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déchèterie du ciel

Actuellement, sur 19 000 objets de plus de 10 centimètres répertoriés par la NASA en orbite autour de la Terre en 2009, dont 6 000 satellites, un millier seulement est toujours opérationnel. Les autres se désagrègent peu à peu, mais surtout leur orbite ne saurait rester stable, soumis qu’ils sont à tous les effets gravitationnels du système Terre-Lune, sans oublier l’effet YORP qui les affecte autant sinon plus que les petits astéroïdes. On sait que la plupart d’entre eux retomberont sur Terre un jour ou l’autre. A ceux-ci s’ajoutent au moins 500 000 déchets mesurant entre 1 et 10 centimètres, et des dizaines de millions de débris de moins d’un centimètre : fusées porteuses, étages de fusées et autres morceaux de satellites lâchés les uns après les autres lors de la mise en orbite. Les brimborions, boulons, morceaux d’antennes et autres, que la rentrée dans l’atmosphère consumerait avant qu’ils n’atteignent le sol, représentent un danger de collision dramatique avec les nouveaux lancements, en particulier avec les vols habités. En juillet 2010, le directeur de l’Agence spatiale européenne prévenait déjà qu’il était obligé de modifier la trajectoire de deux satellites par mois à cause de cette pollution.

Auteur: Anonyme

Info: Dans "Les magiciens du nouveau siècle", page 80

[ dangers ] [ encombrement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

déclarations d'amour

Je sais ce qu'à mon coeur coûtera votre vue ;
Mais qui cherche à mourir doit chercher ce qui tue.
Madame, l'heure approche, et demain votre foi
Vous fait de m'oublier une éternelle loi :
Je n'ai plus que ce jour, que ce moment de vie.
Pardonnez à l'amour qui vous la sacrifie,
Et souffrez qu'un soupir exhale à vos genoux,
Pour ma dernière joie, une âme toute à vous.
Eurydice.
Et la mienne, seigneur, la jugez-vous si forte,
Que vous ne craigniez point que ce moment l'emporte,
Que ce même soupir qui tranchera vos jours
Ne tranche aussi des miens le déplorable cours ?
Vivez, seigneur, vivez, afin que je languisse,
Qu'à vos feux ma langueur rende longtemps justice.
Le trépas à vos yeux me semblerait trop doux,
Et je n'ai pas encore assez souffert pour vous.
Je veux qu'un noir chagrin à pas lents me consume,
Qu'il me fasse à longs traits goûter son amertume ;
Je veux, sans que la mort ose me secourir,
Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.
Mais pardonneriez-vous l'aveu d'une faiblesse
À cette douloureuse et fatale tendresse ?
Vous pourriez-vous, seigneur, résoudre à soulager
Un malheur si pressant par un bonheur léger ?

Auteur: Corneille Pierre

Info: Suréna 1,3

 

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transmutation

Par dizaines de millions des particules de carbone incandescentes se détachent de la bûche et s'agitent  en drapeaux sous forme de flammes. Plusieurs centaines de réactions chimiques très différentes sont en cours. Par exemple, un atome de carbone et quatre atomes d'hydrogène, qui sortent de la cellulose en décomposition, peuvent se fixer ensemble et former du méthane, le gaz naturel. En brûlant (en se combinant à l'oxygène), le méthane se transforme en dioxyde de carbone et en eau, qui s'échappent également dans le conduit de fumée. Si deux atomes de carbone sortent du bois avec six atomes d'hydrogène, ils forment, ensemble, de l'éthane, qui se transforme en dioxyde de carbone et en eau. Trois atomes de carbone et huit atomes d'hydrogène forment le propane, qui se retrouve également dans le feu. Quatre carbones et dix hydrogènes - le butane. Cinq carbones ... le pentane. Six ... l'hexane. Sept ... l'heptane. Huit atomes de carbones et dix-huit hydrogènes - l'octane. Tous ces composés se détachent lors de la rupture de la molécule de cellulose, brûlent et s'envolent dans la cheminée sous forme de dioxyde de carbone et d'eau. Le pentane, l'hexane, l'heptane et l'octane ont un nom collectif. Les bûches qui se consument dans une cheminée produisent et brûlent du carburant.

Auteur: McPhee John Angus

Info: In "Firewood", Pieces of the Frame (1975), 205-206.

[ calcination ] [ combustion ] [ chimie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

déclaration d'amour

Avec le même amour que tu me fus jadis
Avec le même amour que tu me fus jadis
Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis
Ombraient les longs gazons et les roses dociles,
Tu m'es en ces temps noirs un calme et sûr asile.

Tout s'y concentre, et ta ferveur et ta clarté
Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté,
Mais tout y est serré dans une paix profonde
Contre les vents aigus trouant l'hiver du monde.

Mon bonheur s'y réchauffe en tes bras repliés
Tes jolis mots naïfs et familiers,
Chantent toujours, aussi charmants à mon oreille
Qu'aux temps des lilas blancs et des rouges groseilles.

Ta bonne humeur allègre et claire, oh ! je la sens
Triompher jour à jour de la douleur des ans,
Et tu souris toi-même aux fils d'argent qui glissent
Leur onduleux réseau parmi tes cheveux lisses.

Quant ta tête s'incline à mon baiser profond,
Que m'importe que des rides marquent ton front
Et que tes mains se sillonnent de veines dures
Alors que je les tiens entre mes deux mains sûres !

Tu ne te plains jamais et tu crois fermement
Que rien de vrai ne meurt quand on s'aime dûment,
Et que le feu vivant dont se nourrit notre âme
Consume jusqu'au deuil pour en grandir sa flamme.

Auteur: Verhaeren Émile

Info: Recueil : Les heures du soir

[ poème ]

 

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gauche-droite

Jubilation. Les vrais amateurs de traditions sont ceux qui ne les prennent pas au sérieux et se marrent en marchant au casse-pipe, parce qu'ils savent qu'ils vont mourir pour quelque chose d'impalpable jailli de leurs fantasmes, à mi-chemin entre l'humour et le radotage. Peut-être est-ce un peu plus subtil : le fantasme cache une pudeur d'homme bien né qui ne veut pas se donner le ridicule de se battre pour une idée, alors il l’habille de sonneries déchirantes, de mots creux, de dorures inutiles, et se permet la joie suprême d'un sacrifice pour carnaval. C'est ce que la Gauche n'a jamais compris et c'est pourquoi elle n'est que dérision haineuse. Quand elle crache sur le drapeau, pisse sur la flamme du souvenir, ricane au passage des vieux chnoques à béret et crie "woman's lib !" à la sortie des mariages en blanc, pour ne citer que des actions élémentaires, elle le fait d'une façon épouvantablement sérieuse, "conne" dirait-elle si elle pouvait se juger. La vraie Droite n'est pas sérieuse. C'est pourquoi la Gauche la hait, un peu comme un bourreau haïrait un supplicié qui rit et se moque avant de mourir. La Gauche est un incendie qui dévore et consume sombrement. En dépit des apparences, ses fêtes sont aussi sinistres qu'un défilé de pantins à Nuremberg ou Pékin. La Droite est une flamme instable qui danse gaiement, feu follet dans la ténébreuse forêt calcinée.

Auteur: Raspail Jean

Info: Le Camp des saints

[ pensée de droite ]

 

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conte

Les textes anciens nous ont décrit ce phénomène à l’aide de l’image du singe fou : "Il y avait un singe, déjà turbulent de nature, comme tous les singes. Comme si cela ne suffisait pas, quelqu’un lui fit boire beaucoup de vin, si bien qu’il en fut encore plus agité. Puis il fut piqué par un scorpion… Pour achever son malheur, un démon entra en lui. Quels mots pourraient décrire l’agitation effrénée de notre singe ? L’esprit de l’homme est comme ce singe… "
Le vieux texte aurait pu ajouter : "Et le singe se regardait dans une glace, car son agitation lui plaisait jusqu’à la fascination." C’est, en fait, l’attitude du profane aux états de conscience normaux. La trépidation incessante de son esprit, la ronde effrénée d’images, qui se réamorce toute seule, le met dans un état d’hébétude qui lui enlève, dans les cas les plus courants, toute volonté d’intervenir ; le système étant si parfaitement au point qu’il y trouve du plaisir, ou tout au moins de la sécurité. Car l’analyse du yogi était déjà allée jusque-là : il voyait son subconscient à la fois comme générateur et comme dépôt de tous les actes colorés par la convoitise, l’autosatisfaction, la soif du fruit : phalatrishna.
Donc, s’il voulait détruire ce circuit automatique, parvenir à consumer ses latences et diriger le flux mental à son gré, il lui fallait de toute évidence désamorcer son égotisme.

Auteur: Ruchpaul Eva

Info: Dans "Yoga, sources et variations", pages 30-31

[ exemple ] [ flux mental ] [ calme ] [ distanciation ] [ yoga ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

déception

Car les expériences de la vie sont incommunicables, et c'est ce qui cause toute la solitude, toute la tristesse humaine.

Sans cesse des étrangers entrent, des gens que nous ne reverrons jamais plus, et dont la familiarité, l'indifférence nous bousculent au passage, nous donnent le sentiment désagréable d'un monde qui se passe de nous. Nous ne pouvons que sombrer, nous ne pouvons pas oublier nos propres visages. Même moi, qui suis sans visage, moi qui ne transforme pas les gens quand j'entre dans une chambre...

Même moi, je crois flotter sans attaches, incapable de m'ancrer en un lieu ou de prendre appui nulle part, incapable de fournir à ces gens un mur blanc et lisse contre lequel ils puissent projeter leurs ombres.

Je suis pourtant obligée de regarder mes voisins, pour tâcher de faire comme ces gens-là...

Tous les excès sont vains : j'ai en face de moi la moyenne, la médiocrité...

Si c'est cela la vie, elle ne vaut pas la peine d'être vécue. Et cependant, même le petit restaurant a son rythme.

Où est la solution dans cette continuité ?... Où est la fente, par où l'on peut apercevoir l'universel désastre ?

Nous ne sommes pas simples, comme nos amis le souhaitent pour que nous répondions au besoin qu'ils ont de nous. Et cependant, l'amour est simple.

Tout change. Tout passe, et la jeunesse, et l'amour.

Je n'ai pas le pouvoir de me concilier la bienveillance des gens.

J'aime mieux dénoncer une fois pour toutes ce monde de gens obtus, occupés de rien, lourdement satisfaits d'eux-mêmes...

J'ai en moi une force qui les consumera tous, tant qu'ils sont.

Auteur: Woolf Virginia

Info: Les Vagues, 1931

[ rapprochement impossible ] [ rapports humains ]

 
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existence

- Je sais ce qu'ils croient chercher. Mais je sais aussi qu'ils mourront, comme Sopli. Que je mourrai. Que tu mourras. (Le mage retenait toujours fermement la main d'Arren.) Et je suis infiniment heureux de le savoir. C'est un don précieux : c'est la chance d'être soi-même. Car nous ne possédons vraiment que ce que nous acceptons de perdre... Être soi-même, c'est notre tourment, notre gloire, la marque de notre humanité ; et cela ne dure pas. Le "soi" change, il s'efface comme une vague sur la mer. Voudrais-tu que la mer devienne immobile, que les marées s'arrêtent pour sauver une vague, pour te sauver ? Renoncerais-tu à l'habileté de tes mains, à la passion de ton cœur, à la lumière du lever et du coucher du soleil pour acheter ton salut - la sécurité permanente ? C'est cela qu'ils cherchent à Wathorte, à Lorbanerie et ailleurs. Car tel est le message que ceux qui savent entendre ont entendu : en niant la vie, il est possible de nier la mort et de vivre pour toujours. Et moi, je n'entends pas ce message, Arren, parce que je ne veux pas l'entendre. Je ne me laisserai pas guider par le désespoir. Je suis sourd, je suis aveugle. Tu es mon guide. Toi, dans ton innocence et ton courage, dans ta déraison et ta loyauté, tu es mon guide - l'enfant que j'envoie devant moi dans les ténèbres. C'est ta peur que je suis. Tu as trouvé que j'étais dur avec toi ; à quel point je l'ai été, tu n'en as jamais eu idée. Car je me sers de ton amour comme d'une bougie que l'on brûle, qu'on laisse se consumer pour éclairer son chemin. Et nous devons continuer ; il le faut. Il nous faut aller jusqu'au bout ; nous devons aller jusqu'où la mer se tarit et la joie s'écoule, l'endroit où t'entraîne ta terreur mortelle.

Auteur: Le Guin Ursula K.

Info: Terremer

[ mortelle enveloppe ] [ incarnation ] [ illusion ]

 

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recherche extrême

Si le déni du signifiant chez le dépressif rappelle le mécanisme de la perversion, deux remarques s’imposent.

D’abord, dans la dépression, le déni est d’une puissance supérieure à celle du déni pervers, qui atteint l’identité subjective elle-même et non seulement l’identité sexuelle mise en cause par l’inversion (homosexualité) ou la perversion (fétichisme, exhibitionnisme, etc.). Le déni annihile jusqu’aux introjections du dépressif et lui laisse le sentiment d’être sans valeur, "vide". En se dépréciant et en se détruisant, il consume toute possibilité d’objet, ce qui est aussi un moyen détourné de le préserver... ailleurs, intouchable. Les seules traces d’objectalité que conserve le dépressif sont les affects. [...] Aussi l’affect dépressif – et sa verbalisation dans les cures, mais aussi dans les œuvres d’art – est-il la panoplie perverse du dépressif, sa source de plaisir ambiguë qui comble le vide et évince la mort, préservant le sujet aussi bien du suicide que de l’accès psychotique.

Parallèlement, les diverses perversions apparaissent, dans cette optique, comme l’autre face du déni dépressif. [...] Ces actes et relations avec des objets partiels préservent le sujet et son objet d’une destruction totale et procurent, avec l’homéostase narcissique, une vitalité qui contrecarre Thanatos. La dépression est ainsi mise entre parenthèses, mais au prix d’une dépendance souvent vécue comme atroce vis-à-vis du théâtre pervers où se déploient les objets et les relations omnipotentes qui évitent l’affrontement à la castration et font écran à la douleur de la séparation pré-œdipienne. La faiblesse du fantasme qui est évincé par le passage à l’acte témoigne de la permanence du déni du signifiant au niveau du fonctionnement mental dans les perversions. Ce trait rejoint l’inconsistance du symbolique vécue par le dépressif ainsi que l’excitation maniaque par des actes qui ne deviennent effrénés qu’à condition d’être considérés insignifiants.

[...] Le déni dépressif [...] atteint jusqu’aux possibilités de représentation d’une cohérence narcissique et prive, par conséquent, le sujet de sa jubilation auto-érotique, de son "assomption jubilatoire". Seule demeure alors la domination masochique des replis narcissiques par un surmoi sans médiation qui condamne l’affect à rester sans objet, fût-il partiel, et à ne se représenter à la conscience que comme veuf, endeuillé, douloureux. Cette douleur affective, résultante du déni, est un sens sans signification, mais elle est utilisée comme écran contre la mort. Lorsque cet écran cède aussi, il ne reste comme seul enchaînement ou acte possible que l’acte de rupture, de dés-enchaînement, imposant le non-sens de la mort : défi pour les autres ainsi retrouvés au titre de rejetés, ou bien consolidation narcissique du sujet qui se fait reconnaître, par un passage à l’acte fatal, comme ayant toujours été hors du pacte symbolique parental, c’est-à-dire là où le déni (parental ou le sien propre) l’avait bloqué.

Auteur: Kristeva Julia

Info: Dans "Soleil noir", éditions Gallimard, 1987, pages 60-61

[ conjonction impossible ] [ absurde ] [ suicide ]

 

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écrivain-sur-philosophe

Avec Nietzsche apparaît pour la première fois sur les mers de la philosophie allemande le pavillon noir du corsaire et du pirate : un homme d’une autre espèce, d’une autre race, une nouvelle sorte d’héroïsme, une philosophie qui ne se présente plus sous la robe des professeurs et des savants, mais cuirassée et armée pour la lutte. Les autres avant lui, également hardis et héroïques navigateurs de l’esprit, avaient découvert des continents et des empires ; mais c’était en quelque sorte dans une intention civilisatrice et utilitaire, afin de les conquérir pour l’humanité, afin de compléter la carte philosophique en pénétrant plus avant dans la terra incognita de la pensée. Ils plantent le drapeau de Dieu ou de l’esprit sur les terres nouvelles qu’ils ont conquises, ils construisent des villes, des temples et de nouvelles rues dans la nouveauté de l’inconnu et derrière eux viennent les gouverneurs et administrateurs, pour labourer le terrain acquis et pour en tirer une moisson, — les commentateurs et les professeurs, les hommes de la culture.

Mais le sens dernier de leurs fatigues est toujours le repos, la paix et la stabilité : ils veulent augmenter les possessions du monde, propager des normes et des lois, c’est-à-dire un ordre supérieur. Nietzsche, au contraire, fait irruption dans la philosophie allemande comme les flibustiers à la fin du XVIe siècle faisaient leur apparition dans l’empire espagnol, — un essaim de Desperados sauvages, téméraires, sans frein, sans nation, sans souverains, sans roi, sans drapeau, sans domicile ni foyer. Comme eux, il ne conquiert rien pour lui ni pour personne après lui, ni pour un Dieu, ni pour un roi, ni pour une foi ; il lutte pour la joie de la lutte, car il ne veut rien posséder, rien gagner, rien acquérir. Il ne conclut pas de traité et ne bâtit pas de maison ; il dédaigne les lois de la guerre établies par les philosophes et il ne cherche pas de discipes ; lui, le passionné trouble-fête de tout "repos brun", de tout établissement confortable, désire uniquement piller, détruire l’ordre de la propriété, la paix assurée et jouisseuse des hommes ; il ne veut que propager par le fer et le feu cette vivacité de l’esprit toujours en éveil qui lui est aussi précieuse que le sommeil morne et terne l’est aux amis de la paix. Il surgit audacieusement, renverse les forteresses de la morale, les barrières de la loi ; nulle part il ne fait quartier à personne ; aucune excommunication venue de l’Église ou de la Couronne ne l’arrête. Derrière lui, comme après l’incursion des flibustiers, on trouve des églises violées, des sanctuaires millénaires profanés, des autels écroulés, des sentiments insultés, des convictions assassinées, des bercails moraux mis à sac, un horizon d’incendie, un monstrueux fanal de hardiesse et de force. Mais il ne se retourne jamais pour jouir de ses triomphes : l’inconnu, ce qui n’a jamais été encore ni conquis, ni exploré, est sa zone infinie ; son unique plaisir, c’est d’exercer sa force, de "troubler les endormis". N’appartenant à aucune croyance, n’ayant prêté serment à aucun pays, ayant à son mât renversé le drapeau noir de l’amoraliste et devant lui l’inconnu sacré, l’éternelle incertitude dont il se sent démoniaquement le frère, il appareille continuellement pour de nouvelles et périlleuses traversées. Le glaive au poing, le tonneau de poudre à ses pieds, il éloigne son navire du rivage et, solitaire dans tous les dangers, il se chante à lui-même, pour se glorifier, son magnifique chant de pirate, son chant de la flamme, son chant du destin :

"Oui, je sais d’où je viens ;

Irrassasié comme la flamme,

Je brûle et je me consume ;

Tout ce que je touche devient lumière

Et tout ce que je laisse devient charbon,

A coup sûr, je suis flamme..."

Auteur: Zweig Stefan

Info: Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche

[ poème ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste