes quand au réchauffement de la planète. Apparut ensuite sur le plateau l’abbé X qui se faisait le porte-parole des voix innombrables dénonçant le petit nombre de riches - toujours plus riches - et celui, toujours plus grand, des pauvres - toujours plus pauvres. Puis ce fut l’interview d’un politicien qui exprima les craintes suscitées par le comportement paranoïaque de l’empire américain. La rubrique suivante montra une manifestation écologiste européenne. On pouvait y voir des manifestant défiler avec des pancartes qui disaient : "Ressources de la terre en danger " "Consommation galopante, Halte !". "Surpopulation, manque de contrôle !". Le journal se termina par les infos économiques et la progression boursière spectaculaire d’une entreprise pharmaceutique qui développait un médicament contre le diabète, maladie en constante progression chez l’individu moyen - trop gros - des populations américaines et européennes, phénomène qu’on voyait maintenant émerger en Asie. Tous les espoirs étaient permis pour la jeune entreprise.

Dans la salle de bain elle posa cette question muette à son reflet, dans la glace : - Jean-Sébastien entend-il la même mélodie du monde que toi ?

Son mari grogna légèrement lorsqu’elle lui imposa sa présence dans le lit, le forçant à se déplacer.


***


Elle démarrait fréquemment sa matinée par cette pensée de la tradition zen : "un jour, une vie". Après le départ des enfants pour l’école, elle pouvait profiter d’un petit printemps personnel réservé, enfance de sa journée. Moments d’énergie, de fraîcheur, d’optimisme. Tout ce que Jean-Sébastien aurait normalement du vivre en cette période matinale de son existence de jeune mammifère. Alors qu’en réalité il était comme avant d’aller se coucher. Certes son cycle d’existence, sa fin de vie coïncidaient avec la saison hivernale, mais pas avec la bonne synchronisation. Pas du tout.

Elle se confectionna un nouveau café.

Emma avait toujours perçu les mômes comme de grands initiés, dotés d’un sens aigu du mystère, au bénéfice de la fraîcheur de perception qu’ont les étrangers qui pénètrent une contrée inconnue. Confrontée à Jean-Sébastien elle en arrivait à se demander s’il n’avait apporté avec lui les souvenirs de quelque chose d’antérieur, les réminiscences d’une source fabuleuse. Quels pouvaient donc bien être ses critères de jugement ?… en avait-il ?… était-ce du pur instinct, du laisser aller ?. Il avait l’air si équilibré… Ou alors, était-ce diabolique ?… Non, il était trop jeune, trop dans le timing. Trop conscient.

Elle ne savait comment exprimer son sentiment. Ce garçon était comme au delà - ou en deçà - des mots. Un pur poète. Comme s’il avait affirmé que les bateaux ne flottent que depuis Archimède et que tout le monde ait acquiescé. Comme s’il avait décrété que le vent est créé par les arbres sans que personne n’en doute.

Elle voyait vivre ses enfants dans un monde qui n’était pas le sien, celui des grands. Ils n’avaient qu’un intérêt restreint pour la politique, la philosophie de la vie et de ce genre de choses. Leur occupation sérieuse principale c’était le jeu. En tout cas en apparence. Elle ne pouvait se résoudre à leur parler de Jean-Sébastien, d’abord pour garder sa vie privée intacte de ses activités professionnelles. Et puis quelle pouvait être la famille ou l’on aurait abordé de pareils sujets philosophique sérieusement, longuement et profondément, avec les enfants ?... Les siens posaient des questions certes, son mari et elles y répondaient, mais cela restait superficiel. Ces sujets intéressent les mômes mais leurs réflexions lui paraissaient trop courtes. Ou alors leurs forces de vies leurs interdisaient de s’arrêter sur ce genre de réflexions

Mais comment un gosse qui ne voyait plus la réalité avec aucun étonnement s’était-il forgé ?… D’où venaient ses certitudes ?… Était-ce possible qu’un de ses enfants un jour ?…

Elle rassembla ses affaire : sac, clefs, s’habilla. Il fallait en tout cas encore essayer. Encore.

***

Ce vingt décembre Jean-Sébastien dormait si profondément, en état comateux, qu’Emma invita ses parents à la cafétéria pour un café. La communication entre eux ne nécessitait presque plus de mots, artificielles constructions sans intérêt. Au réfectoire ils eurent à subir les activités sauvageonnes d’un groupe d’enfants. Jeunes excités, en mal de cette existence avérée que conforte la réaction témoin de grandes personnes prises en otage-spectateur-cible. Elles ressentit beaucoup de gratitude à l’endroit des emplâtres gesticulants et bruyants qui tentaient d’accaparer attention et champ de vision des adultes.

**

Au milieu de tous ses questionnements, Emma eut l’honnêteté de s’avouer qu’elle l’admirait. Mais quel était son secret… Qui était ce vieux maître… ce fou ?… Elle ne parvenait pas à le voir comme un malade et ressentait même quelque chose qui ressemblait à de la reconnaissance. La jeune créature lui permettait de rétablir une sorte de connexion avec un infini qu’elle avait oublié, trop absorbée par sa vie, par ses obligations. La vitesse.

Le mioche lui dilatait la conscience.

**

Jean-Sébastien mourut la veille de Noël.

Enfin pur esprit.

Auteur: Mg

Info: Jean-Sébastien. D'après une histoire vécue. 2002.

[ histoire courte ] [ automne ]

 
Mis dans la chaine

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

dichotomie

Un nouvel opus magnum postule l'existence d'un lien mathématique caché, semblable à la connexion entre l'électricité et le magnétisme.

En 2018, alors qu'il s'apprêtait à recevoir la médaille Fields, la plus haute distinction en mathématiques, Akshay Venkatesh avait un morceau de papier dans sa poche. Il y avait inscrit un tableau d'expressions mathématiques qui, depuis des siècles, jouent un rôle clé dans la théorie des nombres.

Bien que ces expressions aient occupé une place prépondérante dans les recherches de Venkatesh au cours de la dernière décennie, il les gardait sur lui non pas comme un souvenir de ce qu'il avait accompli, mais comme un rappel de quelque chose qu'il ne comprenait toujours pas.

Les colonnes du tableau étaient remplies d'expressions mathématiques à l'allure énigmatique : À l'extrême gauche se trouvaient des objets appelés périodes, et à droite, des objets appelés fonctions L, qui pourraient être la clé pour répondre à certaines des questions les plus importantes des mathématiques modernes. Le tableau suggérait une sorte de relation entre les deux. Dans un livre publié en 2012 avec Yiannis Sakellaridis, de l'université Johns Hopkins, Venkatesh avait trouvé un sens à cette relation : Si on leur donne une période, ils peuvent déterminer s'il existe une fonction L associée.

Mais ils ne pouvaient pas encore comprendre la relation inverse. Il était impossible de prédire si une fonction L donnée avait une période correspondante. Lorsqu'ils ont examiné les fonctions L, ils ont surtout constaté un certain désordre.

C'est pourquoi Venkatesh a gardé le papier dans sa poche. Il espérait que s'il fixait la liste suffisamment longtemps, les traits communs de cette collection apparemment aléatoire de fonctions L lui apparaîtraient clairement. Au bout d'un an, ce n'était pas le cas.

"Je n'arrivais pas à comprendre le principe qui sous-tendait ce tableau", a-t-il déclaré.

2018 fut une année importante pour Venkatesh à plus d'un titre. En plus de recevoir la médaille Fields, il a également quitté l'université de Stanford, où il se trouvait depuis une dizaine d'années, pour rejoindre l'Institute for Advanced Study à Princeton, dans le New Jersey.

Sakellaridis et lui ont également commencé à discuter avec David Ben-Zvi, un mathématicien de l'université du Texas, à Austin, qui passait le semestre à l'institut. Ben-Zvi avait construit sa carrière dans un domaine parallèle des mathématiques, en étudiant le même type de questions sur les nombres que Sakellaridis et Venkatesh, mais d'un point de vue géométrique. Lorsqu'il a entendu Venkatesh parler de cette table mystérieuse qu'il emportait partout avec lui, Ben-Zvi a presque immédiatement commencé à voir une nouvelle façon de faire communiquer les périodes et les fonctions L entre elles.

Ce moment de reconnaissance a été à l'origine d'une collaboration de plusieurs années qui s'est concrétisée en juillet dernier, lorsque Ben-Zvi, Sakellaridis et Venkatesh ont publié un manuscrit de 451 pages. L'article crée une traduction dans les deux sens entre les périodes et les fonctions L en refondant les périodes et les fonctions L en termes d'une paire d'espaces géométriques utilisés pour étudier des questions fondamentales en physique.

Ce faisant, il réalise un rêve de longue date dans le cadre d'une vaste initiative de recherche en mathématiques appelée "programme Langlands". Les mathématiciens qui travaillent sur des questions dans le cadre de ce programme cherchent à jeter des ponts entre des domaines disparates pour montrer comment des formes avancées de calcul (d'où proviennent les périodes) peuvent être utilisées pour répondre à des questions ouvertes fondamentales en théorie des nombres (d'où proviennent les fonctions L), ou comment la géométrie peut être utilisée pour répondre à des questions fondamentales en arithmétique.

Ils espèrent qu'une fois ces ponts établis, les techniques pourront être portées d'un domaine mathématique à un autre afin de répondre à des questions importantes qui semblent insolubles dans leur propre domaine.

Le nouvel article est l'un des premiers à relier les aspects géométriques et arithmétiques du programme, qui, pendant des décennies, ont progressé de manière largement isolée. En créant ce lien et en élargissant effectivement le champ d'application du programme Langlands tel qu'il a été conçu à l'origine, le nouvel article fournit un cadre conceptuel unique pour une multitude de connexions mathématiques.

"Il unifie un grand nombre de phénomènes disparates, ce qui réjouit toujours les mathématiciens", a déclaré Minhyong Kim, directeur du Centre international des sciences mathématiques d'Édimbourg, en Écosse.

Connecter eulement  

Le programme Langlands a été lancé par Robert Langlands, aujourd'hui professeur émérite à l'Institute for Advanced Study. Il a débuté en 1967 par une lettre manuscrite de 17 pages adressée par Langlands, alors jeune professeur à l'université de Princeton, à Andre Weil, l'un des mathématiciens les plus connus au monde. Langlands proposait d'associer des objets importants du calcul, appelés formes automorphes, à des objets de l'algèbre, appelés groupes de Galois. Les formes automorphes sont une généralisation des fonctions périodiques telles que le sinus en trigonométrie, dont les sorties se répètent à l'infini lorsque les entrées augmentent. Les groupes de Galois sont des objets mathématiques qui décrivent comment des entités appelées champs (comme les nombres réels ou rationnels) changent lorsqu'on leur ajoute de nouveaux éléments.

Les paires comme celle entre les formes automorphes et les groupes de Galois sont appelées dualités. Elles suggèrent que différentes classes d'objets se reflètent l'une l'autre, ce qui permet aux mathématiciens d'étudier l'une en fonction de l'autre.

Des générations de mathématiciens se sont efforcées de prouver l'existence de la dualité supposée de Langlands. Bien qu'ils n'aient réussi à l'établir que pour des cas limités, même ces cas limités ont souvent donné des résultats spectaculaires. Par exemple, en 1994, lorsque Andrew Wiles a démontré que la dualité proposée par Langlands était valable pour une classe particulière d'exemples, il a prouvé le dernier théorème de Fermat, l'un des résultats les plus célèbres de l'histoire des mathématiques.

En poursuivant le programme de Langlands, les mathématiciens l'ont également élargi dans de nombreuses directions.

L'une de ces directions a été l'étude de dualités entre des objets arithmétiques apparentés, mais distincts, de ceux qui intéressaient Langlands. Dans leur livre de 2012, Sakellaridis et Venkatesh ont étudié une dualité entre les périodes, qui sont étroitement liées aux formes automorphes, et les fonctions L, qui sont des sommes infinies attachées aux groupes de Galois. D'un point de vue mathématique, les périodes et les L-fonctions sont des objets d'espèces totalement différentes, sans traits communs évidents.

Les périodes sont devenues des objets d'intérêt mathématique dans les travaux d'Erich Hecke dans les années 1930.

Les fonctions L sont des sommes infinies utilisées depuis les travaux de Leonhard Euler au milieu du 18e siècle pour étudier des questions fondamentales sur les nombres. La fonction L la plus célèbre, la fonction zêta de Riemann, est au cœur de l'hypothèse de Riemann, qui peut être considérée comme une prédiction sur la répartition des nombres premiers. L'hypothèse de Riemann est sans doute le plus important problème non résolu en mathématiques.

Langlands était conscient des liens possibles entre les fonctions L et les périodes, mais il les considérait comme une question secondaire dans son projet de relier différents domaines des mathématiques.

"Dans un article, [Langlands] considérait que l'étude des périodes et des fonctions L ne valait pas la peine d'être étudiée", a déclaré M. Sakellaridis.

Bienvenue dans la machine

Bien que Robert Langlands n'ait pas insisté sur le lien entre les périodes et les fonctions L, Sakellaridis et Venkatesh les considéraient comme essentiels pour élargir et approfondir les liens entre des domaines mathématiques apparemment éloignés, comme l'avait proposé Langlands.

Dans leur livre de 2012, ils ont développé une sorte de machine qui prend une période en entrée, effectue un long calcul et produit une fonction L. Cependant, toutes les périodes ne produisent pas des L-fonctions correspondantes, et la principale avancée théorique de leur livre était de comprendre lesquelles le font. (Ce travail s'appuie sur des travaux antérieurs d'Atsushi Ichino et de Tamotsu Ikeda à l'université de Kyoto).

Mais leur approche avait deux limites. Premièrement, elle n'explique pas pourquoi une période donnée produit une fonction L donnée. La machine qui transforme l'une en l'autre était une boîte noire. C'était comme s'ils avaient construit un distributeur automatique qui produisait souvent de manière fiable quelque chose à manger chaque fois que vous mettiez de l'argent, sauf qu'il était impossible de savoir ce que ce serait à l'avance, ou si la machine mangerait l'argent sans distribuer d'en-cas.

Dans tous les cas, vous deviez déposer votre argent - votre période - puis "faire un long calcul et voir quelle fonction L vous obteniez parmi un zoo de fonctions", a déclaré M. Venkatesh.

La deuxième chose qu'ils n'ont pas réussi à faire dans leur livre, c'est de comprendre quelles fonctions L ont des périodes associées. Certaines en ont. D'autres non. Ils n'ont pas réussi à comprendre pourquoi.

Ils ont continué à travailler après la publication du livre, en essayant de comprendre pourquoi la connexion fonctionnait et comment faire fonctionner la machine dans les deux sens - non seulement en obtenant une fonction L à partir d'une période, mais aussi dans l'autre sens.

En d'autres termes, ils voulaient savoir que s'ils mettaient 1,50 $ dans le distributeur automatique, cela signifiait qu'ils allaient recevoir un sachet de Cheetos. De plus, ils voulaient pouvoir dire que s'ils tenaient un sachet de Cheetos, cela signifiait qu'ils avaient mis 1,50 $ dans le distributeur automatique.

Parce qu'elles relient des objets qui, à première vue, n'ont rien en commun, les dualités sont puissantes. Vous pourriez fixer un alignement d'objets mathématiques pendant une éternité sans percevoir la correspondance entre les fonctions L et les périodes.

"La manière dont elles sont définies et données, cette période et cette fonction L, n'a rien d'évident", explique Wee Teck Gan, de l'université nationale de Singapour.

Pour traduire des choses superficiellement incommensurables, il faut trouver un terrain d'entente. L'un des moyens d'y parvenir pour des objets tels que les fonctions L et les périodes, qui trouvent leur origine dans la théorie des nombres, est de les associer à des objets géométriques.

Pour prendre un exemple ludique, imaginez que vous avez un triangle. Mesurez la longueur de chaque côté et vous obtiendrez un ensemble de nombres qui vous indiquera comment écrire une fonction L. Prenez un autre triangle et, au lieu de mesurer les longueurs, regardez les trois angles intérieurs - vous pouvez utiliser ces angles pour définir une période. Ainsi, au lieu de comparer directement les fonctions L et les périodes, vous pouvez comparer les triangles qui leur sont associés. On peut dire que les triangles "indexent" les L-fonctions et les périodes - si une période correspond à un triangle avec certains angles, alors les longueurs de ce triangle correspondent à une L-fonction correspondante.

Si une période correspond à un triangle avec certains angles, les longueurs de ce triangle correspondent à une fonction L. "Cette période et cette fonction L, il n'y a pas de relation évidente dans la façon dont elles vous sont données. L'idée était donc que si vous pouviez comprendre chacune d'entre elles d'une autre manière, d'une manière différente, vous pourriez découvrir qu'elles sont très comparables", a déclaré M. Gan.

Dans leur ouvrage de 2012, Sakellaridis et Venkatesh ont réalisé une partie de cette traduction. Ils ont trouvé un moyen satisfaisant d'indexer des périodes en utilisant un certain type d'objet géométrique. Mais ils n'ont pas pu trouver une façon similaire de penser aux fonctions L.

Ben-Zvi pensait pouvoir le faire.

Le double marteau de Maxwell

Alors que les travaux de Sakellaridis et Venkatesh se situaient légèrement à côté de la vision de Langlands, Ben-Zvi travaillait dans un domaine des mathématiques qui se situait dans un univers totalement différent - une version géométrique du programme de Langlands.

Le programme géométrique de Langlands a débuté au début des années 1980, lorsque Vladimir Drinfeld et Alexander Beilinson ont suggéré une sorte de dualité de second ordre. Drinfeld et Beilinson ont proposé que la dualité de Langlands entre les groupes de Galois et les formes automorphes puisse être interprétée comme une dualité analogue entre deux types d'objets géométriques. Mais lorsque Ben-Zvi a commencé à travailler dans le programme géométrique de Langlands en tant qu'étudiant diplômé à l'université de Harvard dans les années 1990, le lien entre le programme géométrique et le programme original de Langlands était quelque peu ambitieux.

"Lorsque le programme géométrique de Langlands a été introduit pour la première fois, il s'agissait d'une séquence d'étapes psychologiques pour passer du programme original de Langlands à cet énoncé géométrique qui semblait être un tout autre genre d'animal", a déclaré M. Ben-Zvi.

En 2018, lorsque M. Ben-Zvi a passé une année sabbatique à l'Institute for Advanced Study, les deux parties se sont rapprochées, notamment dans les travaux publiés la même année par Vincent Lafforgue, chercheur à l'Institut Fourier de Grenoble. Pourtant, M. Ben-Zvi prévoyait d'utiliser son séjour sabbatique de 2018 à l'IAS pour effectuer des recherches sur l'aspect géométrique du programme Langlands. Son plan a été perturbé lorsqu'il est allé écouter un exposé de Venkatesh.

"Mon fils et la fille d'Akshay étaient des camarades de jeu, et nous étions amis sur le plan social, et j'ai pensé que je devrais assister à certaines des conférences qu'Akshay a données au début du semestre", a déclaré Ben-Zvi.

Lors de l'une de ces premières conférences, Venkatesh a expliqué qu'il fallait trouver un type d'objet géométrique capable d'indexer à la fois les périodes et les fonctions L, et il a décrit certains de ses récents progrès dans cette direction. Il s'agissait d'essayer d'utiliser des espaces géométriques issus d'un domaine des mathématiques appelé géométrie symplectique, que Ben-Zvi connaissait bien pour avoir travaillé dans le cadre du programme géométrique de Langlands.

"Akshay et Yiannis ont poussé dans une direction où ils ont commencé à voir des choses dans la géométrie symplectique, et cela m'a fait penser à plusieurs choses", a déclaré M. Ben-Zvi.

L'étape suivante est venue de la physique.

Pendant des décennies, les physiciens et les mathématiciens ont utilisé les dualités pour trouver de nouvelles descriptions du fonctionnement des forces de la nature. Le premier exemple, et le plus célèbre, est celui des équations de Maxwell, écrites pour la première fois à la fin du XIXe siècle, qui relient les champs électriques et magnétiques. Ces équations décrivent comment un champ électrique changeant crée un champ magnétique, et comment un champ magnétique changeant crée à son tour un champ électrique. Ils peuvent être décrits conjointement comme un champ électromagnétique unique. Dans le vide, "ces équations présentent une merveilleuse symétrie", a déclaré M. Ben-Zvi. Mathématiquement, l'électricité et le magnétisme peuvent changer de place sans modifier le comportement du champ électromagnétique commun.

Parfois, les chercheurs s'inspirent de la physique pour prouver des résultats purement mathématiques. Par exemple, dans un article de 2008, les physiciens Davide Gaiotto et Edward Witten ont montré comment les espaces géométriques liés aux théories quantiques des champs de l'électromagnétisme s'intègrent dans le programme géométrique de Langlands. Ces espaces sont présentés par paires, une pour chaque côté de la dualité électromagnétique : les espaces G hamiltoniens et leur dual : Les espaces Ğ hamiltoniens (prononcés espaces G-hat).

Ben-Zvi avait pris connaissance de l'article de Gaiotto-Witten lors de sa publication, et il avait utilisé le cadre physique qu'il fournissait pour réfléchir à des questions relatives à la géométrie de Langlands. Mais ce travail - sans parler de l'article de physique qui l'a motivé - n'avait aucun lien avec le programme original de Langlands.

Jusqu'à ce que Ben-Zvi se retrouve dans le public de l'IAS en train d'écouter Venkatesh. Il a entendu Venkatesh expliquer qu'à la suite de leur livre de 2012, lui et Sakellaridis en étaient venus à penser que la bonne façon géométrique d'envisager les périodes était en termes d'espaces Hamiltoniens G. Mais Venkatesh a admis qu'ils ne savaient pas quel type d'objet géométrique associer aux L-fonctions. 

Cela a mis la puce à l'oreille de Ben-Zvi. Une fois que Sakellaridis et Venkatesh ont relié les périodes aux espaces G hamiltoniens, les objets géométriques duaux des fonctions L sont devenus immédiatement clairs : les espaces Ğ dont Gaiotto et Witten avaient dit qu'ils étaient les duaux des espaces G. Pour Ben-Zvi, toutes ces dualités, entre l'arithmétique, la géométrie et la physique, semblaient converger. Même s'il ne comprenait pas toute la théorie des nombres, il était convaincu que tout cela faisait partie d'une "grande et belle image".

To G or Not to Ğ

Au printemps 2018, Ben-Zvi, Sakellaridis et Venkatesh se sont rencontrés régulièrement au restaurant du campus de l'Institute for Advanced Study ; pendant quelques mois, ils ont cherché à savoir comment interpréter les données extraites des L-fonctions comme une recette pour construire des Ğ-espaces hamiltoniens. Dans l'image qu'ils ont établie, la dualité entre les périodes et les fonctions L se traduit par une dualité géométrique qui prend tout son sens dans le programme géométrique de Langlands et trouve son origine dans la dualité entre l'électricité et le magnétisme. La physique et l'arithmétique deviennent des échos l'une de l'autre, d'une manière qui se répercute sur l'ensemble du programme de Langlands.

"On pourrait dire que le cadre original de Langlands est maintenant un cas particulier de ce nouveau cadre", a déclaré M. Gan.

En unifiant des phénomènes disparates, les trois mathématiciens ont apporté une partie de l'ordre intrinsèque à la relation entre l'électricité et le magnétisme à la relation entre les périodes et les fonctions L.

"L'interprétation physique de la correspondance géométrique de Langlands la rend beaucoup plus naturelle ; elle s'inscrit dans cette image générale des dualités", a déclaré Kim. "D'une certaine manière, ce que [ce nouveau travail] fait est un moyen d'interpréter la correspondance arithmétique en utilisant le même type de langage.

Le travail a ses limites. Les trois mathématiciens prouvent en particulier  la dualité entre les périodes et les fonctions L sur des systèmes de nombres qui apparaissent en géométrie, appelés champs de fonctions, plutôt que sur des champs de nombres - comme les nombres réels - qui sont le véritable domaine d'application du programme de Langlands.

"L'image de base est censée s'appliquer aux corps de nombres. Je pense que tout cela sera finalement développé pour les corps de nombres", a déclaré M. Venkatesh.

Même sur les champs de fonctions, le travail met de l'ordre dans la relation entre les périodes et les fonctions L. Pendant les mois où Venkatesh a transporté un imprimé dans sa poche, lui et Sakellaridis n'avaient aucune idée de la raison pour laquelle ces fonctions L devraient être celles qui sont associées aux périodes. Aujourd'hui, la relation est logique dans les deux sens. Ils peuvent la traduire librement en utilisant un langage commun.

"J'ai connu toutes ces périodes et j'ai soudain appris que je pouvais retourner chacune d'entre elles et qu'elle se transformait en une autre que je connaissais également. C'est une prise de conscience très choquante", a déclaré M. Venkatesh.



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org. Kevin Hartnett, contributing Writer, October 12, 2023 https://www.quantamagazine.org/echoes-of-electromagnetism-found-in-number-theory-20231012/?mc_cid=cc4eb576af&mc_eid=78bedba296

[ fonction L p-adique ] [ fonction périodique ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

Afrique-Occident

Robert Farris Thompson: les canons du Cool
Une bouteille de Cinzano, une boîte de fixatif, un chandelier à sept branches, une machette et un juke-box cassé sont des objets de dévotion ornant l'autel d'un temple vodun ("vaudou") en périphérie de Port-au-Prince. Le temple est situé dans l'enceinte d'André Pierre, prêtre vodun et peintre, en bordure d'un fossé sur la route du Cap-Haïtien. Il y a des voitures accidentées dans la cour, des chiens, des chèvres et un petit taureau attaché. En arrivant de l'aéroport international François Duvalier, l'esprit prédisposé aux présages, je ne peux m'empêcher de remarquer un grand panneau de signalisation à proximité. On y lit "LA ROUTE TUE ET BLESSE."

Robert Farris Thompson et moi sommes descendus de New York vers Haïti pour passer le week-end avec André Pierre et Madame Nerva, une prêtresse vaudou. Thompson est historien de l'art, professeur titulaire à Yale et maître au Timothy Dwight College. Je suis un de ses anciens élèves, venu voir Bob faire ce qu'il nomme "un petit sondage". André Pierre est le Fra Angelico haïtien, un clerc vodun dont les toiles sont accrochées au musée national de Haïti; des copies de son travail remplissent les porte-cartes de l'aéroport. La femme, les enfants et les enfants des cousins ​​d'André Pierre légument dans l'ombre alors que Thompson fait pénétrer sa voiture de location verte dans l'enceinte, criant: "Bam nouvelle" et "Comment ouyé?"

Nous retrouvons André Pierre, petit, noir, visage marqué, dans la chaleur de son atelier. Les murs sont couverts de brillants motifs vodun - diptyques et triptyques d'Ogûn, dieu du fer; Agoué, seigneur de la mer; Erzuli, déesse de l'amour; et Damballah, dieu serpent de la créativité, de la fécondité et de la pluie. À côté du chevalet, il y a un uniforme militaire à glands pour le Baron Samedi, seigneur des cimetières, soigneusement protégé dans son sac de nettoyage à sec.

Avec la révérence et l'attitude d'un abbé pilotant ses visiteurs dans un vénérable monastère du sud de la France, André Pierre nous fait visiter ce temple d'étain ondulé. Il nous montre des salles-autels contenant des tambours, des bassins, des faux, des cartes à jouer, de l'alcool, des fouets et des lits (dans lesquels André Pierre dort quand il passe la nuit avec une divinité particulière). Il s'exprime via une sorte de flux créole théoloco-vodun tout en marchant et en pointant des choses. Soudain, André Pierre se met à chanter pour illustrer une idée particulière; elle correspond à un tableau et il l'explique, de la même façon qu'un requiem correspond à une crucifixion. Thompson attrape un tambour et commence à tambouriner et à chanter. Lorsqu'ils ont fini, en geste de célébration, ils versent chacun une cuillerée de liqueur de racine sur le sol. Thompson m'avertit à part en anglais de faire attention près des bassins en pierre dans la pièce sombre, car c'est un de ceux dédiés à Damballah, le dieu serpent, et ils contiennent parfois des serpents.

À la tombée de la nuit, Thompson, polo humide de transpiration, a empli un carnet et demi de croquis et de notes, commencé une monographie sur l'iconographie de 10 peintures vodun, tambouriné, bu des coups et pris rendez-vous pour revenir tôt le lendemain. Alors que nous partons à la recherche de notre hôtel, Thompson, excité, m'explique les subtilités morales de tout ce que nous avons vu. Il me parle de notre emploi du temps: nous devons aller demain soir à Jacmel, de l'autre côté des montagnes, voir Madame Nerva célébrer les rites de la déesse de l'amour, Erzuli. Je suis épuisé, ayant trouvé que le voyage de Manhattan au temple d'André Pierre en un après-midi c'est déjà beaucoup. Thompson ne semble ressentir aucune tension suite à cette journée; il entre en Haïti tout en fluidité. En fait il semble juste revenir chez lui.

Blanc de peau, blanc de cheveux et blanc d'origine, d'éducation et de par sa société, Robert Farris Thompson est tombé amoureux de la musique noire, de l'art noir et de la négritude il y a 30 ans et a basé toute sa carrière sur cette passion particulière. Suivant cet instinct, suscité par un mambo entendu en 1950, Thompson a appris couramment le ki-kongo, le yoruba, le français, l'espagnol et le portugais et s'est familiarisé avec une vingtaine de langues créoles et tribales; il a parcouru la forêt de l'Ituri au Zaïre avec des pygmées; est grand connaisseur du vaudou; a écrit quatre livres sur la religion, la philosophie et l'art ouest-africains; a organisé deux grandes expositions à la National Gallery de Washington. Il est également devenu, dansant dans un costume indigo brodé de coquillages pris sur les gésiers de crocodiles morts, "universitaire junioir membre de la Basinjon Society", agence tribale camerounaise qui contrôle la foudre et autres forces naturelles.

Incorporant l'anthropologie, la sociologie, l'ethnomusicologie et ce que Thompson nomme une "bourse scolaire pour guérilla" (il dit : "laissons les crétins se débrouiller avec ça"), la carrière de Thompson tend vers une seule fin: un savant plaidoyer de la civilisation atlantique noire. Il passe sa vie à poursuivre ce frisson cérébral qui est de rendre cohérent et significatif tout ce qui est mal compris, ou vu comme aléatoire, superficiel ou obscur à son sujet. Comme un historien de l'art extrairait des plans détaillés de la basilique une compréhension de l'esprit médiéval ou de la statuaire romaine tardive une compréhension du déclin de l'empire, Thompson travaille sur l'iconographie de la salsa, les pas de danse, les vêtements, la sculpture, le geste et l'argot pour une définition de la négritude. Il aime montrer à quel point le "primitif" est sophistiqué. Comme archéologue, il donne vie à des artefacts; comme critique, il les déchiffre; et comme vrai croyant, il promeut leur valeur artistique et spirituelle.

Le dernier livre de Thompson, Flash of the Spirit, explique les racines de l'influence africaine dans le Nouveau Monde. Il est une sorte de Baedeker du funk. Un critique a écrit: "Ce livre fait pour l'histoire de l'art ce que le dunk shot a fait pour le basket-ball."

Sous la manche droite de sa chemise Brooks Brothers, Bob Thompson porte le bracelet d'initiation en maille de fer de la divinité chasseuse de rivière Yoruba. Avec ses deux enfants, son récent divorce, ses études à Yale et Andover et ses 55 ans, il ressemble à un avocat d'entreprise en pleine forme ou à un brillant dirigeant pétrolier américain qui aurait mené une carrière polyglotte à l'étranger. Il vit à New Haven, dans le manoir géorgien du maître du collège, où l'on peut entendre le son des percussions résonner dans la cour.

En parallèle à Yale, ses élèves, des bonnes bouffes et de ses conférences, au travers de rencontres au coin de la rue et de conversations précieuses, Thompson fait du prosélytisme. Il enseigne à 100 ou 150 étudiants chaque trimestre et possède l'enthousiasme amusé d'un élève de premier cycle. Le reste de l'université connaît Thompson sous le nom de "Mambo". Pour clarifier ils diront même "noir comme Bob". Ce qui compte, c'est que le président de Yale, Bart Giamatti, brillant franc-tireur lui-même, admire suffisamment la singularité intrépide de Thompson pour l'avoir reconduit dans ses fonctions durant cinq ans.

Sur le campus, les affiches du Chubb Fellowship expriment un peu mieux le statut de Thompson et sa particularité majeure. La bourse Chubb est un programme destiné à amener des visiteurs politiques sur le campus, elle est aussi étoffée que les bourses bien dotées peuvent l'être. Pendant le mandat de Thompson, des personnages habituels - Walter Mondale, Alexander Haig, John Kenneth Galbraith - furent parmi les conférenciers invités. Des affiches commémorant leurs visites tapissent les murs de la maison du maître comme des trophées sportifs de conférences. Une affiche, plus grande et plus audacieuse que les autres, est suspendue dans le bureau de Thompson. Elle annonce que la Chubb Fellowship parraine, pour un colloque et une réception au Timothy Dwight College, une visite de Son Altesse le Granman de la Djuka, du Surinam, "roi afro-américain véritable".

Bob Thompson donne des cours à sa classe comme un prédicateur fondamentaliste réveille sa congrégation, genoux pliés, microphone branché, le fil traînant derrière lui. Il marche parmi les 200 étudiants qui débordent de l'auditorium de Street Hall dans le couloir. Le cours d'automne de Thompson, HoA 379a, est intitulé "La structure du New York Mambo: le microcosme de la créativité noire". Sur scène, un magnétophone émet un jog pygmée; du pupitre vacant pend une carte des dominions tribales ouest-africaines; et sur l'écran : des diapositives flash de Harlem, des pygmées, des tissus de motifs syncopés et des sculptures funéraires influencées par le Kongo des cimetières de Caroline du Nord. "Pourquoi" demande Thompson, "les Noirs sont-ils si impertinents ?"

La réponse commence par l'étymologie de l'expression "descendre - get down". Il passe aux concepts yoruba de cool (itutu) et de commandement (àshe); il parle durant une marche latérale et aussi sagittale (d'avant en arrière ou inversément); de l'esthétique de la batterie; de l'importance du phrasé décalé (off-beat/à contre-temps) ; des appels et réponses; et enfin de Muhammad Ali. Puis la voix de Thompson redevient celle du prof sérieux standard et il énumère une litanie d'influences africaines:

"Une grande partie de notre argot fut créée par des gens qui pensent en yoruba et en ki-kongo, tout en parlant en anglais. Les sons de base de l'accord et du désaccord, uh-huh et unh-unh, sont purement ouest-africains. Funky est du Ki-Kongo lu-fuki, "sueur positive". Boogie vient de Ki-Kongo mbugi, qui signifie "diablement bon". Le jazz et le jism dérivent probablement de la même racine Ki-Kongo dinza, qui signifie "éjaculer". Mojo vient du terme Ki-Kongo pour "âme"; juke, comme dans jukebox, de Mande-kan qui veut dire 'mauvais'; et Babalu-Aye - comme pourle disc-jockey Babalu - est du Yoruba pur et simple qui signifie "Père et maître de l'univers".

"La plupart de nos danses de salon sont africanisées" poursuit-il, "la rhumba, le tango, même les claquettes et le Lindy. Le poulet frit est africain. Et le short patchwork J. Press est lié à un tissu d'Afrique. Même le cheerleading incorpore certains gestes Kongo apparents: main gauche sur la hanche, main droite levée faisant tournoyer un bâton. Il s'est développé au travers des groupes Vodun Rara de la Nouvelle-Orléans jusqu'au spectacle de la mi-temps des Cowboys de Dallas."

"Laisse-moi te raconter comment tout ceci s'est mis en marche", explique Thompson, assis dans un restaurant du campus. "J'ai grandi au Texas; J'étais fou de boogie. Je n'étais pas footballeur ou quoi que ce soit, et je me rends compte maintenant que tous les éléments d'attractivité que j'avais pour les filles étaient à la fois musicaux et influencés par les noirs. Durant ma dernière année à l'école préparatoire, je suis allé en voyage à Mexico. Il y avait ce mambo - Mexico était inondé de mambo - j'ai entendu des serveurs le fredonner, je l'ai entendu sur les lèvres des préposés de station-service, je l'ai entendu en arrière-plan lorsque je parlait au téléphone de l'exploitant de l'hôtel. Ce fut mon premier bain complet de musique africaine: polyphonie noire totale, multimétrie mambo. Une femme magnifique s'est arrêtée devant moi dans un café; elle a écouté cette musique et je l'ai entendue dire à son compagnon: "Mais chéri, c'est un rythme si différent."

Un mambo, titré La Camisa de Papel - de Justi Barretto, est l'icône principale de la carrière de Thompson. Une partie brisée du disque mexicain 78 tours, chanté par Perez Prado, est encadré dans son étude. "Plus précisément, il s'agit d'un noir qui porte une chemise littéralement composée de mots effrayants - d'assemblage de titres de journaux. La chanson ne craignait pas d'aborder un sujet fort - celui du début de la guerre de Corée et de la peur de la guerre thermonucléaire. Une phrase dit: "Hé, homme noir, t'as les nouvelles?" J'ai été irradié par cette musique, désespérément accro au mambo."

En 1954, Thompson passa les vacances de Thanksgiving de sa dernière année à Yale enfermé à l'hôtel Carlton House à New York, essayant de commencer un livre. Il l'avait titré : Notes vers une définition de Mambo. "Mon père était chirurgien, et avec ma mère ils étaient un peu déboussolés par ce que je faisais: 'Mon fils le mambologue!!??' Alors que j'essayais de leur expliquer cette passion..."

"La musique questionnait", dit Thompson, "et l'histoire de l'art fut la réponse." Il décida de devenir étudiant à Yale. "Plus j'étudiais, plus je voyais comment le monde avait dissimulé la source de tout cela. Ce n'était pas de la musique latine - c'était de la musique Kongo-Cubano-Brésilienne. Vous pouvez entendre les rythmes Kongo dans "The Newspaper Shirt". Et mambu en Ki-Kongo signifie "questions, questions importantes, texte". Un mambo est un séminaire sur l'entrecroisement des courants africains.

"Ce sont quelques-uns des fils du tissu: la salsa et le reggae partagent l'impulsion du mambo, et la composante mambo est à son tour sortie de Cuba en fin des années 1930. Le yoruba y est encore parlé. Si vous étiez Yoruba et pris en esclavage au XIXe siècle, vous risquiez de vous retrouver à Cuba ou dans le nord-est du Brésil. La culture afro-cubaine a survécu à l'esclavage. Ces rythmes afro-cubains sont chauds, âcres et cahotants. J'ai passé ma vie de critique littéraire", dit-il, "à essayer de rassembler tous les textes pertinents pour décoder "The Newspaper Shirt Mambo".

La prochaine étape importante dans le développement de Thompson fut une bourse de la Fondation Ford pour aller au Yoruba-land (Nigéria) pour un travail sur le terrain; il a fait 14 allers-retours entre Yale et l'Afrique. Thompson habite les deux mondes. Il raconte par exemple comment un grand prêtre de la religion Yoruba à New York est venu le voir à New Haven. La voiture du prêtre yoruba est tombée en panne. Thompson raconte que le prêtre a ouvert le capot, puis a emprunté du rhum à Thompson pour faire une brume de rhum qu'il a soufflé de sa bouche sur le moteur surchauffé (c'est un geste yoruba pour refroidir les choses). Ensuite, le prêtre a sorti sa carte de l'American Automobile Association et a appelé Triple-A.

Dans ce processus pour accéder à Yale, Thompson a publié Black Gods and Kings, The Four Moments of the Sun et African Art in Motion, à propos de l'esthétique entrelacée de la sculpture, du tissu et de la danse ouest-africains. "Flash of the Spirit" atteint maintenant des lecteurs qui ne sont pas des spécialistes, des iconographes ou des universitaires. Son prochain livre, enfin, dans 30 ans, sera le "livre mambo".

"Chaque vague d'immigration successive - dominicaine, porto-ricaine, haïtienne, jamaïcaine - améliore la musique. On peut parler de "conjugaison" d'un battement. C'est explosif. La salsa fut le tournant majeur - en 1968, New York est devenue pratiquement la capitale musicale du monde latin. Et tout cela est en pollinisation croisée avec du jazz et de la pure musique yoruba comme King Sunny Ade, et puis, via des réverbérations secondaires, vers des groupes blancs, comme les Talking Heads.

"La musique est un domaine où l'influence noire est omniprésente. Leurs rythmes secouent ce siècle. Quoi qu'on ait pu refuser aux Noirs, les ondes sont à eux. À l'heure actuelle, d'importantes collisions culturelles ont lieu à New York. La ville est devenue un organe coloré des cultures. Si vous avez manqué le Ballet Russe et le Rite de Stravinsky à Paris au début du siècle, ne vous inquiétez pas. Il y a maintenant des événements de cet ordre stravinskien dans le quartier."

"New York en tant que ville africaine secrète" voilà ce que Thompson appelle son cours de premier cycle à Yale. "Quasi voyage scolaire" que nous entreprenons tous les deux un jour et qui commence à 89th Street et sur Amsterdam Avenue dans un botanica, ou boutique d'articles religieux, où les autels fumants des divinités ouest-africaines partagent l'espace avec Pac-Man et Donkey Kong. Juste au coin de la rue se trouve la Claremont Riding Academy, où les élèves de sixième année des écoles privées prennent des cours, et deux pâtés de maisons plus à l'est se trouvent les coopératives de logements dans lesquelles ils vivent sur Central Park. Cet après-midi, nous traversons le sombre bidonville dominicain sous Columbia University, Harlem, Queens et les bandes jamaïcaines et haïtiennes de Brooklyn. Près de la coupole néoclassique du Musée de Brooklyn se trouve La Boutanique St. Jacques Mejur, qui vend des figurines en cire, des bougies conditionnelles "Du Me", un aérosol "Love", "Success" et "Commanding Do My Will". L'une des bougies est une bougie de vengeance, qui promet de transmettre le mal, le déshonneur, les conflits, l'infidélité, la pauvreté, le danger et les puissants ennemis au nom de celui qui est inscrit sur son côté.

"Ce truc est une combine touristique", dit Thompson. "Le vodun est un système moral de croyance comme les autres, mélange de croyances dahoméennes, kongo et chrétiennes. Nous vivons dans le péché intellectuel avec la culture Kongo et Yoruba. Le Kongo est une culture légale-thérapeutique-visionnaire aussi riche et dense que le christianisme ou le judaïsme; elle me rappelle le judaïsme.

"Mais les Occidentaux restent toujours dans les même zones tempérées lorsqu'ils recherchent la philosophie. Les juifs deviennent bouddhistes, les méthodistes deviennent bahaïs; ils ne vont jamais au sud. Mais maintenant, les religions Kongo et Yoruba prospèrent à New York. Traversez simplement la rue et vous êtes en Afrique. "

Pour Thompson, les trois étapes progressives de la culture atlantique noire sont comme trois versions d'un texte inscrit sur une sorte de pierre de Rosette noire Atlantique. Elle se déplace à New York, intellectuellement péripatéticienne, dans les deux sens via les traces des trois étapes de son sujet. Primo, les tribus dont les esclaves furent pris au Nigeria, au Mali, au Cameroun et au Zaïre. Deuxièmement, les cultures afro-antillaises qui en résultent, y compris les célébrités vodun d'Haïti et les adeptes de Capoera du Brésil. Enfin, les salles de danse, les clubs, la culture ghetto pop de New York.

Au club brésilien SOB's, sur Varick Street, amis, collègues, diffuseurs de livres et éditeurs se rassemblent, un peu sous le charme, alors que cinq batteurs cubo-yoruba tiennent un rythme féroce sur scène. C'est la fête de Random House bool pour le lancement de "Flash of the Spirit" de Thompson. Une démonstration de Capoera suit - mélange brésilien de ballet et d'art martial - produite par deux athlètes torse nu, devant le bar. Thompson danse doucement dans sa combinaison J. Press, tête haute, dos et bras relâchés. C'est intrinsèque à son alternance constante entre participer et observer, de même qu'on peut le voir à la fois donner des conférences et danser durant ces dernières.

"Les religions africaines entremêlent une critique morale élevée doublée d'un délicieux backbeat boogie", dit Thompson. "Elles nous attirent vers une perspicacité morale qui active le corps tout en exigeant une conscience sociale. Les mambos d'Eddie Palmieri peuvent recouper les phrasés musicaux yoruba religieux avec le populaire New York noir."

Alors qu'il danse, Thompson note mentalement le sens et le contenu culturel de ce que tout le monde dans la salle pense n'être qu'une danse. "Derrière toute la viscosité et le groove se cache une philosophie qui dit que dans l'horreur de ces temps qu'il y a un antidote. C'est de ces petits villages ternes de stalles en béton et de générateurs portables que vient cette musique, elle porte un message qui dit que tu peux "rejouer" le désastre - que tu peux le transformer, prendre la mort et l'horreur et les transformer en roue et en carrousel."

Un autre soir, au Château Royal, une salle de danse haïtienne dans le Queens, Thompson est à peu près le seul visage blanc parmi un millier d'élégants Haïtiens. Criant en créole au-dessus du merengue, il est en conversation profonde avec le chef d'orchestre; le groupe a été invité à Yale. Sur la piste de danse, Thompson semble transporté - regard d'un homme dans un bain chaud.

"Il s'agit de libérer les impératifs moraux dans le divertissement", explique Thompson. "La musique est à la fois morale et sournoise; elle porte autant de dandysme et de ruse urbaine que tout ce qui fut écrit à Paris à l'époque de Ravel. L'Occident peut en extraire les parties les plus ambrosiales et se laisser emporter par le rythme vers des sublimités morales."

Bien que Thompson vive et se déplace au sein d'un milieu hip, lui-même n'a rien de particulièrement branché. Il agit de la manière inconsciente et directe du soldat professionnel - marche ordonnée, jamais de pagaille, léger balancement des bras lors de la foulée - qui donne l'impression qu'il est toujours sur le point de faire quelque chose. Sa position et ses perspectives n'ont rien de la morosité typique de l'universitaire. Mais son attention est hautement idiosyncrasique; ses actions semblent dictées par un programme connu de lui seul.

Lorsqu'il est plongé dans une ambiance tout à fait blanche, comme une conférence au Metropolitan Museum of Art de New York ou assis dans cet endroit incongru que sont les salons de la maison du maître de Yale, Thompson perd parfois le rythme. Il s'éloigne, comme privé de l'objet de ses affections. Ensuite, quelque chose de banal - une remarque, le phrasé d'une remarque ou peut-être une scène d'un film diffusé au Showcase Cinema à Orange - lui offre une petite étincelle de négritude, et il est à nouveau attentif. Il donne parfois l'impression d'être en tournée d'inspection, cherchant dans le monde blanc des signes salutaires de culture noire. On sent qu'il suit sans cesse, avec ce qu'il appelle ses "yeux noirs", les contours de l'objet d'un désir spirituel.

Thompson tient à faire la distinction entre pratique de la religion ouest-africaine et l'enseignement de la culture dont elle fait partie. Récemment, quelqu'un qu'il connaissait à peine lui a demandé des conseils spirituels et Thompson en fut consterné. Il se considère comme un médium, mais un médium du genre le plus ordinaire. Il pense que ce qu'il doit enseigner n'est que ce qu'il choisit et filtre de toutes ses "informations" du monde. Dans les livres de Thompson, les sections de notes biographiques contiennent des centaines et des centaines de minuscules petits noms sonores, qui, s'ils sont lus à haute voix, ressemblent aux listes des annuaires téléphoniques de Lagos, Rio, Ouagadougou et New Haven combinés. Telles sont les sources du "flash de l'esprit" sans lequel, Thompson, n'est "que Joe, l'universitaire aux cheveux gris".

S'il y a une partie des croyances africaines auxquelles Thompson adhère, c'est ce qu'il perçoit comme leur génie social. L'épiphanie de Thompson, s'il y en a une dans sa sphère très privée, se distingue par les accents pleine de sens qu' utilise lorsqu'il parle des incendies dans les forêts pygmées, des prêtresses de la rivière au Cameroun, de l'escalade des arbres zaïrois pour le miel et de la dernière veille de Nouvel An sur la plage de Copacabana à Rio, où Thompson a vu des milliers de femmes de chambre, gardiennes, journalières et leurs enfants, creuser des trous dans le sable à minuit pour y mettre des bougies, applaudissant lorsque les lumières furent emportée hors du rivage par la marée.

Ceux qui minimisent l'importance de ces rituels folkloriques noirs et du travail de la vie de Thompson le rendent furieux. "Comment les gens osent-ils fréquenter l'Afrique?" il demande. "Ces gens sont des géants qui nous apprennent à vivre. Il y a une voix morale ancrée dans l'esthétique afro-atlantique que l'Occident est infichu de saisir. Les occidentaux ne voient pas les monuments, juste la philosophie pieds nus venant des anciens du village. Alors que le monument est une grande forme d'art qui réconcilie, qui tente de reconstruire moralement une personne sans l'humilier. "Parfois, lorsque Thompson commence à s'échauffer, sa voix prend des cadences du discours noir."

"Ce sont les canons du cool: il n'y a pas de crise qui ne puisse être pesée et résolue; rien ne peut être réalisé par l'hystérie ou la lâcheté; vous devez porter et montrer votre capacité à réaliser la réconciliation sociale. Sortez du cauchemar. C'est un appel au dialogue, au con-gress et à l'auto con-fiance. "Ce tea-shirt avec ces phrases issue de titres de journaux" ne fait que poser le problème sur ta poitrine. Les formes d'art afro-atlantique sont à la fois juridiques, médicales et esthétiques. C'est une manière intransigeante d'utiliser l'art."

À Jacmel, à 8 h 30 du matin, Thompson et moi déjeunons avec des croissants à bord de la piscine de l'hôtel, discutant au son des tambours qui résonnent sur la plage. La veille au soir, dans son temple en carton ondulé, la charmante prêtresse Madame Nerva, qui aime beaucoup plaisanter, a donné son bâton constellé de bonbons à un homme, avec pour consigne d'appeler les batteurs et la congrégation pour le lendemain matin. Il y a 50 voduistes à l'intérieur du temple vibrant quand nous arrivons, y compris le flic local. Cinq batteurs, dirigés par un homme du nom de "Gasoline", suivent un rythme sauvage et déferlant. Dix-neuf femmes noires vêtues de robes blanches et de turbans blancs sortent en dansant d'une porte de l'autel pour se mettre en en cercle autour de Madame Nerva, qui, vêtue d'une robe dorée, secoue un hochet et une cloche sacrés pour donner le tempo. À tour de rôle, chacune des femmes prend la main de Madame Nerva et tombe dans un geste à la fois révérencieux et prostré, lui tenant la main tout en descendant pour embrasser le sol à ses pieds.

Tandis que deux femmes tenant des drapeaux dansent autour de lui, un jeune homme dessine lentement dans la poudre blanche sur le sol un cœur ou une vulve, avec en superposé des épées et un serpent. Au moment où il termine l'image, la cérémonie double d'intensité et les femmes tournent avec des bougies, puis s'agenouillent. Soudain, l'icône est effacée et Madame Nerva se précipite dans la pièce en tenant une poupée américaine en plastique blanche d'un mètre (elle est faite de rangées de maïs et d'une main droite d'enfant qui fait le salut Kongo). Un à la fois, nous sommes embrassés par la poupée sur nos joues gauches. Une femme, tourbillonnant avec un turban sur la tête, devient possédée et commence à se trémousser et à tanguer. Les autres danseurs la frappent doucement pour la calmer et faire partir l'esprit. Elle s'évanouit et ils la retiennent. La ligne des danseurs s'est rompue; les tambours s'arrêtent.

"Un peu sauvage pour un simple sondage", me dit Thompson alors que nous faisons nos adieux. "Cette femme n'était pas censée être possédée. As-tu entendu comment Mme Nerva a décrit la possession - tel "un dialogue avec l'Afrique"? "

Nous retournons par les montagnes vers Port-au-Prince, pour un retour dans l'après-midi à New York. À 15 heures, après le déjeuner et un saut dans la piscine de l'hôtel, nous sommes en train de prendre un verre dans l'avion, Thompson est en train de remplir ses carnets de croquis et de notes.

"Il y a tout un langage dans la possession", dit-il, "une expression et une position différentes pour chaque dieu. L'Occident a oublié les états de ravissement sacré, mais l'art chrétien s'est construit sur l'extase. Le gothique était extatique - les cathédrales ne peuvent pas être comprises sans référence à lui." Il montre une photo sur la couverture de son cahier qui présente une femme aux yeux retournés. "C'est l'histoire de l'art vivant. Et il faut comprendre les états extatiques pour comprendre l'art extatique."

Thompson se tord sur son siège pour montrer les gestes de possession. Il lève les bras, les plie au coude, puis les lève les paumes vers le haut, doigts écartés. Il projette sa tête en arrière, yeux fermés; puis avance rapidement; puis fait des grimaces, trois façons différentes. Il baisse les bras, prend un verre et dit: "Ce n'est pas si hérétique d'examiner l’extase. Après tout". Ici il dessine dans son cahier une figure d'homme, tête renversée en arrière avec une ligne de visée qui va vers le haut - "la rosace de Chartres ne peut être vue que sous un angle extatique."

Auteur: Iseman Fred

Info: https://www.rollingstone.com 22 novembre 1984. Trad Mg (à peaufiner)

[ transe ] [ portrait ] [ perméabilités ethniques ] [ osmose ] [ nord-sud ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

homme-végétal

Il arrive parfois qu’une personne puisse nommer le moment exact où sa vie a changé de manière irrévocable. Pour Cleve Backster, ce fut tôt le matin du 2 février 1966, treize minutes et cinquante-cinq secondes après le début d'un test polygraphique qu'il administrait. Backster, un expert en polygraphie de premier plan dont le test de comparaison de zones Backster est la norme mondiale en matière de détection de mensonge, avait à ce moment-là menacé le bien-être de son sujet de test. Le sujet répondit électrochimiquement à sa menace. Le sujet était une plante.

Depuis lors, Backster a mené des centaines d’expériences démontrant non seulement que les plantes réagissent à nos émotions et à nos intentions, mais aussi les feuilles coupées, les œufs (fécondés ou non), les yaourts et les échantillons de cellules humaines. Il a découvert, par exemple, que les globules blancs prélevés dans la bouche d'une personne et placés dans un tube à essai réagissent toujours électrochimiquement aux états émotionnels du donneur, même lorsque celui-ci est hors de la pièce, du bâtiment ou de l'État.

J'ai entendu parler du travail de Backster pour la première fois quand j'étais enfant. Ses observations ont confirmé une compréhension que j’avais alors, une compréhension que même un diplôme en physique ne pourrait éradiquer plus tard : que le monde est vivant et sensible.

J'ai parlé avec Backster à San Diego, trente et un ans et vingt-deux jours après sa première observation, et à un continent entier du bureau de Times Square à New York où il avait autrefois travaillé et vécu. Avant de commencer, il a placé du yaourt dans un tube à essai stérilisé, a inséré deux électrodes en or et a allumé la mire d'enregistrement. J'étais excité, mais dubitatif. Nous avons commencé à parler et le stylo s'est tortillé de haut en bas. Puis, juste au moment où je reprenais mon souffle avant d'être en désaccord avec quelque chose qu'il avait dit, le stylo sembla vaciller. Mais est-ce que ça avait vraiment bougé, ou est-ce que je voyais seulement ce que je voulais voir ?

À un moment donné, alors que Backster était hors de la pièce, j'ai essayé d'exprimer ma colère en pensant aux forêts coupées à blanc et aux politiciens qui les sanctionnent, aux enfants maltraités et à leurs agresseurs. Mais la ligne représentant la réponse électrochimique du yaourt est restée parfaitement plate. Peut-être que le yaourt ne m'intéressait pas. Perdant moi-même tout intérêt, j'ai commencé à errer dans le laboratoire. Mes yeux sont tombés sur un calendrier qui, après une inspection plus approfondie, s'est avéré être une publicité pour une compagnie maritime. J’ai ressenti une soudaine montée de colère face à l’omniprésence de la publicité. Puis j'ai réalisé : une émotion spontanée ! Je me suis précipité vers le graphique et j'y ai vu un pic soudain correspondant apparemment au moment où j'avais vu l'annonce.

Au retour de Backster, j’ai continué l’entretien, toujours excité et peut-être un peu moins sceptique.

Jensen : Pouvez-vous nous raconter en détail comment vous avez remarqué pour la première fois une réaction électrochimique dans une plante ?

Backster : C'était une plante de canne à sucre dracaena que j'avais dans mon laboratoire à Manhattan. Les plantes ne m'intéressaient pas particulièrement, mais il y avait une vente suite à une cessation d'activité chez un fleuriste au rez-de-chaussée de l'immeuble, et la secrétaire avait acheté quelques plantes pour le bureau : une plante à caoutchouc et cette dracaena. J'avais arrosé ces plantes jusqu'à saturation – en les mettant sous le robinet jusqu'à ce que l'eau coule du fond des pots – et j'étais curieux de voir combien de temps il faudrait à l'humidité pour atteindre le sommet. J'étais particulièrement intéressé par le dracaena, car l'eau devait remonter le long d'un long tronc, puis ressortir jusqu'au bout des longues feuilles. Je pensais que si je plaçais le détecteur de réponse galvanique cutanée du polygraphe au bout de la feuille, une baisse de résistance serait enregistrée sur le papier à mesure que l'humidité arriverait entre les électrodes.

C’est du moins ma façon de voir les choses. Je ne sais pas s’il y avait une autre raison, plus profonde, à mon action. Il se pourrait que mon subconscient m'ait poussé à faire ça – je ne sais pas.

En tout cas, j’ai remarqué quelque chose sur le graphique qui ressemblait à une réponse humaine sur un polygraphe : ce n’est pas du tout ce à quoi j’aurais pu m’attendre si de l’eau pénétrait dans une feuille. Les détecteurs de mensonge fonctionnent sur le principe selon lequel lorsque les gens perçoivent une menace pour leur bien-être, ils réagissent physiologiquement de manière prévisible. Par exemple, si vous effectuez un test polygraphique dans le cadre d’une enquête pour meurtre, vous pourriez demander à un suspect : " Est-ce vous qui avez tiré le coup mortel ? " Si la vraie réponse était oui , le suspect craindrait de mentir et les électrodes placées sur sa peau détecteraient la réponse physiologique à cette peur. J’ai donc commencé à réfléchir à des moyens de menacer le bien-être de la plante. J’ai d’abord essayé de tremper une de ses feuilles dans une tasse de café chaud. La plante, au contraire, montrait de l’ennui – la ligne sur le graphique continuait de baisser.

Puis, à treize minutes et cinquante-cinq secondes de temps graphique, l'idée m'est venue à l'esprit de brûler la feuille. Je n'ai pas verbalisé l'idée ; Je n'ai pas touché à la plante ; Je n'ai pas touché au matériel. Pourtant, la plante s'est comme affolée. Le stylo a sauté du haut du graphique. La seule chose à laquelle il avait pu réagir était mon image mentale.

Ensuite, j'ai récupéré quelques allumettes sur le bureau de mon secrétaire et, en allumant une, j'ai fait quelques passages sur la feuille. Cependant, j'ai réalisé que je constatais déjà une réaction si extrême qu'aucune augmentation ne serait perceptible. J'ai donc essayé une approche différente : j'ai éloigné la menace en remettant les allumettes sur le bureau du secrétaire. La plante s'est immédiatement calmée.

J’ai tout de suite compris qu’il se passait quelque chose d’important. Je ne trouvais aucune explication scientifique conventionnelle. Il n'y avait personne d'autre dans le laboratoire et je ne faisais rien qui aurait pu déclencher un mécanisme de déclenchement. A partir de ce moment, ma conscience n'a plus été la même. Toute ma vie a été consacrée à étudier ce phénomène.

Après cette première observation, j’ai parlé à des scientifiques de différents domaines pour obtenir leurs explications sur ce qui se passait. Mais cela leur était totalement étranger. J’ai donc conçu une expérience pour explorer plus en profondeur ce que j’ai commencé à appeler la perception primaire.

Jensen : Pourquoi  " perception primaire " ?

Backster : Je ne puis nommer ce dont j'ai été témoin perception extrasensorielle, car les plantes ne possèdent pas la plupart des cinq sens. Cette perception de la part de la plante semblait se produire à un niveau beaucoup plus basique – ou primaire.

Quoi qu’il en soit, ce qui a émergé est une expérience dans laquelle j’ai fait tomber automatiquement les crevettes de saumure, à intervalles aléatoires, dans de l’eau frémissante, tandis que la réaction des plantes était enregistrée à l’autre bout du laboratoire.

Jensen : Comment pouviez-vous savoir si les plantes réagissaient à la mort de la crevette ou à vos émotions ?

Backster : Il est très difficile d'éliminer le lien entre l'expérimentateur et les plantes testées. Même une brève association avec les plantes – quelques heures seulement – ​​suffit pour qu’elles s’adaptent à vous. Ensuite, même si vous automatisez et randomisez l’expérience et quittez le laboratoire, ce qui garantit que vous ignorez totalement le moment où l’expérience commence, les plantes resteront à votre écoute, peu importe où vous irez. Au début, mon partenaire et moi allions dans un bar situé à un pâté de maisons, mais au bout d'un certain temps, nous avons commencé à soupçonner que les plantes réagissaient, non pas à la mort des crevettes saumâtres, mais à l'augmentation et à la diminution du niveau d'excitation dans nos conversations.

Finalement, quelqu'un d'autre a acheté les plantes et les a stockées dans une autre partie du bâtiment. Le jour de l’expérience, nous sommes allés chercher les plantes, les avons amenées, les avons branchées et sommes partis. Cela signifiait que les plantes étaient seules dans un environnement étrange, avec seulement la pression des électrodes et un petit filet d'électricité traversant leurs feuilles. Parce qu’il n’y avait pas d’humains avec lesquels s’harmoniser, elles ont commencé à " regarder autour " de leur environnement. Ce n’est qu’à ce moment-là que quelque chose d’aussi subtil que la mort des artémias a été capté par les plantes.

Jensen : Les plantes s'adaptent-elles uniquement aux humains, ou également aux autres créatures vivantes de leur environnement ?

Backster : Je vais répondre à cette question avec un exemple. Souvent, je branche une plante et je m'occupe de mes affaires, puis j'observe ce qui la fait réagir. Un jour, je faisais bouillir de l'eau dans une bouilloire pour faire du café. Puis j’ai réalisé que j’avais besoin de la bouilloire pour autre chose, alors j’ai versé l’eau bouillante dans l’évier. Le végétal en question, surveillé, a réagi énormément à cela. Maintenant, si vous ne mettez pas de produits chimiques ou d’eau chaude dans l’évier pendant une longue période, une jungle microscopique commence à s’y développer. Il s’est avéré que la plante réagissait à la mort des microbes présents dans les égouts.

À maintes reprises, j'ai été étonné de constater que la capacité de perception s'étend jusqu'au niveau bactérien. Un échantillon de yaourt, par exemple, réagira lorsqu'un autre est nourri, comme pour dire : " Celui-là reçoit de la nourriture. Où est la mienne? " Cela se produit avec un certain degré de répétabilité. Ou si vous déposez des antibiotiques dans l’autre échantillon, le premier échantillon de yaourt montre une énorme réponse à la mort de l’autre. Et il n’est même pas nécessaire qu’il s’agisse de bactéries du même type pour que cela se produise. Mon premier chat siamois ne mangeait que du poulet. J'en gardais un cuit dans le réfrigérateur du laboratoire et en retirais un morceau chaque jour pour nourrir le chat. Au moment où j'arriverais à la fin, la carcasse serait assez vieille et des bactéries auraient commencé à s'y développer. Un jour, j'ai fait brancher du yaourt, et alors que je sortais le poulet du réfrigérateur et commençais à retirer des lanières de viande, le yaourt a répondu. Ensuite, je mets le poulet sous une lampe chauffante pour le ramener à température ambiante.

Jensen : Vous avez visiblement chouchouté votre chat.

Backster : Je n'aurais pas voulu que le chat doive manger du poulet froid ! Quoi qu’il en soit, la chaleur frappant les bactéries a provoqué une énorme réaction dans le yaourt.

Jensen : Comment saviez-vous que vous n'aviez pas d'influence sur cela ?

Backster : Je n’étais pas au courant de la réaction à l’époque. Vous voyez, j'avais installé des commutateurs pip partout dans le laboratoire ; chaque fois que j'effectuais une action, j'appuyais sur un interrupteur, ce qui plaçait une marque sur un tableau distant. Ce n’est que plus tard que j’ai comparé la réaction du yaourt à ce qui s’était passé en laboratoire.

Jensen : Et quand le chat a commencé à ingérer le poulet ?

Backster : Chose intéressante, les bactéries semblent avoir un mécanisme de défense tel qu'un danger extrême les amène dans un état similaire à un choc : en fait, elles s'évanouissent. De nombreuses plantes font cela également ; si vous les harcelez suffisamment, elles se bloquent. C'est apparemment ce que les bactéries ont fait, car dès qu'elles ont touché le système digestif du chat, le signal s'est éteint. À partir de ce moment-là, la ligne est plate.

Jensen : Le Dr David Livingstone, l'explorateur africain, a été mutilé par un lion. Il a déclaré plus tard que lors de l'attaque, il n'avait pas ressenti de douleur, mais plutôt un sentiment de bonheur. Il a dit que cela n'aurait posé aucun problème de se livrer au lion.

Backster : Une fois, j'étais dans un avion et j'avais avec moi un petit compteur à réponse galvanique alimenté par batterie. Juste au moment où les agents de bord commençaient à servir le déjeuner, j'ai dit à l'homme assis à côté de moi : " Vous voulez voir quelque chose d'intéressant ? J'ai mis un morceau de laitue entre les électrodes, et quand les gens ont commencé à manger leurs salades, nous avons eu des réactions, mais elles se sont arrêtées car les feuilles étaient en état de choc. " Attendez qu'ils récupèrent les plateaux ", dis-je, "et voyez ce qui se passe." Lorsque les préposés ont retiré nos repas, la laitue a retrouvé sa réactivité. Le fait est que la laitue passait dans un état de latence pour ne pas souffrir. Quand le danger est parti, la réactivité est revenue. Cet arrêt de l’énergie électrique au niveau cellulaire est lié, je crois, à l’état de choc chez les humains.

Les cellules extérieures au corps réagissent toujours aux émotions que vous ressentez, même si vous êtes à des kilomètres de vous. La plus grande distance que nous avons testée est d’environ trois cents milles.

Jensen : Vous avez donc testé des plantes, des bactéries, des feuilles de laitue. . .

Backster : Et des œufs. J'ai eu un Doberman pinscher pendant un certain temps et je lui donnais un œuf par jour. Un jour, j'avais une plante reliée à un grand compteur à réponse galvanique, et alors que je cassais un œuf pour nourrir le chien, le compteur est devenu fou. Après cela, j’ai passé des centaines d’heures à surveiller les œufs, fécondés et non fécondés, c'est pareil ; c'est toujours une cellule vivante.

Après avoir travaillé avec des plantes, des bactéries et des œufs, j’ai commencé à me demander comment les animaux réagiraient. Mais je n’arrivais pas à faire en sorte qu’un chat ou un chien reste immobile assez longtemps pour effectuer une surveillance significative. J'ai donc pensé essayer les spermatozoïdes humains, qui sont capables de rester vivants en dehors du corps pendant de longues périodes et sont certainement assez faciles à obtenir. Dans cette expérience, l’échantillon du donneur était placé dans un tube à essai doté d’électrodes et le donneur était séparé du sperme par plusieurs pièces. Ensuite, le donneur a inhalé du nitrite d'amyle, qui dilate les vaisseaux sanguins et est classiquement utilisé pour arrêter un accident vasculaire cérébral. Le simple fait d’écraser le nitrite d’amyle a provoqué une réaction importante du sperme, et lorsque le donneur a inhalé, le sperme s’est déchaîné.

Cependant, je ne pouvais pas poursuivre ces recherches. Cela aurait été scientifiquement valable, mais politiquement stupide. Les sceptiques dévoués m'auraient sans doute ridiculisé en me demandant où se trouvait mon masturbatorium, etc.

Puis j’ai rencontré un chercheur dentaire qui avait mis au point une méthode de collecte de globules blancs dans la bouche. C’était politiquement faisable, facile à réaliser et ne nécessitait aucune surveillance médicale. J'ai commencé à faire des expériences enregistrées sur écran partagé, avec l'affichage du graphique superposé au bas d'un écran montrant les activités du donneur. Nous avons prélevé des échantillons de globules blancs, puis renvoyé les gens chez eux pour regarder un programme télévisé présélectionné susceptible de susciter une réaction émotionnelle – par exemple, montrer à un vétéran de Pearl Harbor un documentaire sur les attaques aériennes japonaises. Ce que nous avons découvert, c'est que les cellules situées à l'extérieur du corps réagissent toujours aux émotions que vous ressentez, même si elles sont à des kilomètres de vous.

La plus grande distance que nous avons testée est d’environ trois cents milles. Brian O'Leary, qui a écrit Exploring Inner and Outer Space , a laissé ses globules blancs ici à San Diego, puis s'est envolé pour Phoenix. En chemin, il a gardé une trace des événements qui l'avaient agacé, en notant soigneusement l'heure de chacun. La corrélation est restée, même sur cette distance.

Jensen : Les implications de tout cela...

Backster : – sont stupéfiantes, oui. J'ai des tiroirs remplis de données anecdotiques de haute qualité montrant à maintes reprises comment les bactéries, les plantes, etc. sont toutes incroyablement en harmonie les unes avec les autres. Les cellules humaines ont elles aussi cette capacité de perception primaire, mais d'une manière ou d'une autre, elle s'est perdue au niveau conscient. Ou peut-être n’avons-nous jamais eu un tel talent.

Je soupçonne que lorsqu’une personne est suffisamment avancée spirituellement pour gérer de telles perceptions, elle sera correctement à l’écoute. En attendant, il serait peut-être préférable de ne pas être à l’écoute, à cause des dommages que nous pourrions causer en manipulant mal les informations reçues.

Nous avons tendance à nous considérer comme la forme de vie la plus évoluée de la planète. C'est vrai, nous réussissons très bien dans nos efforts intellectuels. Mais ce n’est peut-être pas le critère ultime permettant de juger. Il se pourrait que d’autres formes de vie soient plus avancées spirituellement. Il se pourrait également que nous nous approchons de quelque chose qui nous permettra d'améliorer notre perception en toute sécurité. De plus en plus de personnes travaillent ouvertement dans ces domaines de recherche encore marginalisés. Par exemple, avez-vous entendu parler du travail de Rupert Sheldrake avec les chiens ? Il installe une caméra d'enregistrement du temps sur le chien à la maison et sur le compagnon humain au travail. Il a découvert que, même si les gens rentrent du travail à une heure différente chaque jour, au moment où la personne quitte le travail, le chien de la maison se dirige vers la porte.

Jensen : Comment la communauté scientifique a-t-elle accueilli votre travail ?

Backster : À l’exception de scientifiques marginalisés comme Sheldrake, la réponse a été d’abord la dérision, puis l’hostilité, et maintenant surtout le silence.

Au début, les scientifiques appelaient la perception primaire " l’effet Backster ", espérant peut-être pouvoir banaliser les observations en leur donnant le nom de cet homme sauvage qui prétendait voir des choses qui avaient échappé à la science dominante. Le nom est resté, mais comme la perception primaire ne peut pas être facilement écartée, ce n'est plus un terme de mépris.

Au moment même où les scientifiques ridiculisaient mon travail, la presse populaire lui prêtait une très grande attention, dans des dizaines d'articles et dans des livres, comme The Secret Life of Plants de Peter Tompkins . Je n’ai jamais demandé aucune attention et je n’en ai jamais profité. Les gens sont toujours venus me chercher des informations.

Pendant ce temps, la communauté botanique était de plus en plus mécontente. Ils voulaient " aller au fond de toutes ces absurdités " et prévoyaient de résoudre le problème lors de la réunion de 1975 de l’Association américaine pour l’avancement de la science à New York. Arthur Galston, un botaniste bien connu de l'Université de Yale, a réuni un groupe restreint de scientifiques pour, à mon avis, tenter de discréditer mon travail ; il s’agit d’une réponse typique de la communauté scientifique aux théories controversées. J'avais déjà appris qu'on ne se lance pas dans ces combats pour gagner ; vous y allez pour survivre. Et c’est exactement ce que j’ai pu faire.

Ils en sont maintenant arrivés au point où ils ne peuvent plus contrer mes recherches, leur stratégie consiste donc simplement à m'ignorer et à espérer que je m'en aille. Bien sûr, cela ne fonctionne pas non plus.

Jensen : Quelle est leur principale critique ?

Backster : Le gros problème – et c’est un gros problème en ce qui concerne la recherche sur la conscience en général – est la répétabilité. Les événements que j'ai observés ont tous été spontanés. Elles doivent être. Si vous les planifiez à l'avance, vous les avez déjà modifiés. Tout se résume à ceci : répétabilité et spontanéité ne font pas bon ménage, et aussi longtemps que les membres de la communauté scientifique insisteront trop sur la répétabilité dans la méthodologie scientifique, ils n’iront pas très loin dans la recherche sur la conscience.

Non seulement la spontanéité est importante, mais l’intention l’est aussi. Vous ne pouvez pas faire semblant. Si vous dites que vous allez brûler une feuille sur la plante, mais que vous ne le pensez pas, rien ne se passera. J'entends constamment des gens de tout le pays vouloir savoir comment provoquer des réactions chez les plantes. Je leur dis : " Ne faites rien. Allez à votre travail; prenez des notes sur ce que vous faites à des moments précis et comparez-les plus tard à votre enregistrement graphique. Mais ne planifiez rien, sinon l’expérience ne fonctionnera pas. " Les gens qui font cela obtiennent souvent les mêmes résultats que moi et remportent le premier prix aux expo-sciences. Mais lorsqu'ils arrivent au cours de biologie 101, on leur dit que ce qu'ils ont vécu n'est pas important.

Il y a eu quelques tentatives de la part des scientifiques pour reproduire mon expérience avec les crevettes Artemia, mais elles se sont toutes révélées inadéquates sur le plan méthodologique. Lorsqu’ils ont appris qu’ils devaient automatiser l’expérience, ils se sont simplement rendus de l’autre côté d’un mur et ont utilisé la télévision en circuit fermé pour regarder ce qui se passait. De toute évidence, ils ne retiraient pas leur conscience de l’expérience, il leur était donc très facile d’échouer. Et soyons honnêtes : certains scientifiques ont été soulagés lorsqu’ils ont échoué, car le succès aurait été contraire à l’ensemble des connaissances scientifiques.

Jensen : L'accent mis sur la répétabilité semble anti-vie, car la vie elle-même n'est pas reproductible. Comme Francis Bacon l’a clairement indiqué, la répétabilité est inextricablement liée au contrôle, et le contrôle est fondamentalement l’essence même de la science occidentale, de la culture occidentale. Pour que les scientifiques abandonnent la répétabilité, ils devraient abandonner le contrôle, ce qui signifie qu’ils devraient abandonner la culture occidentale, et cela n’arrivera pas tant que cette civilisation ne s’effondrera pas sous le poids de ses propres excès écologiques.

Backster : J’ai renoncé à lutter contre d’autres scientifiques sur ce point. Mais je sais que s’ils réalisent mon expérience, même si elle échoue, ils verront quand même des choses qui changeront leur conscience. Ils ne seront plus jamais tout à fait les mêmes.

Des gens qui n’auraient rien dit il y a vingt ans me disent souvent : " Je pense que je peux maintenant vous dire en toute sécurité à quel point vous avez vraiment changé ma vie avec ce que vous faisiez au début des années soixante-dix. " À l’époque, ces scientifiques ne pensaient pas avoir le luxe de faire bouger les choses ; leur crédibilité, et donc leurs demandes de subvention, en auraient été affectées.

Jensen : En regardant votre travail, nous sommes confrontés à plusieurs options : Nous pouvons croire que vous mentez, ainsi que tous ceux qui ont déjà fait des observations similaires. On peut croire que ce que vous dites est vrai, ce qui nécessiterait de retravailler toute la notion de répétabilité dans la méthode scientifique, ainsi que nos notions de conscience, de communication, de perception, etc. Ou bien on peut croire que vous avez commis une erreur. Est-il possible que vous ayez négligé une explication strictement mécaniste de vos observations ? Un scientifique a dit qu’il devait y avoir un fil lâche dans votre détecteur de mensonge.

Backster : En trente et un ans de recherche, c'est comme si j'avais " desserré tous les noeuds ". Non, je ne vois aucune solution mécaniste. Certains parapsychologues pensent que je maîtrise l'art de la psychokinésie, que je fait bouger les aiguilles et autres indicateurs avec mon esprit – ce qui serait en soi une très bonne astuce. Mais ils négligent le fait que j'ai automatisé et randomisé de nombreuses expériences, de sorte que je ne suis même conscient de ce qui se passe que plus tard, lorsque j'étudie les graphiques et les bandes vidéo qui en résultent. Les explications conventionnelles sont devenues assez minces. L’une de ces explications, proposée dans un article du Harper’s, était l’électricité statique : si vous vous déplacez à travers la pièce et touchez la plante, vous obtenez une réponse. Mais bien sûr, je touche rarement la plante pendant l'observation, et de toute façon cette réaction serait totalement différente.

Jensen : Alors, quel est le signal capté par la plante ?

Backster : Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que le signal se dissipe à distance, comme ce serait le cas si nous avions affaire à un phénomène électromagnétique. Le signal de Phoenix, par exemple, était aussi fort que si Brian O'Leary avait été dans la pièce voisine.

Nous avons également tenté d'obstruer le signal à l'aide de plomb et d'autres matériaux, mais nous ne pouvons pas l'arrêter. Cela me fait penser que le signal ne va pas réellement d'ici à là, mais se manifeste plutôt à différents endroits. Je soupçonne que le signal ne prend pas de temps pour se déplacer. Il n'y a aucun moyen, en utilisant les distances terrestres, de tester cela, car si le signal était électromagnétique, il se propagerait à la vitesse de la lumière, et les retards biologiques consommeraient plus que la fraction de seconde qu'il faudrait au signal pour se propager. La seule façon de tester cela serait dans l’espace.

Certains physiciens quantiques soutiennent cette conviction – selon laquelle le signal ne dépend ni du temps ni de la distance. Il existe une théorie quantique appelée théorème de Bell, qui stipule que deux atomes éloignés l'un de l'autre changent parfois simultanément la direction de leur rotation.

Bien entendu, tout cela nous amène fermement sur le territoire du métaphysique et du spirituel. Pensez à la prière, par exemple. Si vous deviez prier Dieu, et que Dieu se trouvait de l’autre côté de la galaxie, et que votre prière voyageait à la vitesse de la lumière, vos os seraient depuis longtemps poussière avant que Dieu puisse répondre. Mais si Dieu – quelle que soit la manière dont vous définissez Dieu – est partout, la prière n'a pas besoin de voyager.

Jensen : Soyons plus concrets. Vous avez une image mentale de la plante en train de brûler et la plante réagit. Que se passe-t-il précisément à cet instant ? Comment la plante sait-elle réagir ?

Backster : Je ne prétends pas savoir. En fait, j’ai attribué une grande partie de ma réussite à pouvoir rester actif dans ce domaine – et à ne pas avoir été discrédité – au fait que je ne prétends pas le savoir. Vous voyez, si je donne une explication erronée, peu importe la quantité de données dont je dispose ou le nombre d’observations de qualité que j’ai faites. La communauté scientifique dominante utilisera l’explication incorrecte comme excuse pour rejeter mes données et mes observations. J'ai donc toujours dit que je ne savais pas comment cela se produisait. Je suis un expérimentateur, pas un théoricien.

Jensen : La capacité des plantes à percevoir l'intention me suggère une redéfinition radicale de la conscience.

Backster : Vous voulez dire que cela supprimerait la notion de conscience comme quelque chose sur lequel les humains ont le monopole ?

Jensen : Les humains et autres animaux dits supérieurs. Selon la pensée occidentale, parce que les plantes n’ont pas de cerveau, elles ne peuvent pas avoir de conscience.

Backster : Je pense que la science occidentale exagère le rôle du cerveau dans la conscience. Des livres entiers ont été écrits sur la conscience de l’atome. La conscience pourrait exister à un tout autre niveau. De très bonnes recherches ont été réalisées sur la survie de la conscience après la mort corporelle. Tout cela pointe vers l’idée selon laquelle la conscience n’a pas besoin d’être spécifiquement liée à la matière grise. Cette notion est une autre camisole de force dont nous devons nous débarrasser. Le cerveau a peut-être quelque chose à voir avec la mémoire, mais on peut affirmer avec force qu’une grande partie de notre mémoire n’y est pas stockée.

Jensen : La notion de mémoire corporelle est familière à tout athlète : lorsque vous vous entraînez, vous essayez de créer des souvenirs dans vos muscles.

Backster : Le cerveau ne fait peut-être même pas partie de cette boucle.

Jensen : J'ai également lu des articles sur les séquelles physiologiques des traumatismes – maltraitance des enfants, viol, guerre. De nombreuses recherches montrent que le traumatisme s’imprime sur différentes parties du corps ; une victime de viol pourrait plus tard ressentir une brûlure dans son vagin, par exemple.

Backster : Si je me cogne, j'explique aux tissus de cette zone ce qui s'est passé. Je ne sais pas à quel point cette méthode de guérison est efficace, mais elle ne peut pas faire de mal.

Jensen : Avez-vous également travaillé avec ce que l'on appelle normalement des matériaux inanimés ?

Backster : J'ai déchiqueté certaines substances et je les ai mises en suspension dans de la gélose. Je reçois des signaux électriques, mais ils ne sont pas nécessairement liés à quoi que ce soit qui se passe dans l'environnement. Les schémas sont trop grossiers pour que je puisse les déchiffrer. Mais je soupçonne que la conscience est plus répandue.

En 1987, j'ai participé à un programme de l'Université du Missouri qui comprenait une conférence du Dr Sidney Fox, qui était alors lié à l'Institut pour l'évolution moléculaire et cellulaire de l'Université de Miami. Fox avait enregistré des signaux électriques provenant d’un matériau semblable à une protéine qui présentait des propriétés étonnamment similaires à celles des cellules vivantes. La simplicité du matériel qu'il a utilisé et la capacité d'auto-organisation dont il fait preuve me suggèrent que la biocommunication était présente dès les tout premiers stades de l'évolution de la vie sur cette planète.

Bien sûr, l’hypothèse de Gaia – selon laquelle la Terre est un grand, grand organisme fonctionnel – s’inscrit parfaitement dans ce contexte. La planète va avoir le dernier mot concernant les dégâts que les humains lui infligent. Il ne lui faudra qu'un certain nombre d'abus, et alors il pourrait bien roter et renifler un peu, et détruire une bonne partie de la population. Je ne pense pas qu'il serait exagéré de pousser l'hypothèse un peu plus loin et d'attribuer une telle stratégie de défense à une sorte d'intelligence planétaire.

Jensen : Comment votre travail a-t-il été reçu dans d'autres parties du monde ?

Backster : Les Russes ont toujours été très intéressés et n'ont pas eu peur de s'aventurer dans ces domaines de recherche. À bien des égards, ils semblent beaucoup plus sensibles aux concepts spirituels que la plupart des scientifiques occidentaux. Et chaque fois que je parle de ce que je fais avec des scientifiques indiens – bouddhistes ou hindous –, ils me demandent : " Qu’est-ce qui vous a pris autant de temps ? " Mon travail s'accorde très bien avec de nombreux concepts adoptés par l'hindouisme et le bouddhisme.

Jensen : De quoi avons-nous peur, nous, les Occidentaux ?

Backster : La crainte est que, si ce que j’observe est exact, bon nombre des théories sur lesquelles nous avons construit nos vies doivent être complètement remaniées. J'ai connu des biologistes dire : " Si Backster a raison, nous sommes dans la merde . " Cela signifierait une refonte radicale de notre place dans le monde. Je pense que nous le voyons déjà.

Notre communauté scientifique occidentale en général se trouve dans une situation difficile car, pour maintenir notre mode de pensée scientifique actuel, nous devons ignorer une énorme quantité d’informations. Et de plus en plus d’informations de ce type sont recueillies en permanence. Les chercheurs butent partout sur ce phénomène de biocommunication. Il semble impossible, compte tenu de la sophistication des instruments modernes, de passer à côté de cette harmonisation fondamentale entre les êtres vivants. Seulement pendant un certain temps, ils pourront prétendre qu’il s’agit que de " cables déconnectés ".

Auteur: Internet

Info: Les plantes réagissent - Une entrevue avec Cleve Backster, Derrick Jensen,  Juillet 1997 - https://www.thesunmagazine.org/

[ télépathie ] [ adéquation corps-esprit ] [ universel esprit ] [ ego prison ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

post-quantique

Vers une physique de la conscience :   (Attention, article long et ardu, encore en cours de correction)

"Une vision scientifique du monde qui ne résout pas profondément le problème des esprits conscients ne peut avoir de sérieuses prétentions à l'exhaustivité. La conscience fait partie de notre univers. Ainsi, toute théorie physique qui ne lui fait pas de place appropriée est fondamentalement à court de fournir une véritable description du Monde."  Sir Roger Penrose : Les ombres de l'esprit

Où va la physique dans ce siècle ? Pour de nombreux scientifiques, ce type de question évoquera très probablement des réponses tournant autour de la relativité quantique, de la naissance et de l'évolution probable de l'Univers, de la physique des trous noirs ou de la nature de la "matière noire". L'importance et la fascination durable de ces questions sont incontestables.

Cependant, pour une minorité croissante de physiciens, une question encore plus grande se profile à l'horizon : le problème persistant de la conscience.

La révolution de l'information des dernières décennies a eu un impact sur nos vies plus profond qu'il parait. De la physique fondamentale au calcul quantique en passant par la biophysique et la recherche médicale, on prend de plus en plus conscience que l'information est profondément et subtilement encodée dans chaque fibre de l'Univers matériel, et que les mécanismes de contrôle que nous avons l'habitude d'étudier sur des bases purement mécaniques ne sont plus adéquats. Dans de nombreux laboratoires à travers le monde, les scientifiques sondent tranquillement cette interface esprit-matière et esquissent les premières lignes d'une nouvelle vision du monde.

Nous avons demandé à 2 de ces scientifiques de partager leur vision de ce que signifie ce changement de paradigme pour la physique théorique et du type de travail expérimental susceptible de produire les percées les plus importantes.

Lian Sidorov : Vous abordez tous deux les problèmes du modèle standard en révisant ses axiomes de base - en commençant essentiellement par une nouvelle interprétation de ses blocs de construction physiques. Pourriez-vous résumer brièvement cette approche?

M.P. : L'identification des espaces-temps en tant que surfaces à 4 dimensions d'un certain espace à 8 dimensions est l'élément central de TGD (Topological Geometrodynamics) et résout les problèmes conceptuels liés à la définition de l'énergie dans la relativité générale. Le nouveau concept d'espace-temps - "l'espace-temps à plusieurs feuilles" comme je l'appelle - a des implications considérables non seulement pour la physique, mais aussi pour la biologie et pour la conscience. Fondamentalement, parce que la vision réductionniste dure de l'Univers est remplacée par une vision quantitative de la façon dont le réductionnisme échoue.

La mathématisation de la vision de base se fonde sur l'idée que la physique quantique se réduit à une géométrie classique de dimension infinie pour ce qu'on pourrait appeler un "monde des mondes" - l'espace de toutes les surfaces possibles en 3 D. Cette idée est, en un certain sens, très conservatrice. Il n'y a pas de quantification dans cette théorie et son seul aspect quantique est le saut quantique. La croyance est que l'existence géométrique de dimension infinie (et donc aussi la physique) est hautement unique. Que cela puisse être le cas est suggéré par une énorme quantité de travaux probablement futiles qui s'essayent à construire des théories quantiques de champs sans infinis ainsi que par l'expérience avec des géométries de dimension infinie plus simples.

La formulation la plus abstraite de la TGD est une théorie des nombres généraliste obtenue en généralisant la notion de nombre de manière à permettre des nombres premiers infinis, des nombres entiers, etc.  Par conséquent les objets géométriques tels que les surfaces spatio-temporelles peuvent être considérés comme des représentations de nombres infinis, entiers, etc.  La formulation de la théorie des nombres conduit naturellement à la notion de physique p-adique (les champs de nombres p-adiques sont des compléments de nombres rationnels, un pour chaque nombre premier p=2,3,5,7,...).  Et l'on aboutit à la généralisation de la surface de l'espace-temps en permettant à la fois des régions d'espace-temps réelles et p-adiques (ces dernières représentant les corrélats géométriques de la cognition, de l'intention et de l'imagination tandis que les régions réelles représentent la matière).

Une des implication est l'hypothèse dite de l'échelle de longueur p-adique qui prédit une hiérarchie d'échelles de longueur et de temps servant d'échelles caractéristiques des systèmes physiques. La possibilité de généraliser la théorie de l'information en utilisant la notion théorique d'entropie des nombres conduit à une caractérisation théorique des nombres très générale des systèmes vivants pour lesquels une entropie p-adique appropriée est négative et indique ainsi que le système a un contenu d'information positif. La nouvelle vision de la relation entre le temps subjectif et géométrique est un aspect important de l'approche et résout le paradoxe fondamental de la théorie de la mesure quantique et une longue liste de paradoxes étroitement liés de la physique moderne. Il est également crucial pour la théorie de la conscience inspirée du TGD.

LS : Y a-t-il des personnages historiques dont vous pouvez vous inspirer ? Ou des théories physiques en cours de discussion qui offrent des points de convergence avec votre modèle ?

MP : John Wheeler était mon gourou du visionnage à distance, et la lecture de ses écrits fut pour moi une sorte d'expérience charnière. Wheeler a introduit la topologie dans la physique théorique. Wheeler a également introduit la notion de "super-espace" - espace de dimension infinie de toutes les géométries possibles ayant la métrique de Riemann et servant d'arène de gravitation quantique. Le remplacement du super-espace par l'espace des surfaces 3-D dans l'espace imbriqué 8-D ("monde des mondes") s'est avéré être la seule approche donnant l'espoir de construire un TGD quantique. Toutes les autres approches ont complètement échoué. 

Einstein a, bien sûr, été la deuxième grande figure. Il a été assez surprenant de constater que l'invariance générale des coordonnées généralisée au niveau de l'espace de configuration des surfaces 3 D ("monde des mondes") fixe la formulation de base de TGD presque exclusivement, tout comme elle fixe la dynamique de la relativité générale. Soit dit en passant, j'ai appris d'un article d'Einstein qu'il était très conscient des problèmes liés à la relation entre le temps subjectif et le temps géométrique et qu'il croyait que la réalité était en fait à 4 dimensions. Mais que notre capacité à "voir" dans le sens du temps est faible.

La TGD peut également être considéré comme une généralisation de l'approche des super-cordes qui généralise les symétries de base du modèle superstring (la symétrie la plus importante étant la symétrie dite conforme). Dans l'approche superstring, la symétrie conforme contraint les objets de base à être des chaînes unidimensionnelles. Dans TGD, cela les force à être des surfaces 3D. Au niveau algébrique, TGD ressemble beaucoup aux modèles de supercordes. Mais la dimension de l'espace-temps est la dimension physique D=4 plutôt que D=2.

LS : Comment voyez-vous la relation entre les systèmes matériels et la conscience ? L'une est-elle une propriété émergente de l'autre ou sont-elles équivalentes à un certain niveau ?

MP : Je ne partage pas la croyance matérialiste sur l'équivalence de l'esprit et de la matière. Je crois que la conscience - et même la cognition - sont présentes même au niveau des particules élémentaires. Pas de monisme, pas même de dualisme… mais de tripartisme. Le champ de spinor dans le "monde des mondes", l'histoire quantique et la "solution des équations du champ quantique", tout ceci définit ce que l'on pourrait appeler la réalité objective particulière. L'existence subjective correspond à une séquence de sauts quantiques entre des histoires quantiques. L'existence matérielle au sens géométrique correspond aux surfaces d'espace-temps - les réalités de la physique classique.

Dans ce cadre, il n'est pas nécessaire de postuler l'existence séparée de la théorie et de la réalité. Les "solutions des équations de champ quantique" ne représentent pas seulement des réalités, ce sont les réalités objectives. L'expérience subjective correspond à des sauts quantiques entre des "solutions d'équations de champs quantiques" - un truc toujours entre deux réalités objectives. Abandonner la croyance matérialiste en une réalité objective unique résout les problèmes fondamentaux de la théorie de la mesure quantique et offre une nouvelle vision de la relation entre le temps subjectif (séquence de sauts quantiques) et le temps géométrique (coordonnée de la surface espace-temps).

Le prix payé est un niveau d'abstraction assez élevé. Il n'est pas facile de traduire la vision des réalités en tant que champs de spineurs dans le "monde expérimental des mondes" en tests pratiques ! Ici, cependant, la correspondance quantique-classique aide.

LS : Comment résumeriez-vous votre approche des interactions mentales à distance comme la cognition anormale (vision à distance) et la perturbation anormale (PK) ?

MP : Il y a plusieurs éléments en jeu. La quantification topologique du champ, la notion d'hologramme conscient, le partage d'images mentales et le mécanisme de base des interactions mentales à distance basées sur les ME.

(a) L'ingrédient clé est la quantification topologique des champs classiques impliqués par le concept d'espace-temps à plusieurs feuilles. La surface de l'espace-temps est comme un diagramme de Feynman extrêmement complexe avec des lignes épaissies en feuilles d'espace-temps à 4 dimensions. Ces lignes à 4 dimensions représentent les régions de cohérence des champs classiques et de la matière (atomes, molécules, cellules,..). Aux sommets où les droites quadridimensionnelles se rencontrent, les champs classiques interfèrent. Les sommets sont comme des points d'un hologramme tandis que les lignes sont comme des faisceaux laser.

Les "lignes" particulièrement importantes du diagramme de Feynman généralisé sont les "extrémaux sans masse" (ME, "rayons lumineux topologiques"). Ils représentent des champs classiques se propageant avec la vitesse de la lumière d'une manière ciblée précise sans affaiblissement et sans perte d'information - un peu comme un rayonnement se propageant dans un guide d'ondes dans une seule direction. Les ME sont des facteurs clés dans la théorie de la matière vivante basée sur le TGD. Les tubes de flux magnétique et leurs homologues électriques (les biosystèmes ! sont remplis d'électrets) sont des "lignes" tout aussi importantes du diagramme de Feynman généralisé.

(b) L'hologramme conscient est une structure semblable à une fractale. L'implication de base est qu'il n'y a pas d'échelle de longueur préférée où la vie et la conscience émergeraient ou pourraient exister. Le transfert de supra-courants de nappes spatio-temporelles supraconductrices (généralement des tubes à flux magnétique) vers des nappes spatio-temporelles plus petites (par exemple, des nappes spatio-temporelles atomiques) induit une rupture de supraconductivité, une dissipation et une sélection darwinienne par auto-organisation.

Le flux cyclique d'ions entre 2 feuillets d'espace-temps est aussi le mécanisme de base du métabolisme. Un hologramme ordinaire donne lieu à une vision stéréo. Pour l'hologramme conscient, cela correspond à une fusion d'images mentales associées à différents points de l'hologramme. Lorsque les images mentales se ressemblent suffisamment, elles peuvent fusionner et donner lieu à une conscience stéréo (c'est-à-dire que les champs visuels droit et gauche fusionnent pour donner lieu à une stéréovision s'ils se ressemblent suffisamment).

(c) Le partage d'images mentales est une notion nouvelle. Les sous-moi de 2 moi non enchevêtrés peuvent s'entremêler, ce qui signifie qu'il en résulte une image mentale partagée et plus complexe. C'est le mécanisme de base de la télédétection. L'intrication de sous-systèmes de systèmes non intriqués n'est pas possible si l'on utilise la notion standard de sous-système. La nouvelle notion de sous-système s'inspire de la pensée d'échelle de longueur des théories quantiques des champs (tout est toujours défini dans une résolution d'échelle de longueur) et des aspects de type trou noir des feuilles d'espace-temps. L'intrication des sous-systèmes ne se voit pas dans la résolution caractérisant les systèmes, de sorte que l'on peut dire que les systèmes sont "non enchevêtrés" alors que les sous-systèmes sont intriqués.

(d) Un mécanisme plus détaillé pour les interactions mentales à distance est le suivant. Les ME à basse fréquence (gamme EEG généralement) connectent le téléspectateur 'A' à un soi magnétosphérique collectif multi-cerveau 'M' agissant comme un moyen et 'M' à la cible 'T' de sorte que l'enchevêtrement 'A'-'T' et le partage d'images mentales devient possible. Toutes les communications 'A'-'M' (comme poser des questions sur une cible donnée) pourraient être basées sur le partage d'images mentales. Les téléspectateurs pourraient avoir des lignes de communication plus ou moins permanentes avec la magnétosphère.

C'est suffisant pour la télédétection. Pour les interactions motrices à distance (disons PK), des ME à haute fréquence sont également nécessaires. Ils se propagent comme des particules sans masse le long des ME basse fréquence et induisent à la seconde extrémité des fuites de supracourants entre les tubes de flux magnétiques et les nappes d'espace-temps atomiques induisant l'auto-organisation ainsi que l'effet PK. La dichotomie bas-haut correspond à la dichotomie sensori-motrice et à la dichotomie quantique-classique pour les communications quantiques. Les fréquences préférées des ME à haute et basse fréquence devraient être dans certaines proportions constantes, et les découvertes de l'homéopathie appuient cette prédiction.

Les cellules et autres structures ont des "interactions mentales à distance" à l'intérieur du corps via ce mécanisme. De plus, les représentations sensorielles au corps du champ magnétique sont réalisées par le même mécanisme avec des rayons lumineux topologiques micro-ondes (très probablement) du cerveau qui se propagent le long des EEG ME et induisent une auto-organisation au niveau du corps magnétique personnel. Des représentations sensorielles sont également possibles pour une magnétosphère et peut-être même à pour des structures magnétiques plus grandes (qui pourraient avoir des tailles de durée de vie lumineuse). Ainsi, la conscience humaine a un aspect astrophysique défini.

LS : Comment interprétez-vous l'effet des fluctuations géomagnétiques et du temps sidéral local sur la cognition anormale ?

MP : Le faible niveau de bruit magnétique semble être le premier pré-requis pour des performances cognitives anormales. L'interprétation est que l'esprit magnétosphérique doit avoir un faible niveau d'excitation. La performance semble augmenter autour d'un intervalle de 2 heures autour de 13h30 heure sidérale locale, qui est l'heure dans un système de coordonnées fixé par rapport aux étoiles plutôt qu'au Soleil. Ces découvertes - ainsi que la vision générale sur les structures de tubes de flux magnétiques comme modèles de vie - suggèrent que non seulement le champ magnétique terrestre, mais aussi que les champs magnétiques interstellaires pourraient être des acteurs clés dans les interactions mentales à distance.

(a) Que les fluctuations magnétiques puissent masquer des interactions mentales à distance donne une idée de la force du champ magnétique interstellaire. Le délai pour les interactions mentales à distance est de l'ordre de t=13-17 secondes et devrait correspondre à l'échelle de temps définie par la fréquence cyclotron du proton du champ magnétique interstellaire. Cela implique qu'il devrait avoir une force dans l'intervalle 10-13nT. Par contre, aux fréquences correspondant à f = 1/t, l'intensité des fluctuations géomagnétiques est d'environ 10nT. Il semblerait qu'un champ magnétique interstellaire non masqué d'une force d'environ 10-13 nT soit crucial pour les interactions mentales à distance.

(b) Les champs magnétiques interstellaires ont généralement une intensité comprise entre 100 et 0,01 nT, et diverses échelles de temps de cyclotron sont des échelles de temps de la conscience humaine. Le seul champ magnétique interstellaire dont les tubes de flux pourraient émerger dans la direction qui est au méridien 13.30 ST est le champ magnétique de type dipôle créé par le centre galactique ayant une intensité d'ordre 100 nT près du centre galactique et coupant orthogonalement le plan galactique. Les supernovae transportent des champs magnétiques de l'ordre de 10 à 30 nT ; le vent solaire transporte un champ magnétique d'une force moyenne de 6 nT ; la nappe de plasma du côté nuit de la Terre - connue pour être une structure fortement auto-organisée - porte un champ magnétique d'une force d'environ 10 nT. Au moins pour un habitant de l'univers TGD croyant en la fractalité de la conscience, ces découvertes suggèrent que les champs magnétiques galactiques forment une sorte de système nerveux galactique, tout comme le champ magnétique terrestre forme le système nerveux de Mère Gaïa.

c) Pourquoi 13h30 ST est si spécial pourrait être compris si les tubes de flux du champ magnétique interstellaire attachés à la matière vivante vent pendant la rotation de la Terre. Cet enroulement introduit du bruit rendant les interactions mentales à distance moins probables. Pendant l'intervalle de 2 heures autour de 13h30 ST, les effets de l'enroulement sont les plus faibles.

LS : Les effets temporels tels que la pré-cognition et la rétro-pk ont ​​été un casse-tête et une complication de longue date pour l'émergence de modèles physiques convaincants en parapsychologie. Comment résolvez-vous ces paradoxes dans le cadre de votre théorie ?

MP : Dans le cadre du TGD, on est obligé de modifier les croyances de base sur le temps. Le "temps vécu subjectivement" correspond à une séquence de sauts quantiques entre des histoires quantiques. Le temps subjectif n'est cependant pas vécu comme discret puisque les soi ("soi" est un système capable d'éviter l'enchevêtrement de l'état lié avec l'environnement et a une feuille d'espace-temps comme corrélat géométrique) expérimentent la séquence de sauts quantiques comme une sorte de moyenne. La réalité résultant d'un saut quantique donné est une superposition de surfaces d'espace-temps qui se ressemblent dans la résolution dépendante de l'observateur définie par l'échelle de longueur p-adique.

On peut dire que chaque saut quantique conduit à ce qui ressemble sensoriellement à un espace-temps classique unique (sorte d'espace-temps moyen quantique). Le temps subjectif correspond au temps géométrique dans le sens où les contenus de conscience sont fortement localisés autour d'un certain moment du temps géométrique à la surface de l'espace-temps classique. L'espace-temps est à 4 dimensions. Mais notre expérience consciente à ce sujet ne nous renseigne que sur une tranche de temps étroite (du moins nous le croyons) définissant ce que l'on pourrait appeler "le temps psychologique". L'incrément de temps psychologique dans un saut quantique unique est d'environ 10 à 39 secondes selon une estimation basée sur les hypothèses les plus simples possibles. Le temps psychologique correspond aussi au front d'une transition de phase transformant des feuilles d'espace-temps p-adiques (e.g., intentions, plans) en feuilles d'espace-temps réelles (actions) et se propageant vers le Futur géométrique.

A chaque saut quantique, l'espace-temps moyen quantique classique est remplacé par un nouveau. De plus, le passé géométrique change en saut quantique de sorte qu'il n'y a pas de passé géométrique absolu (le passé subjectif étant, bien sûr, absolu). Ceci explique des anomalies causales comme celles observées par Libet, Radin et Bierman, et Peoch. La mémoire géométrique consiste essentiellement à voir dans le passé géométrique. Intentions, plans et attentes signifient voir le Futur géométrique au sens p-adique. La précognition est une mémoire inversée dans le temps. L'intention, la précognition et les souvenirs ne sont pas absolus puisque le futur géométrique et le passé changent à chaque saut quantique. Le "montage" du Passé géométrique (disons changer les mémoires en changeant l'état du cerveau en Passé géométrique) est possible.

LS : Les découvertes de Mark Germine semblent suggérer que la mesure consciente d'un événement par un cerveau tend à réduire l'élément de surprise pour les observateurs conscients ultérieurs, tel que mesuré par le potentiel lié à l'événement associé. Comment interprétez-vous ces résultats ?

MP : La nouvelle vision de champs classiques contraints par la quantification topologique conduit à vers la notion de champ/corps électromagnétique/magnétique. Chaque système matériel, atome, cellule, etc. est généralement accompagné d'un corps de champ qui est beaucoup plus grand que le corps physique et fournit une sorte de représentation symbolique du système analogue au manuel d'un instrument électronique. Le corps magnétique joue le rôle d'un écran d'ordinateur sur lequel sont réalisées des représentations sensorielles. Les "caractéristiques" produites par le traitement de l'information dans le cerveau sont attribuées à un point donné (appelons-le "P") du corps magnétique personnel en enchevêtrant les images mentales correspondantes avec l'image mentale "simple sentiment d'existence" en "P". Les ME EEG ("rayons lumineux topologiques") sont des corrélats de cet enchevêtrement.

Outre les corps magnétiques personnels, des représentations sensorielles dans la magnétosphère terrestre sont également possibles et donnent lieu à la conscience magnétosphérique. Les soi magnétosphériques recevant des informations conscientes de nombreux cerveaux sont possibles et pourraient être un aspect crucial de toutes les structures sociales. Les découvertes de Mark Germine peuvent être comprises si l'on suppose que 2 personnes recevant le stimulus inattendu à des moments légèrement différents sont des "neurones" du même soi multi-cerveau. Après avoir perçu le stimulus bizarre une fois à travers le premier cerveau, le soi multi-cérébral est moins surpris lorsqu'il expérimente le stimulus bizarre à travers le deuxième cerveau.

LS : Vos deux modèles nécessitent une cohérence quantique massive comme base d'une expérience consciente. Comment résoudre le fameux problème de décohérence ?

MP : Dans l'espace-temps à plusieurs nappes, les nappes d'espace-temps atomiques "chaudes, humides et bruyantes" ne sont pas les seules. Il existe des nappes d'espace-temps plus grandes et très froides contenant de faibles densités de matière supraconductrice. En particulier, les tubes de flux magnétique de la Terre sont supraconducteurs. On a donc une cohérence quantique macroscopique. Mais ce n'est pas assez. Il faut aussi avoir une cohérence quantique macro-temporelle. Au début, cela semble impossible. Un seul saut quantique correspond à un incrément de temps géométrique d'environ 10-39 secondes. Ce temps est identifiable comme le temps de décohérence si bien que la situation semble encore pire qu'en physique standard ! Cette image ne peut pas être correcte, et l'explication est simple.

L'intrication à l'état lié est stable dans le saut quantique. Et lorsqu'un état lié est formé, aucune réduction de fonction d'état ni préparation d'état ne se produit dans les degrés de liberté liés. La séquence entière de sauts quantiques (particules élémentaires de conscience) se lie pour former ce qui est effectivement comme un seul saut quantique, période de cohérence quantique macrotemporelle (atome, molécule,... de conscience). Le "temps de décohérence" peut être identifié comme la durée de vie de l'état lié.

Malheureusement, même cela ne suffit pas puisque c'est essentiellement ce que prédit la physique standard. La dernière pièce du puzzle provient de la dégénérescence du verre de spin quantique. La dégénérescence du verre de spin signifie qu'il existe un nombre gigantesque de surfaces d'espace-temps qui diffèrent les unes des autres uniquement parce qu'elles ont des champs gravitationnels classiques légèrement différents. Les états liés se produisent lorsque 2 feuilles d'espace-temps sont connectées par une liaison le long des frontières. La "dégénérescence du verre de spin" signifie que dans ce cas, il existe un grand nombre de liens différents le long des frontières et donc également une immense dégénérescence des états liés. Lorsqu'un état lié est formé, il se désintègre avec une très forte probabilité en un nouvel état lié de ce type puisque pour l'état libre (pas de jointure le long des liaisons aux frontières !), la dégénérescence du verre de spin n'est pas présente et le nombre de ces états est beaucoup plus petit .

Ainsi, le temps passé dans les états liés dégénérés du verre de spin ("temps de décohérence") est beaucoup plus long que dans l'univers physique standard ! Du point de vue de la physique standard, les nouveaux degrés de liberté du verre de spin sont cachés et le physicien standard identifie les états liés dégénérés comme un seul et même état lié. Par conséquent, la durée de vie mesurée de l'état lié semble être beaucoup plus longue que prévu par la physique standard.

LS : Une suite naturelle à la question précédente : Quelle est la base physique de la mémoire individuelle et du partage d'images mentales comme on le voit dans la vision à distance, la télépathie et d'autres expériences transpersonnelles (Jung, Grof, Stevenson) ?

MP : La différence essentielle entre le paradigme du cerveau à 4 dimensions et les neurosciences standard est qu'il n'y a pas besoin de stocker les souvenirs dans le 'Maintenant' géométrique. Le mécanisme le plus simple de la mémoire géométrique est le "mécanisme du miroir quantique". Se souvenir d'un événement qui s'est produit il y a un an, c'est regarder un miroir à une distance d'une demi-année-lumière et voir ce qui se passe "subjectivement maintenant" dans le temps géométrique à une distance temporelle d'un an.

L'option minimale est basée sur le partage d'images mentales rendu possible par l'intrication temporelle. L'intrication temporelle n'est pas autorisée par la physique standard. Dans TGD, l'intrication de type temps est rendue possible par le non-déterminisme partiel du principe variationnel indiquant quelles surfaces d'espace-temps sont possibles. Ce non-déterminisme ainsi que le non-déterminisme inhérent aux équations de champ p-adiques sont des éléments centraux de la théorie de la conscience inspirée du TGD.

Ils rendent également possibles la correspondance quantique-classique et les représentations symboliques et cognitives des réalités objectives et subjectives (niveau du monde des mondes) au niveau de l'espace-temps (niveau du monde) responsables des aspects autoréférentiels de la conscience. J'ai déjà parlé du partage d'images mentales comme mécanisme télépathique de base. Et l'intrication temporelle rend également possible le partage d'images mentales entre le Présent géométrique et le Passé géométrique. La signalisation classique n'est pas nécessaire mais n'est bien sûr pas exclue. Les microtubules semblent être des candidats optimaux en ce qui concerne les mémoires déclaratives à long terme.

Le partage d'images mentales est un mécanisme universel d'expériences sensorielles à distance (mémoire à long terme, représentations sensorielles, télédétection, expériences transpersonnelles). Les actions motrices à distance telles que PK nécessitent l'implication de ME à haute fréquence se propageant le long de l'enchevêtrement générant des ME à basse fréquence et induisant une auto-organisation à l'extrémité réceptrice.

LS : La télédétection d'une cible physique distante (par opposition à l'information collective) est-elle possible dans votre modèle ? Et sur quelle base ?

MP : Dans le monde TGD, tout est conscient. Et la conscience ne peut qu'être perdue. Il y a aussi des raisons de croire que pratiquement tous les systèmes servent d'"écrans d'ordinateur" donnant lieu à des représentations sensorielles. Par conséquent, des cibles physiques "non vivantes" pourraient également définir des représentations sensorielles au niveau de la magnétosphère.

Il y a une découverte étrange à propos des sons de météorites soutenant cette vision. Des sons de météores ont été à la fois entendus et détectés par des instruments. Le spectre de fréquences se situait dans l'intervalle des fréquences de résonance thalamo-corticale autour de 40 Hz alors que l'on s'attendait à ce que le spectre couvre toute la gamme 20-20 000 Hz. L'intensité des sons était également beaucoup plus forte que prévu si le rayonnement électromagnétique (induisant des sons à la surface de la Terre) généré par le météore avait des distributions à symétrie sphérique.

Cela suggère que les ME ELF correspondant à des fréquences autour de 40 Hz connectent non seulement des cerveaux mais aussi des objets "morts" à la magnétosphère, et que le rayonnement a été amplifié sélectivement dans ces guides d'ondes. Ainsi, même des objets "morts" pourraient être représentés sensoriellement dans la magnétosphère. Si le téléspectateur peut être considéré comme un client d'un multi-cerveau magnétosphérique auto-fournissant des services de télévisualisation, il est tout à fait possible que le téléspectateur puisse télédétecter la cible en utilisant les sens du moi magnétosphérique.

LS : Comment interprétez-vous la fragmentation massive des données et la pluralité des modalités sensorielles caractérisant le signal RV typique ? Qu'en est-il du phénomène de bi-localisation ?

MP : Le cerveau traite l'information en la décomposant en "caractéristiques" simples comme les bords, les coins, les mouvements simples, etc. Ces caractéristiques sont dispersées dans le cerveau presque comme dans une mémoire à accès aléatoire. Seules les représentations sensorielles au niveau du corps magnétique lient les caractéristiques appropriées à un point donné de la toile magnétique de sorte que la soupe de caractéristiques s'organise en un champ perceptif.

Dans le cas où la cible est une autre personne, la fragmentation des données pourrait signifier que le moi magnétosphérique s'emmêle avec diverses images mentales dans le cerveau, de sorte que des "caractéristiques" individuelles plutôt que la représentation sensorielle bien organisée du corps magnétique soient vues. Dans le cas d'une cible non vivante, l'organisation en champ perceptif est probablement absente de toute façon. Si le partage d'images mentales se produit de manière très intense, il peut conduire à une bilocalisation. Même un masquage presque total de la contribution ordinaire à l'expérience sensorielle est possible. Les hallucinogènes (par exemple, ceux rapportés par Terence MacKenna) impliquent en effet un remplacement soudain de la réalité sensorielle quotidienne par une nouvelle.

LS : Les travaux de Gariaev sur l'irradiation laser modulée de l'ADN ont donné des aperçus fascinants sur la possibilité d'une régulation génétique non locale, non canonique (basée sur les codons) - peut-être via des grilles d'interférence de biophotons et d'ondes radio à grande échelle menant à l'idée de un modèle holographique électromagnétique pour les organismes vivants. Quelle est la signification de ses résultats pour votre modèle ? Et comment envisagez-vous la hiérarchie des systèmes de contrôle morphogénétiques et régulateurs dans les organismes vivants ?

MP : Le travail de Gariaev fournit une information importante (beaucoup en fait !) pour tenter de concrétiser le point de vue sur le biocontrôle quantique à plusieurs feuilles. Et cela pourrait s'avérer être une preuve convaincante du concept d'espace-temps à plusieurs feuilles. Une contribution décisive pour le modèle de l'homéostasie quantique est venue des conférences de Cyril Smith sur la mémoire de l'eau et l'homéopathie lors de la conférence CASYS 2001. Le constat de base est que certaines fréquences semblent coder les effets du remède homéopathique, et que ces fréquences apparaissent par paires de fréquences basses et hautes qui apparaissent en proportion constante.

Cela peut être compris dans le cadre TGD comme suit. Lorsque les ions "chutent" de (disons) feuilles d'espace-temps atomiques vers des feuilles d'espace-temps plus grandes (disons des tubes à flux magnétique), la différence d'énergie est émise sous forme de rayonnement. L'énergie cinétique Zer-Point de petites feuilles d'espace-temps est la contribution dominante et signifie que le rayonnement a une énergie et donc une fréquence relativement élevées (par exemple, 0,5 eV pour un proton tombant d'une feuille d'espace-temps atomique). Dans les tubes à flux magnétique, les ions abandonnés sont dans des états de cyclotron magnétique excités qui se désintègrent en émettant un rayonnement cyclotron à basses fréquences. La partie "sensorielle" de l'EEG résulte de cette manière. Le rapport des hautes et basses fréquences dépend de la force du champ magnétique et de l'échelle de longueur p-adique de la feuille d'espace-temps à partir de laquelle l'ion est tombé et a tendance à avoir des valeurs discrètes.

En particulier, la lumière visible (comme dans l'expérience de Gariaev) peut "envoyer" des particules chargées des tubes de flux magnétique vers des feuilles d'espace-temps plus petites, à partir desquelles elles peuvent rebondir. Dans ce processus, d'autres ions au niveau du tube de flux magnétique peuvent tomber dans des tubes de flux magnétique plus grands et émettre un rayonnement basse fréquence dans ce processus.

Les tubes de flux magnétique forment dans la matière vivante une hiérarchie avec des intensités de champ magnétique variant comme 1 sur l'échelle de longueur p-adique au carré. Ainsi, il en résulte un rayonnement basse fréquence avec des fréquences qui sont des différences d'harmoniques des fréquences cyclotron au niveau des 2 tubes de flux magnétique impliqués. Cette prédiction est quantitative et testable et - sur la base d'une inspection grossière des spectres de fréquence rapportés dans l'article de Gariaev [1] - l'explication pourrait fonctionner.

La structure de bande de l'EEG reflète dans TGD les périodes du tableau périodique et le spectre des ondes radio devrait également présenter une version agrandie de la structure de bande. De plus, l'action laser à plusieurs feuilles devient possible si la fréquence de la lumière visible est réglée de sorte qu'elle soit juste suffisante pour envoyer une particule chargée sur la plus petite feuille d'espace-temps. La fréquence de la lumière cohérente utilisée dans l'expérience de Gariaev correspond à ce type de fréquence. La chute de la particule chargée génère un rayonnement à la même fréquence, et il en résulte une action laser à plusieurs feuilles puisque les photons cohérents déjà existants augmentent la probabilité de chute et les résultats de "chute stimulée". En outre, un laser à ondes radio à plusieurs feuilles est possible et les biosystèmes devraient contenir une hiérarchie fractale de lasers à plusieurs feuilles.

La notion d'hologramme conscient pourrait permettre d'obtenir une vision unifiée du fonctionnement de l'homéostasie en tant qu'équilibre de flux ionique à plusieurs feuilles. Le mécanisme laser à plusieurs feuilles n'est qu'un élément important de l'image. Fuite d'ions vers les feuilles d'espace-temps atomiques et auto-organisation dissipative qui en résulte ; inversion temporelle de ce processus ayant une interprétation comme un processus de guérison fondamental et impliquant une rupture de la deuxième loi de la thermodynamique en dessous de l'échelle de temps p-adique pertinente ; Les ME agissant comme des jonctions Josephson et contrôlant la génération d'impulsions nerveuses et l'EEG (l'EEG devrait avoir une généralisation fractale) - ce sont quelques facettes du biocontrôle quantique.

De plus, la notion d'ADN à plusieurs feuilles est importante et signifie que l'ADN contrôle le développement de l'organisme dans une large gamme d'échelles de longueur et de temps p-adiques en générant des modèles de rayonnement cohérents représentant le modèle pour le développement du système vivant en tant que hiérarchie fractale. d'hologrammes en 4 dimensions. La notion de "corps de champ" implique que cette structure semblable à un hologramme est de taille astrophysique avec une durée de vie lumineuse fournissant une échelle de temps naturelle.

LS : C'est probablement la question la plus redoutée pour un théoricien. Mais votre modèle est-il falsifiable ? Existe-t-il des tests physiques concevables qui pourraient définitivement valider (ou réfuter) votre théorie ? Qu'en est-il des prédictions quantitatives ? Des données corroborantes pour l'instant ?

MP : Au cours des 24 dernières années, j'ai pratiquement parcouru toute la physique afin de relier la TGD à la réalité théorique et expérimentale existante.  Le succès le plus impressionnant de TGD est le modèle pour les masses des particules élémentaires basé sur la physique p-adique.  Les échelles de masse des particules élémentaires se réduisent à la théorie des nombres et correspondent aux échelles de longueur p-adiques associées à certains nombres premiers préférés p = 2k, k premier ou puissance du nombre premier.  Les prédictions sont exponentiellement sensibles à la valeur de k, de sorte que le succès du modèle relève soit d'un miracle probabiliste, soit de l'exactitude des hypothèses de base.

Les échelles de longueur p-adiques les plus importantes de la physique des particules élémentaires correspondent aux nombres premiers de Mersenne et aux Mersennes dites gaussiennes.  Il est remarquable que toutes les échelles de longueur p-adiques entre l'épaisseur de la membrane cellulaire de 10 nm et la taille de la cellule de 2,5 micromètres (échelles de longueur associées à la hiérarchie d'enroulement de l'ADN !) correspondent à des Mersennes gaussiennes.  C'est un miracle de la théorie des nombres.  Il semblerait que le miracle de la Vie soit étroitement lié à un miracle de la théorie des nombres.

Les prédictions permettant de falsifier la théorie de la manière la plus convaincante apparaissent au niveau de la physique fondamentale.  Les symétries fixent d'une manière tout à fait unique le spectre des particules élémentaires dans toutes les théories unifiées.  La TGD prédit que les symétries de la physique des particules élémentaires sont essentiellement celles du modèle standard.  La découverte de particules élémentaires dont les nombres quantiques ne sont pas conformes à ceux prédits par le modèle standard peut tuer la TGD.  Il existe également d'importantes déviations par rapport au modèle standard, et le fait de ne pas les observer pourrait également signifier la fin du TGD.  Heureusement, la liste des anomalies expliquées par la TGD ne cesse de s'allonger.

Les prédictions de la dégénérescence du verre de spin (cohérence quantique macrotemporelle) et de la quantification du champ topologique (supraconductivité à des échelles de longueur astrophysiques) signifieront tôt ou tard une percée ou la fin de la TGD, car elles permettent des modèles quantiques quantitatifs concrets non seulement pour le biocontrôle mais aussi pour les interactions mentales à distance.

Les derniers résultats de l'approche théorique des nombres sont de véritables mesures de l'information.  Les entropies de la théorie des nombres définies pour les systèmes pour lesquels les coefficients d'intrication sont des nombres algébriques peuvent avoir des valeurs négatives et donc être interprétées comme une information positive.  On pourrait caractériser les systèmes vivants, en théorie des nombres, comme des systèmes pour lesquels les coefficients d'intrication sont des nombres algébriques.  Les opérations de type calcul quantique sont rendues possibles par la cohérence quantique macrotemporelle : les états quantiques ne sont plus fragiles puisque l'espace-temps enveloppé prédit la possibilité de partager et de fusionner des images mentales.  Toutes ces prédictions sont des prédictions tueuses testables.

LS : Quels sont certains des domaines auxquels vous pensez que votre modèle pourrait apporter des contributions majeures (c'est-à-dire la neurophysiologie, l'informatique quantique, la parapsychologie, etc.)

MP : Le réductionnisme est pratiquement toujours considéré comme un axiome de la physique.  L'implication fondamentale de la TGD est que le réductionnisme est brisé à toutes les échelles de longueur et de temps.  De nouveaux phénomènes sont prédits dans toutes les branches de la physique, de la biologie, des neurosciences, de la parapsychologie, etc. L'espace-temps à couches multiples fournit des modèles détaillés pour plusieurs anomalies associées aux phénomènes d'énergie libre.  Ces modèles devraient contribuer au développement de nouvelles technologies énergétiques.  Les processus conscients de type calcul quantique ("résolution de problèmes quantiques" pourrait être un terme plus approprié) avec des mesures d'information théoriques remplaçant l'information de Shannon constituent une deuxième implication technologique.

Les notions d'hologramme conscient et d'équilibre du flux ionique à plusieurs couches promettent une description unifiée d'une grande classe de phénomènes apparemment sans rapport entre eux, comme l'homéostasie, l'homéopathie, les représentations sensorielles et les interactions mentales à distance.

En neurosciences, le modèle basé sur la TGD pour le contrôle quantique de l'EEG et de l'impulsion nerveuse est une application importante.

LS : Quelles sont, à votre avis, les directions expérimentales et théoriques les plus prometteuses à suivre vers une théorie unifiée de l'esprit et de la matière ?

MP : Ma réponse est, nécessairement, très centrée sur la TGD.  Je pense qu'il serait intéressant de voir si les concepts inspirés de l'approche TGD pourraient nous permettre de comprendre qualitativement la conscience, les systèmes vivants et les interactions mentales à distance.  Sur le plan expérimental, la stratégie serait de tester les notions de base :

(a) Tests expérimentaux de la notion d'espace-temps à feuilles multiples, de la quantification des champs topologiques et de la prédiction selon laquelle les feuilles d'espace-temps non atomiques agissent comme des supraconducteurs, même à des échelles de longueur astrophysiques.

(b) Démonstration expérimentale de la présence de diverses signatures physiques pour le transfert d'ions entre les feuilles d'espace-temps et pour la rupture de la deuxième loi en dessous de l'échelle de temps p-adique caractérisant le système.

(c) Tests expérimentaux pour les notions de corps magnétique, de conscience magnétosphérique et de moi collectif multicérébré.  Les travaux de Mark Germine sont très encourageants à cet égard.

Auteur: Pitkanen Matti

Info: Entretien avec Matti Pitkänen et Alex Kaivarainen, interviewés par Lian Sidorov. References :  1.  Germine, Mark.  Scientific Validation of Planetary Consciousness. JNLRMI I (3). URL: www.emergentmind.org/germineI3.htm. 2.  Germine, M.  Experimental Evidence for Collapse of the Wavefunction in  the Whole Human Brain. URL: www.goertzel.org/dynapsyc. [Note: Lian Sidorov's interview with Alex Kaivarainen was more mathematically technical and can be seen at http://www.emergentmind.org/PDF_files.htm/Kaivarainen.pdf .]

[ spéculation ] [ dépassement ] [ épigénétique ] [ paranormal ] [ hyper-abstraction ] [ placebo ] [ niveaux vibratoires ] [ monades ] [ panpsychisme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel