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asiles de vieillards

Ses inspections des modèles changeants d'établissements spécialisés et de foyers pour seniors lui ont fait prendre conscience des retards et des moyens infiniment intelligents, complexes et inhumains que nous créons afin d'éviter et de nier la mort, d'éviter d'accomplir notre destinée et d'arriver à destination. Et, dans de si nombreux cas, le résultat a été que nous y arrivons non pas de bonne humeur, au moment où nous faisons nos derniers adieux et accueillons la vie après la mort, mais inconscients, incontinents, déments, soumis à des traitements au point de sombrer dans l'amnésie, l'aphasie, l'indignité. De vieux imbéciles, qui n'ont pas eu le courage de prendre ce dernier whisky et de mettre le feu à leur literie avec une dernière cigarette.

Auteur: Drabble Margaret

Info: Quand monte le flot sombre

[ déchéance ] [ absurde ] [ insensé ] [ vieillesse ] [ EMS ] [ ehpads ]

 

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être humain

- Comment un homme s'assure-t-il de son pouvoir sur un autre, Winston?

Winston réfléchit:

- En le faisant souffrir répondit-il.

- Exactement. En le faisant souffrir. L'obéissance ne suffit pas. Comment, s'il ne souffre pas, peut-on être certain qu'il soit, non à sa volonté, mais à la vôtre? Le pouvoir est d'infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l'esprit humain en morceaux que l'on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l'on a choisies. Commencez vous à voir quelle sorte de monde nous créons? C'est exactement l'opposé des stupides utopies hédonistes qu'avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d'écraseurs et d'écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu'il s'affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. L'ancienne civilisation prétendait être fondée sur l'amour et la justice, la nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n'y aura pas d'autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l'humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. 

Auteur: Orwell George

Info: 1984, Ed.Folio, trad. Amelie Audiberti, p 376

[ bête politique ] [ pessimisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

création réconfort

Il se disait que lui-même, comme tous les hommes, s'écoulait, se transformait sans cesse pour se dissoudre enfin, tandis que son image créée par l'artiste resterait immuablement la même et pour toujours.

Peut-être, pensait-il, la source de tout art et sans doute aussi de toute pensée est-elle la crainte de la mort. Nous la craignons, nous frissonnons en présence de l'instabilité des choses, nous voyons avec tristesse les fleurs se faner, les feuilles tomber chaque année, et nous sentons manifestement dans notre propre cœur que nous sommes, nous aussi, éphémères et que nous fanerons bientôt. Lorsque, comme artistes, nous créons des formes ou bien, comme penseurs, cherchons des lois ou formulons des idées, nous le faisons pour arriver tout de même à sauver quelque chose de la grande danse macabre, pour fixer quelque chose qui ait plus de durée que nous-mêmes. La femme d'après laquelle le maître a sculpté sa madone est peut-être déjà fanée ou morte et bientôt il sera mort lui-même, d'autres habiteront sa maison, mangeront à sa table, mais son œuvre restera, dans la silencieuse église du cloître elle brillera encore au bout de cent ans et bien au-delà et demeurera toujours belle, souriant toujours du même sourire triste dans son éternelle jeunesse. 

Auteur: Hesse Hermann

Info: Narcisse et Goldmund, Chapitre X

[ sans point fixe ] [ exister ] [ postérité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sciences

Premièrement, nous devons reconnaître l'Univers comme un sous-système d'une méta-réalité de structures d'informations, tout est structure d'information et tout est simultané. Je ne parle pas d'une base de données, je ne parle pas de notre technologie brute actuelle, c'est quelque chose d'évidemment beaucoup plus gros, beaucoup plus complexe, mais vous saisissez l'idée. Nous devrions reconnaître les dimensions comme un artefact culturel: nous créons des dimensions parce que nous avons de petites bibliothèques et que nous avons besoin de x, y et z, mais nous n'en avons pas besoin en physique, aussi nous devrions prendre du recul par rapport au concept de dimensions dans la physique du futur.

Le présent est surdéterminé. Comme le dit Guillemant, il est déterminé par le passé et il est déterminé par le futur.

Et finalement, la conscience engendre notre impression de l'espace et du temps, c'est elle l'espace et le temps. Il s'agit de conscience au travers d'associations faites dans ce monde d'information et créant l'illusion de l'espace et du temps.

Aussi, la proposition que je vous fais est de laisser les physiciens continuer de faire de la physique de l'énergie, ils font ça très bien, ils trouveront éventuellement un moyen de réconcilier la relativité et la mécanique quantique.

