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spiritualité

Il est pourtant bien facile de voir en quels termes les anciens hermétistes parlent des "souffleurs" et "brûleurs de charbon", en lesquels il faut reconnaître les véritables précurseurs des chimistes actuels, si peu flatteur que ce soit pour ces derniers ; et, même au XVIIIème siècle encore, un alchimiste comme Pernéty ne manque pas de souligner en toute occasion la différence de la "philosophie hermétique" et de la "chymie vulgaire". Ainsi, comme nous l’avons déjà dit bien des fois en montrant le caractère de "résidu" qu’ont les sciences profanes par rapport aux sciences traditionnelles (mais ce sont là des choses tellement étrangères à la mentalité actuelle qu’on ne saurait jamais trop y revenir), ce qui a donné naissance à la chimie moderne, ce n’est point l’alchimie, avec laquelle elle n’a en somme aucun rapport réel (pas plus que n’en a d’ailleurs l’"hyperchimie" imaginée par quelques occultistes contemporains ; c’en est seulement une déformation ou une déviation, issue de l’incompréhension de ceux qui, profanes dépourvus de toute qualification initiatique et incapables de pénétrer dans une mesure quelconque le vrai sens des symboles, prirent tout à la lettre, suivant l’acception la plus extérieure et la plus vulgaire des termes employés, et, croyant par suite qu’il ne s’agissait en tout cela que d’opérations matérielles, se lancèrent dans une expérimentation plus ou moins désordonnée, et en tout cas assez peu digne d’intérêt à plus d’un égard.

Dans le monde arabe également, l’alchimie matérielle a toujours été fort peu considérée, parfois même assimilée à une sorte de sorcellerie, tandis que, par contre, on y tenait fort en honneur l’alchimie "intérieure" et spirituelle, souvent désignée sous le nom de kimyâ el-saâdah ou "alchimie de la félicité".(1)
(...)
Quoi qu’il en soit, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, et ce qui est à la base même de tout enseignement véritablement initiatique, c’est que toute réalisation digne de ce nom est d’ordre essentiellement intérieur, même si elle est susceptible d’avoir à l’extérieur des répercussions de quelque genre que ce soit. L’homme ne peut en trouver les principes qu’en lui-même, et il le peut parce qu’il porte en lui la correspondance de tout ce qui existe, car il ne faut pas oublier que, suivant une formule de l’ésotérisme islamique, "l’homme est le symbole de l’Existence universelle"(2) ; et, sil parvient à pénétrer jusqu’au centre de son propre être, il atteint par là même la connaissance totale, avec tout ce qu’elle implique par surcroît : "celui qui connaît son Soi connait son Seigneur"(3), et il connaît alors toutes choses dans la suprême unité du Principe même, en lequel est contenue "éminemment" toute réalité.

Auteur: Guénon René

Info: Aperçus sur l'initiation. (1) Il existe notamment un traité d’El-Ghazâli qui porte ce titre. (2) El-insânu ramzul-wujûd. (3) C’est le hadith que nous avons déjà cité précédemment: Man arafa nafsahu faqad arafa Rabbahu. (pp. 263-266)

[ Islam ] [ étymologie ]

 

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désignation idiomatique

Ce qui frappe d’abord l’homme "moderne", rompu à la théorie et à la science linguistique d’aujourd’hui, et pour lequel le langage est extérieur au réel, pellicule fine et sans consistance sinon conventionnelle, fictive, "symbolique", c’est que dans les sociétés "primitives", ou comme on dit "sans histoire", "pré-historiques", le langage est une substance et une force matérielle. Si l’homme primitif parle, symbolise, communique, c’est-à-dire établit une distance entre lui-même (comme sujet) et le dehors (le réel) pour le signifier dans un système de différences (le langage), il ne connaît pas cet acte comme un acte d’idéalisation ou d’abstraction, mais au contraire comme une participation à l’univers environnant. Si la pratique du langage suppose réellement pour l’homme primitif une distance par rapport aux choses, le langage n’est pas conçu comme un ailleurs mental, une démarche d’abstraction. Il participe comme un élément cosmique du corps et de la nature, confondu avec la force motrice du corps et de la nature. Son lien avec la réalité corporelle et naturelle n’est pas abstrait ou conventionnel, mais réel et matériel. L’homme primitif ne conçoit pas nettement de dichotomie entre matière et esprit, réel et langage, et par conséquent entre "réfèrent" et "signe linguistique", et encore moins entre "signifiant" et "signifié" : pour lui, ils participent tous au même titre d’un monde différencié.

Des systèmes magiques complexes, telle la magie assyrienne, reposent sur un traitement attentif de la parole conçue comme une force réelle. On sait que dans la langue akkadienne "être" et "nommer" sont synonymes. En akkadien, "quoi que ce soit" s’exprime par la locution "tout ce qui porte un nom". Cette synonymie n’est que le symptôme de l’équivalence généralement admise entre les mots et les choses, et qui sous-tend les pratiques magiques verbales. Elle transparaît aussi dans les exorcismes liés à l’interdiction de prononcer tel ou tel nom ou mot, aux incantations dont on exige la récitation à voix basse, etc.

Plusieurs mythes, pratiques et croyances révèlent cette vision du langage chez les primitifs. Frazer (the Golden Bough, 1911-1915) constate que dans plusieurs tribus primitives le nom, par exemple, considéré comme une réalité et non pas comme une convention artificielle, "peut servir d’intermédiaire — aussi bien que les cheveux, les ongles ou toute autre partie de la personne physique — pour faire agir la magie sur cette personne". Pour l’Indien d’Amérique du Nord, d’après ce même auteur, son nom n’est pas une étiquette, mais une partie distincte de son corps, comme l’œil, la dent, etc., et par conséquent un mauvais traitement de son nom le blessera comme une blessure physique. Pour sauvegarder le nom, on le fait entrer dans un système d’interdictions, ou de tabous.

Auteur: Kristeva Julia

Info: Le langage, cet inconnu, pp. 56-57

[ réalité encodée ] [ vocable dagyde ] [ premier degré performatif ] [ philologie diachronique ] [ codage du réel ]

 
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ars conjectandi

Pour s'orienter dans ce monde de symptômes mouvants le médecin doit disposer de toutes les ressources d'une intelligence aussi polymorphe que son adversaire protéiforme: il doit faire preuve d'autant de polytropie que le héros d'Homère aux mille tours. Parallèlement, un aspect essentiel de la pratique médicale est d'agir vite et sûrement: la médecine, dit un aphorisme, est un art de mesure fugitive (oligokairos) et les occasions d'intervenir sont toujours ponctuelles (oxus). Il n'est pas question de traiter à midi ce qui doit être traité le matin. Comme le chasseur à l'affût, le médecin doit guetter le moment précis où son intervention sera décisive. Mais il ne peut saisir l'occasion d'attraper Kairos par les cheveux que s'il est suffisamment lesté de tout le savoir acquis par l'expérience pour avoir deviné et pressenti le temps où surgira l'Instant propice. Car si la maladie est une puissance douée de métamorphose elle est aussi traversée par un rythme propre. Il vient un moment dans son évolution où se produit une transformation décisive, où soudainement le cours des choses tourne et se renverse : c'est la crise, ce sont les jours dits critiques, c'est le point fugitif où la téchnè du médecin, ce chétif, peut triompher des puissances hostiles de la maladie. Afin d'orienter son action, le savoir médical dispose d'un mode de connaissance approprié. La prognose est le pronostic qui combine trois opérations intellectuelles: réfléchir sur les cas présents; les comparer aux cas passés qui offrent des circonstances analogues; en tirer des conclusions qui permettent de prévoir comment la maladie va évoluer. Mais ce n'est pas seulement par sa capacité d'avoir prise sur le temps que le médecin offre un aspect providentiel, qu'il est, comme dit Pindare, epikairotatos, à la manière du pilote tenant le gouvernail sur la mer démontée ; il n'atteint le but visé conjecture (tekmairesthai) sa route en s'aidant de tous les signes que sa polytropie lui permet de reconnaître, de comparer et d'utiliser au mieux. Il faut, dit le Traité de l'Ancienne Médecine, viser une sorte de mesure (stochazesthai métrou tinos) car, dans ce domaine, il n'y a ni nombre ni poids qui permettraient d'atteindre la vérité exacte (akribès). Le seul critère admis est le correct (orthon) : "Ce qui est possible, le médecin l'entreprend; ce qui ne l'est pas, il l'abandonne; s'il lui échappe quelque bévue, il est capable de la réparer. " Comme le marin, assez habile pour éviter à chaque fois la catastrophe que son art incertain l'oblige à frôler - car on ne saurait, dit Platon, connaître le secret de la colère ou de la bienveillance des vents -, le médecin est condamné à se frayer un chemin en le conjecturant à coup d'opinions (doxais).

Auteur: Detienne Marcel

Info: Les ruses de l'intelligence, la mètis des Grecs, écrit avec Jean-Pierre Vernant

[ métaphore ] [ méta-rationnel ] [ analyse immédiate ] [ diagnostic ] [ holisme ]

 

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philosophie antique

Il n’y a pas, chez Platon, d’analyse du processus cognitif : ce qui importe, pour lui, c’est de savoir si ce que l’on connaît est vraiment réel. Aristote, au contraire, analyse, magistralement, l’acte de connaissance. Il y voit un processus d’abstraction : la forme intelligible est abstraite, dégagée de la chose connue, par l’intelligence, et vient s’imprimer dans notre esprit qu’elle informe. C’est par la médiation de cette forme, abstraite de la chose, c’est-à-dire par le concept, que nous connaissons la chose, alors que chez Platon la connaissance véritable est au fond une participation intuitive de l’intelligence à l’essence de l’objet connu. 

[conséquences de l'intégration de la noétique aristotélicienne au Moyen Age]

D’une part, s’accentuant et se durcissant au cours du temps, en dépit de l’admirable équilibre de la synthèse thomasienne, la noétique aristotélicienne conduit, contre le vœu de ses partisans, à la réaction nominaliste – dont la préservait son platonisme implicite (celui de la forme intelligible et de l’intellect agent) : puisque nos concepts ne peuvent pas être des modes de participation aux essences (réellement existantes) des choses, cessons d’attribuer une réalité quelconque à leur contenu, et réduisons leur existence de concepts à celle des noms qui les désignent ; car seuls sont réellement existants les êtres individuels concrets (et donc, éventuellement, le Christ Jésus dans sa présence historique effective, ou dans sa présence extroardinaire et surnaturelle). D’autre part, cette noétique systématisée implique une sorte de laïcisation ou de profanisation de l’intelligence. En dégageant pour lui-même le processus que met en œuvre tout acte de connaissance et en le mettant au centre de la réflexion philosophique, on est amené à négliger la considération des degrés de connaissance et l’importance des distinctions qui les spécifient : du strict point de vue du fonctionnement de l’appareil cognitif, il n’y a en effet aucune différence apparente entre concevoir un triangle, un chat ou Dieu, sinon dans le mode d’abstraction. Il en résulte qu’a priori un parfait athée pourrait être parfait théologien, et que la théologie n’a rien de sacré, du moins quant aux opérations intellectuelles qu’elle requiert : comme l’affirme Luther, c’est un exercice entièrement profane. Enfin, et inversement, il devient difficile de qualifier d’intellectuel ce qui est proprement mystique et surnaturel, dans la mesure où l’activité intellectuelle se caractérise par l’emploi, dans la connaissance d’un objet, d’une médiation conceptuelle, alors que les plus hauts états mystiques – mais les théologiens ne sont pas tous d’accord – semblent exclure tout intermédiaire, et même les concepts. [...] Résumant les trois conséquences que nous venons de repérer, nous dirons que tout se passe comme si on était convié à procéder à une triple dichotomie : du connaître et de l’être, de la science et de la foi, de l’intelligence et de la prière.

Auteur: Borella Jean

Info: "Esotérisme guénonien et mystère chrétien", éditions l’Age d’Homme, Lausanne, 1997, pages 343-344

[ aristotélisme ] [ christianisme ]

 

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rumination

Je regarde les visages éteints des autres passagers - qui montent leurs porte-documents, leurs sacs à dos, qui se bousculent pour débarquer - et je pense à ce que Hobie a dit : la beauté modifie le grain de la réalité. Et je pense aussi à la sagesse plus conventionnelle, à savoir que la poursuite de la beauté pure est un piège, une voie rapide vers l'amertume et le chagrin, que la beauté doit être liée à quelque chose de plus significatif.

Mais quelle est cette chose ? Pourquoi suis-je faite comme je le suis ? Pourquoi est-ce que je me soucie de toutes les mauvaises choses, et pas du  tout des bonnes ? Ou, pour le dire autrement : comment puis-je voir si clairement que tout ce que j'aime ou ce à quoi je tiens est une illusion, et pourtant - pour moi, en tout cas - tout ce qui vaut la peine d'être vécu réside dans ce charme ?

Une grande tristesse, que je commence seulement à comprendre : nous ne choisissons pas notre propre cœur. Nous ne pouvons nous forcer à vouloir ce qui est bon pour nous ou ce qui est bon pour les autres.

Parce que... n'est-ce pas d'une indiscutable une platitude toute cette culture qu'on nous inculque constamment, dès l'enfance ? De William Blake à Lady Gaga, de Rousseau à Rumi, de Tosca à Mister Rogers, un message curieusement uniforme, accepté de haut en bas : dans le doute, que faire ? Comment savoir ce qui est bon pour nous ? Chaque psy, chaque conseiller d'orientation professionnelle, chaque princesse Disney connaît la réponse : "Sois toi-même." "Suis ton coeur."

Mais voici ce que j'aimerais vraiment, vraiment que quelqu'un m'explique. Que se passe-t-il si l'on est doué d'un coeur auquel on ne peut faire confiance ? Et si ce coeur, pour ses propres raisons insondables, nous conduit délibérément, via une indicible radiance, à nous détruire la santé, loin des acceptations, de la responsabilité civique, des liens sociaux forts et autres fades vertus communes, pour foncer tout droit vers une belle flambée destructrice d'auto-immolation et de désastre ?... Si votre moi le plus profond chante et vous incite à aller droit vers pareil feu de joie, est-il préférable de s'en détourner ? Boucher ses oreilles avec de la cire ? Ignorer toute la gloire perverse qu'il demande ? S'engager sur la voie qui mènera consciencieusement vers la norme, des horaires raisonnables et des visites médicales régulières, des relations stables et une carrière stable, la promotion du New York Times et le brunch du dimanche, le tout avec la promesse d'être en quelque sorte une meilleure personne ? Ou... vaut-il mieux se jeter la tête la première et en riant dans cette sainte rage que porte notre nom ?

Auteur: Tartt Donna

Info: The Goldfinch

[ introspection ] [ égoïsme ]

 

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lecture

Internet, l'iPhone, Facebook, les jeux virtuels, ont en quelques années révolutionné notre quotidien. Mieux encore, ils modifient la mémoire et la plasticité du cerveau de nos adolescents. Pour certains experts, nous vivons une révolution digne de Gutemberg et de la découverte de l'imprimerie.
La Student Academy, à Bruxelles, est une magnifique maison de maître nichée à deux pas de l'ULB. Ici, avant d'entrer, les étudiants déposent leurs smartphones. Aujourd'hui, une vingtaine d'étudiants, tous issus du secondaire, viennent suivre un cours de techniques de concentration. Ils apprennent à mémoriser durablement les matières qu'ils étudient. Au préalable, leur coach les soumet à un petit exercice. Pendant neuf minutes, ils doivent retenir un texte par coeur. David a beaucoup de mal. Le moindre mouvement dans la salle le distrait et la présence de la caméra de la RTBF n'arrange pas les choses. Mais surtout, David a sa mémoire saturée d'informations qu'il puise sur internet. Il l'avoue lui-même : il passe toutes ses journées sur son ordinateur et se sent ensuite incapable de se concentrer sur ses cours.
Pour Lola Van Lierde, coach à la Student Academy, David n'est pas une exception. Soumis à des tests de concentration, la plupart des étudiants qui jonglent avec internet, Facebook et les réseaux sociaux, sont devenus "multitâches", mais sont aussi plus facilement distraits. A la Student Academy, ils apprennent à renforcer leur mémoire. Mais dès la pause de midi, l'Iphone reprend ses droits. Eloi discute athlétisme avec son copain pour connaître le chrono de Hussein Bolt au championnat du monde. Il consulte internet et obtient la réponse en un clic.
Révolution de Gutenberg
L'Iphone et internet sont une vraie révolution digne de la découverte de l'imprimerie par Gutemberg.
Commentaire :
Par contre, l'imprimerie ne nous à pas enlevé notre capacité à la concentration ni à la mémoire à long terme. S'il y a, c'est tout le contraire.
Aujourd'hui, plus besoin de mémoriser des chiffres, des adresses ou des numéros de téléphone, nous avons toutes ces infos. Résultat, plutôt que de mémoriser du contenu, notre cerveau a plutôt tendance à mémoriser comment y accéder. La génération 'Google' a tellement intégré cette nouvelle forme d'apprentissage que son cerveau s'est transformé. Valérie Cornil, neuropsychiatre aux Cliniques de l'Europe à Bruxelles, observe que l'hippocampe, siège de consolidation de l'information, est moins développé chez nos ados. Tandis que les lobes frontaux, sièges du traitement de l'information multiple, la synthèse, ont tendance à se renforcer.
En d'autres termes, leur cerveau s'adapte. Les ados développent le sens de la synthèse.
Commentaire :
Quoiqu'intéressant, paradoxal : comment développer le sens de la synthèse si nous perdons le sens de la consolidation de l'information?
Nous sommes loin du temps où un professeur était dépositaire d'un savoir universel. Aujourd'hui, les sources d'information se bousculent, à nous de faire le tri. A moins d'accepter de s'offrir plus de plages de concentrations coupées d'internet.

Auteur: RTBF

Info: Internet et les téléphones "intelligents" modifient le cerveau d'une génération.

[ historique ] [ évolution ]

 
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désir

En se souriant, ils se réjouissaient mutuellement de leur présence, une pure présence, à laquelle on ne pouvait réfléchir, qu’on ne pouvait même connaître. Mais les yeux de Birkin avaient une grimace légèrement ironique.

Elle était étrangement attirée vers lui, comme par un charme. S’agenouillant sur le tapis devant lui, elle noua ses mains derrière ses reins et appuya la tête contre ses cuisses. Richesse ! Richesse ! Elle se sentait submergée par tout un ciel plein de richesses.

- Nous nous aimons, dit-elle, ravie.

- Mieux que cela, répondit-il, en la regardant, le visage rayonnant de plaisir.

Inconsciemment, du bout de ses doigts sensibles, elle suivait la ligne de ses cuisses, y poursuivant un mystérieux courant de vie. Elle avait découvert quelque chose de plus merveilleux que la vie elle-même. C’était l’étrange mystère du mouvement vital, là, sur le derrière de ses cuisses, le long de ses flancs. C’était une étrange réalité de Birkin, l’étoffe même de son être, là sur la chute bien droite de ses cuisses. C’est là qu’elle découvrit qu’il était l’un des fils de Dieu tels qu’ils vivaient au commencement du monde, pas un homme, mais quelque chose d’autre, quelque chose de plus.

C’était un soulagement, enfin. Elle avait eu des amoureux. Elle avait connu la passion ; mais ceci n’était ni l’amour ni la passion. C’était le retour des filles des hommes vers les fils de Dieu, les fils de Dieu étranges et inhumains qui furent au commencement du monde.

Maintenant, son visage était un éblouissement de libre lumière dorée, tandis qu’elle levait les yeux vers lui, et appuyait ses mains en plein sur ses cuisses, par-derrière, comme il se tenait debout devant elle. Il la regardait et ses sourcils épais brillaient comme un diadème au-dessus de ses yeux. Elle était belle comme une fleur merveilleuse nouvellement ouverte à ses genoux, fleur paradisiaque, et non plus une femme, mais une fleur de clarté. Pourtant, il y avait encore en lui un certain embarras. Il n’aimait pas ce rayonnement, cet agenouillement, du moins pas entièrement.

Pour elle, tout était terminé. Elle avait trouvé un fils de Dieu du Commencement du Monde, et lui, il avait trouvé une des plus lumineuses filles des hommes.

Elle suivait avec les mains la ligne de ses reins et de ses cuisses et un feu vivant se transmettait ténébreusement de lui à elle. C’était un flux obscur de passion électrique que, mis en liberté en lui, elle attirait en elle. Elle avait créé un circuit riche et nouveau, un nouveau courant d’énergie passionnelle qui allait de l’un à l’autre depuis les pôles les plus obscurs du corps, en formant un circuit parfait. C’était un sombre feu d’électricité qui jaillissait de lui à elle et les inondait tous deux de satisfaction et de paix somptueuse.

Auteur: Lawrence David Herbert

Info: Femmes amoureuses, traduit de l’anglais par Maurice Rancès et Georges Limbour, éditions Gallimard, 1949, pages 451 à 453

[ homme-femme ] [ imaginaire ] [ sensations ] [ volupté ]

 

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cité imaginaire

De tous les changements de langue que doit affronter celui qui voyage dans des terres lointaines, aucun n’égale celui qui l’attend dans la ville d’Ipazie, parce qu’il ne touche pas aux mots mais aux choses. J’entrai à Ipazie un matin, un jardin de magnolias se reflétait dans une lagune bleue, moi-même j’avançais entre les haies assuré de découvrir de belles et jeunes dames au bain : mais au fond de l’eau, les crabes mangeaient les yeux des suicidées la pierre au cou et les cheveux verdis par les algues.

Je me sentis frustré et je voulus en appeler à la justice du sultan. Je montai les escaliers de porphyre du palais, celui dont les coupoles étaient les plus hautes, je traversai six cours de faïence avec des jets d’eau. La salle du milieu était fermée par des grilles : des forçats avec aux pieds des chaînes noires remontaient des rochers de basalte d’une carrière souterraine.

Il ne me restait plus qu’à interroger les philosophes. J’entrai dans la grande bibliothèque, je me perdis entre les rayons croulant sous les reliures en parchemin, je suivis l’ordre alphabétique d’alphabets disparus, montant et descendant à travers des couloirs par des escaliers et des passerelles. Dans le cabinet des papyrus le plus reculé, à travers un nuage de fumée, m’apparurent les yeux hébétés d’un adolescent étendu sur une natte, qui ne décollait pas les lèvres d’une pipe d’opium.

— Où est le sage ?

Le fumeur m’indiqua la fenêtre. Il y avait un jardin avec des jeux pour les enfants : les quilles, la balançoire, la toupie. Le philosophe était assis sur la pelouse. Il dit :

— Les signes forment une langue, mais pas celle que tu crois connaître.

Je compris que je devais me libérer des images qui jusqu’ici avaient annoncé les choses que je cherchais : seulement alors je réussirais à comprendre le langage d’Ipazie.

À présent il suffit que j’entende le hennissement des chevaux et le claquement des fouets pour que me prenne un tremblement amoureux : à Ipazie, tu dois entrer dans les écuries et les manèges pour voir les belles femmes qui montent en selle, cuisses nues, des jambières sur les mollets, et un jeune étranger s’approche-t-il qu’elles le renversent dans le foin ou la sciure et le pressent ferme contre leur téton.

Et lorsque mon âme ne demande d’autre nourriture et stimulant que la musique, je sais qu’il faut la chercher dans les cimetières : les musiciens se dissimulent dans les tombes ; d’une fosse à l’autre se répondent trilles de flûte et accords de harpe.

Il est certain qu’à Ipazie aussi viendra le jour où mon seul désir sera de repartir. Je sais que je ne devrai pas descendre au port mais gravir le clocheton le plus élevé de la forteresse et attendre qu’un navire passe là-haut. Mais passera-t-il jamais ? Il n’est pas de langage sans pièges.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ sémiotique ]

 

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projections

Il y avait une fille, et son oncle l'a vendue. Dit comme ça, ça parait simple.

Aucun homme, proclamait Donne, n'est une île, et il avait tort. Si nous n'étions pas des îles, nous serions perdus, noyés dans les tragédies des autres. Nous sommes isolés (mot qui signifie littéralement, rappelez-vous, transformés en îles) de la tragédie des autres, par notre nature insulaire et par la forme répétitive des histoires. La forme ne change pas : il y avait un être humain qui est né, a vécu et puis, par un moyen ou un autre, est mort. Voilà. Vous pouvez compléter les détails à partir de votre propre expérience. Aussi peu originale que n'importe quelle autre histoire, aussi unique que n'importe quelle autre. Les vies sont des flocons de neige - formant des motifs que nous avons déjà vus, aussi semblables les uns aux autres que des pois dans une gousse (avez-vous déjà regardé des pois dans une gousse ? Je veux dire, vraiment regardé ? Il n'y a aucune chance que vous confondiez l'un avec l'autre, après une minute d'observation attentive), bref elles restent uniques.

Sans individus, on ne voit que des chiffres, un millier de morts, cent mille morts, "les pertes pourraient atteindre un million". Avec les histoires individuelles, les statistiques deviennent des personnes - mais même ça c'est un mensonge, car les gens continuent de souffrir au sein de chiffres eux-mêmes anesthésiants et sans signification. Regardez, voyez le ventre enflé, gonflé de cet enfant, les mouches qui s'agitent aux coins de ses yeux, ses membres squelettiques : vous sera-t-il plus facile de connaître son nom, son âge, ses rêves, ses peurs ? De le voir de l'intérieur ? Et si c'est le cas, n'est-ce pas rendre un mauvais service à sa sœur, qui gît dans la poussière brûlante à ses côtés, distendue caricature d'enfant humain ? Et là, si nous avons de la compassion pour eux, sont-ils maintenant plus importants pour nous que mille autres enfants touchés par la même famine, mille autres jeunes vies bientôt devenues nourriture pour les myriades de bébés mouches elles-même ?

Nous traçons nos lignes autour de ces moments de douleur, depuis nos îles, et ils ne peuvent nous blesser. Elle sont recouvertes d'une couche lisse, solide, nacrée, il suffit de les laisser glisser, comme une perle, hors de nos âmes intouchées d'une douleur réelle.

La fiction permet de nous glisser dans ces autres têtes, ces autres lieux, et voir à travers d'autres yeux. Et puis, dans le conte, nous nous arrêtons avant de mourir, ou nous mourons par procuration, indemnes, et, dans le monde au-delà du conte, nous tournons la page ou fermons le livre, et reprenons le cours de notre vie.

Une vie qui est, comme toutes les autres, différente de toutes les autres.

Et la simple vérité est la suivante : Il y avait une fille, et son oncle l'a vendue.


Auteur: Gaiman Neil

Info: American Gods

[ monades réflexives ]

 

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évolution

La biologie des derniers oiseaux à dents révélée
Une collaboration internationale dirigée par des chercheurs de l'Institut de génomique fonctionnelle de Lyon, montre par imagerie synchrotron que les dents des derniers oiseaux à dents ont des caractéristiques proches de celles des dinosaures théropodes. Cette étude publiée dans la revue BMC Evolutionary Biology, confirme la parenté étroite entre oiseaux et dinosaures.
Les dents sont une véritable boîte noire qui enregistre au quotidien de nombreux traits de vie de l'animal qui les porte. Ainsi les dents de tous les vertébrés (Homme compris) renferment des informations clés sur le mode de vie, le régime alimentaire, ou encore les rythmes de croissance. Pour cette raison, les dents fossiles sont très prisées des paléontologues et l'étude de celles qui appartenaient à des animaux disparus sans laisser de descendance, permet de lever le voile sur des pans encore méconnus de l'histoire de la vie.
Les oiseaux actuels sont dépourvus de dents, mais leurs plus proches parents qui se sont éteints il y a environ 66 millions d'années, avaient des dents pointues et acérées qu'ils utilisaient pour saisir leurs proies, principalement des poissons. Ces oiseaux, qui se nomment Hesperornis et Ichthyornis, vivaient en Amérique du Nord au Crétacé supérieur aux côtés des derniers dinosaures. Les restes fossiles de ces oiseaux à dents sont extrêmement rares. C'est donc une opportunité exceptionnelle qui s'est présentée à Maïtena Dumont de pouvoir étudier, au sein d'une collaboration internationale pilotée par Antoine Louchart et Laurent Viriot à l'Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon, des dents isolées en utilisant une technique d'imagerie 3D de qualité exceptionnelle produite par l'ESRF (European Synchroton Radiation Facility) de Grenoble. La microtomographie à rayons-X Synchrotron permet de générer des volumes virtuels dont la forme et la structure interne sont fidèles dans les moindres détails à celles des dents fossiles. On peut ainsi se déplacer au sein de la dent virtuelle avec une résolution inférieure au micron, et ceci sans abimer le fossile d'origine.
Les résultats obtenus montrent que le remplacement de ces dents au cours de la vie et leur mode d'attachement et d'implantation dans les mâchoires, sont semblables à ce qu'on connaît chez les dinosaures théropodes, parmi lesquels se situent les ancêtres des oiseaux. La croissance des dents de ces oiseaux était rapide, plus rapide que chez certains reptiles ou certains mammifères actuels, ce qui peut être mis en relation avec des contraintes liées aux modes de prédation et d'alimentation. Enfin, les dents des deux oiseaux étudiés montrent une couche d'émail simplifiée et amincie, une tendance évolutive qui a vraisemblablement précédé la perte totale des dents.
Dans une étude précédente, Antoine Louchart et Laurent Viriot avaient souligné que la perte des dents chez les oiseaux actuels était un phénomène irréversible et que la fonction exercée par les dents autrefois est aujourd'hui remplie par leur bec corné et leur gésier musculeux. Seule la paléontologie est capable, grâce aux fossiles, de retracer les relations évolutives entre des animaux aujourd'hui disparus.

Auteur: Internet

Info: oct 2016, http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=15561

[ denture ] [ dentition ]

 

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