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dernières paroles

Mille et un souhaits de bonne nuit ma très chère fille bien-aimée, Véronica. Innocent, j'ai été jeté en prison ; innocent, je dois maintenant mourir. Car quiconque entre dans la prison des sorciers doit être torturé jusqu'a ce qu'il invente un crime ou un autre... Quand on me soumit pour la première fois à la torture, le Dr Braun, le Dr Kötzendörffer et deux docteurs que je ne connaissais pas étaient présents. Le Dr Braun me demande : "Parent, comment se fait-il que tu sois ici ? " Je réponds : "Par erreur, par malchance.". "Ecoute-moi, toi, rétorque-t-il, tu es un sorcier ; confesseras-tu tes crimes de ton plein gré ? Sinon, nous ferons venir les témoins, et le bourreau s'occupera de toi. ". Je lui dis : "Je ne suis pas sorcier, ma conscience est pure sur ce chapitre ; faites venir mille témoins, je ne les crains pas. " ...Alors entra aussi - Seigneur qui êtes aux Cieux, ayez pitié - le bourreau ; il lia ensemble mes deux mains et me fit endurer les poucettes, de sorte que mon sang jaillit de mes ongles et ruissela partout, de sorte que, quatre semaines durant, je ne pus me servir de mes mains, ainsi que tu le remarqueras à mon écriture. ...Après quoi ils me déshabillèrent, attachèrent mes mains derrière mon dos, puis me hissèrent dans l'estrapade. Je crus alors la fin du monde arrivée ; huit fois de suite, ils me firent monter, puis me laissèrent tomber ; mes douleurs furent indescriptibles... Et ainsi, j'avouai... mais ce n'était que mensonge. Suit maintenant, ma chère enfant, ce que je confessai afin d'échapper aux atroces souffrances et aux horribles tortures, que je ne pouvais supporter davantage... Je dus ensuite dire les noms des gens que j'avais rencontrés (au sabbat). Je déclarai que je ne les avais pas reconnus. "Vieux coquin, je vais encore devoir appeler le bourreau. Alors ? - le Chancelier était-il présent ? " Je répondis que oui. "Qui d'autre ? " Je n'avais reconnu personne. De sorte qu'il dit : "Prends une rue après l'autre ; pars du marché, éloigne t'en par une rue et retournes-y par la suivante. " Je dus nommer plusieurs personnes habitant là. Puis j'arrivai à la longue rue. Je n'y connaissais personne. Dus pourtant nommer huit habitants... Et ainsi m'interrogèrent-ils sur toutes les rues, quoique je ne puisse ni ne voulusse en dire davantage. Ils me remirent donc entre les mains du bourreau, lui dirent de me déshabiller, de me raser le corps, et de me mettre à la torture... Je dus ensuite dire tous les crimes que j'avais commis. Je ne dis rien... "Hisse ce coquin ! " Je déclarai alors que j'étais censé tuer mes enfants, mais qu'à la place j'avais tué un cheval. Cela ne leur suffit pas. J'avais également volé une hostie consacrée pour la profaner. Après cette dernière confession, ils me laissèrent en paix. Ma chère enfant, cache bien cette lettre... Autrement je serais très hideusement torturé et l'on décapiterait mes geôliers... Adieu, car ton père Johannes Junius, ne te reverra plus jamais.

Auteur: Junius Johannes

Info: dernière lettre à sa fille

[ exécution ]

 

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déclaration d'amour

Je n'ai pas passé un jour sans t'aimer ; je n'ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n'ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l'ambition qui me tiennent éloigné de l'âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m'éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c'est pour te revoir plus vite. Si, au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c'est que cela peut avancer de quelques jours l'arrivée de ma douce amie, et cependant, dans ta lettre du 23 au 26 ventôse, tu me traites de Vous !!
Vous toi-même ! Ah ! Mauvaise, comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu'elle est froide ! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours ; qu'as-tu fait, puisque tu n'as pas écrit à ton mari ?... Ah ! Mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à qui en serait la cause ! Puisse-t-il, pour peine et pour supplice, éprouver ce que la conviction et l'évidence me feraient éprouver ! L'Enfer n'a pas de supplice ! Ni les Furies, de serpents ! Vous ! Vous ! Ah ! Que sera-ce dans quinze jours ?...
Mon âme est triste ; mon coeur est esclave, et mon imagination m'effraie... Tu m'aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m'aimeras plus ; dis-le-moi ; je saurai au moins mériter le malheur... Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance et âme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent à la Nature, et des mouvements impétueux, aussi volcaniques que le tonnerre. Je ne te demande pas ni amour éternel, ni fidélité, mais seulement... vérité, franchise sans bornes. Le jour où tu dirais "je t'aime moins" sera le dernier de ma vie. Si mon coeur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents.
Joséphine, Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t'ai dit quelquefois : la Nature m'a fait l'âme forte et décidée. Elle t'a bâtie de dentelle et de gaze. As-tu cessé de m'aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon coeur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux... Je suis ennuyé de ne pas t'appeler par ton nom. J'attends que tu me l'écrives. Adieu ! Ah ! Si tu m'aimes moins, tu ne m'auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre.
PS : La guerre, cette année, n'est plus reconnaissable. J'ai fait donner de la viande, du pain, du fourrage ; ma cavalerie armée marchera bientôt. Mes soldats me marquent une confiance qui ne s'exprime pas ; toi seule me chagrine ; toi seule, le plaisir et le tourment de ma vie. Un baiser à tes enfants dont tu ne parles pas ! Pardi ! Cela rallongerait ta lettre de moitié. Les visiteurs, à dix heures du matin, n'auraient pas le plaisir de te voir. Femme !!!

Auteur: Bonaparte Napoléon

Info: Lettres d'amour à Josephine, Albenga, le 18 germinal

[ correspondance ]

 

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dernières paroles

Une fois de plus les forces et les intérêts qui oeuvrent contre le peuple se sont organisés à nouveau contre moi. Ils ne m'accusent pas, ils m'insultent ; ils ne me combattent pas, ils me diffament et ne me donnent pas le droite de me défendre. Ils doivent assourdir ma voix et empêcher mes actions de sorte que je ne continue pas à défendre le peuple comme je l'ai toujours fait, particulièrement les humbles. Je suis mon destin. Après des décennies de domination et de pillage des groupes économiques et financiers internationaux je me suis placé à la tête d'une révolution et ai gagné. J'ai commencé le travail de la libération et j'ai installé un régime de liberté sociale. J'ai une fois dû démissionner mais je suis revenu au gouvernement porté par le peuple. La campagne souterraine des groupes internationaux a rejoint celle des groupes nationaux qui sont contre la politique du plein emploi. La loi contre les bénéfices exceptionnels a été retardée par le congrès. Des attaques ont été lancées contre une juste révision des salaires minima. J'ai souhaité apporter la liberté nationale dans l'utilisation de nos ressources avec Petrobas ; ceci avait à peine commencé à fonctionner quand la vague d'agitation a gonflé. Electrobas a été obstrué au point de désespoir. Ils ne veulent pas que l'ouvrier soit libre. Ils ne veulent pas que les brésiliens soient indépendants.
J'ai assumé le gouvernement au milieu d'une spirale inflationniste qui détruisait les récompenses du travail. Les bénéfices des compagnies étrangères atteignaient parfois 500 pour cent par an. Dans la déclaration des valeurs d'importation, des fraudes de plus de $100 millions par an ont été prouvées. Avec la crise de café la valeur de notre produit principal a monté. Nous avons essayé de protéger son prix et la réponse fut une telle pression violente sur notre économie que nous avons été forcé de céder. J'ai combattu mois après mois, jour après jour, heure après heure, résistant à une pression constante, souffrant tout en silence, m'oubliant afin de défendre le peuple brésiliens. Il n'y a rien que je ne puisse donner de plus excepté mon sang. Si les oiseaux de proie veulent le sang de quelqu'un, s'ils veulent continuer à piller les brésiliens, j'offre ma vie en holocauste. Je choisis ce moyen pour être toujours avec vous. Quand ils vous humilieront, vous entirez mon âme souffrir a votre côté. Quand la faim frappera à votre porte, vous sentirez en votre sein l'énergie pour lutter pour vous-mêmes et vos enfants. Quand vous serez dédaignés, ma mémoire vous donnera la force pour réagir. Mon sacrifice vous maintiendra uni et mon nom sera votre norme de bataille. Chaque goutte de mon sang sera une flamme immortelle dans votre conscience et confirmera la volonté sacrée de résister. À la haine je réponds par le pardon, et à ceux qui pensent qu'ils m'ont défait, je réponds avec ma victoire. J'étais l'esclave des brésiliens, aujourd'hui je me libère dans la vie éternelle. Mais ces personnes dont j'étais l'esclave ne seront plus les esclaves de personne. Mon sacrifice demeurera pour toujours dans leurs âmes et mon sang sera leur rançon. J'ai combattu contre l'exploitation du Brésil. J'ai combattu contre l'exploitation de ses gens. J'ai combattu avec mon coeur entier. La haine, l'infamie et la calomnie n'ont pas conquis mon esprit. Je vous ai donné ma vie. Maintenant je vous offre ma mort. Je ne crains rien. Sereinement je fais mes premiers pas vers l'éternité. Je quitte la vie pour entrer dans l'histoire.

Auteur: Vargas Getúlio Dornelles

Info: Sa lettre pour le peuple brésilien

[ suicide ]

 

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littérature

[...] les dizaines de milliers de pages que tu as absorbées tournent sans cesse dans les tiroirs et les étagères de ton cerveau, tu te souviens des noms des auteurs, des titres des livres et même du nom des éditeurs et des collections, tu reconnais les couvertures, les tranches colorées, tu distingues les différents éditeurs à la couleur de la couverture, au format du livre, tu repères de loin dans les cartons les logos de tes préférés, tu recopies des paragraphes entiers, tu apprends par coeur des poèmes et des citations, tu lis les biographies et la correspondance de tes favoris, tu cites des phrases et des vers, tu prêtes des livres, tu perds des livres, tu les rachètes, tu ne t'en lasses pas ; quand tu es dans le jardin, tu considères les saisons comme les chapitres d'un livre familier que tu relis régulièrement, chaque année tu écris de nouvelles pages dans la terre du jardin, tu rédiges des brouillons successifs, tu élagues, tu mets au propre, tu relis tu déchires, tu chiffonnes des boules de papier, tu jettes au fumier, tu recommences, l'écriture te nourrit, tu rédiges les versets de la terre, tu graves dans la glaise, ton corps est ton dernier volume, les rides et les cicatrices, les plis et replis, les bosses et les creux racontent ton histoire et celle de tes frères ; il pleut sur le livre abandonné près du fauteuil du jardin, les pages sont trempées, même le vent ne parvient pas à les tourner, l'encre noire coule dans les allées, le ruisseau d'encre grossit, devient une rivière, coule vers la Lys, coule vers l'Escaut, traverse le pays, rejoint la mer du Nord, l'encre glisse dans la mer, les lettres les mots les phrases sont emportés par la bourrasque, par l'érosion incessante, tu les suis des yeux le plus longtemps possible, tu retiens les plus beaux mots, laitue blonde de la passion, reine de mai, mâche ronde verte à coeur plein, tu retiens tous ces mots, tu les retiens par coeur, ton coeur se remplit de mots, il déborde il éclate, les mots se répandent dans ton corps tout entier, ils parcourent tes veines comme des alcaloïdes stupéfiants, ils se nichent dans ton estomac et tes intestins veloutés, ils se cachent au détour d'une articulation, entre tes vertèbres sacrées, ils rampent à l'intérieur de tes os dans la moelle jaune et grasse, ton sang charrie tous les mots de l'amour et de la violence, les pseudopodes de tes globules blancs se saisissent des mots les plus longs, en séparent les syllabes et les digèrent sans coup férir, mais un jour cependant, les choses changent, tu constates l'invasion de ton corps par les profanateurs de littérature, les slogans de la télévision comme de longs vers répugnants s'introduisent dans tes oreilles, rampent entre les osselets, circulent sous les méninges de ton système nerveux, ils s'accouplent tête-bêche à l'intérieur de ta tête, tu regardes l'éclosion dégoûtante des parasites, tu les vois migrer, ton corps devient le champ de bataille de la poésie, ta peau se soulève par endroits, révélant l'ardeur des combats engagés entre les mots du dedans et ceux du dehors, ta température s'élève brutalement, tu te sens impuissant, tu assistes en spectateur à la lutte finale, tu es terrorisé, tu sens venir la fin, tu crains à tout moment de voir apparaître au milieu de l'écran noir sous tes paupières fermées cette sentence ultime THE END, tu voudrais apporter des retouches au script mais toute retouche est interdite, tu ne maîtrises plus rien et de toute façon ton [...]

Auteur: Suel Lucien

Info: Mort d'un jardinier

[ vocabulaire ] [ obsession ]

 

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docteur

Je l'ai [Dr Paul Carton] rencontré, une fois. Jeune père, je ne comprenais pas pourquoi mes deux enfants (dix-huit mois et six mois) ne sortaient d'une otite que pour entrer dans une rhinopharyngite ou vice versa. Ils étaient surveillés par un excellent pédiatre dont nous suivions méticuleusement les conseils alimentaires. Et ils continuaient d'être malades et de souffrir. C'est à cette époque que je perdis le sommeil. Je guettais dans la nuit le premier pleur de ma fille ou de mon fils. Je sautais aussitôt hors du lit pour prendre mon bébé dans les bras, le bercer, lui parler doucement, essayer de le calmer et de le distraire de son mal. Il continuait de pleurer en frottant son oreille de son petit poing fermé. La souffrance d'un enfant est horrible. Il ne sait pas, il ne comprend pas, il subit cette chose atroce qui s'est installée en lui et le déchire, et les parents ne peuvent rien faire pour le soulager. J'aurais voulu prendre son mal, souffrir de la tête aux pieds pourvu qu'il fût délivré. Mais ce genre de substitution ne fonctionne pas. C'est dommage.

Ma femme me relayait jusqu'à ce que, épuisés tous les trois, nous sombrions dans le sommeil. D'où nous tirait une nouvelle morsure de la bête tapie dans la petite tête, et le cri stupéfait de sa victime...

Au matin, le pédiatre alerté accourait et perçait le tympan. Tout le monde était enfin soulagé ! Le petit malade retrouvait le sourire. Ses parents aussi. Trois jours après, c'était l'autre oreille...

Un ami me conseilla de consulter le Dr Carton. Il habitait Brévannes et recevait peu de clientèle. Je lui écrivis pour lui demander rendez-vous. Il me répondit de lui envoyer d'abord la liste minutieuse de toutes les nourritures et boissons avalées par nos enfants pendant une semaine. Ce que nous fîmes. Puis nous lui conduisîmes les bébés.

C'était un homme d'aspect sévère, pourvu d'une longue barbe blanche. Il nous reçut dans son bureau un peu sombre, nous fit asseoir, prit sur la table une feuille de papier sur laquelle je reconnus mon écriture - c'était ma "liste alimentaire !" - , l'agita vers nous, et prononça ces mots que je n'oublierai jamais :

- Vous êtes des assassins !

C'était excessif, mais exact. Nous étions en train, en suivant les conseils de la pédiatre moderne, non pas de tuer nos enfants qui avaient une solide résistance, mais de les torturer, en croyant agir pour leur bien.

Il nous garda plus d'une heure, pour nous expliquer l'évidence, nous conseilla de lire deux de ses livres, nous dit le prix de sa consultation, qui était élevé, et s'en excusa en précisant qu'il prenait cher parce qu'il ne revoyait plus ses clients...

- Vous n'aurez plus besoin de me consulter.

C'était vrai. Nous suivîmes ses prescriptions, qui ne comportaient aucun médicament, et nos enfants ne furent plus jamais malades. Nous les avions tout simplement remis à un régime naturel et de bon sens.

C'était à la fin des années 30. Il était de mode, alors, d'administrer trop tôt aux bébés des nourritures trop riches. Leur organisme ne pouvait pas les assimiler, accumulait les toxines, et s'en débarrasser au moyen de maladies qui étaient des crises de "nettoyage". Je crains que cette mode ne continue, quand j'entends, l'hiver, des jeunes mères parler d'otites...[...]

Carton a réinventé la nourriture et la médecine naturelles. Il les avait baptisées "naturistes". Il a rejeté ce mot avec horreur quand le naturisme est devenu synonyme de nudisme! Pendant qu'il se battait contre les laboratoires pharmaceutiques, contre les industriels du sucre et des bonbons, contre les pontes de la médecine classique, des hommes astucieux commençaient déjà à le piller, de son vivant.

Dans son livre essentiel, La Cuisine simple, il n'est pas un seul menu qui ne comporte une salade de légumes crus. C'était avant l'invention industrielle des "vitamines". Un de ses élèves est devenu milliardaire et célèbre en fabriquant des produits dits "diététiques" qui se vendent dans le monde entier. Il n'a jamais cité le nom de son maître. Tous les "diététiciens" et les "nutritionnistes" - quels mots horribles! - l'ont piraté, lui prenant quelques miettes de vérité qu'ils ont mélangées à des montagnes d'erreur pour les commercialiser.

Les innombrables boutiques qui vendent aujourd'hui des produits dits "naturels" ou "de régime" ont germé sur le cartonisme, se nourrissant de lui sans même le connaître.

Carton est mort pauvre, toujours furieux, toujours combattant. Il avait fait une chute de six mètres alors qu'il cueillait des cerises. Côtes brisées, décalcifié, colonne vertébrale tordue, il s'enferma dans un corset aux baleines de fer, pour pouvoir continuer à recevoir un client par jour, et rester utile jusqu'à sa fin.

Auteur: Barjavel René

Info: Demain le paradis, Denoël, pp. 31-32

[ vocation ] [ biographie ] [ dévouement ] [ portrait ]

 
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secours

Je suis assis à l'arrière d'un C17 de la RAAF sur le chemin du retour en Australie avec Craig et les étonnants membres de l'équipe australienne du ministère des Affaires étrangères et du Commerce, de la Police fédérale australienne et des Forces de défense australiennes. C'est maintenant la première occasion de s'arrêter et de réfléchir sur les événements extraordinaires des 8 derniers jours depuis que Craig et moi avons été déployés en tant que petite équipe AUSMAT à la rescousse dans les grottes de Tham Luang (Chang Rai) au nord de la Thaïlande.

Quand nous sommes arrivés sur le site, des plongeurs locaux comme Ben Reymenants et l'impressionnant quatuor britannique (John Volanthen, Rick Stanton, Jason Mallinson et Chris Jewell) avaient déjà effectué les plongées les plus extraordinaires à travers la grotte et posé la corde très robuste qui a rendu toutes les plongées ultérieures non seulement possibles, mais aussi sûres. On ne peut sous-estimer les efforts et l'habileté de ces gars pour ouvrir la voie. Suivre la ligne de quelqu'un d'autre est beaucoup plus facile que de trouver son propre chemin. Rick et John n'ont pas seulement trouvé les enfants et l'entraîneur vivants, mais ils ont communiqué la gravité de la situation au reste du monde. Les 4 Britanniques ont ensuite effectué d'autres plongées pour amener matériel et vivres aux joueurs de football, à l'entraîneur et aux quatre plongeurs de la marine thaïlandaise, ce qui a permis de se préparer et de subvenir à la suite du sauvetage.

Pendant ce temps sur le terrain, les Thaïlandais et la communauté internationale ont envoyé des essaims d'hommes et de femmes pour assurer la restauration, les communications, les médias et, bien sûr, d'énormes équipes d'ouvriers qui ont rempli la grotte de tonnes et de tonnes d'équipement pour essayer d'abaisser l'eau et soutenir les opérations de plongée. Je n'ai jamais rien vu de tel quant à la lutte de l'homme pour contrôler les forces naturelles des eaux de la mousson. Les travailleurs locaux et autres escaladeurs ont gréé la section sèche de la grotte avec des cordes pour simplifier le sauvetage et ont fouillé la brousse au-dessus pour trouver d'autres entrées de la grotte. Les équipes de forage ont tenté de traverser près d'un kilomètre de roche jusqu'à l'endroit où se trouvait les garçons. Pendant tout ce temps, 4 braves plongeurs de la Marine Thailandaise sont restés avec l'équipe des sangliers, sachant qu'ils étaient aussi en danger que les enfants.

Lorsque toutes les autres options semblèrent épuisées, la décision de sortir les garçons à la nage a été prise. Pour la sortie des enfants, les 4 plongeurs sauveteurs britanniques furent soutenus par Craig et moi ainsi que trois autres jeunes plongeurs très talentueux du Royaume-Uni (Connor, Josh et Jim) avec des plongeurs européens (Erik, Ivan, notre bon ami Claus et Nikko). La pression exercée sur ces gars était immense, ils n'ont jamais baissé les bras une seconde.

Lorsque les enfants et l'entraîneur étaient amenés dans la chambre 3, les équipes américaines de parachutistes, les plongeurs de l'AFP SRG, le CD australien, les plongeurs chinois et les médecins de la marine de l'armée thaïlandaise les évaluaient, avant de les emmener hors de la grotte vers un hôpital de campagne et les transférer ensuite dans l'immense hôpital du centre de Chang Rai. Sur le chemin du retour à la maison nous avons eu la chance de visiter les garçons, l'entraîneur et les Seals ainsi que tout le beau personnel médical et infirmier de l'hôpital

Je voulais écrire ceci afin de donner crédit à toutes les personnes impliquées d'une manière ou d'une autre. Craig et moi avons eu un coup de projecteur sur nos efforts et nous voulons faire comprendre que bien que nous soyons devenus le visage de ce sauvetage pour quelque raison que ce soit, tout le monde doit savoir que le rôle que nous avons joué ne fut ni plus ni moins important que les centaines (peut-être milliers) mentionnées. Un rôle donné comme beaucoup plus noble qu'il ne le fut en réalité. Nous nous considérons chanceux d'avoir eu des compétences pour pouvoir contribuer à ce merveilleux résultat.

Remerciements particuliers au NCCTRC et à l'AUSMAT, DFAT, au personnel de l'ambassade d'Australie en Thaïlande, à la police touristique thaïlandaise (nos protecteurs !), à la liaison locale, aux spéléologues locaux. Nos sincères condoléances à la famille de l'ex Navy Seal Saman Gunan, décédé au cours des opérations de sauvetage.

Chez nous, nous devons remercier nos familles d'avoir traité avec les médias et de l'inquiétude que nous leur avons causé (elles y sont habituées je le crains). À MedSTAR et au SA Ambulance Service pour l'aide et le soutien importants, en particulier les Drs James Doube et Andrew Pearce. À l'équipe des Services d'anesthésie spécialisée. A l'Association des plongeurs spéléo de l'île de Cave. L'Australie pour la gestion de la vague d'intérêt pour notre sport... L'équipe dirigeante de ce pays a a été incroyable, surtout notre meilleur pote John Dalla-Zuanna. A la communauté mondiale des spéléologues et plongeurs qui se sont comportés avec grâce et dignité et ont essayé d'expliquer quelques faits aux médias de temps en temps ! Enfin, aux milliers de sympathisants de Thaïlande et du monde entier, nous promettons d'avoir lu tous les messages !

Auteur: Harris Richard

Info: En compagnie de Craig Challen

[ solidarité internationale ]

 

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servitude inconsciente

Connaissez-vous la blague de l'antisémite qui rencontre un juif orthodoxe dans un train ?

J'adore cette blague car elle s'appuie bien évidemment, comme toutes les bonnes blagues, sur des clichés (racistes, sexistes ...) et vous savez bien qu'une façon de sympathiser avec un étranger est de vous raconter des blagues racistes sur les appartenances ethnique, religieuse ... de chacun. Pourquoi cela marche si bien ? Je pourrais peut-être vous l'expliquer à l'aide de la théorie lacanienne plus tard ... mais d'abord je vous raconte cette bonne blague !

La scène se passe dans un train entre Vienne et Salzbourg. Un jeune autrichien se retrouve assis à côté d'un juif orthodoxe d'un certain âge. Un peu gêné, le jeune homme surmonte sa timidité, et parvient à s'adresser au religieux :

— Bonjour Monsieur ... Excusez-moi de vous déranger ... Est-ce que vous ... Est-ce que ... vous êtes juif ?

— Visiblement. 

— Je peux vous poser une question ?

— Ça sera déjà la troisième ... mais oui ... je vous en prie.

— Ça va certainement vous paraître déplacé, même raciste, mais j'ai toujours voulu savoir si ce que l'on dit à propos des juifs était exact ... est-ce que ... est-ce que c'est vrai que tous les juifs sont riches ?

— Il s'agit d'une rumeur fondée ... 

— Ah ! C'est donc vrai ! J'en étais sûr ! Mais ... dites-moi ... avez-vous un secret ? Une méthode peut-être ? 

— Évidemment. Cependant cette méthode est fastidieuse à développer et je crains, pour vous, qu'elle ne soit trop ennuyeuse à écouter ... 

— Je vous assure que j'ai le temps devant moi ! Même si cela doit prendre tout le trajet ! 

— Êtes-vous bien sûr ... ?  

— Oui ! Sûr et certain !

— Bon ... très bien ... vous savez cette méthode, ce secret ancestral, devrais-je même dire, n'est réservé qu'aux initiés ... mais, pour vous, je veux bien faire une exception à condition que vous me donniez cinq euros.

— Cinq euros ? Seulement ? Si c'est tout ce que vaut ce secret millénaire qui peut rendre un homme riche, alors tenez ! Prenez-les donc ! Ils sont à vous !

Après un long moment visage clos et bouche cousue le vieil homme se mit à parler et narra une histoire fabuleuse, faite de détours splendides, de délicates circonvolutions, d'anecdotes d'un humour d'une exquise finesse. Cette histoire puisait son origine dans la nuit des temps, dans la mystérieuse mémoire oubliée des hommes ... et soudainement, le vieil homme se tût.

— Quoi ? C'est tout ? Mais vous n'avez rien expliqué ! s'exclama le jeune autrichien.

— Ne soyez pas si impatient, dit le religieux d'une voix calme et assurée, ce n'est que le début du commencement. Si vous voulez connaître la suite, il faut payer cinq euros.

— D'accord, d'accord ! Tenez ! Continuez ! Je vous en prie !

Le religieux reprit alors le fil de cette merveilleuse histoire qui s'avèrait, au fil des minutes qui s'écoulaient, plus merveilleuse encore et en devenait même exaltante. Mais, de nouveau, le juif se tût au beau milieu d'une phrase. Automatiquement, le jeune autrichien tendit un autre billet de cinq euros et le religieux se remit à parler. Ce scénario se répéta jusqu'à ce que le train arrive en gare, moment qui coïncida curieusement avec l'impossibilité pour le jeune autrichien de payer davantage : le pauvre bougre n'avait plus un seul centime sur lui. Et c'est ainsi que les deux hommes se quittèrent ...

Cela va peut-être vous surprendre mais je pense que la situation actuelle, c'est-à-dire la gestion de l'épidémie de coronavirus, a exactement la même structure que cette blague. Bien sûr à la place du jeune autrichien, nous avons le peuple, à la place du juif orthodoxe, il y a le gouvernement, et à la place de l'argent se tient la liberté. Le gouvernement déploie son récit autour du coronavirus et exige d'abord du peuple un petit geste, anodin, qui n'a l'air de rien : porter un masque. Le peuple se dit alors que si cela peut lui permettre de recouvrer sa liberté, pourquoi pas. Et puis l'histoire continue, et une nouvelle exigence se fait entendre : maintenant il s'agit de se confiner. Et puis ensuite il s'agira de présenter une identification numérique partout où il se rend. Identification numérique elle-même fournie à condition d'avoir accepté une procédure médicale ... et ainsi de suite jusqu'à ce qu'à la fin, le peuple, croyant ainsi retrouver sa liberté en la sacrifiant, comme le jeune autrichien croyant devenir riche en dépensant son argent, a produit une nouvelle réalité sociale et se retrouve pris au dépourvu car il a donné tous les moyens nécessaires au gouvernement pour se retrouver dans cette position. 

Vous aurez bien sûr reconnu dans cette petite blague et le parallèle avec la gestion de l'épidémie ce que l'on appelle en psychanalyse le surmoi. Le surmoi est l'écart réel entre le moi-idéal (imaginaire) et l'idéal-du-moi (symbolique) que la subjectivité tente coûte que coûte de combler, surtout en se sacrifiant, en se faisant payer cet écart. Il s'agit d'un cercle vicieux puisque le surmoi plus on lui obéit plus on se sent coupable. C'est comme le jeune autrichien qui paye encore et encore ou le peuple qui s'éloigne de "la vie d'avant" à mesure qu'il croit s'en rapprocher en sacrifiant toujours un peu plus sa liberté. 

Une interprétation antisémite de cette blague pourrait être que le juif profite de l'ignorance d'un brave homme pour s'enrichir mais ça serait oublier qu'en réalité le juif ici ne fait pas simplement de dire à l'autrichien comment s'enrichir mais il lui montre littéralement. Charge est à l'autrichien de le comprendre. Cela pourrait nous faire faire un pas vers la différence entre ce que l'on appelle en linguistique l'énoncé et l'énonciation. Ainsi, nous pourrions nous demander si le jeune autrichien antisémite tirera un enseignement de cette leçon reçue par le juif orthodoxe ? Ou va-t-il perdurer dans son antisémitisme et se positionner d'autant plus comme victime éternelle de l'avidité qu'il suppose aux juifs, qu'en réalité, il ne fait que produire par son positionnement vis-à-vis de cette communauté ? Ainsi le peuple va-t-il se positionner comme l'éternelle victime de son gouvernement qu'il suppose — et certainement à raison mais cela ne change strictement rien — être profondément corrompu par les puissances financières de ce monde, ne travaillant que pour les intérêts privés au détriment du bien commun ? Ou va-t-il, comme le dit La Boétie, finalement s'apercevoir que ce que le gouvernement a de plus que le peuple ne sont que les moyens que celui-ci lui fournit pour indirectement se détruire ?

Nous avons toujours le gouvernement que nous méritons.

Auteur: Goubet-Bodart Rudy

Info: https://www.rudygoubetbodart.com/single-post/qui-a-enlev%C3%A9-slavoj-zizek?

[ complice ] [ crédulité ] [ fonctionnement du pouvoir ] [ covid-19 ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dialogue

asseyez-vous, Stirkoff.

merci, sire.

mettez-vous à votre aise.

c’est très aimable à vous, sire.

Stirkoff, j’ai cru comprendre que vous aviez écrit des articles sur la justice, l’égalité, et aussi sur le droit au bonheur et à une meilleure existence. une question, Stirkoff.

je suis tout ouïe, sire.

pensez-vous qu’un jour le monde connaîtra une justice toute-puissante et pleine de bon sens ?

je crains que non, sire.

mais alors pourquoi toutes ces sornettes ? seriez-vous souffrant ?

ces temps-ci, je broie du noir, sire, à croire que je perds la raison.

buvez-vous beaucoup, Stirkoff ?

ça va de soi, sire.

et l’onanisme ?

tout le temps, sire.

mais de quelle façon ?

j’ai du mal à vous suivre, sire.

c’est simple, comment vous y prenez-vous ?

en mélangeant quatre à cinq œufs frais et une livre de viande hachée dans un vase à long col, et en écoutant Vaughn Williams ou Darius Milhaud.

cristal ?

non, plutôt anal, sire.

vous ne m’avez pas compris. je voulais savoir si le vase était en cristal.

bien sûr que non, sire.

avez-vous déjà été marié ?

de nombreuses fois, sire.

qu’est-ce qui n’a pas marché ?

tout, sire.

quel est votre meilleur souvenir ?

mes quatre à cinq œufs frais sans oublier la viande hachée dans un…

je vois, je vois !

sire, c’est ainsi.

est-ce que vous réalisez que votre soif de justice universelle, votre aspiration à un monde meilleur dissimulent en vérité la pourriture, la honte, l’insuccès qui vous collent à la peau ?

mouais.

votre père s’est-il mal comporté avec vous ?

je l’ignore, sire.

comment ça, vous l’ignorez ?

je veux dire qu’il me faudrait un point de comparaison. or je n’ai eu qu’un père.

seriez-vous en train de vous moquer de moi, Stirkoff ?

oh, non, sire, simplement, comme vous l’avez dit, qui peut se poser en juge ?

votre père vous battait ?

ils se relayaient.

j’avais cru comprendre que vous n’aviez eu qu’un père.

pour ça, oui, mais il y avait aussi ma mère, et donc ils se relayaient.

vous aimait-elle ?

comme on aime ce qui vous appartient.

mais n’est-ce pas une bonne définition de l’amour ?

n’importe qui prend soin de ce qui lui appartient. en quoi cela concerne-t-il les liens de parenté ? puisque ça s’applique aussi bien à un ballon de plage rouge ou à un toast beurré ?

voudriez-vous insinuer que vous pourriez AIMER un toast beurré ?

mais oui, sire. dans certaines conditions. le matin. au lever du soleil. quand l’amour prend son envol ou quand il se termine sans explications.

et aimer les êtres humains, est-ce que cela vous paraît possible ?

assurément, et surtout quand on les connaît mal. j’aime bien les voir passer sous ma fenêtre, déambulant sur les trottoirs.

Stirkoff, vous êtes un lâche.

exact, sire.

quelle est donc votre définition de la lâcheté ?

un homme qui y réfléchit à deux fois avant d’affronter un lion à mains nues.

et votre définition de la bravoure ?

un homme qui ne sait pas de quoi un lion est capable.

chacun sait de quoi un lion est capable.

mais chacun paie la conséquence de ses actes.

et votre définition de la folie ?

un homme qui ne pige pas que le Temps, la Société et la Chair sont, pour une grande part, atteints de gangrène.

mais alors qui sont les sages ?

il n’en existe pas, sire.

donc, il n’y a pas de fous. car s’il n’y a pas de nuit, il ne peut y avoir de jour, et si le blanc n’existe pas, le noir, non plus.

pardonnez-moi, sire, mais je croyais que chaque chose existait indépendamment des autres.

vous avez fourré votre queue dans trop de vases. et vous ne pouvez plus comprendre que TOUT est normal, que rien n’est choquant.

si, je comprends, sire, je comprends que ce qui arrive devait arriver.

que diriez-vous si je décidais de vous faire décapiter ?

que pourrais-je bien dire, sire ?

quoi qu’il en soit, en vous faisant couper la tête, je conserve le Pouvoir, et je vous renvoie dans le Néant.

je pourrais choisir une autre destination.

sauf que c’est moi qui CHOISIS.

non, chacun de nous peut choisir.

relax ! relax ! Détendez-vous !

vous êtes vraiment très courtois, sire.

mais non, nous le sommes tous les deux.

certes, sire.

vous m’avez dit qu’il vous arrive de perdre la raison. que faites-vous en de telles circonstances ?

j’écris des poèmes.

la poésie et la folie, ça va ensemble ?

la folie, c’est l’absence de poésie.

mais, je vous le redemande, c’est quoi la folie ?

la laideur.

qu’est-ce qui est laid ?

cela varie selon les hommes.

donc, la laideur nous est donnée dès la naissance ?

elle est en chacun de nous, en tout cas.

mais est-ce qu’elle est inhérente à chacun de nous ?

je l’ignore, sire.

vous prétendez être un homme de savoir. qu’est-ce que le savoir ?

en savoir le moins possible.

Expliquez-vous.

je n’ai rien à expliquer, sire.

sauriez-vous construire un pont ?

non, sire.

une arme à feu ?

non, sire.

pourtant, toutes ces choses n’ont été rendues possibles que par le savoir.

ce ne sont que des ponts et des armes à feu.

je vais vous faire couper la tête.

je vous en remercie, sire.

pourquoi m’en remercier ?

j’ai grand besoin d’être stimulé, et vous me stimulez.

je suis la Justice.

peut-être.

je suis le Pouvoir. je vais donc vous faire torturer, vous faire hurler. jusqu’à ce que vous souhaitiez être mort.

c’est bien comme ça que je l’entendais, sire.

ne comprenez-vous pas que je suis votre maître ?

vous êtes l’homme qui me manipule, mais il n’y a rien que vous puissiez me faire qui n’ait déjà été fait.

vous pensez être un malin, mais lorsque vous hurlerez de souffrance, vous ne le serez plus.

j’en doute, sire.

à propos, comment pouvez-vous supporter Vaughn Williams et Darius Milhaud ? n’avez-vous jamais entendu parler des Beatles ?

oh que oui, sire, qui n’a entendu parler des Beatles ?

et vous ne les aimez pas ?

je ne les déteste pas.

y a-t-il un chanteur que vous détestiez ? on ne peut détester les chanteurs.

disons, quelqu’un qui passe pour l’être.

alors, Frank Sinatra.

pourquoi ?

il chante la pourriture à une société pourrie.

lisez-vous les journaux ?

un seul.

lequel ?

OPEN CITY.

GARDE ! CONDUISEZ IMMÉDIATEMENT CET HOMME À LA CHAMBRE DES TORTURES ET NE M’ATTENDEZ PAS POUR COMMENCER !

sire, puis-je me permettre une dernière requête ?

accordée.

puis-je emporter avec moi mon vase à long col ?

pas question ! je compte m’en servir.

oh, sire !

mais non, je vous le confisque, voilà tout ! Holà, garde, débarrassez-moi de cet idiot ! et repassez me voir avec… avec…

avec quoi, sire ?

avec une demi-douzaine d’œufs frais et un kilo de rumsteak haché…



le garde et le prisonnier sortent. avec un sourire diabolique, le roi se met en position, alors que sur le circuit radiophonique intérieur on entend Vaughn Williams. ainsi va le monde tandis qu’un chien couvert de tiques pisse sur un superbe citronnier qui s’épanouit au soleil.

 

Auteur: Bukowski Charles

Info: Journal (1967), souvenirs et poèmes Broché – Livre grand format, 2007

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fric

Faut-il réduire la taille des établissements bancaires ? Une stricte séparation entre banque de dépôt et banque d'investissement est-elle nécessaire ? Qu'en est-il des relations entre les pouvoirs publics et les banques ?
La Lettre des Académies, une publication commune de l'Académie royale de Belgique, l'Académie royale de Médecine de Belgique, l'Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique, The Royal Academies for Science and the Arts of Belgium et l'Union Académique internationale, me pose la question mise en titre. Ma réponse sera publiée dans le N° 31.
Une réponse a été offerte indirectement à ces questions d'actualité, le 6 mars 2013, par Eric Holder, l'Attorney General des États-Unis, l'équivalent de notre Ministre de la justice.
Le cadre de sa déclaration était une audition du Comité judiciaire du Sénat américain. Les questions posées visaient à comprendre pourquoi aucun dirigeant d'établissement bancaire n'avait été poursuivi à la suite des événements qui avaient conduit à l'effondrement du système financier international en septembre 2008, le fait étant patent que l'origine de ce séisme se trouve au sein-même du système bancaire américain, et plus particulièrement dans l'émission de titres adossés à des prêts immobiliers résidentiels de qualité médiocre, les fameux prêts "subprime".
Répondant au Sénateur Chuck Grassley (républicain de l'Iowa), qui l'interrogeait sur l'apathie du ministère de la Justice dans la recherche de coupables, Eric Holder déclaraot ceci :
"Je crains que la taille de certains de ces établissements ne soit devenue si grande qu'il est devenu difficile de les poursuivre en justice, parce que des indications nous parviennent qui si nous les poursuivions - si nous procédions à des inculpations - cela aurait un impact négatif sur l'économie nationale, voire même sur l'économie mondiale, et il me semble que ceci est la conséquence du fait que certains de ces établissements sont devenus trop importants [...] Ceci a une influence inhibitoire sur, ou impacte, notre capacité à prendre les mesures qui seraient selon moi les plus adéquates..."
Holder ne dit pas explicitement qu'il existe entre le secteur bancaire et le ministère de la Justice un rapport de force et qu'au sein de celui-ci, le ministère de la Justice est en position défavorable, mais c'est bien ainsi que ses propos furent interprétés par les sénateurs qui l'interrogeaient. C'est également la manière dont sa réponse fut rapportée par la presse unanime.
* * *
Lorsqu'il était devenu manifeste à l'automne 2008 que certaines banques étaient à ce point stratégiques que leur chute, comme celle de Lehman Brothers qui venait d'intervenir, entraînerait celle du secteur financier tout entier, l'expression "Too Big to Fail" se répandit : trop grosse pour faire défaut. Elle s'emploie toujours, en concurrence avec l'expression officielle de "banque systémique", en référence au risque systémique : la mise en péril du système financier dans son ensemble.
En février 2013, dans une tribune libre du Financial Times, Neil Barofsky, qui avait été l'Inspecteur-général du Troubled Asset Relief Programme (TARP), le programme de sauvetage du système financier américain, employa une nouvelle expression calquée sur la première : "Too Big to Jail", trop grosse pour être mise en prison.
S'il était donc apparu en 2008 que certains établissements bancaires étaient à ce point cruciaux que leur faillite se répercuterait sur l'ensemble du système financier, il était devenu évident en 2013, et c'est ce que les propos du ministre de la Justice américain confirmaient, que le rapport de force entre ces mêmes banques et le gouvernement était tel qu'elles disposaient du pouvoir de maintenir le statu quo. Les banques systémiques disposaient désormais du pouvoir de faire obstacle à ce qu'on les empêche de mettre en péril l'ensemble du système financier, et ce pouvoir, elles l'exerçaient.
Trois approches étaient envisageables vis-à-vis des banques systémiques :
1) les démanteler, jusqu'à ce que la taille des unités recomposées soit telle que leur défaut n'entraîne plus d'effet domino ;
2) décourager ou interdire celles de leurs activités qui génèrent du risque systémique, à savoir les paris sur les variations de prix (ce qu'on désigne habituellement du terme trop vague de "spéculation").
3) accroître les réserves par rapport à leur niveau d'avant-crise, en espérant que le calcul soit cette fois fait correctement.
À chaud, à l'automne 2008, les deux premières options uniquement étaient sérieusement prises en considération, la troisième était écartée du fait de sa touchante naïveté. Seule cette dernière pourtant serait adoptée en juillet 2011 avec les normes Bâle III, qui devraient être mises en vigueur entre 2016 et 2019, du moins si les efforts des lobbies qui cherchent aujourd'hui à les bloquer devaient échouer.
Dans une approche en termes de réserves, rien n'est fait - il faut le souligner - pour endiguer le risque systémique : on s'efforce seulement d'évaluer les pertes éventuelles. Bâle III ne distingue pas non plus les risques inévitables, dus aux impondérables d'un avenir incertain, et les risques encourus délibérément par les banques quand elles font des paris sur les variations de prix.
* * *
Dans trois cas récents, les efforts du secteur bancaire pour faire obstacle à ce qu'on l'empêche de mettre à l'avenir l'ensemble du système financier en péril, furent couronnés de succès.
Un tribunal à Washington invalidait le 29 septembre 2012 des mesures prises par la CFTC (Commodity Futures Trading Commission), le régulateur américain du marché des produits dérivés, règles qui auraient plafonné le volume des positions qu'un intervenant peut prendre sur le marché à terme des matières premières, afin qu'il ne puisse à lui seul le déséquilibrer. Le secteur s'était opposé à de telles mesures, noyant la commission sous un flot d'avis défavorables, s'assurant ensuite - grâce au parti républicain - que le budget de l'organe de contrôle prévu ne soit pas voté, assignant enfin la CFTC devant les tribunaux. Cette dernière stratégie s'avérerait payante.
On avait appris quelques jours auparavant, le 24 septembre 2012, que l'IOSCO (International Organisation of Securities Commissions), organisme fédérant les régulateurs nationaux sur le marché des matières premières, et à qui le G20 avait confié le soin de réguler le marché du pétrole, jetait l'éponge. Lors de la réunion qui venait de se tenir, les contreparties : l'Agence Internationale de l'énergie, l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et les compagnies Total et Shell, avaient constitué un front du refus. Les compagnies pétrolières avaient affirmé qu'en cas de réglementation du secteur, elles cesseraient de communiquer à leurs organismes de supervision les données relatives aux prix pratiqués.
Le mois précédent, le 22 août 2012, alors que la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur des marchés boursiers américains, avait mis au point un ensemble de mesures en vue d'empêcher que ne se reproduise un effondrement du marché des capitaux à court terme (money market), tel celui qui l'avait dévasté en septembre 2008, elle n'était pas parvenue à réunir une majorité en son sein, l'un des membres du comité - très lié au secteur - ayant refusé son aval.
Je concluais ainsi ma chronique dans le quotidien Le Monde, où je rapportais ces trois illustrations (°) :
"La finance dispose donc des moyens de neutraliser toute tentative de réduire la nocivité de ses pratiques. Elle s'est immunisée contre les efforts engagés par la communauté pour se protéger contre un nouvel effondrement, efforts motivés bien entendu par le souci de se prémunir contre les conséquences économiques et sociales d'une telle catastrophe. Toute mesure préventive d'un nouveau désastre étant systématiquement désamorcée, celui-ci devient inéluctable".
J'avais donné pour titre à ma chronique elle-même, une citation d'Arnold J. Toynbee : "Les civilisations ne meurent pas assassinées, elles se suicident".
Tous les efforts menés en vue d'une nouvelle régulation de la finance recourent à la même stratégie : le monde financier est consulté par les autorités, se tient ensuite une négociation visant à ce que se dégage un compromis entre les exigences des uns et des autres. La condition essentielle pour qu'une telle stratégie réussisse est que l'industrie financière s'identifie à l'intérêt général, qu'elle reconnaisse et promeuve la nécessité de garantir un cadre qui maintienne la pérennité des institutions financières sans affecter pour autant la bonne santé de l'économie. Cette condition-là n'est hélas pas remplie.
John Maynard Keynes écrivait en 1926 dans un essai consacré à "La fin du laisser-faire" : "Suggérer à la City de Londres une action sociale en vue du bien public est du même ordre d'idée que discuter L'origine des espèces avec un évêque il y a soixante ans". La remarque n'a rien perdu de son actualité, et notre tolérance, à nous citoyens, face à ce scandale, toujours aussi grande, suggérant que nous nous sommes faits une raison devant un rapport de force entre le secteur bancaire et nous qui semble destiné à nous demeurer éternellement défavorable.

Auteur: Jorion Paul

Info: 13 AOÛT 2013

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philosophie

AP : Il y a une métaphore qui revient de manière récurrente dans votre ouvrage, qui est celle de l’ampoule et de la lumière. Cette métaphore rappelle vraiment celle de Bergson que je me permets de citer : "Un vêtement est solidaire du clou auquel il est accroché ; il tombe si l’on arrache le clou ; il oscille si le clou remue ; il se troue, il se déchire si la tête du clou est trop pointue ; il ne s’ensuit pas que chaque détail du clou corresponde à un détail du vêtement, ni que le clou soit l’équivalent du vêtement ; encore moins s’ensuit-il que le clou et le vêtement soient la même chose. Ainsi la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience soit une fonction du cerveau."*

ER : Oui, je pense que j’ai cité exactement ceci dans mon livre, ou alors, en réduisant le livre, il est possible que cette référence à Bergson ait sauté. Plusieurs métaphores sont envisageables, mais le cœur du problème est celui du cerveau conscient. Les neuroscientifiques posent (je crois) mal le problème, aussi bien du côté des athées que des spiritualistes puisque, pour faire simple, on est dans la seule alternative suivante. Soit la conscience cérébrale est matérielle et immanente : c’est le point de vue matérialiste. Soit la conscience est un phénomène transcendant et immatériel : c’est le point de vue spiritualiste. Je suis intermédiaire entre les deux. En effet, je prends d’un côté l’immanence (qui implique la possibilité d’une approche scientifique du fait mental), et de l’autre je prends le côté immatériel. J’appelais d’ailleurs à un moment ma théorie "im-im", "immatériel-immanent". Je fais de la conscience un phénomène à la fois immatériel – en un sens précis que j’indiquerai – mais néanmoins immanent. Je ne fais appel à aucune instance surnaturelle pour la conscience. Mon hypothèse "im-im" me place en position intermédiaire entre les deux extrêmes du matérialisme et du spiritualisme.

Sur le fond, l’histoire de la lampe est avant tout une manière de dénoncer certaines "bêtises" que l’on entend dans les neurosciences. Par exemple, on entend souvent que la conscience est le cerveau en marche, qu’elle est au sens de l’identité le cerveau. Changeux dit des choses de ce genre-là, et il n’est pas le seul. Je dis que c’est aussi stupide que si l’on disait que la lumière est la lampe qui la crée. Certes, je pourrais m’exprimer plus diplomatiquement…

AP : Vous développez donc le même argument que Bergson.

ER : Absolument ; mais jusqu’à un certain point seulement. C’est le même argument, à ceci près que la lampe me permet d’aller un peu plus loin. Voyons cela. La matière de la lampe n’est pas différente de la matière qu’on trouve ailleurs. Son secret ne réside pas dans une matière particulière qui serait la sienne, et qui expliquerait sa capacité à émettre de la lumière. Cette capacité est vient au contraire du fait que la lampe réalise les conditions d’émission d’actualisation d’un potentiel inhérent à toute matière, celui d’émettre de la lumière. Je comprends de même que le cerveau conscient est une structure qui réalise les conditions d’émission ou d’actualisation d’une potentialité qui (dans mon hypothèse) est latente dans la matière normale. Latente et universelle. Cette potentialité est celle de l’apparition de la conscience ou, plus généralement, du psychisme (qui englobe l’inconscient et le pré-conscient). Donc, ma métaphore suggère une certaine façon de comprendre le mystère du cerveau conscient.

AP : Oui, mais au risque d’insister sur cette métaphore, je dois dire que je ne l’ai jamais comprise, elle m’a toujours paru fonctionner à vide.

ER : Elle revient à dire qu’une corrélation n’est pas une identité.

AP : Cela, je le comprends très bien. Mais ce que je ne comprends pas, c’est la pertinence de la métaphore : Bergson et vous-même voulez montrer qu’il y a deux ordres de réalité différents : un ordre matériel et un ordre de l’esprit, sachant que l’ordre matériel donne naissance à l’ordre de l’esprit sans que ce dernier ne soit identique à l’ordre matériel. Cela, je le comprends fort bien. Chez vous, l’ampoule donne naissance à la possibilité énergétique de la lumière, mais l’ampoule n’est pas la lumière. Mais ce qui ne me convainc pas, c’est le fait que le clou et le marteau, ou l’ampoule et la lumière, appartiennent au même domaine de réalité : ils sont tous absolument matériels, si bien que cette métaphore me semble inapte à maintenir une différence quant aux ordres de réalité : la métaphore ne fonctionne que parce qu’on abolit dans les objets retenus ce qui justement pose problème, à savoir les différents ordres de réalité.

ER : Non, cette métaphore n’implique rien, dans mon esprit en tout cas, quant à l’identié – ou au contraire l’hétérogénéité – entre les ordres de réalité. D’ailleurs, je crois qu’ils dépendent en partie de nos catégories mentales, qui comportent de l’arbitraire. Si par exemple vous décrétez que la matière est la seule matière pesante, alors la lumière, qui n’est pas pesante, n’est donc pas matérielle en ce sens-là. Tout cela est arbitraire, c’est une question de définition. Vous pouvez à présent dire que la lumière est qualitativement différente de la matière, et vous avez donc une structure matérielle capable d’engendrer quelque chose de différent. Mais j’en profite pour rappeler qu’une métaphore n’est jamais exacte à 100 %. La carte, métaphore graphique du territoire, n’est pas le territoire. C’est juste une voie d’accès, une approximation de la vérité, qui permet à certains d’accéder à l’essentiel d’un message. Sans entrer dans ses détails plus ou moins subtils.

AP : Oui, je suis d’accord, mais il n’en demeure pas moins que la validité de la métaphore repose tout entière sur une pétition de principe : on prend pour acquis ce qui est très problématique, on évacue le problème, que ce soit chez Bergson ou chez vous puisqu’on crée une métaphore qui évite de penser ce problème : comment deux ordres de réalité différents peuvent être corrélés ? Le problème de Bergson est précisément de penser à la fois la solidarité de deux éléments et leur différence ontologique : mais au lieu de cela, il pose d’emblée une communauté ontologique (le clou et le manteau), et je crains que la métaphore que vous prenez pour illustrer la même idée fonctionne de la même manière ; je vous cite (p 52) : "Le cerveau sera alors conçu comme une machine à produire de la conscience, sans que cela implique la nature matérielle de cette dernière. Exactement à la manière dont une lampe, faite de matière solide et pesante, est néanmoins capable de produire de la lumière, qui est énergie pure et sans masse." On a le même problème : l’ampoule et la lumière ne sont pas strictement identiques, bien sûr, mais dans les deux cas on est dans ordre matériel, l’énergie pure est quantifiable, elle est objectivable, elle est matérielle, tout comme l’est l’ampoule. Par conséquent, on ne se demande plus comment ce qui est de deux ordres de réalité différents peut entrer en contact ou peut être corrélé, on prend au contraire la possibilité du contact comme acquise, parce qu’on écrase en fait la différence ontologique des deux éléments, alors même qu’elle devrait poser problème. Le clou et le manteau sont en contact parce qu’ils appartiennent tous les deux à la matière ; or, si la conscience est immatérielle, et le cerveau matériel, la question du contact se pose de manière très différente que dans le cas du clou et du manteau ou de l’ampoule et de la lumière.

ER : Cette métaphore est simplement une réaction par rapport à ceux qui identifient purement et simplement conscience et cerveau ; alors je leur dis que c’est comme si vous disiez que la lampe et la lumière sont la même chose. Or une telle identification est stupide, on le sait instinctivement.

AP : Oui, tout cela je le comprends ; mais je considère juste que cette métaphore n’est pas valide, précisément en raison de l’oubli de la différenciation ontologique des éléments qu’elle utilise (la lumière et l’ampoule ne sont pas ontologiquement différentes), alors même qu’elle est censée prouver la non-identité des deux termes, leur différence ontologique (la conscience est immatérielle, le cerveau est matériel). Bref, je ne vois pas bien en quoi ça réfute réellement la thèse matérialiste puisque la métaphore est obligée pour fonctionner, c’est-à-dire pour penser la corrélation, de prendre deux éléments qui appartiennent nécessairement au même ordre de réalité. Et le matérialisme ne dit rien d’autre.

ER : Ecoutez, je me permettrai modestement de dire que ça ne vaut pas la peine qu’on en fasse une telle histoire. Je rapelle deux choses cependant. D’une part, ma métaphore, contrairement je crois à celle de Bergson, invite à comprendre le cerveau (ou la "lampe à conscience") comme un outil de production d’autre chose – la conscience – SANS préjuger de l’identité ontologique, ou non, entre les deux. D’autre part, je suis un peu perplexe sur ce que vous dites sur la possibilité du contact entre matière (cérébrale, ou autre) et la conscience. Car ce contact est au coeur de mon livre, dont le but premier est précisément de proposer une solution à cette énigme. Ce n’est rien de moins que son sujet central ! Je crois pouvoir la résoudre, en m’appuyant sur la physique quantique (dépouillée des confusions et contresens qui l’entourent) et la notion de psychomatière. Tout mon livre est là… et je suppose que cela ne vous a pas échappé. En fait, je commence à douter : ai-je été suffisamment clair pour le lecteur ?

Auteur: Ransford Emmanuel

Info: Sur actu-philosophia, interview de Thibaut Gress, 7.1 2010 à propos de son livre "Les racines physiques de l’esprit ". *Henri Bergson, L’énergie spirituelle, Edition du centenaire, PUF, 1959, p. 842

[ dualité prison ] [ rationalisme impuissant ] [ limitation sémantique ]

 

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