Continuons nous aussi et cherchons la soeur manquante. Merci beaucoup.

Auteur: Vallée Jacques

Info: Bruxelles, 22 novembre 2011

[ spéculation ] [ quête ]

 

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commerce

Les gens ne se rendent pas compte de la créativité qu'il faut pour être marchand d'art. Sur le marché actuel, c'est le galeriste, et non l'artiste, qui fait le plus gros du boulot. Sans nous, il n'y aurait ni modernisme, ni minimalisme, aucun de tous ces mouvements. Les plus grandes stars de l'art contemporain seraient peintres en bâtiment ou profs de dessin dans des cours du soir. Les collections des musées s'arrêteraient à la Renaissance ; les sculpteurs en seraient encore à modeler des dieux païens ; la vidéo serait le domaine exclusif de la pornographie ; le graffiti un délit mineur et non la base d'une industrie multimillionnaire. L'art, en somme, cesserait de prospérer. Et ce parce que, dans une société post-Église, post-mécénat, ce sont les marchands qui raffinent et canalisent le fuel qui fait tourner le moteur de l'art, qui l'a toujours et le fera toujours tourner : l'argent.
De nos jours, en particulier, il y a tout simplement trop d'oeuvres en circulation pour qu'une personne lambda puisse faire le tri entre les bonnes et les mauvaises. C'est le travail du galeriste. Nous sommes des créateurs aussi, sauf que nous créons des marchés et que notre production englobe les artistes eux-mêmes. Les marchés, à leur tour, créent des mouvements, et les mouvements des goûts, une culture, le canon de l'acceptabilité : en bref, ce que nous appelons l'Art avec un grand A. Une oeuvre d'art devient une oeuvre d'art - et un artiste un artiste - dès l'instant où je vous fais sortir votre chéquier.

Auteur: Kellerman Jesse

Info: Les visages

[ beaux-arts ] [ création ]

 

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manie de l'ordre

Nous nous comportons tous comme le démon de Maxwell. Les organismes s'organisent. C'est dans l'expérience quotidienne que réside la raison pour laquelle les physiciens sérieux ont maintenu en vie cette fantaisie de bande dessinée plus de deux siècles. Nous trions le courrier, construisons des châteaux de sable, résolvons des puzzles, séparons le bon grain de l'ivraie, réarrangeons les pièces d'un jeu d'échecs, collectionnons les timbres, classons les livres par ordre alphabétique, créons des symétries, composons des sonnets et des sonates, et mettons de l'ordre dans nos chambres, et tout cela ne demande pas une grande énergie, pour autant que nous puissions faire preuve d'intelligence. Nous propageons de la structure (pas seulement nous, les humains, mais tous les êtres vivants). Nous perturbons la tendance à l'équilibre. Il serait absurde de tenter une comptabilité thermodynamique de ces processus, mais il n'est pas absurde de dire que nous réduisons l'entropie, morceau par morceau. Petit à petit. Le démon originel, qui perçoit une molécule à la fois, distingue le rapide du lent et actionne son petit portail, est parfois qualifié de "superintelligent", mais comparé à un organisme réel, il est un savant idiot. Non seulement les êtres vivants réduisent le désordre dans leur environnement, mais ils sont en eux-mêmes, avec leur squelette et leur chair, leurs vésicules et leurs membranes, leurs coquilles et leurs carapaces, leurs feuilles et leurs fleurs, leurs systèmes circulatoires et leurs voies métaboliques, des miracles de modèles et de structures. On a parfois l'impression que la lutte contre l'entropie constitue notre chimérique (quixotic)* objectif dans cet univers.

Auteur: Gleick James

Info: L'information : Une histoire, une théorie, un déluge, *vient de Don Quichotte

[ organisation ] [ obsession ] [ cycles éphémères ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

validation subjective

Sur un phénomène qui a une probabilité très faible de se produire dans un temps donné, nous nous concentrons sur les rares cas qui fonctionnent en effaçant les nombreux échecs. Nous créons alors une solide illusion d’efficacité appelée "le biais du survivant".

Dans nos esprits, le fait d'écrémer les rares cas qui "marchent" en effaçant les cas nombreux qui échouent s’appelle le "biais du survivant".

La facilité de la disponibilité

Ce biais du survivant est de la même famille que l’effet Barnum expliqué dans l’épisode précédent. Il s’agit d’une forme de biais de sélection, qui nous fait préférer les événements confirmant nos attentes et nos croyances, aux événements qui les réfutent. En quelque sorte, ce biais nous cache les preuves silencieuses des événements qui ne valident pas l’hypothèse que l'on s'est fixée au départ.

Que se passe-t-il exactement dans notre cerveau ? Ce n’est pas encore très clair : il semble qu’il y ait un mélange entre des mécanismes "chauds", motivés par nos croyances et nos attentes, comme dans l’effet Barnum ; et des mécanismes dits "froids", cognitifs, qu’il est difficile de maîtriser, un peu comme des inclinaisons mentales, des pentes cérébrales douces.

L’une de ces pentes porte le nom barbare "d’heuristique de disponibilité" : nous aurions tendance à prendre les idées, les infos, les preuves les plus disponibles, à moindre coût, moindre effort. Comme certains le disent, "la motivation crée le biais", et les facteurs cognitifs amplifient l’effet. Autrement dit, par "facilité", le cerveau ne retient pas l’immense majorité des cas qui ont échoué, et donc 100 % des cas dont on se rappelle sont des cas qui valident la prétention de départ.

Nous sommes plus friands de raconter les cas qui ont marché avec un rebouteux par exemple ; alors que les histoires d’échec de soin de rebouteux sont, elles, bien plus nombreuses. En somme, le biais du survivant est une sorte d’illusion cognitive qui vient flatter nos intuitions.

 

Auteur: Monvoisin Richard

Info: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/votre-cerveau/le-biais-du-survivant-5761547

[ ratification cognitive ]

 
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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

spéculation métaphysique

On peut s'amuser à décanter de façon ternaire la manière dont les hommes ont, consciemment ou pas, codé le monde présenté à leur sens. Tout est trois.

Ainsi des 3 idiomes humains abstraits : langage, musique, mathématiques.

De notre perception du réel : manifestation, sensation, mise dans la continuité (voir tiercité de C.S. Peirce)

Du codage sémiotique de ce réel : coopération de trois sujets, le signe, son objet et son interprétant (Peirce aussi)

Des fonctions du langage : sujet, verbe, compléments (acteurs - moteurs - qualités)

Des fonctions de la musique tonale : toniques - dominantes - sous dominantes (socles - moteurs - paysages défilant)

Des trois infinis du mathématicien George Cantor : a) Le plus complet, dans être de l'au-delà entièrement indépendant, Dieu, qu'il nomme infini absolu ou simplement l'absolu. b) Lorsqu'il se produit dans le monde créé c) Quand l'esprit le saisit dans l'abstrait comme grandeur, nombre ou type d'ordre mathématique.

De la philosophie : (a) Phénoménologie ; (b) Science normative ; (c) Métaphysique (C.S. Pierce)

Des éléments primaires de l'occultisme : Feu, Eau et Air.

Des trois couleurs primaires soustractive (lumière) et additives (matière).

Partant de ce dernier exemple du double ternaire inversé des couleurs (est-ce un équivalent visuel de la gamme par tons ?) on ne résiste pas à franchir une étape, ce qui donne l'impression de passer au travers de notre miroir ontologique. L'idée est qu'il y a un ordre sous-jacent articulé sur cette base six (double triades inverses) et que si on veut formaliser cet ordre le nombre sept - ou zéro - est nécessaire.

Mais zéro est-il un nombre ? Dans cette idée le sept "englobe" le tout, au sens où il représente le zéro, source de tout et indiscriminée "créatrice" du manifesté. Zéro qui devient sept une fois que le double cycle ternaire, arrivé à son terme, recommence le cycle. Nous créons donc ici ce paradoxe : zéro est l'inversion de sept. En clair, Sept, étant l'inversion de Zéro, n'existe pas.

Voilà, merci pour votre attention, sortez en rang par deux et en faites pas trop les fous durant la récré.

Auteur: Mg

Info:

[ humour ] [ septénaire ] [ numérologie ] [ métatron ]

 
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anti christianisme

Disons que le consensus est que notre espèce, c'est-à-dire les primates supérieurs, Homo Sapiens, est sur la planète depuis au moins 100 000 ans, peut-être plus. Francis Collins dit peut-être 100 000 ans. Richard Dawkins pense peut-être un quart de million. Disons 100 000. Comme chrétien il faut accepter que pendant 98 000 ans notre espèce a souffert, la plupart de ses enfants mourant en couches, les autres ayant une espérance de vie d'environ 25 ans, mourant à cause de leurs dents. Famine, lutte, amertume, guerre, souffrance, misère, tout ça pendant 98 000 ans.

Le ciel contemplait tout ça avec une totale indifférence. Et puis, il y a 2000 ans, il s'est dit : "Ça suffit. Il est temps d'intervenir", et la meilleure manière sera de condamner quelqu'un à un sacrifice humain quelque part dans les régions les moins alphabétisées du Moyen-Orient. Surtout pas chez les Chinois, par exemple, où les gens peuvent lire et étudier les preuves et avoir une civilisation. Allons donc dans le désert et créons une autre révélation là-bas. C'est absurde. Une personne qui réfléchit ne pourra y croire.

Pourquoi suis-je heureux que ce soit le cas ? Pour amener la question du caractère erroné du christianisme, parce que je pense que les enseignements du christianisme sont immoraux. L'enseignement central, le plus immoral de tous, c'est celui de la rédemption par procuration. Tu peux rejeter tes péchés sur quelqu'un d'autre, ce que l'on appelle vulgairement la désignation d'un bouc émissaire. En fait, l'origine du bouc émissaire est issu de la même région, dans le même désert. Je peux payer ta dette si je t'aime. Je peux purger ta peine de prison si je t'aime beaucoup. Je peux me porter volontaire pour ce faire. Je ne peux pas effacer tes péchés, parce que je ne peux pas abolir ta responsabilité, et je ne devrais pas offrir de le faire. Ta  responsabilité doit t'accompagner toujours. Il n'y a pas de rédemption par procuration. Il est très probable, en fait, qu'il n'y ait pas de rédemption du tout. C'est juste un aspect de la pensée magique, et je ne pense pas que la pensée magique soit bonne pour les gens non plus.

Tout ça parvient même à polluer la question centrale, le mot que je viens d'employer, le mot le plus important de tous : le mot amour. En rendant l'amour obligatoire, en disant que tu DOIS aimer. Il faut donc aimer ton prochain comme toi-même, ce qui est impossible en réalité. Tu n'y parviendras jamais, et tu pourras donc toujours être vu comme coupable. On t'a inculqué que tu dois aimer quelqu'un qu'il faut aussi craindre, un être suprême, un père éternel. Qui manque à ce devoir redevient un misérable pécheur. Voilà qui n'est pas sain mentalement, moralement ou intellectuellement.

Et ça m'amène à la dernière objection - que je vais condenser, Dr. Orlafsky - qui est que ce système est totalitaire. S'il y avait un Dieu qui pouvait faire ces choses et exiger de nous ces trucs, et qu'il était éternel et immuable, nous vivrions sous une dictature sans appel, un Dieu qui ne peut jamais changer et qui connaît nos pensées et peut nous condamner pour crime de pensée, et nous vouer au châtiment éternel pour des actions que nous sommes condamnés à l'avance à faire. Tout cela en boucle. Bref c'est une excellente chose que nous n'ayons absolument aucune raison de croire que tout cela soit vrai.

Auteur: Hitchens Christopher

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[ pouvoir sémantique ] [ insensé monothéisme ] [ dogme dictature ]

 

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clinique du discours

Lacan [...] définit le sujet de l'inconscient comme étant assujetti aux signifiants qui le constituent et le représentent. Le "sujet" lacanien n'est pas identifiable à l'homme en tant qu'individu qui vient consulter le psychanalyste ou à celui qui serait susceptible de faire l'objet d'une étude anthropologique ou philosophique.

C'est le sujet qui vient se dire, et sous une forme méconnue par l'intéressé lui-même.

Il faut l'Autre ( place occupée par le psychanalyste ) pour entendre ce qui vient se signifier, plutôt que se dire. Il convient de rapprocher ce sujet de la linguistique dans la mesure où celui-ci est le support d'une division entre le sujet de l'énonciation et le sujet de l'énoncé - avec les impasses que cela comporte, comme en témoigne le célèbre paradoxe du menteur.

Cependant, là où la psychanalyse fait apparaître la division du sujet, c'est dans son double rapport, d'une part, au signifiant qui le représente auprès des autres signifiants, d'autre part, dans ce qui le supporte dans son rapport à l'objet, c'est-à-dire dans son fantasme.

L'objet, que Lacan désigne comme "objet a", l'objet même de la psychanalyse, a ainsi une définition structurale; comme étant dans un rapport fondamental, fantasmatique au sujet; sa place peut être occupée par l'un quelconque de ces objets ( sein, pénis, face, oeil, savoir...) dont la psychanalyse a montré l'importance prévalante qu'ils ont dans l'organisation fantasmatique.

Le psychanalyste se soutient de cette place, celle de l'objet a, puisque c'est à partir de là qu'il peut entendre ce qui vient se signifier dans le discours de son analysant, c'est-à-dire le sujet même qui parle par sa bouche à travers les détours et les méandres de son discours. Et cela constitue donc une éthique, qui est une éthique du sujet, celle-là même qui est énoncée dans la célèbre phrase de Freud : Wo es war, soll Ich werden, improprement traduite par : " Là où le ça était, le moi doit advenir" - ce qui renvoie à la deuxième topique et à la théorie impliquée par l'ego psychology. Lacan traduit différemment: " Là où c'était, le je - le sujet - doit advenir ", formule digne d'être soulignée, parce qu'elle exprime le seul sollen, le seul "devoir être" qui soit cohérent avec la doctrine psychanalytique.

La psychanalyse est une éthique du sujet, c'est-à-dire du rapport qu'entretient celui-ci avec le désir. On peut dire aussi que cela consiste dans la traversée du fantasme: non par la suppression du fantasme, qui supposerait la possibilité d'un accès direct au réel, et ainsi une organisation du désir comme étant portée exclusivement par un assujettissement du sujet aux signifiants du discours psychanalytique ( ce qui serait de l'ordre de la conversion religieuse), mais par la possibilité pour le sujet de prendre en compte ce qui, de son désir, ne cédera pas, parce qu'enraciné dans le fantasme.

Une lecture hâtive et tendancieuse du Séminaire de Lacan lui attribue ce sollen: " Ne pas céder sur son désir". Lacan disait exactement: " La seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective analytique, c'est d'avoir cédé sur son désir". Il en parlait à propos du héros, et tout particulièrement d'Antigone, qui certes ne cédait pas sur son désir face à Créon, au pouvoir, à la société. Lacan propose une analyse assurément différente de celle de Hegel, par exemple, pour qui Antigone était coupable de ne pas se plier à la loi, celle de l'Etat, et d'obéir aux dieux lares, dieux intérieurs et inférieurs. C'est sans doute à cela qu'aboutirait une analyse sociologique ou psychiatrique de la tragédie antique en jugeant qu'Antigone n'a pas fait le deuil de son frère, ou qu'elle est paranoïaque! Mal adaptée sans doute à sa société, manquant de souplesse à l'égard des compromis qui lui sont offerts.

Antigone, grâce au regard de l'analyse lacanienne, se voit reconnaître le droit de ne pas céder sur son désir, c'est-à-dire sur le fantasme fondamental qui la lie à son père, à ses frères, aux Atrides, qui lui donne son identité subjective et lui font affronter la mort et l'opprobre.

C'est ainsi que le héros, au sens lacanien, n'a certes pas attendu la psychanalyse pour mettre en échec l'éthique du maître, ici incarné par Créon et par le choeur. Mais aussi - et c'est bien là que la psychanalyse fait apparaître la spécificité d'une éthique - une telle lecture de notre expérience d'analystes nous permet d'entendre quel est le lieu où le sujet ne cédera pas, dans son fantasme, sur son désir - à l'encontre de tout ce que tentent de lui imposer une famille bienveillante, une société répressive ou des psychiatres, hommes de bien, animés des intentions les meilleures et les plus humanitaires. C'est en dépit de toutes ces tentatives que le névrosé le plus modeste témoigne de ce qu'il y a des points sur lesquels on ne cède pas, même si cela se paie par les pires malheurs, jusqu'à la mort inclusivement.

L'éthique du psychanalyste ne consiste pas à proposer ou à imposer une nouvelle morale concernant le désir, mais à faire apparaitre le sujet là où n'existaient que des forces obscures et contradictoires qui ne pouvaient jusqu'alors se signifier, faute d'avoir été entendues. C'est là qu'elle diffère radicalement de ce qui, d'une manière ou d'une autre, découle du discours du maître, c'est-à-dire la production d'énoncés prescriptifs qui sont censés assurer à l'esclave plus de biens, plus de jouissance, et même, plus de désir, plus de liberté.

Il est finalement significatif que tant de disciples de Freud et de Lacan aient retourné les énoncés descriptifs qu'ils avaient produits pour en faire des énoncés prescriptifs. "Guéris!", dit Sandor Ferenzi; "Jouis!", dit Wilhelm Reich; "Sois un machine désirante!" dit Félix Guattari; "Ne cède pas sur ton désir!", dit Jacques-Alain Miller.

La position du psychanalyse est "antiprescriptive". Elle s'annonce dans la règle fondamentale, c'est-à-dire dans une incitation à continuer à parler, mais surtout sans que l'analysant s'impose à lui-même des règles: celle de dire ce qu'il croit devoir dire, celle de taire ce qu'il croit devoir taire.

Auteur: Clavreul Jean

Info:

[ fonctionnement ] [ exorcisme ] [ mise en abyme ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson