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création du besoin

L’individu dit moderne ne produit pas ce qu’il mange et porte, il le consomme. Au fil des décennies, la distance entre la production et l’individu s’est creusée qualitativement – produits de plus en plus sophistiqués que je ne peux pas fabriquer – et quantitativement – lieux de production hors de vue. Le développement de la société dite de consommation est à proportion de cette distance, qui en s’accroissant multiplie les biens dont l’acquisition requiert de l’argent, multiplies les gestes d’achat.

Dans ce processus personne n’a voulu la consommation. Les marchands n’ont pas voulu la consommation mais le profit. Les marchands sujets au “profitisme” ont travaillé à l’extension du domaine marchand et donc de la consommation. Le supposé consommateur n’a pas voulu les supermarchés. Je n’ai pas souvenir, en 1987, d’avoir croisé beaucoup d’humains suppliant qu’on invente la montre connectée avant que le manque ne les tue. Nous n’avons rien demandé. De ce récit s’infère la tâche de combattre, non le consumérisme, mais le profitisme, ou le “marchandisme”, dont la modalité moderne s’appelle le capitalisme.

Auteur: Bégaudeau François

Info: "Pourquoi je ne consomme pas", Socialter n°48, octobre-novembre 2021

[ délégation des compétences ] [ gavage ]

 

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problème des universaux

[...] un des éléments déterminants de la philosophie d'Occam, assurément le plus incisif, consiste en une humanisation radicale du langage. Les mots, comme le soulignait E. Bréhier, sont désormais conventionnels, ils sont le fruit d'une institution. Ainsi, le langage n'est plus le reflet privilégié de l'être ; les idées, les concepts, l'universel n'ont de réalité que dans l'âme. Selon Occam, "les mots sont créés par imposition", c'est-à-dire par une donation de sens qui réunit de façon arbitraire un son à un concept. Cette innovation vise une dissolution du rapport naturel entre le nom et la chose qu'il désigne. Un abîme est donc creusé entre la réalité objective et le langage, de telle sorte que celui-ci n'a plus de prise directe sur le monde. Autrement dit, les mots ne contiennent plus, ils ne révèlent plus l'essence des êtres. Les noms des choses, comme le pensait encore Cratyle, ne dérivent plus de leur nature. Ainsi, le mystère qui associait depuis les origines l'acte divin de Création à l'acte de nomination se trouve-t-il occulté dans la nouvelle conception nominaliste du verbe.

Auteur: Geay Patrick

Info: Dans "Hermès trahi", pages 94-95

[ résumé ] [ autonomisation ] [ sécularisation ] [ éloignements sémantiques ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

art pictural

C'est une si belle chose que la lumière, que Rembrandt, presque avec ce seul moyen, a fait des tableaux admirables. On ne conçoit point de rayons et d'obscurité qui appellent plus puissamment les regards. Il n'a, le plus souvent, représenté qu'une nature triviale, et cependant on ne regarde pas ses tableaux sans gravité et sans respect. Il se fait, à leur aspect, une sorte de clarté dans l'âme, qui la réjouit, la satisfait et la charme. Ils causent à l'imagination une sensation analogue à celle que produiraient les plus purs rayons du jour, admis, pour la première fois, dans les yeux ravis d'un homme enfermé jusque-là dans les ténèbres. Dans ses belles figures, comme son rabbi, la lumière, il est vrai, n'est plus l'objet principal dont l'imagination soit occupée ; mais elle est encore le principal moyen employé par l'artiste pour rendre le sujet frappant. C'est elle qui dessine ces traits, ces cheveux, cette barbe, ces rides et ces sillons qu'a creusés le temps. Ce que Rembrandt a fait avec le clair-obscur, Rubens l'a fait avec l'incarnat.

Auteur: Joubert Joseph

Info:

[ beaux-arts ] [ texte-image ] [ peinture ]

 
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flemme

Il est peu d'hommes qui aient poussé plus loin que M. du Hellain, ancien juge de paix près de Caen, mort en 1828, l'amour du repos et presque de l'immobilité ; et comme le lit est le meuble le plus propre à favoriser ce genre de quiétisme physique, M. du Hellain le quittait rarement. On prétend même que lorsqu'il exerçait les fonctions de juge de paix, sa chambre à coucher devenait salle d'audience, et il rendait ses arrêts la tête sur l'oreiller et le corps mollement étendu, dans la position horizontale, si favorable à son goût pour ce que l'on appelle la paresse. Son acte de dernière volonté a porté la clause expresse qu'il voulait être enterré la nuit dans le lit et dans la position où la mort l'aurait surpris, c'est-à dire avec sa couche, son matelas, ses draps, son oreiller et tout ce qui compose son lit. Rien ne s'opposant à l'exécution d'une pareille clause, une fosse énorme a été creusée, et le défunt a été descendu dans sa dernière demeure sans qu'on l'ait dérangé en rien de l'attitude où il se trouvait quand il a rendu le dernier soupir. On a placé des planches au-dessus du lit pour que la terre en tombant ne troublât pas le repos de cet imperturbable quiétiste.

Auteur: Peignot Étienne-Gabriel

Info: Testaments remarquables

[ tranquillité ]

 

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conservatisme

- Je viens d'une famille qui, le lendemain de l'élection de Mitterrand, a fait construire dans sa cave un putain de garde-manger qu'elle a entièrement rempli de bouffe au cas où les rouges reviendraient. Je viens d'une famille catho tellement arriérée que deux mille ans après elle en veut toujours aux juifs d'avoir dézingué leur idole. Je viens d'une famille qui pense que la musique s'est arrêtée au XVIIIe siècle et la littérature juste un siècle plus tard. Je viens d'une famille qui pense que le chômage est le refuge des assistés, et la Sécurité sociale un vaste trou creusé par des politiciens irresponsables, des millions d'Arabes et autant de nègres. Je viens d'une famille qui, d'une manière assez systématique, ne croit pas que la différence soit une très bonne chose et pense qu'il vaut mieux avoir un enfant leucémique que pédé parce que au moins, un cancéreux, on peut toujours espérer qu'il sera possible de le sauver un jour. Alors, présenter mon petit copain artiste peintre spécialisé dans des oeuvres crypto-pédé à tendance préraphaélite qui écoute Barbara à longueur de journée et qui veut monter un journal homo pour combattre les préjugés ignobles de gens précisément comme eux, non, je ne pense pas en effet que ce soit la meilleure des idées que tu aies eues ces derniers temps.

Auteur: Roux François

Info: Le Bonheur National Brut, P. 325, Le Livre de Poche, 2016

[ bourgeoisie française ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

génocide

Les condamnés étaient convoyés des prisons moscovites à une ou deux heures du matin. Ils ne savaient pas où ils étaient transférés ni pourquoi. Le personnel de service de la zone de la mort entourée de barbelés comptait près d'une vingtaine de fonctionnaires du NKVD. À l'endroit où s'arrêtaient les fourgons cellulaires s'élevait un mirador, le territoire était éclairé par des projecteurs. Les prisonniers étaient parqués dans un grand baraquement où leur identité était soigneusement vérifiée, notamment au moyen des photographies de prison. Ils étaient emmenés, un par un, du baraquement, les exécutions se faisaient d'une balle dans la nuque, au bord du fossé. Trois ou quatre personnes étaient exécutées en même temps.
Les fosses d'exécution, longues de plusieurs dizaines de mètres, larges de près de trois mètres et profondes de plus de trois mètres, étaient creusées par une pelleteuse lourde Komsomolets. Le commando d'exécution avait à sa disposition une quantité illimitée de vodka. À l'aube, les bourreaux accomplissaient les formalités, signaient les procès-verbaux et recevaient un repas. Puis, ils étaient reconduits à Moscou, en priorité ceux qui étaient ivres morts.
Les cadavres étaient recouverts de terre par un bulldozer. En une nuit, de cent à trois cents personnes, voire plus, étaient abattues. Un procès-verbal de fin d'exécution daté du 28 février 1938 cite une liste de 562 personnes, mais il se peut que celle-ci contienne les noms des victimes tuées pendant deux nuits de suite.

Auteur: Kizny Tomasz

Info: La Grande Terreur en URSS 1937-1938

[ Europe ]

 

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père-fils

Depuis toujours tu m’as fait le reproche (à moi seul aussi bien que devant d’autres ; tu n’étais pas sensible à ce que ce second cas avait d’humiliant, les affaires de tes enfants étaient toujours publiques) que grâce à ton travail je vivais sans manquer de rien, dans la tranquillité, la chaleur, l’abondance. Je songe là à des remarques qui dans mon cerveau ont littéralement creusé des sillons, comme : "Dès 7 ans je devais parcourir les villages avec la cariole", "Nous dormions tous dans une seule chambre", "Nous étions heureux quand nous avions des pommes de terre", "Pendant des années, faute de bons vêtements d’hiver, j’ai eu des plaies ouvertes aux jambes", "Petit garçon, j’ai déjà dû aller à Pisek au magasin", "De la maison on ne m’envoyait rien du tout ; même pendant mon service militaire, c’était encore moi qui envoyais de l’argent", "Mais malgré ça, malgré ça – mon père a toujours été mon père. Qui sait ça aujourd’hui ! Qu’en savent les enfants ! Personne n’a souffert !", "Est-ce qu’un enfant comprend ça, aujourd’hui ?" De tels récits, dans d’autres circonstances, auraient pu être un excellent moyen d’éducation, ils auraient pu encourager à surmonter les mêmes calamités et privations qu’avait subies le père, ils en auraient donné la force. Mais ce n’est pas cela du tout que tu voulais, car enfin, la situation résultant de la peine que tu t’étais donnée était devenue tout autre, les occasions de se distinguer comme tu l’avais fait n’existaient plus.

Auteur: Kafka Franz

Info: Lettre au père, traduit de l’allemand par Bernard Lortholary, éditions Gallimard, 2023, pages 37-38

[ surmoïque ] [ dénigrement ] [ comparaison ]

 
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femme-par-homme

Nana ne bougea plus. Un bras derrière la nuque, une main prise dans l’autre, elle renversait la tête, les coudes écartés. Il voyait en raccourci ses yeux demi-clos, sa bouche entr’ouverte, son visage noyé d’un rire amoureux ; et, par derrière, son chignon de cheveux jaunes dénoué lui couvrait le dos d’un poil de lionne. Ployée et le flanc tendu, elle montrait les reins solides, la gorge dure d’une guerrière, aux muscles forts sous le grain satiné de la peau. Une ligne fine, à peine ondée par l’épaule et la hanche, filait d’un de ses coudes à son pied. Muffat suivait ce profil si tendre, ces fuites de chair blonde se noyant dans des lueurs dorées, ces rondeurs où la flamme des bougies mettait des reflets de soie. Il songeait à son ancienne horreur de la femme, au monstre de l’Écriture, lubrique, sentant le fauve. Nana était toute velue, un duvet de rousse faisait de son corps un velours ; tandis que, dans sa croupe et ses cuisses de cavale, dans les renflements charnus creusés de plis profonds, qui donnaient au sexe le voile troublant de leur ombre, il y avait de la bête. C’était la bête d’or, inconsciente comme une force, et dont l’odeur seule gâtait le monde. Muffat regardait toujours, obsédé, possédé, au point qu’ayant fermé les paupières, pour ne plus voir, l’animal reparut au fond des ténèbres, grandi, terrible, exagérant sa posture. Maintenant, il serait là, devant ses yeux, dans sa chair, à jamais.

Auteur: Zola Emile

Info: Les Rougon-Macquart, tome 9 : Nana

[ personnage ] [ fascinante ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

gauche caviar

Dans ma génération, parmi ceux qui avaient défilé entre République et Nation, parmi tous les enfants chéris du mitterrandisme, beaucoup s'étaient droitisés pour des raisons essentiellement économiques. Ils avaient forci, acheté un appartement, deux appartements dont le prix avait quintuplé sous l’effet du boom immobilier. Ils avaient acheté des maisons de campagne.

Ils s'étaient félicités lorsqu'un fils d’ouvrier, un socialiste austère et probe du nom de Pierre Bérégovoy avait déréglementé les marchés financiers. Ils avaient acheté des actions, poussé les portes capitonnées des fonds d'investissement, ils avaient de plus en plus d'argent et des nuances s'étaient glissées dans leurs conversations : "Il y a un principe de réalité", "il ne faudrait pas non plus décourager les gens", "bien sûr que je crois à l'impôt, oui, je suis socialiste : mais pas à la fiscalité punitive". Et puis bientôt : "il faut arrêter de faire croire aux gens qu’on peut raser gratis", "on est bien obligés de regarder ce que font les autres", "la concurrence mondiale est une réalité".

Arrivés à la cinquantaine, la peau ravinée par les plaisirs, la peau creusée et ravinée, ces hommes et ces femmes prononcèrent des mots comme "le culte malsain de la dépense publique". Les hommes portaient des vestes légères sur des chemises bleu ciel, des chapeaux, des pantalons chino. Ils apparaissaient, épanouis par leurs festins de viande, repus de carnages, dans la loge d'un client, à RoIand-Garros. Ils ressemblaient tous plus ou moins, dans l’allure générale, dans l'impression qui demeure après que le souvenir d'un visage s’est évanoui, à Dominique Strauss-Kahn.

Auteur: Quentin Abel

Info: Le voyant d'Étampes

[ droitisation ] [ glissement ] [ arrivistes arrivés ]

 
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monade anthropique

Pour ceux qui vivent à l'intérieur de ses limites, les lumières de la ville sont le seul luminaire du vaste ciel. Les réverbères des rues éclipsent les étoiles, et l'éclat des réclames de whisky réduit même le clair de lune à une inconséquence presque invisible.

Ce phénomène est symbolique ; c'est une parabole en action. Mentalement et physiquement, l’homme est ainsi l’habitant, pendant la majeure partie de sa vie, d’un univers purement humain, et en quelque sorte "fabriqué-maison", creusé par lui-même dans le cosmos immense et non humain qui l’entoure, et sans lequel ni cet univers, ni lui-même ne pourraient exister. À l’intérieur de cette catacombe privée, nous édifions pour nous-mêmes un petit monde à nous, construit avec un assortiment étrange de matériaux – des intérêts et des "idéals", des mots et des technologies, des désirs et des rêveries en plein jour, des produits ouvrés et des institutions, des dieux et des démons imaginaires. Là, parmi les projections agrandies de notre personnalité, nous exécutons nos bouffonneries curieuses et perpétrons nos crimes et nos démences, nous pensons les pensées et ressentons les émotions appropriées à notre milieu fabriqué par l’homme, nous chérissons nos folles ambitions qui seules donnent une signification à une maison de fous. Mais pendant tout ce temps, en dépit des bruits de la radio et des tubes à néon, la nuit et les étoiles sont là - juste au-delà du dernier arrêt des autobus, juste au-dessus du dais de fumée illuminée. C’est là un fait que les habitants de la catacombe humaine trouvent trop facile, hélas, d’oublier ; mais, qu’ils oublient ou se souviennent, cela demeure toujours un fait. La nuit et les étoiles sont toujours là.

Auteur: Huxley Aldous

Info: Les portes de la perception

[ épiphénomène ]

 

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Ajouté à la BD par miguel