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gouvernement
Voilà ce que font toutes les bonnes publicités télévisées : elles fournissent un slogan, un symbole, un centre de focalisation qui renvoie aux téléspectateurs une image globale et irrésistible d'eux-mêmes. Dans le déplacement de la politique, du monde des partis au monde de la télévision, c'est le même but qui est recherché. On ne nous permet pas de savoir qui est le meilleur pour être président, gouverneur ou sénateur mais quel est celui dont l'image réussit le mieux à toucher et à apaiser les racines profondes de notre malaise. En regardant l'écran de télévision, nous nous demandons avec la même voracité que la reine dans Blanche-Neige et les sept nains : "Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus beau?" Et nous avons tendance à voter pour ceux dont la personnalité, la vie familiale et le style, tels que nous en voyons l'image sur l'écran, nous renvoient une réponse plus agréable que celle que la reine reçut. Comme Xénophon le fit remarquer il y a vingt-cinq siècles, les hommes font toujours les dieux à leur image.
Mais à cela la télévision a apporté une nouvelle formulation : ceux qui veulent être des dieux se refaçonnent pour être les images de ce que les téléspectateurs auraient voulu être eux-mêmes.
Auteur:
Postman Neil
Années: 1931 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: critique de médias
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Se distraire à en mourir
[
séduction
]
[
publicité
]
[
conforter
]
grégarisme
Notre raison, par ses vérités propres, fait de notre monde le royaume enchanté du mensonge. Nous vivons tous comme des ensorcelés, et nous le sentons. Mais ce que nous craignons surtout, c’est le réveil, et les efforts que nous faisons pour rester dans notre engourdissement, aveuglés par Dieu ou, pour mieux dire, par les "vérités" que cueillit notre aïeul sur l’arbre défendu, nous les considérons comme l’activité naturelle de notre âme.
Nous considérons comme nos amis et bienfaiteurs ceux qui nous aident à dormir, qui nous bercent, qui glorifient notre sommeil, tandis que dans ceux qui essaient de nous réveiller nous voyons nos pires ennemis et une sorte de malfaiteurs. Nous ne voulons pas penser, nous ne voulons pas étudier nous-mêmes, pour ne pas voir la vraie réalité. C’est pourquoi l’homme préfère tout à la solitude.
Il recherche ses pareils, les hommes qui rêvent, dans l’espoir que les "rêves en commun" (Pascal n’a pas craint de parler de "rêves en commun") l’affermiront encore en ses illusions. Par conséquent, l’homme hait surtout la Révélation, car la Révélation c’est le "réveil", la libération des chaînes imposées par les vérités "immatérielles", auxquelles les descendants d’Adam déchu se sont tellement habitués qu’en dehors d’elles, la vie même leur paraît inconcevable. La philosophie voit le bien suprême dans un repos que rien ne trouble, c’est-à-dire dans un sommeil profond sans visions inquiétantes.
C’est pourquoi elle écarte d’elle avec tant de soin l’incompréhensible, l’énigmatique et le mystérieux, et évite tellement les questions pour lesquelles elle n’a pas de réponses toutes prêtes.
Auteur:
Chestov Lév Léon
Années: 1866 - 1938
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain et philosophe
Continent – Pays: Europe - Russie
Info:
La nuit de Gethsémani : Essai sur la philosophie de Pascal
[
abrutissement
]
[
confort aveuglant
]
injustice terrestre
Mais vous qui êtes doués de cet heureux naturel qui vous fait voir le bonheur comme la récompense nécessaire de la vertu, et le malheur comme la suite infaillible des actions vicieuses, avez-vous réfléchi aux conséquences de cette opinion, ou plutôt de cette illusion, après des événements qui ont produit des revers si accablants ou des prospérités si inespérées ? Ils étaient donc bien coupables, ceux qui ont été si malheureux ! Ils étaient donc bien vertueux, ceux qui ont éprouvé de si heureux destins ! Voulez-vous accuser toutes les infortunes ou prenez-vous à tâche de justifier toutes les prospérités ? Je ne sais même si, au sortir d’une époque où l’on a vu les derniers malheurs être le partage des plus grandes vertus, et des fortunes si prospères qui ont été le prix des plus grands forfaits ; je ne sais si cette doctrine, qui place la récompense de la vertu dans la vertu même, et la peine suffisante du crime dans les remords, ne ressemble pas un peu trop à une dérision. On dirait qu’on accorde généreusement aux malheureux les honneurs de la vertu pour se dispenser de les plaindre, tandis qu’on se résigne courageusement aux remords qui suivent le crime, en s’en réservant le profit. On garde pour soi la morale d’Épicure ; on impose aux autres le stoïcisme de Zénon. Quand on est heureux on est vertueux : c’est peut-être ce qu’on se dit à soi-même : mais quand on est vertueux, on est assez heureux : c’est ce qu’on applique volontiers aux autres, et l’on y gagne d’être aussi tranquille sur le bonheur de son prochain que sur sa propre vertu.
Auteur:
Bonald Louis-Ambroise de
Années: 1754 - 1840
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
[
mérite illusoire
]
[
préceptes philosophiques confortables
]
littérature prolétaire
tous ceux-là,
ventres mous des lettres
enseignant l’anglais à l’université
qui écrivent
de la poésie
sans jambes
sans tête
sans nombril
qui savent où postuler pour obtenir des
bourses
encore des bourses et
toujours plus de bourses
auxquels on doit toujours plus
de poésie
sans mains
sans cheveux
sans yeux
tous ceux-là,
ventres mous des lettres
ont trouvé une bonne planque
parvenant même à ce que des femmes
s’attachent à leurs âmes
d’andouilles
ceux-là,
font des voyages tous frais payés
dans les îles
en Europe
à Paris
le monde entier
dans le but
soit-disant
de rassembler
du matériau
(Mexico, ils s’y rendent juste à titre privé)
pendant que les prisons débordent
d’innocents égarés
pendant que les gros bras descendent
à la mine
pendant que les fils de pauvres
se font virer de boulots
ceux-là
ne se saliront ni les mains ni
leurs âmes
ceux-là,
ventres mous des lettres
intègrent des universités
se lisent leurs poèmes
entre eux
infligent leurs poèmes à
leurs étudiants
ceux-là
prétendent que la sagesse et
l’immortalité
contrôlent les rotatives
gras du bide
tandis qu’en prison se forment les rangs pour des moitiés de repas
pendant que 34 armoires à glace sont coincés dans une mine
ceux-là
embarquent sur un bateau pour une île de la mer du sud
afin d’assembler une anthologie
de petits poèmes
entre amis
et/ou
se pointent à des manifestations contre la guerre
sans même savoir
de quelle guerre
il s’agit
ventres mous des lettres
ils dressent une cartographie de notre
culture –
une division de zéro,
une multiplication de
grâce
dépourvue de sens
"Robert Hunkerford enseigne l’anglais à
S.U. Marié. 2 enfants, un chien.
il s’agit de son premier recueil de
vers. Il travaille actuellement à la
traduction des poèmes de
Vallejo. M. Hunkerford a été récompensé
l’année dernière par un prix Sol Stein."
ceux-là,
ventres mous des lettres
enseignant l’anglais à l’université
qui écrivent
de la poésie
sans cou
sans mains
sans couilles
voilà la manière, la méthode
et la raison pour laquelle les gens
ne comprennent pas
les rues
les vers
la guerre
ou
leurs mains sur la
table
notre culture se cache dans les rêves à dentelles de
nos classes d’anglais
dans les robes à dentelles de nos classes
d’anglais
Ce qu'il nous faut c'est
des cours de langue américaine
et des poètes sortis tout droit
des mines
des docks
des usines
des hôpitaux
des prisons
des bars
des bateaux
et des aciéries
des poètes américains,
déserteurs des armées
échappés des asiles de fous
déserteurs de femmes et de vies étouffantes ;
des poètes américains :
marchands de glace, commerciaux en cravate, distributeurs de journaux, manutentionnaires, chauffeurs-livreurs, maquereaux, liftiers, plombiers, dentistes, clowns, promeneurs de chevaux, meurtriers (on a entendu parler des victimes), barbiers, mécaniciens, garçons de café, groom, passeurs de drogue, boxeurs, barmen, des autres, des autres,
des autres
Tant que ceux-là n'arriveront pas
notre pays restera
mort en honteux.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, "ventres mous des lettres"
[
entre-soi
]
[
dévitalisation
]
[
excès de confort
]