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races

Pour en revenir à la race blanche, nous pourrions, au risque de nous répéter, la caractériser par les mots "extériorisation" et "contraste" : ce qui s'extériorise tend vers la diversité, vers la richesse, mais aussi vers un certain "déracinement créateur", et cela explique que la race blanche est la seule à avoir donné le jour à plusieurs civilisations profondément différentes, ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut ; du reste, les contrastes qui, chez les Blancs dans leur ensemble, se produisent "dans l'espace", dans la simultanéité, se produisent chez les Occidentaux dans le temps, au cours de l'histoire européenne. Nous ajouterons que, si le Blanc est un "feu" inquiet et dévorant, il peut être aussi - c'est le cas de l'Hindou - une flamme calme et contemplative ; quant au Jaune, s'il est de "l'eau", il peut refléter la lune, mais aussi se déchaîner en ouragans : et si le Noir est de la "terre", il a, à côté de l'innocente massivité de cet élément, la force explosive des volcans. Chacune des trois grandes races - et chacun des grands rameaux intermédiaires - produit la beauté parfaite, donc incomparable et en quelque sorte irremplaçable ; il en est nécessairement ainsi parce que chacun de ces types est un aspect de la norme humaine. Comparées à la beauté blanche, les beautés jaune et noires paraissent beaucoup plus sculpturales que celle-là ; elles sont plus près de la substance et de la féminité que le type blanc, féminité que la race noire exprime en mode tellurien, et la race jaune en mode céleste. La beauté jaune réalise à son sommet une noblesse presque immatérielle, mais souvent adoucie par une simplicité de fleur ; la beauté blanche, elle, est plus personnelle et sans doute moins mystérieuse puisque plus explicite, mais par là même plus expressive et empreinte, parfois, d'une sorte de grandeur mélancolique. Peut-être faudrait-il ajouter que le type négroïde, à son sommet, ne se réduit pas simplement à la "terre", ou plutôt qu'il en rejoint les coagulations précieuses et échappe ainsi à sa lourdeur première : il réalise alors une noblesse de basalte, d'obsidienne ou de jaspe, une sorte de beauté minérale qui transcende le passionnel et évoque l'immuable.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Castes et races

[ continents ] [ ésotérisme ] [ genres ]

 

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transcendance

La perspective théologique de la participation sauve en fait les apparences en les dépassant. Elle reconnaît que le matérialisme et le spiritualisme sont de fausses alternatives, puisque s'il n'y a que de la matière finie, il n'y a même pas cela, et que pour que les phénomènes soient vraiment là, il faut qu'ils soient plus que là. Par conséquent, en faisant appel à une source éternelle pour les corps, leur art, leur langage, leur union sexuelle et politique, on ne s'éloigne pas éthériquement de leur densité. Au contraire, on insiste sur le fait que derrière cette densité réside une densité encore plus grande - au-delà de tous les contrastes de densité et de légèreté (comme au-delà de tous les contrastes de définition et d'illimitation). C'est dire que tout ce qui est n'est que parce qu'il est plus que ce qu'il est. (...)

Cette perspective devrait, à bien des égards, être considérée comme mettant à mal certains des contrastes entre libéraux et conservateurs théologiques. Les premiers ont tendance à valider ce qu'ils considèrent comme l'acceptation moderne de notre finitude - en tant que langage, en tant que corps érotiques et esthétiquement agréables, etc. Les conservateurs, en revanche, semblent encore adopter une sorte de distanciation éthérée nominale par rapport à ces réalités et un dédain à leur égard. L'orthodoxie radicale, en revanche, voit la racine historique de la célébration de ces choses dans la philosophie participative et la théologie de l'incarnation, même si elle peut reconnaître que la tradition prémoderne n'a jamais poussé cette célébration assez loin. L'apparente adhésion moderne au fini lui semble, à l'examen, illusoire, car pour empêcher le fini de disparaître, la modernité doit l'interpréter comme un édifice spatial lié par des lois, des règles et des maillages clairs. Si, au contraire, suivant les options postmodernes, elle embrasse le flux des choses, ce flux vide cache et révèle à la fois un vide ultime. Ainsi, la modernité oscille entre le puritanisme (sexuel ou autre) et un érotisme totalement pervers, amoureux de la mort, qui veut donc la mort de l'érotisme, et qui ne préserve pas l'érotisme jusqu'à une consommation éternelle. Bizarrement, il semble que la modernité ne veuille pas vraiment ce qu'elle croit vouloir, mais d'un autre côté, pour avoir ce qu'elle croit vouloir, il faudrait qu'elle récupère le théologique. Ainsi, bien sûr, elle découvrirait également que ce qu'elle désire est tout à fait autre que ce qu'elle a supposé.

Auteur: Milbank John

Info: Radical Orthodoxy : A New Theology

[ christianisme ] [ Dieu ] [ laïcité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sensibilité médiévale

Evoquons devant nous les contemporains de François Rabelais, leurs violences et leurs caprices, leur peu de défense contre les impressions du dehors, l’extraordinaire mobilité de leur humeur, cette étonnante promptitude à s’irriter, à s’injurier, à tirer l’épée, puis à s’embrasser et à se cajoler : tout ce qui nous explique tant de querelles pour rien, d’accusations atroces de vol et de plagiat, d’appels à la justice de Dieu et des hommes – à quoi sans intervalles succèdent d’affreux coups d’encensoir, et les plus folles comparaisons avec Homère, Pindare, Virgile et Horace. Produits naturels d’une vie toute en contrastes. Et bien plus marquée que nous ne saurions l’imaginer. Contrastes du jour et de la nuit, ignorés de nous dans nos demeures électrifiées ; contrastes de l’hiver et de l’été, adoucis pour nous, en temps normal, par mille inventions : ils en subissaient eux, la rigueur et la nécessité, à peu près sans atténuation, et pendant des semaines et des mois. Egalisation des conditions de vie, égalisation des humeurs : les deux se suivent et se conditionnent. Mais pareillement nos nerfs se sont blasés. Nous avons trop mangé de fruits – de ces fruits dont nous gardons, comme dit la Bible, "les dents agacées". Eux ? Ce n’étaient point des blasés, Dieu non ; et pour ne retenir que cet exemple, comme ils étaient sans défense contre l’attaque violente et souveraine des sons ! Pensons toujours à ce passage des Contes d’Eutrapel où Noël Du Fail nous décrit l’effet, sur les hommes de son temps, du célèbre chœur descriptif de Clément Janequin, la Bataille de Marignan. Personne qui échappât aux prises de cette musique puissante et puérile avec ses "bruits de bataille" en harmonie imitative, personne qui, exalté par les sons, « ne regardât si son épée tenoit à son fourreau, et ne se haussât sur ses orteils pour se rendre plus bragard et de la riche taille..."

Simples gens, qui se livraient sans contrôle. Mais nous nous refoulons.

[...] Voici qui déjà nous avertit qu’entre les façons de sentir, de penser, de parler des hommes du XVIe siècle et les nôtres – il n’y a pas vraiment de commune mesure. Nous enchaînons : ils laissent flotter. Des générations, depuis le XVIIe siècle et Descartes, ont inventorié pour nous, analysé, organisé l’espace. Elles nous ont dotés d’un monde bien arrêté où chaque chose et chaque être a ses frontières parfaitement délimitées. Des générations, depuis la même époque, ont travaillé à faire du temps, de plus en plus précisément mesuré, le cadre rigide de nos activités. Tout ce grand travail, au XVIe siècle, commençait à peine. Ses résultats n’avaient point encore, par voie de conséquence, engendré en nous le besoin impérieux d’une certaine logique, d’une certaine cohérence, d’une certaine unité.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 99-100

[ état d'esprit ] [ contextualisation ] [ exacerbée ] [ incompréhensibilité moderne ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

imago dei

Certes, on est convaincu que nous sommes à un tournant important des âges, mais on pense que ce tournant est suscité par la fission ou la fusion de l’atome, ou par les fusées interplanétaires. On demeure aveugle, comme d’habitude, à ce qui, en même temps, se déroule dans l’âme humaine.
Dans la mesure où l’image de Dieu est, psychologiquement parlant, une illustration et une manifestation des tréfonds de l’âme, et dans la mesure où celle-ci commence à devenir consciente sous forme d’une profonde dissociation qui s’étend jusque dans la politique mondiale, une compensation psychique se signale petit à petit à l’attention. Elle se manifeste par des images unitaires, petits disques apparaissant spontanément, qui représentent une synthèse des contrastes situés à l’intérieur de l’âme. C’est de cela qu’il faut rapprocher la rumeur mondiale des Unidentified Flying Objets (U.F.O.), appelés couramment "soucoupes volantes", qui apparurent pour la première fois en 1945. Cette rumeur repose soit sur des visions, soit sur certaines réalités. Ces "objets non identifiés" sont interprétés comme étant des machines volantes, dont on suppose qu’elles émanent d’autres planètes, ou même de la "quatrième dimension".
Voici plus de quarante ans (1918), j’ai découvert l’existence d’un symbole apparemment central au cours de mes recherches sur l’inconscient collectif ; le symbole du mandala. Pour être sûr de mon fait, j’ai accumulé pendant plus d’une décennie d’autres observations avant de publier, en 1929, ma découverte. Le mandala est une image archétypique dont l’existence est vérifiable à travers siècles et millénaires. Il désigne la totalité du Soi, ou illustre la totalité des assises de l’âme – mythiquement parlant, la manifestation de la divinité incarnée en l’homme. En opposition au mandala de Boehme, le mandala moderne vise l’unité, c’est-à-dire qu’il représente une compensation de la faille, voir son dépassement anticipé. Comme ce processus a lieu dans l’inconscient collectif, il se manifeste partout.
Dans la mesure où le traitement analytique rend l’ombre consciente, il crée une faille et une tension entre les contraires qui, à leur tour, cherchent à s’équilibrer en une unité. Ce sont des symboles qui opèrent la liaison. La confrontation des contraires touche à la limite du supportable lorsqu’on prend cette confrontation au sérieux ou lorsqu’on est pris au sérieux par les contraires eux-mêmes. Le tertium non datur – il n’est pas donné de troisième terme – de la logique se confirme : on est incapable d’entrevoir une troisième solution.
Cependant, quand tout se passe bien, cette troisième solution se présente spontanément, de par la nature même. Elle est alors – et alors seulement – convaincante. Elle est ressentie comme étant ce qu’on appelle la "grâce". La solution naissant de la confrontation et de la lutte des contraires est le plus souvent constituée d’un mélange inextricable de données conscientes et inconscientes, et c’est pourquoi on peut la dire un "symbole" (une pièce de monnaie coupée en deux dont les moitiés s’encastrent exactement). Cette solution représente le résultat de la coopération du conscient et de l’inconscient ; elle atteint à l’analogie avec l’image de Dieu, sous forme de mandala, qui est sans doute l’esquisse la plus simple d’une représentation de la totalité, et elle s’offre spontanément à l’imagination pour figurer les contraires, leur lutte et leur conciliation en nous. La confrontation, qui est d’abord purement de nature personnelle, s’accompagne de la tension subjective en soi-même entre les opposés n’est, en toute généralité, qu’un cas d’espèce dans les tensions conflictuelles du monde.
Car notre psyché est structurée à l’image de la structure du monde, et ce qui se passe en grand se produit aussi dans la dimension la plus infime et la plus subjective de l’âme. C’est pourquoi l’image de Dieu est toujours une projection de l’expérience intérieure vécue lors de la confrontation avec un vis-à-vis très puissant. Celui-ci est figuré par des objets dont l’expérience intérieure est issue et qui, à partir de là, ont gardé une signification numineuse ; ou il est caractérisé par sa numinosité et la force subjuguante de celle-ci. Dans ce dernier cas, l’imagination se libère du simple plan de l’objet et tente d’esquisser l’image d’une entité invisible existant derrière les apparences. Je pense ici à la plus simple des formes fondamentales du mandala, la circonférence, et au partage du cercle le plus simple (mentalement) : le carré ou la croix.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans "Ma vie"

[ psychologie analytique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

ordre

J'ai toujours été frappé par l'équilibre qui se dégage du monde. Voyez comme les riches - on l'observe plus facilement en observant le mimétisme de leurs enfants - sont si souvent suffisants et antipathiques. Observez avec le temps comme la beauté chez les individus est éphémère voire destructrice, découvrez comme les couples qui marchent en réalité se complètent. Réalisez qu'un jeune musicien passionné commence invariablement son histoire d'amour avec les notes grâce à un instrument de mauvaise qualité, trouvé ou donné, alors que son contraire, pénible quidam lambda, aura été s'acheter le biniou clinquant, vite relégué au galetas ou revendu dans les semaines ou les mois suivants. Constatez, en tous domaines, que les plus talentueux se désintéressent rapidement de la question parce qu'ils ne se sentent aucun besoin de prouver quoi que ce soit, alors que les pénibles tâcherons répondront avec abnégation au défi ainsi posé par une nouvelle discipline. Equilibre, dans la danse du monde tu nous proposes cette balance impitoyable et juste qui nous indique, sans preuves scientifiques mais c'est indubitable, que la vie la plus vraie est proche de la misère et de la mort, que les pauvres veulent devenir riches que les riches deviennent feignants et donc, retournent en peu de temps à la pauvreté. Cher équilibre, c'est curieux, j'aurais envie de dire chère - mystère de la langue et des sons - me vient encore à la plume ce jour où, lors d'une rencontre, j'ai saisi qu'untel, si célèbre et adulé, émargeait à la catégorie des êtres de peu d'intérêt, ordinaire et décevant, peu heureux, inquiet, pressé donc désagréable, dépassé par une gloire factice qui lui en faisait mesurer la dérision, insatisfait.

Tu es, ma chère, allons-y puisque je te ressens ainsi, tu es, ma chère équilibre, la matérialisation de notre esprit et du monde dans leurs luttes avec les extrêmes, tu es la condition sine qua non de la continuité dans l'harmonie, tu es le chemin étroit - mais suffisamment large parce que la tolérance sera toujours indispensable entre les êtres.

Pourquoi ce flash back de première jeunesse ? : et moi... qui suis-je ?... qu'est-ce que moi ?... petit enfant dans son lit vespéral interrogeant les étoiles, questionnant l'immense vacuité du monde et de son âme... qui suis-je ?... Je n'avais, bien sûr, pas vraiment conscience d'être campé sur ce champ de bataille des contrastes. Yeux grand ouverts dans le noir, candide curiosité en total éveil, comme l'indien qui aurait collé ses oreilles au sol cosmique, écoutant, ressentant, devinant, imaginant, je ne sais pas, le souffle neutre et vide de mon moi résonnant dans le silence, l'atone bourdonnement du fond des âges... qui suis-je ?... comment se fait-il qu'il y ait un moi, ici et maintenant ?...

Plus curieux encore ; comment se fait-il que je me pose la question ?... ce souvenir si vif de mon esprit d'enfant défiant l'incommensurable, la grande question : MOI... moi c'est quoi, quoi est moi ?.. Gamberges si stables parce qu'enfant choyé dans un cadre protégé. N'étaient-ce que d'agréables vertiges de garçonnet curieux, douillet dans sa vie alors qu'aujourd'hui je penserai peut-être plus facilement aux petits humains qui crèvent de guerres, de famines, sont-ils concernés de la même façon, plus proches de ce feeling ?... plus lointains de ce souffle d'absolu ?... Savoir. Mon intime conviction est que nous avons tous vécu ces sentiments, de manière identique parce que nous sommes fils des atomes et des ondes, et, de manières différentes parce que le monde en a besoin et que nous sommes novices à chaque étape de la vie. Questions enfantines, interrogations solitaires et nocturnes d'ado, rêveries de jeune papa, gamberges d'époux aimé, etc... Pauvre énumération de mes petites expériences perso pour essayer d'expliquer cette immensité fine, cette balance présente à toutes les échelles de nos existences.

Cette sensation d'équilibre global m'a fréquemment rasséréné, tout en me plongeant dans ces abîmes insondables et indicibles de la réflexion méditative où tous les contre-exemples sont inutilisables puisque ils ne sont là que pour meubler les cases de l'absurde et de l'insensé, contrées nécessaires dans l'univers de nos questionnements, humus de notre humour, signalisations de nos limites, indicatrices du Mystère. Equilibre, je m'incline devant ta fantastique et interminable litanie. Et merci de me faire prendre conscience jour après jour de ma dimension d'avorton cosmique devant une simple symétrie, merci de me montrer, sans m'expliquer, mais pourquoi expliquer, que la vie est autonome, qu'elle a certainement un sens, que la misère se partage plus facilement que l'abondance... D'ailleurs, quand le doute s'insinue, quand les certitudes s'effondrent, tu resurgis à tous les coups, vieille amie, parce que les difficultés renforcent la survie, redorent le goût des choses, parce que le confort est trop facilement père de la vacuité, parce que mon pote handicapé compense si bien par ce rayonnement supérieur de son esprit. On t'oublie et te revoilà à nouveau ma chère équilibre, fidèle au poste, intégrée à ce nouveau décor ou défilent des gens respectables - donc casse-couilles. Tu diffuses tant de messages. Moi j'aime celui-ci. "Toute manifestation a sa compensation". Dommage que tu sois cataloguée dans les noms féminins.

Auteur: MG

Info: 2000

[ introspection ] [ mystère ] [ ego ] [ paix ] [ enfance ] [ harmonie ]

 

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judaïsme

Dans une Europe qui, pas très loin à l'est, pratique une barbarie d'un autre âge, ghettos, pogroms et chasse aux Juifs, Vienne leur a garanti l'égalité des droits, la sécurité et la liberté, cadeaux inestimables.
[...]
Les Juifs d'Autriche, émancipés depuis 50 ans à peine, forment à Vienne une élite brillante et influente à laquelle le jeune homme peut être fier d'appartenir. Ils sont le cœur de la bourgeoisie libérale, influente et prospère.
[...]
D'abord artisans, banquiers et commerçants, puis devenus à la deuxième génération, avocats, médecins, professeurs ou journalistes, ils exercent au début du siècle un tiers des professions libérales, représentent plus de la moitié des médecins et des avocats, et les trois quart des journalistes. Leur rôle dans la société viennoise est capital. Il leur vaut en retour rancœurs et inimitiés. Car si la capitale autrichienne a l'habitude des minorités et se fonde même sur leurs diversités, l'ascension récente et spectaculaire de l'une d'elles a réveillé dans la population une sourde et très ancienne hostilité. On jalouse et on craint ses progrès, on la soupçonne d'avoir l'esprit de domination. Le spectre d'un règne juif hante les consciences de la Belle Epoque. Même Nietzsche en arrive à reconnaître, dans Par-delà le bien et mal, que "les Juifs, s'ils le voulaient, [...], pourraient avoir dès maintenant la prépondérance et littéralement la mainmise sur l'Europe entière". Zweig, jeune homme, le sait : il n'est pas facile d'être juif, en 1900, sur les bords du Danube où les jeunes lois de François-Jospeh n'ont pas aboli de vieilles et tenaces préventions. Dans la ville qui l'a vu naître, l'antisémitisme, aussi, fait partie du décor.
[...]
Ainsi malgré les lois, et malgré l'empereur qui prétend être le moins antisémite de tous les Autrichiens, aucun Juif, par la force de la tradition, n'a-t-il jamais eu accès aux plus hauts postes de l'administration, de la diplomatie, de l'enseignement ou de l'armée, domaines réservés aux catholiques de pure souche ou, parfois, à des convertis.
[...]
A l'université, les jeunes gens juifs représentent un tiers des étudiants, pourcentage considérable par rapport à la population juive. [...] S'ils travaillent, ils obtiendront leurs diplômes, sans rencontrer d'injustice particulière. Toutefois les barrages se révéleront par la suite insurmontables, s'ils briguent les postes les plus prestigieux.
[...]
Pour Stefan Zweig, être viennois est à la fois une chance et un programme. Une chance, parce qu'en comparaison des orages et des tempêtes qui, plus à l'est, empoisonnent le climat de l'Europe, c'est un ciel paisible qui s'offre à lui. Et un programme, parce qu'il est né là au confluent de toutes les cultures, entre Orient et Occident, sur une terre de grands brassages. "Le génie de Vienne est proprement musical, dira-t-il plus tard, en se rappelant sa jeunesse. Il a toujours été d'harmoniser en soi tous les contrastes ; qui vivait et travaillait là se sentait libéré de toute étroitesse." Être juif ne saurait être pour lui qu'une limite, une définition trop étroite. Parler allemand élargit l'espace, enrichit une identité qui cherche à dépasser ses origines, à s'affranchir des premiers liens. Être autrichien a cet avantage de lui permettre de côtoyer les plus divers, les plus étonnants folklores et d'éprouver jusqu'au vertige les vertus de la différence et de l'échange. Mais être viennois, c'est plus encore
[...]
La culture de sa famille est imprégnée du cosmopolitisme inscrit dans son histoire et dont elle a su inculquer l'esprit à ses fils. Stefan Zweig, qui outre l'anglais et l'italien, a étudié le grec et le latin, ressent un goût particulier pour le français : il le parle et l'écrit couramment. Il déclare aimer Voltaire et Racine, autant que Goethe et Schiller. Par son éducation et de toutes ses fibres, l'Europe pour lui n'a pas de frontières, l'Europe des Lumières, où Vienne brille d'un éclat joyeux. "Nulle part, écrira-t-il, il n'était plus facile d'être un Européen".
[...]
Le pire des châtiments, pour Zweig, comme pour tous les adolescents de la bourgeoisie de Vienne, élevés avec le souci obsessionnel de leur avenir, eût été de se voir exclu du lycée, d'être renvoyé au premier métier de ses père et grand-père, à l'humiliation d'un métier manuel. Car le prestige du savoir, capital dans une société qui honore la culture sous toutes ses formes, l'est plus encore dans les familles juives qui y voient le plus sûr moyen d'illustrer et de parfaire leur récente implantation. Elle ne leur apparaît pas seulement comme un instrument de stratégie sociale, une manière de franchir encore des barrières et de constituer une élite, elle reflète le penchant ancestral d'un peuple pour ce qui est d'ordre intellectuel et spirituel, entretient un rapport avec le verbe et l'écrit. Zweig l'expliquera un jour, dans le contexte de haine et de violences que sera devenue l'époque : "On admet généralement que le but propre de la vie du Juif est de s'enrichir. Rien de plus faux. La richesse n'est pour lui qu'un degré intermédiaire, un moyen d'atteindre le but véritable et nullement une fin en soi. La volonté propre du Juif, son idéal immanent est de s'élever spirituellement, d'atteindre à un niveau culturel supérieur."

Auteur: Bona Dominique

Info: Dans "Stefan Zweig"

[ contexte politique ] [ ouverture universelle ]

 

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