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solitaires

- Nous ne sommes pas heureux ?

- Vous ne l’êtes pas.

- Tu es sûre que nous ne le sommes pas ?

- J’en suis sûre. Vous ne l’êtes pas.

La vieille Selva se tourna de nouveau vers Berthe.

- N’est-ce pas, petite, que tu ne l’es pas ?

Berthe se laissait regarder. Elle ne répondait pas.

- Non, dit Selva. Tu rentres chez toi. Et qu’est-ce que tu fais ? Tu vas dans ta chambre. Et qu’est-ce que tu fais ?

Berthe ne répondait pas.

- Et qu’est-ce que tu fais ? Tu as un lit et tu te couches. Et alors ? Qu’est-ce qui t’arrive quand tu es au lit ? Il ne t’arrive rien. Tu ne dors même pas.

- Elle ne dort pas ? dit N 2.

- Elle ne peut pas s’endormir. Elle est au lit, et rien ne lui arrive, elle n’a rien… Elle n’a qu’un spectre.

- Elle a un spectre ? dit N 2.

- Elle a un spectre avec elle.

- Tu vois ! dit N 2 à Berthe. Tu as un spectre avec toi ?

Berthe ne répondait pas.

- Mais, toi aussi, tu es comme ça, dit Selva. Qu’as-tu chez toi ? Qu’as-tu dans ta chambre ? Tu n’as rien.

- Je n’ai rien ?

- Tu as pis. Une robe pendue derrière la porte.

- Une robe pendue derrière la porte ?

- Je l’ai vue. Une robe de femme derrière la porte.

- Tu entends ce que dit Selva ? dit N 2 à Berthe.

- Oui, répondit Berthe.

- Elle m’a dit que j’ai une robe derrière ma porte.

- Oui, répondit Berthe.

- Vous n’êtes pas heureux, dit Selva. Elle n’a pas de compagnon et tu n’as pas de compagne. Vous n’êtes pas heureux.

- Mais Selva ! cria N 2.

- Vous êtes des gens à spectre.

- Pourquoi voudrais-tu que Berthe n’ait pas de compagnon ?

- Elle n’en a pas.

- J’ai trente-six ans, dit Berthe.

- Et qu’est-ce que cela signifie ? dit Selva. Tu peux même avoir trente-six enfants, mais tu n’as pas de compagnon, tu n’en as jamais eu.

- Tu as du toupet, Selva, dit N 2.

- Du toupet, c’est vous qui en avez. Vous voulez travailler au bonheur des gens, et vous ne savez pas ce qu’il faut aux gens pour être heureux. Vous pouvez travailler sans être heureux ?

N 2 se leva du divan où il était assis avec Berthe et s’approcha de la belle vieille.

- Selva, lui dit-il, moi, aujourd’hui, je suis heureux.

- Oui ? dit Selva.

Elle était assise sur une chaise, toute raide, et elle inclina un peu en arrière sa délicate tête aux cheveux blancs, pour continuer de le regarder en face.

- Oui, lui dit N 2. C’est le plus splendide hiver que nous ayons jamais eu depuis 1908, lui dit-il.

- Aujourd’hui seulement ? dit Selva.

- Aujourd’hui, lui dit N 2.

- Depuis 1908 ? dit Selva.

- Depuis trente-six ans, lui dit N 2.

Selva abaissa alors son regard et ses yeux gris se posèrent sur Berthe.

- Mais cette petite est en train de pleurer, dit-elle.

Auteur: Vittorini Elio

Info: Dans "Les hommes et les autres", éd. Gallimard, Paris, 1947, pages 21-23

[ conversation ] [ regrets amoureux ] [ socialistes désincarnés ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

corps-esprit

Vous voulez être plus efficace au travail ? Prenez exemple sur les musiciens de jazz

Vous voulez être plus efficace lorsque vous travaillez ? Les musiciens de jazz pourraient avoir des choses à vous apprendre. Une étude a montré que ces derniers étaient capables d'atteindre un état de transe : le " flux ", durant lequel ils sont entièrement dévolus à leur tâche et plus créatifs.

Ce travail de recherche, publié dans la revue Neuropsychologia, porte sur ce que l'on appelle le " flux " (" flow ", en anglais). Un terme qui désigne un état de concentration absolu durant lequel le corps et l'esprit sont entièrement absorbés par une seule et même tâche. Le psychologue américano-hongrois Mihály Csíkszentmihályi a été le premier à s'intéresser à ce sujet dans les années 1970, au cours de recherches sur le processus créatif.

​​Depuis, les recherches en psychologie ont démontré que l'expérience du flux peut accroître les performances physiques et mentales. N'importe qui peut expérimenter des moments de flux durant son temps libre ou au travail. Mais les athlètes et les artistes sont plus susceptibles d'être fréquemment plongés dans cet état psychologique.

C'est pourquoi des chercheurs affiliés à l'université Drexel (États-Unis) ont recruté une trentaine de guitaristes de jazz pour comprendre les processus cérébraux clés associés au flux. Ils étaient plus ou moins expérimentés, en fonction du nombre de représentations publiques qu'ils avaient données. 

Une affaire d'expérience

Les scientifiques ont placé des électrodes sur leur tête pour enregistrer leurs ondes cérébrales pendant qu'ils improvisaient sur des séquences d'accords et des rythmes qui leur avaient été fournis. Par ailleurs, les guitaristes devaient évaluer le degré de flux qu'ils ont ressenti pendant qu'ils jouaient de la guitare. Des experts ont également écouté les morceaux que les participants avaient créés pour déterminer dans quelle mesure ces derniers avaient fait preuve de créativité.

Il s'avère que les performances jugées les plus créatives sont celles durant lesquelles les guitaristes ont dit être dans un état de flux. Les musiciens les plus aguerris avaient davantage tendance à expérimenter des moments de flux pendant qu'ils jouaient leur instrument que les novices, ce qui laisse penser que l'expérience est une condition préalable pour accéder à un état de flux. 

D'un point de vue cérébral, les chercheurs ont constaté que les musiciens expérimentés qui ont vécu des instants de flux pendant qu'ils jouaient de la guitare présentaient une activité réduite dans les parties de leur lobe frontal, connues pour être impliquées dans les fonctions exécutives. À l'inverse, les aires cérébrales impliquées dans l'audition et la vision étaient davantage sollicitées, ce qui est logique étant donné que les guitaristes improvisaient tout en lisant des suites d'accords et en écoutant des rythmes musicaux. 

Le " flux ", un état de transe ?

Ces découvertes montrent à quel point le cerveau est dans un état mental différent de l'éveil ordinaire quand on fait l'expérience du flux. Cela prouve que " le flux créatif correspond à un traitement optimisé d'un domaine spécifique, rendu possible par une pratique intensive associée à un contrôle cognitif réduit ", comme l'écrivent les chercheurs dans leur étude, que le média The Conversation a relayée.

Ce travail de recherche approfondit notre compréhension des mécanismes cérébraux propres au flux. Il montre que cet état demande une certaine maîtrise technique. Lorsque l'on est plongé dans le flux, les choses semblent se dérouler avec facilité. On a l'impression de maîtriser totalement ce que l'on fait. Ce sentiment de maîtrise est d'ailleurs ce qui rend les moments de flux si agréables. 

​​​​​​​Pour en faire l'expérience régulièrement, il faut s'évertuer à devenir meilleur dans ce que l'on fait en se fixant, par exemple, des défis stimulants à relever. Mais attention à ce qu'ils ne soient pas irréalistes. Sinon, le stress se substituera au flux.

Auteur: Internet

Info: https://www.futura-sciences.com/ 24 avril 2024

[ concentration ] [ absorption ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

déconfinement cosmique

L'État d'Israël est-il entré en contact avec des extraterrestres ?

Selon le général israélien à la retraite et actuel professeur Haim Eshed, la réponse est oui, mais tout est tenu secret car "l'humanité n'est pas prête".

Dans une interview au Yediot Aharonot, Eshed - qui fut à la tête du programme de sécurité spatiale israélien pendant près de 30 ans et qui a reçu trois fois la distinction "Israel Security Award" - a expliqué qu'Israël et les Etats-Unis ont des contacts avec des aliens des années.

Et il nêst pas question ici d'envahissement ou d'immigration, Eshed précisant l'existence d'une "Fédération Galactique".

L'ancien chef de la sécurité spatiale, âgé de 87 ans, a décrit plus en détail les accords conclus entre les ETs et les États-Unis, qui ont apparemment été conclus parce qu'il y a un  volonté de rechercher et comprendre "le tissu de l'univers". Cette coopération comprend une base souterraine secrète sur Mars, où se trouvent des représentants américains et extraterrestres.

Si tout ça est vrai, cette coopération coïnciderait avec la création par le président américain Donald Trump de la Space Force en tant que cinquième branche des forces armées américaines, bien qu'on ne sache pas depuis combien de temps ce type de relation -s'il y'en a bien une - existe entre les États-Unis et leurs alliés extraterrestres présumés.

Eshed insiste sur le fait que Trump est au courant de leur existence, et qu'il était "sur le point" de la révéler.  Cependant, la Fédération Galactique l'aurait empêché de le faire, arguant souhaiter empêcher une hystérie de masse estimant que l'humanité doit "évoluer et atteindre un stade où elle puisse ... comprendre ce que sont l'espace et les vaisseaux spatiaux", rapporte le Yediot Aharonot.

Quant à la raison pour laquelle il a choisi de révéler cette information maintenant, Eshed explique que le moment choisi est simplement dû à l'ampleur des changements dans le paysage académique et au respect qu'il a lui-même dans le milieu universitaire. "Si ce que je dis aujourd'hui était arrivé il y a cinq ans, on m'aurait interné", a-t-il expliqué au Yediot.

Il a ajouté qu'"aujourd'hui, je n'ai rien à perdre et les choses bougent. "J'ai reçu diplômes et prix, je suis respecté dans les universités et à l'étranger, où la tendance est également en train de changer".

Eshed fournit plus d'informations dans son dernier livre, The Universe Beyond the Horizon - conversations avec le professeur Haim Eshed, ainsi que d'autres détails tels que la façon dont les extraterrestres ont empêché les apocalypses nucléaires et "quand on pourra se lancer et rendre visite aux Men in Black". Le livre est disponible dès maintenant pour le NIS 98.

Bien qu'il ne soit pas clair s'il existe des preuves qui pourraient soutenir les affirmations d'Eshed, tout ça survient juste en amont d'une annonce récente de SpaceIL, le groupe derrière la tentative ratée d'Israël de faire atterrir un vaisseau spatial sur la lune en 2019.

L'annonce a été publiée sur les médias sociaux avec le texte "Ready to get excited again ?", et contient une vidéo de 15 secondes de la lune avec un texte disant "Back to the Moon", suivi de la date du 9 décembre 2020. Il s'agit probablement du prolongement du vaisseau spatial Beresheet, qui s'est écrasé après que les ingénieurs aient perdu le contact avec lui quelques minutes avant son atterrissage.  En attendant le projet de suivi, intitulé Beresheet 2, devrait prendre trois ans pour être prêt. Tout en sachant que nous ne connaîtrons peut-être jamais la vérité.

Le Jerusalem Post n'a pas été en mesure de contacter cette supposée Fédération Galactique pour obtenir des commentaires.

Auteur: Internet

Info: Jerusalem post, 8 décembre 2020. https://www.jpost.com/omg/former-israeli-space-security-chief-says-aliens-exist-humanity-not-ready-651405?fbclid=IwAR2oZZgKuM53oMUZVw9qaO7GPS9GeB9ZEXX6c0Petnix9mw65m3oaickxnI

[ sensationnalisme ] [ ovnis ] [ putaclic ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

conversation

- Comment, ne croyez-vous donc pas en Dieu ?

- Au contraire, je n’ai rien contre Dieu. Bien sûr, Dieu n’est qu’une hypothèse... mais... je reconnais qu’il est nécessaire à l’ordre... à l’ordre universel, et ainsi de suite... et s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer, ajouta Kolia qui commençait à rougir. Il s’imagina soudain qu’Aliocha allait penser qu’il cherchait à étaler son savoir et à montrer qu’il était un "grand". "Mais je ne veux pas du tout étaler mon savoir devant lui", songea-t-il avec indignation. Et tout à coup il se sentit terriblement vexé.

- J’avoue que je déteste me lancer dans toutes ces controverses, trancha-t-il, on peut bien aimer l’humanité sans croire en Dieu, qu’en pensez-vous ? Voltaire, lui, ne croyait-il pas en Dieu, et pourtant il aimait l’humanité ? (Encore, encore ! pensa-t-il.)

- Voltaire croyait en Dieu, mais mal, je crois, et je crois qu’il aimait mal l’humanité, répondit doucement Aliocha d’un ton réservé et absolument naturel, comme s’il parlait à un égal par l’âge ou même à quelqu’un de plus âgé que lui. Ce qui frappa Kolia, ce fut précisément ce manque d’assurance d’Aliocha quant à son opinion sur Voltaire et qu’il lui laissât, eût-on dit, à lui, le petit Kolia, le soin de trancher la question.

- Avez-vous donc lu Voltaire ? conclut Aliocha.

- Non, pas précisément... Quoique j’aie lu Candide dans la traduction russe... dans une vieille traduction, vilaine, ridicule... (Encore, encore !)

- Et vous avez compris ?

- Oh oui, tout... c’est-à-dire... pourquoi croyez-vous donc que je n’aie pas tout compris ? Il y a naturellement beaucoup de grivoiseries... Je suis, bien sûr, capable de comprendre que c’est un roman philosophique et qu’il a été écrit pour illustrer une thèse... Kolia s’embrouilla cette fois définitivement. Je suis socialiste, Karamazov, je suis un incorrigible socialiste, dit-il en coupant court, sans rime ni raison.

- Socialiste ? Aliocha se mit à rire. Mais quand donc en avez-vous eu le temps ? Vous n’avez encore que treize ans, je crois.

Kolia eut un haut-le-corps.

- Premièrement, pas treize, mais quatorze dans quinze jours, répondit-il en s’empourprant, et deuxièmement, je ne comprends absolument pas ce que mon âge vient faire là-dedans. Ce qui importe, ce sont mes convictions et non pas l’âge que j’ai, n’est-ce pas vrai ?

- Quand vous serez plus grand, vous verrez vous-même quelle importance l’âge a pour les convictions. Il m’a semblé, aussi, que ce que vous dites n’est pas de vous, répondit Aliocha modestement et avec calme, mais Kolia l’interrompit avec feu.

- Voyons, vous cherchez l’obéissance et le mysticisme. Convenez que la religion chrétienne, par exemple, n’a servi qu’à permettre aux riches et aux grands de ce monde de maintenir les classes inférieures dans l’asservissement, n’est-ce pas ?

- Ah, je sais où vous avez lu cela, et quelqu’un a sûrement dû vous endoctriner ! s’exclama Aliocha.

- Je vous en prie, pourquoi donc l’aurais-je nécessairement lu ? Et absolument personne ne m’a endoctriné. Je suis aussi capable moi-même... Et, si vous voulez, je ne suis pas contre le Christ. C’était une personnalité parfaitement humaine, et s’il vivait de nos jours, il se joindrait résolument aux révolutionnaires et jouerait peut-être un rôle en vue... C’est même sûr.

- Où, mais où avez-vous pêché tout cela ? Quel est l’imbécile avec qui vous frayez ? s’exclama Aliocha. 

[...]

- Dites, Karamazov, vous me méprisez énormément ? trancha tout à coup Kolia, et il se redressa de toute sa taille devant Aliocha comme pour se mettre en garde. Ayez l’obligeance de parler sans détour.

- Je vous méprise ? fit Aliocha en le regardant avec surprise. Mais pourquoi donc ? Cela me fait seulement de la peine de voir qu’une aussi charmante nature que la vôtre et qui n’a pas encore commencé à vivre est déjà faussée par toutes ces grossières sornettes.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", volume 2, traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 290 à 293

[ représentant socratique ] [ déstabilisation ] [ possession par l'idéologie ] [ exemplarité ] [ enseignement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

grand nord

J’aurais préféré partir seul et couper tout de suite tout lien avec le monde. Deux cent kilomètres, c’est une longue distance à parcourir avec des cochers, à supporter leurs quintes de toux, leurs tentatives de conversation et leurs silences. Je serais bien parti pour Kaltio à bicyclette si Uggelvik n’avait pas jugé l’idée totalement insensée.

" On ne joue pas avec l’hiver, quoi qu’il se soit passé chez vous ", a-t-il déclaré.

C’est pourquoi je sais que j’ai l’air de ce que je suis : un fuyard pour qui presque plus rien n’a plus d’importance.

Au chaud sous la couverture du traîneau, je regarde le paysage recouvert de neige jusqu’à hauteur de cheville. Finis les fermes prospères, les champs et les lisières de forêt grignotées par les bûcherons. D’immenses espaces s’étendent derrière les arbres. Je les ai d’abord pris pour des cultures, mais il y pousse des pins rabougris et des arbrisseaux recroquevillés dans le froid. Au printemps, quand les canards, les grues cendrées et les pluviers reviendront, elles résonneront de l’incommensurable registre du désir de vivre. Je ne supporterais pas non plus, alors, de me trouver là.

Nous faisons halte, et le silence me bouche les oreilles. L’air écrasé par les nuages de neige avale les sons, j’ai du mal à entendre les rares paroles du cocher, bien que nous soyons assis face à face. Je pense plusieurs fois être devenu sourd, jusqu’à ce qu’il se racle la gorge ou que des étincelles jaillissent du feu de camp. J’avale à grandes gorgées l’amer café bouilli. Aurais-je le temps de faire la sieste ? Mais le cocher se lève bientôt, rince sa tasse dans la neige et va vérifier le harnais du cheval. Les partis métalliques cliquettent.

" Regardez ", dit-il.

Je termine mon café et obéis à l’injonction. Une souche grise se dresse dans la tourbière.

" Il y a un étang, là-bas. Poissonneux. "

Afin de secouer ma torpeur, je vais voir. Le gel a solidifié la tourbière, mais l’eau qui sort des mousses colore de noir l’empreinte de mes pas. Je m’arrête devant la souche. Derrière s’étend en effet un petit lac, un ovale où la neige est moins haute qu’alentour. La pointe du vieil arbre mort brisé à hauteur de poitrine a été sculptée en forme de nageoire. La surface est craquelée de rides verticales. Le bois est chaud et glissant.

Je retourne au traîneau où le cocher a déjà pris sa place. Je hoche le menton en direction du lac.

" Vous pouvez m’en dire plus ? "

Je me frotte les mains. Le bois y a laissé des traces huileuses.

" Non, je suis du village.

- Ce ne sont pas les habitants qui l’ont sculpté ?

- Ce n’est pas dans nos habitudes. Ce sont des Lapons.

- Le bois était bizarre, gras.

- Quelqu’un le nourrit s’en doute encore. C’est du saindoux, je pense, ils ont coutume de l’enduire. "

Je m’installe sous la couverture. Le cocher ordonne au cheval de se mettre en route. Les contours de son dos disparaissent peu à peu dans le crépuscule.

" Ca se dégage, constate-t-il par dessus son épaule. On arrivera avant la nuit à Sodankylä. "

Les nuages se déchirent et l’air fraîchit. Je tire ma chapka sur les oreilles. Une à une, les étoiles les plus hautes apparaissent, soleils sûrement déjà éteints, nous éclairant d’une lumière qui n’existe plus.

Je souffle sur mes moufles et gratte la glace de mes sourcils. Les patins du traîneau crissent, preuve que nous touchons encore terre. Le cosmos est clair et profond, paré d’argent et du vert d’une aurore boréale. Nous y flottons. Le monde entier flotte. La sculpture de bois se dresse dans les tourbières parce qu’il faut pouvoir s’appuyer sur quelque chose face à l’infini du ciel.

Auteur: Kytömäki Anni

Info: Gorge d'or

[ littérature ] [ crépuscule ] [ périple ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

métaphysique

Sexe télépathique
On me demande souvent "Comment faire" du sexe télépathique. Alors voilà. Il faut bien sûr savoir établir une connexion télépathique. Sinon, la partie sexuelle est une perte de temps et d'énergie. Voici un cours de remise à niveau pour certains - pour d'autres, un tout nouveau jeu de balle:
Établir une connexion télépathique:
1. Détendez-vous, asseyez-vous confortablement et fermez les yeux.
2. Déplacez la mise au point vers le haut, au-dessus des oreilles, et sentez les sections temporales du lobe.
3. Concentrez-vous sur la personne que vous souhaitez communiquer.
4. Imaginez une lumière blanche émise par vos lobes temporaux, enveloppant la tête de la personne cible.
5. Soyez ouvert à tout ce que vous vivez. N'essayez pas trop fort - ne forcez pas votre concentration.
6. Sentez comment une multitude d'impressions/de mots/sons semblent se déverser dans votre esprit à travers les lobes temporaux.
7. Notez la sensation d'harmonisation accrue qui s'ouvre dans votre plexus solaire - SENTEZ les communications.
8. Permettez à vos sens restants d'entrer dans l'équation.
9. Renforcez le lien. Il se peut que vous vous sentiez un peu étourdi et/ou que votre estomac fasse des flip flops - c'est normal.
10. Continuez la conversation aussi longtemps que vous pouvez garder votre attention sur cette personne.
11. Lorsque vous avez terminé, imaginez la lumière blanche qui s'échappe de la tête de la personne et tirez-la dans vos lobes temporaux. Il est parfois utile d'imaginer des portes doubles qui se ferment lorsque vous ramenez la lumière blanche.
12. Notez vos impressions.

Voici une compréhension de base du sexe télépathique de mon cours OBE DIY:
1. Vous et votre partenaire fixez une heure et/ou un jour où vous souhaitez avoir des rapports sexuels télépathiques. Discutez du cadre - comme votre endroit préféré pour faire l'amour - la plage, la douche, le bain tourbillon ou dans un lit à baldaquin ou convenez de vous surprendre les uns les autres.
2. Décidez qui sera l'instigateur - qui sera celui qui commencera la séance.
3. Quelques minutes avant l'heure convenue, assurez-vous qu'aucun de vous ne sera dérangé. Pas de téléphone, pas de télé, pas d'email!
4. Calmez votre esprit. Si vous trouvez que vous avez des distractions de la journée, imaginez simplement une plume et balayez les pensées de votre esprit.
5. Le temps de se connecter télépathiquement - imaginez votre partenaire à l'endroit prédéterminé.
6. Si vous êtes l'instigateur, voyez votre partenaire debout, derrière vous. Approchez-vous de lui et arrêtez à quelques centimètres. Si vous n'êtes pas l'instigateur, imaginez que vous êtes là - à attendre.
7. Vous saurez si vous êtes connecté lorsque chacun de vous sera capable de sentir la présence de l'autre et l'énergie impliquée. C'est pourquoi il est important que l'un tourne le dos à l'autre. Lorsque ce "sentiment" est établi avec l'autre personne, vous savez que vous avez un lien solide. Une fois que la personne debout sent l'instigateur derrière elle, elle doit se retourner.
8. Imaginez-vous en train de coucher ensemble. Assurez-vous que vous pouvez absorber et sentir les émotions/sensations associées à la connexion.
9. Permettez-vous d'être dans le moment présent. Vous pourrez sentir sels èvres sur les vôtres, les mains sur le corps de l'autre, les rapports sexuels et plus encore. Il est parfois tentant (au moins au début) de couper la connexion pendant l'acte sexuel parce que les sensations peuvent être si réelles - et ça peut vous faire peur. Allez jusqu'au bout - vous vous en remercierez plus tard!
10. Quand vous avez ressenti un orgasme ou un sentiment accru d'excitation sexuelle, fermez la connexion.

REMARQUE: Si vous êtes sans partenaire, à l'étape 1, pensez aux qualités positives que vous recherchez chez un partenaire sexuel (ou chez la personne que vous aimeriez surprendre) et pensez à ces qualités/personne.
Le tout ci-dessus est très basique. Mais il faut d'abord avoir les bases avant d'avancer. Si vous ne l'obtenez pas la première fois, essayez encore et encore. Pensez-y comme à un fantasme intense que vous pouvez réaliser en temps réel.

Auteur: Internet

Info: Allie, on https://allietheiss.com/telepathic-sex-the-how-of-it-all

[ transmission de pensée ] [ autosuggestion ]

 

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complexité

Epigénétique. Sous ce nom, se cache un tremblement de terre qui fait vaciller la statue la plus emblématique du monde du vivant : le génome. Depuis un demi-siècle, l'ADN était considéré comme un coffre-fort protégeant les plans de l'être humain. Des instructions portées par un collier de 3 milliards de bases lues par d'infatigables nanomachines fabriquant nuit et jour des protéines. C'était trop simple ! "Il y a une deuxième couche d'informations qui recouvre le génome. C'est l'épigénome", résume Marcel Méchali de l'Institut de génétique humaine de Montpellier. En fait, le message génétique n'est pas gravé pour toujours dans les chromosomes. "Des protéines et des molécules viennent se greffer sur l'ADN de base et modifient sa lecture. Cela dépend de l'environnement, de l'air que vous respirez et peut-être même des émotions que vous ressentez à un moment donné. De plus, ces informations sont transmissibles d'une génération à l'autre", poursuit Marcel Méchali. Le poids des régulateurs Tout comme le cerveau, qui n'est pas tout à fait le même après la lecture d'un livre ou à la suite d'une conversation animée, l'ADN est une structure plastique. "Des jumeaux qui partagent le même génome ne réagissent pas de la même façon aux agressions extérieures ou aux médicaments", indique Marcel Méchali. En résumé, l'expression d'un gène varie au fil du temps, d'un individu à l'autre et même d'une cellule à sa voisine. Les experts résument la nouvelle donne d'une phrase : "Ce ne sont pas les gènes qui comptent, mais les facteurs qui assurent leur régulation." Ces régulateurs qui contestent le pouvoir des gènes sont innombrables et souvent inattendus. Des molécules, des protéines, des micro-ARN et même des "pseudo-gènes". "La lecture du génome s'effectue dans des usines à transcription. Elles sont très localisées, mais très riches au plan chimique", ajoute Peter Fraser du Babraham Institute de Cambridge en Angleterre. Guerre des sexes Ce concept remet en cause de très nombreux dogmes, à commencer par celui de la non-transmission des caractères acquis. Certains généticiens pensent ainsi qu'une partie de nos maladies, voire de nos comportements est la conséquence du mode de vie de nos grands-parents. Récemment, le chercheur britannique Marcus Pembrey a démontré, en réanalysant d'anciennes données épidémiologiques, que les préférences alimentaires de préadolescents suédois du début du siècle dernier ont influencé la santé de leurs descendants sur au moins deux générations. Ce chercheur très atypique est connu pour une formule qui résume bien la situation : "Il y a des fantômes qui rôdent dans nos gènes." Darwin et Lamarck vont se retourner dans leur tombe en entendant ces discours, qui brouillent les frontières entre l'inné et l'acquis. Dans ce contexte, les chercheurs s'intéressent aux premiers instants qui suivent la fécondation de l'ovocyte par un spermatozoïde. Une question taraude la communauté scientifique : comment l'ovule décide-t-il d'être un XX (femme) ou un XY (homme) ? En d'autres termes, quand démarre la guerre des sexes ? A l'Institut Curie à Paris, Edith Heard, spécialiste de la biologie du développement, s'intéresse aux mécanismes d'inactivation du chromosome X chez les mammifères. Elle répond simplement à cette question : "Dès les premiers jours." Là encore, ce sont des facteurs aléatoires qui lancent les dés de la sexualité. En fait, ce sont des collisions entre des molécules dans les toutes premières cellules qui font de l'homme un Mozart ou une Marilyn Monroe."C'est la loi du hasard", résume Edith Heard. Minuscules mais puissants Reste enfin la question qui tue. Pourquoi l'homme et le chimpanzé, qui partagent plus de 99 % de leurs gènes, sont-ils si différents l'un de l'autre ? Certains chercheurs, comme l'Américaine Katherine Pollard, se sont lancés dans la quête du "gène de l'humanité" pour l'instant introuvable. D'autres voient dans ces différences la confirmation que ce ne sont pas les gènes qui comptent, mais toutes leurs variations. En réalité, la cellule est un indescriptible chaos. Elle contient, entre autres, des centaines de minuscules fragments d'ARN d'une puissance extravagante. Ils sont capables de bloquer un gène 10.000 fois plus gros. Comme si une mouche posée sur le pare-brise du TGV Paris-Marseille interdisait son départ. Une chose est sûre, ce nouvel horizon de la biologie va générer des océans de données qu'il faudra stocker, analyser et interpréter. Un défi presque surhumain, qui conduira peut-être à la découverte du gène de l'obstination.

Auteur: Perez Alain

Info: les échos, 27,09,2010, La nouvelle révolution génétique

[ sciences ] [ hyper-complexité ] [ adaptation ]

 

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enfant gâté

Mme d'Estourmel, âgée de cinquante-sept ans, avait un fils unique de cinq ans. Cet Isaac de cette moderne Sara était l'enfant le plus gâté et le plus insoutenable que j'aie jamais rencontré. On lui permettait tout, on ne lui refusait rien, il était le maître absolu du salon et du château.
J'arrivai au Frétoy deux heures après le dîner; il y avait beaucoup de monde de Paris. J'avais un chapeau de villageoise, comme on disait alors ; il était neuf, tout couvert de fleurs charmantes, et attaché sur l'oreille gauche avec beaucoup d'épingles. A peine étais je assise, que le terrible enfant du château vint m'arracher des mains un superbe éventail et le mît en pièces. Mme d'Estourmel fit une petite réprimande à son fils, non pas d'avoir brisé mon éventail, mais de ne pas me l'avoir demandé poliment.
Un instant après, l'enfant alla confier à sa mère qu'il avait envie de mon chapeau, et Eh bien, mon fils, répondit gravement madame d'Estourmel, allez le demander bien honnêtement. " Il accourut aussitôt vers moi en disant : et Je veux votre chapeau. " On le reprit d'avoir dit je veux ; c'est ce que sa mère appelait ne lui rien passer. Elle lui dicta sa formule de demande : et Madame, voulez-vous bien avoir la bonté de me prêter votre chapeau ? " Tout ce qui était dans le salon se récria sur cette fantaisie : la mère et l'enfant y persistèrent; M. de Genlis s'en moqua un peu aigrement. Je vis que Mme d'Estourmel allait se fâcher ; alors je me levai, et, sacrifiant généreusement mon joli chapeau, j'allai prier Mme d'Estourmel de me le détacher, ce qu'elle fit avec empressement, car l'enfant s'impatientait violemment. Mme d'Estourmel m'embrassa, loua beaucoup ma douceur, ma complaisance et mes beaux cheveux.
Elle soutint que j'étais cent fois mieux sans chapeau, quoique je fusse tout ébouriffée, et que j'eusse une figure très ridicule, avec une grande parure et celte coiffure en désordre. Mon chapeau fut livré à l'enfant, sous la condition de ne pas le gâter. Mais en moins de dix minutes, le chapeau fut déchiré, écrasé, et hors d'état d'être jamais porté. J'eus grand soin, les jours suivants, de me coiffer en cheveux, sans chapeau et sans fleurs. Mais, par malheur, cet enfant gâté était reconnaissant; il s'attacha à moi avec une passion démesurée et ne voulut plus me quitter. Dès que j'étais dans le salon, il s'établissait sur mes genoux : il était fort gras et fort lourd ; il m'assommait, chiffonnait mes robes, et même les déchirait en posant sur moi des quantités de joujoux. Je ne pouvais ni parler à qui que ce fût ni entendre un mot de la conversation, et il m'était impossible de m'en débarrasser, même pour jouer aux cartes. Dans tous mes petits voyages je portais toujours ma harpe : on voulut m'entendre; il n'y eut pas moyen, tandis que je jouais, d'empêcher l'enfant (qui se tenait debout près de la harpe) de jouer aussi avec les cordes de la basse, ce qui formait un accompagnement peu agréable. Lorsque j'eus fini, on vint prendre ma harpe pour l'emporter : l'enfant s'y opposa en faisant des cris terribles. La harpe resta ; il en joua à sa manière, il égratigna les cordes, en cassa plusieurs, et dérangea totalement l'accord. Quand on représentait à Mme d'Estourmel que cet enfant devait m'importuner beaucoup, elle me demandait si cela était vrai, et elle prenait au pied de la lettre la politesse de ma réponse, en ajoutant qu'à mon âge on était charmé d'avoir un prétexte des amuser d'une manière enfantine, et que je formais avec son fils un tableau délicieux. Au vrai, cet enfant ne m'était pas aussi désagréable que tout le monde le croyait, non que j'aimasse ses jeux, mais sa personne m'intéressait et me divertissait.
Il était joli, caressant, original, et il n'avait rien de méchant. Avec une éducation passable, on en aurait facilement fait un enfant charmant. Sa pauvre mère a bien payé la folie de cette mauvaise éducation : l'année d'ensuite, l'enfant, pour la première fois de sa vie, eut un peu de fièvre ; il refusa toute boisson, et demanda avec fureur les aliments les plus malsains. Une légère indisposition devint une maladie sérieuse, et bientôt, mortelle, parce qu'il fut impossible de lui faire prendre une seule drogue, et que toutes les tentatives en ce genre lui causaient des accès de colère qui allaient jusqu'aux convulsions. Il mourut à six ans, et il était naturellement très robuste et parfaitement bien constitué.

Auteur: Genlis Madame de

Info: Mémoires

[ mort ] [ anecdote ]

 

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LSD

"J’avais pris ma pilule à onze heures. Une heure et demie plus tard, j’étais assis dans mon cabinet de travail, contemplant attentivement un petit vase en verre. Le vase ne renfermait que trois fleurs - une rose Belle-de-Portugal, largement épanouie, d’un rose-coquillage, avec un soupçon, à la base de chaque pétale, d’une teinte plus chaude, plus enflammée ; un gros oeillet magenta et crème ; et, violet pâle à l’extrémité de sa tige brisée, le bouton fier et héraldique d’un iris. Fortuit et provisoire, le petit bouquet violait toutes les règles du bon goût traditionnel. Au déjeuner, ce matin-là, j’avais été frappé de la dissonance vive de ses couleurs. Mais la question n’était plus là. Je ne regardais plus, à présent, une disposition insolite de fleurs. Je voyais ce qu’Adam avait vu le matin de sa création - le miracle, d’instant en instant, de l’existence dans sa nudité.
"Est-ce agréable ?" demanda quelqu’un. (Pendant cette partie de l’expérience, toutes les conversations étaient enregistrées au moyen d’une machine à dicter, et j’ai pu me rafraîchir la mémoire quant à ce qui a été dit.)
Ni agréable, ni désagréable. "Cela est, sans plus." Istigkeit – n’était-ce pas là le mot dont maître Eckhart aimait à se servir ? Le fait d’être. L’Être de la philosophie platonicienne, – sauf que Platon semble avoir commis l’erreur énorme et grotesque de séparer l’Être du devenir, et de l’identifier avec l’abstraction mathématique de l’idée. Jamais il n’avait pu voir, le pauvre, un bouquet de fleurs brillant de leur propre lumière intérieure, et quasi frémissantes sous la pression de la signification dont elles étaient chargées ; jamais il n’avait pu percevoir que ce que signifiaient d’une façon aussi intense la rose, l’iris et l’oeillet, ce n’était rien de plus, et rien de moins, que ce qu’ils étaient une durée passagère qui était pourtant une vie éternelle, un périr perpétuel qui était en même temps un Être pur, un paquet de détails menus et uniques dans lesquels, par quelque paradoxe ineffable et pourtant évident en soi, se voyait la source divine de toute existence.
Je continuai à regarder les fleurs, et dans leur lumière vivante, il me sembla déceler l’équivalent qualitatif d’une respiration - mais d’une respiration sans retours à un point de départ, sans reflux récurrents, mais seulement une coulée répétée d’une beauté à une beauté rehaussée, d’une profondeur de signification à une autre, toujours de plus en plus intense. Des mots tels que Grâce et que Transfiguration me vinrent à l’esprit, et c’était cela, bien entendu, entre autres, qu’ils représentaient. Mes yeux passèrent de la rose à l’oeillet, et de cette incandescence plumeuse aux banderoles lisses d’améthyste sentimentale qui étaient l’iris. La Vision de Béatitude, Sat Chit Ananda, la Félicité de l’Avoir-Conscience, - pour la première fois je comprenais, non pas au niveau verbal, non pas par des indications rudimentaires ou à distance, mais d’une façon précise et complète, à quoi se rapportaient ces syllabes prodigieuses. Et je me souvins alors d’un passage que j’avais lu dans l’un des essais de Suzuki. "Qu’est-ce que le Corps-Dharma du Buddha ?" (Le Corps-Dharma du Buddha est une autre façon de dire : l’Esprit, l’Être, le Vide, la Divinité.) Cette question est posée dans un monastère Zen, par un novice plein de sérieux et désorienté. Et, avec la prompte incohérence de l’un des Frères Marx, le Maître répond : "La haie au fond du jardin." - "Et l’homme qui se rend compte de cette vérit" demande le novice, d’un ton dubitatif, "qu’est-il, lui, si j’ose poser cette question ?" Groucho lui applique sur les épaules un coup vigoureux de son bâton, et répond : "Un lion aux cheveux d’or."

Ce n’avait été, lorsque je l’avais lu, qu’une absurdité vaguement grosse de quelque sens caché. Maintenant, c’était clair comme le jour, aussi évident qu’un théorème d’Euclide. Bien entendu, le Corps-Dharma du Buddha, c’était la haie au fond du jardin. En même temps, et non moins manifestement, c’était ces fleurs, c’était toute chose qu’il me plaisait – ou plutôt, qu’il plaisait au non-moi béni et délivré pour un instant de mon étreinte étouffante – de regarder. Les livres, par exemple, dont étaient tapissés les murs de mon cabinet. Comme les fleurs, ils luisaient, quand je les regardais, de couleurs plus vives, d’une signification plus profonde. Des livres rouges, semblables à des rubis ; des livres émeraude ; des livres reliés en jade blanche ; des livres d’agate, d’aigue-marine, de topaze jaune ; des livres de lapis-lazuli dont la couleur était si intense, si intrinsèquement pleine de sens, qu’ils me semblaient être sur le point de quitter les rayons pour s’imposer avec plus d’insistance encore à mon attention."

Auteur: Huxley Aldous

Info: Les portes de la perception

[ drogue ] [ spiritualité ]

 
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romantisme

Il s'arrangeait pour mourir chaque fois du vol nuptial. Plus les femmes étaient légères et plus on le trouvait volatil. Tout le vocabulaire qui servait jadis à la fois aux artilleurs et aux amants, on pouvait l'utiliser pour lui : Pierre mettait en batterie, démasquait, foudroyait, démontait. C'était charmant car c'était jeune et, à quelques pluers près, cela arrangeait au fond tout le monde. Celles qu'il avait fait pleurer ou qui le giflaient ou avec qui il s'était vraiment brouillé, il les comptait sur ses doigts, le sémillant garçon. Il était né comme ça, étant d'une époque où l'amour ne déshonorait personne, où l'on ne se privait de rien, où les devoirs et obligations étaient d'un commun accord réduits au minimum. "Il n'y a pas de raison, disait pierre, pour qu'un train de plaisir ne soit pas aussi un train express."Son train était toujours plein et il n'avait jamais eu à déplorer de déraillement. Mais Pierre venait d'avoir trente-cinq ans. N'ayant pas rencontré l'amour, il commençait à le prendre en respect. "Le jour où je trouverai une femme sur laquelle je ne me jeterrai pas, se dit-il, c'est que je serai arrivé à destination." Il sentait qu'il n'aurait pas, ce jour-là, à renoncer à ses mauvaises habitudes, que ce seraient elles qui renonceraient à lui.

Hedwige l'attendait au salon. Le thé fumait sur le plateau ; une robe d'intérieur, du rouge des vieilles soies d'Orient, descendait à beaux plis sur son corps dur, comme une cascade sur un rocher. Cette mise en scène lui fit aussitôt désirer d'être dehors.

 - Sortons, dit-il, prenez un manteau. Je ne pourrai parler qu'en l'air.

Ils allèrent se promener sur la terrasse, à deux pas, par un crépuscule d'hiver, avec les premières lumières de Paris en contrebas et les grands arbres de la forêt qui s'arrêtaient en ligne au bord de la pelouse. Hedwige a accepté de l'accompagner sans faire d'embarras. Elle trouve naturel qu'une main qui n'est pas la sienne écrive son destin sur le mur. Elle s'en remet à Dieu du soin de sa conversation. Suivre Pierre dans ce parc ne l'a pas troublée. Elle est sereine, sage, courageuse. Ce sont les oies qui font sentinelle. Pierre aussi était très maitre de lui, très calme. Penchés l'un vers l'autre par la gravitation, leurs doigts se joignaient pour atteindre à une intelligence plus profonde d'une situation qui les distinguait des autres êtres et les faisait cependant ressembler à tous. Cette fin de jour corail et soufre, ce jardin peuplé de statues nues sous le ciel de neige, ces chênes noirs et balancés par la brise, toutes ces incantations romanesques, loin d'exciter Pierre l'engageaient à la pudeur et à la retenue. Il sentait grandir en lui une attente et il travaillait à la bien remplir car elle mentait au-delà, non de ses voeux, mais ce dont il se croyait capable. Comme le chrétien espère une sainte mort, il espérait une vraie vie. Le respect de ce qui lui arrive et de celle par qui cela est arrive - car Hedwige est innocente et vierge à tous les degrés - lui interdit tout geste agressif. Pour la première fois il prend sont temps et avec un plaisir infini, car il a l'existence devant lui et avance, d'une coulée naturelle, sur la route la plus grande, la plus connue ; une route dont il ignore la géographie et presque le nom, ne l'ayant jamais suivie ; une route faite pour les piètons et où les bolides ne passent pas. Il va frapper à la porte de l'oracle, comme les paysans à la porte de la sainte Vierge, pour demander si sa terre sera fertile. Il quitte le quotidien et entre dans le songe où vivent les enfants, les inventeurs, les fous, les tireurs de gros lots, le songe propice à l'accomplissement des grands desseins, non des petits désirs. C'est pourquoi il a une densité de dormeur, des lenteurs de plongeurs au fond des mers. Hediwge regarde cet homme de toujours comme un homme d'aujourd'hui. Chaque jeunesse de femme n'a qu'un type d'homme comme chaque génération n'a qu'un auteur et chaque auteur n'est jamais fidèle qu'à seul héros. La nuit est venue. Pierre ne sait plus pendant combien de temps il est resté assis sur ce ban sans décroiser les jambes ; près de lui Hedwige n'a pas bougé, elle dont les flexions sont si belles. À leurs pieds, le sol désolé par l'hiver est aride, squelettique et les pierres gelées des balustres se brisent comme des esquilles. En haut la voie lactée ressemble à une piste de caravane usée par d'anciens soleils. 

- Devant Dieu ou devant tout autre fabricant d'étoiles, dit soudain Pierre, je suis prêt à vous attendre tant qu'il le faudra et je suis décidé à n'épouser personne d'autre que vous.

Hedwige se rapprocha de lui et mit sa tête sur son épaule.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.145, 146, 147)

[ étreinte ] [ passion naissante ] [ bilan ] [ délicatesse ] [ beauté ] [ dimension sacrificielle ]

 

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