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christianisme

On reproche à la morale catholique et à la morale chrétienne, chose grave à une époque comme la nôtre, d’être en opposition avec la nature et avec les instincts naturels, d’être une morale mystique, ou encore une morale ascétique, quelques-uns disent une morale monastique. Nous voilà bien loin de la morale relâchée de tout à l’heure. Accusation plus grave encore et d’autant plus redoutable qu’elle est plus spécieuse, on va répétant, autour de nous, que la morale religieuse est une morale égoïste, une morale antisociale, qui donne pour but, à la vie de l’homme, son salut personnel.

En effet, le catholicisme, les Eglises chrétiennes en général, pour ne pas dire toutes les religions, avec l’islam et le bouddhisme, donnent comme but, à l’activité et à la piété du croyant, son salut personnel. Il se peut que, par là même, cette morale religieuse se trouve, à vos yeux, entachée d’une sorte d’égoïsme ; mais, faut-il le rappeler ? l’esprit humain n’est pas d’une logique telle que, dans ses actes, le chrétien en soit toujours à considérer la récompense qu’il espère obtenir. Cette morale religieuse qui s’inspire de la charité, non moins que de l’espérance, sommes-nous, vraiment, en droit de la déclarer inférieure ? Sommes-nous certains qu’elle soit moins efficace que la morale sans sanction de tels de nos philosophes ?

[…] Pouvons-nous soutenir que les âmes pieuses sont, moralement, inférieures aux autres ? Il se trouve, sans doute, parmi vous, plus d’une personne qui, ayant reçu une éducation religieuse, et ayant eu pleine foi dans sa religion, a été prise, plus tard, de l’esprit de doute. Je fais appel à leur conscience, et je leur demande si, le jour où elles ont cessé d’espérer en la vie éternelle, leur moralité inférieure en est devenue plus forte ou plus délicate.

Je poserai la même question, sous une autre forme : sommes-nous certains que, dans les écoles ou dans les familles où l’on a renoncé à transmettre à l’enfant la notion d’un Dieu invisible, partout présent, qui sait tout et qui voit tout, on ait élevé le niveau de la moralité de l’enfant ?

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 203-204

[ critiques ] [ réfutation ] [ comparaison ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

moderne-antique

Si le cogito, dans l’histoire de la philosophie, est une base, pourquoi ? C’est que, pour le dire assurément au minimum, il substitue au rapport pathétique, au rapport difficile qui avait fait toute la tradition de l’interrogation philosophique, qui n’était autre que celle du rapport du penser à l’être.

Allez ouvrir, non pas à travers les commentateurs mais directement… bien sûr, ce sera pour vous plus facile si vous savez le grec, si vous ne le savez pas il y a de bonnes traductions, des commentaires très suffisants en langue anglaise, de la Métaphysique d’ARISTOTE. Il y a une traduction française, qui est celle de TRICOT, qui à la vérité n’est pas sans y apporter le voile et le masque d’un perpétuel commentaire thomiste.

Mais pour autant qu’à travers ces déformations vous pourrez essayer de rejoindre le mouvement originel de ce qu’ARISTOTE nous communique, vous vous apercevrez combien, mais après coup, tout ce qui a pu s’accumuler de critiques ou d’exégèses autour de ce texte… dont tel ou tel scoliaste nous dit que tel passage est discutable, ou que l’ordre des livres a été bouleversé …combien, pour une lecture première, toutes ces questions apparaissent vraiment secondaires auprès de je ne sais quoi de direct et de frais, qui fait de cette lecture, à cette seule condition que vous la sortiez de l’atmosphère de l’école, une chose qui vous frappe du registre de ce que j’ai appelé tout à l’heure le "pathétique".

Quand vous verrez à tout instant se renouveler et rejaillir, dans quelque chose qui semble encore porter la trace du discours-même où il s’est formulé, cette interrogation de ce qu’il en est du rapport de la pensée et de l’être. Et quand vous verrez surgir tel terme, comme celui de τὸ σεμνὸν [to semnon], ce qu’il y a de digne, la dignité, celle qui est à préserver du "penser" au regard de ce qui doit la rendre à la hauteur de ce qu’il en est de ce que l’on veut saisir, à savoir : ce n’est pas seulement "l’étant" ou "ce qui est" mais ce par où l’être s’y manifeste.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 11 janvier 1967, La logique du fantasme

[ comparaison ] [ ontologie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

anti-capitalisme

"It's capitalism stupid !"

En lisant cet article du Guardian, je me suis vraiment dit que le mot "capitalisme" transpirait entre toutes les lignes, sans être prononcé :

Les entreprises de combustibles fossiles " prennent l’humanité à la gorge", déclare le chef de l’ONU dans une attaque virulente. (Climate crisis | The Guardian)

"Le Guardian comprend que M. Guterres est courroucé par le comportement récent des entreprises de combustibles fossiles, qui ont récolté une manne grâce aux prix de l’énergie ayant flambé en raison de la guerre en Ukraine. Une grande partie de ces bénéfices faramineux est susceptible d’être investie dans une nouvelle exploration et une nouvelle expansion des ressources en combustibles fossiles."

Profits, réinvestissement des profits dans l’investissement en capital, expansion, etc.

Il reste un problème de "framing" de la part de Guterres quant à la causalité des phénomènes. Il reste à la surface des choses. Ce n’est pas tellement l’industrie fossile ou du tabac ou de l’amiante le problème. Le fait que ces secteurs s’engagent dans des stratégies de lobbying dilatoires est contingent à leur cœur d’activité. En fait, n’importe quel actionnaire d’entreprise qui verrait ses profits menacés agirait strictement de la même manière, peu importe le cœur d’activité.

On doit remonter la chaîne causale pour pouvoir identifier, derrière le comportement de ces secteurs, le comportement général du capitalisme (néolibéral). Toute entrave à la maximisation du profit et à l’accumulation du capital est combattue avec les ressources disponibles : les profits et le capital, tant que la loi l’autorise ou qu’elle ne peut pas être appliquée.

Il n’y a donc pas que les problèmes contemporains et contingents du tabac, de l’amiante ou des fossiles, il y a aussi la déforestation, la surpêche, l’épuisement des sols, l’exploitation des travailleurs, la pollution de l’espace, la surconsommation des ressources naturelles, etc.

C’est un problème structurel systémique au capitalisme : il ne contient pas de boucle de feedback pour s’autoréguler dans de nombreux domaines existentiels.

Le problème ne sera donc pas réglé par la mise au pas des industries du tabac, de l’amiante et des fossiles, mais par l’abolition du capitalisme.

Comme l’affirment certains critiques : "il n’y a pas de solution dans le capitalisme".

Auteur: Terence Pseudo

Info: Sul le blog de Paul Jorion, le 19 juin 2022

[ manque de régulations ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

créer et développer une chaîne de citations

Comment seront disposées les citations ?

- La manière la plus simple, c'est ainsi que se développèrent les signes et l'écriture : c'est l'empilage, les listes, les énumérations, etc... Ici , pour qui sait utiliser FLP correctement, si une recherche précise et spécifique permet déjà en bonne partie la création d'une sorte de répertoire, une chaîne permettra de contrôler précisément le catalogue que l'on veut établir.

- Question qui vient ensuite : il y aura-t-il une continuité ? Si oui laquelle ? Ici s'impose naturellement la chronologie.

- Il a aussi la continuité de la logique, mais cette dernière, dès que se pointent la réalité et ses contingences, a beaucoup de peine à conserver un cap, au contraire des raisonnements algébro-géométriques qui peuvent n'être qu'abstraction pure. On se réjouit dès lors de voir quelqu'un s'y lancer. Un nouvel Aristote, le Kant du vingt et unième siècle ?

- La forme débat contradictoire à la française est toujours amusante, parfois frustrante parce que trop souvent proche du désordre, souvent par manque de discipline et surtout, d'un objectif clair et précis. Les créateurs de FLP se réjouissent de voir quelqu'un s'y essayer.

- L'examen des facettes d'un domaine(perspectivisme), d'une problématique ou autre est toujours intéressant même s'il s'agira bien souvent d'une spécialisation qui peut devenir ardue.

- L'inverse de la proposition précédente sera d'aborder un sujet selon différents points de vue. Qui s'y colle ? Etc. (Vos propositions, critiques et remarques sont les bienvenues.)

- Reste évidemment le mélange de toutes ces formes, avec, on imagine, de nécessaires éclaircissements au fur et à mesure (dans les infos, les commentaires, ou en créant une citation ad hoc) du créateur... Ou d'un participant dans une chaîne collective.

Pour terminer imaginons quelques desseins ou - motivations - à l'origine d'une chaîne :

- affinement d'un concept que FLP ne peut cerner suffisamment (exemple)

- quête personnelle (la vie après la mort)

- matériel didactique (exemples de décor sonores pour atelier d'écriture)

- enchaînement de quelques textes plus longs afin de les faire lire (voir sous "mode lecture" dans le mode d'emploi)

- objectif pédagogique (rassemblement d'un matériel x ou y pour apprenant du français)

- noyau-canevas pour l'écriture d'un livre

- etc. Ici aussi propositions, critiques et remarques sont les bienvenues

Auteur: Mg

Info: 10 août 2018

[ citation s'appliquant à ce logiciel ]

 

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transdisciplinarité

"Mais si vous ne parlez ni des choses-en-soi ni des humains-entre-eux, c’est que vous ne parlez que du discours, que de la représentation, que du langage, que des textes." Tel est le troisième malentendu. Ceux qui mettent entre parenthèses le référent extérieur — la nature des choses -  et le locuteur (1) — le contexte pragmatique ou social (2) — ne peuvent en effet parler que des effets de sens et des jeux de langage. Pourtant, lorsque MacKenzie scrute l’évolution de la centrale à inertie, il parle bien d’agencements qui peuvent nous tuer tous ; lorsque Callon suit à la trace les articles scientifiques, c’est de stratégie industrielle qu’il parle en même temps que de rhétorique (Callon, Law et al., 1986) ; lorsque Hughes analyse les carnets de notes d’Edison, le monde intérieur de Menlo Park sera bientôt le monde extérieur de l’Amérique entière ; lorsque je décris la domestication des microbes par Pasteur, c’est la société du XIXe que je mobilise et pas seulement la sémiotique des textes d’un grand homme ; lorsque je décris l’invention-découverte des peptides du cerveau, je parle bien des peptides eux-mêmes et non pas simplement de leur représentation au laboratoire du professeur Guillemin. Pourtant, il s’agit bien de rhétorique, de stratégie textuelle, d’écriture, de mise en scène, de sémiotique, mais d’une forme nouvelle qui embraie à la fois sur la nature des choses et sur le contexte social, sans se réduire pourtant ni à l’une ni à l’autre.

Notre vie intellectuelle est décidément bien mal faite. L’épistémologie, les sciences sociales, les sciences du texte ont chacune pignon sur rue, mais à condition d’être distinctes. Si les êtres que vous suivez traversent les trois, vous n’êtes plus compris. Offrez aux disciplines établies quelque beau réseau sociotechnique, quelques belles traductions, les premières extrairont les concepts et en arracheront toutes les racines qui pourraient les relier au social ou à la rhétorique ; les deuxièmes exciseront la dimension sociale et politique et la purifieront de tout objet ; les troisièmes, enfin, garderont le discours mais le purgeront de toute adhérence indue à la réalité — horresco referens — et aux jeux de pouvoir. Le trou de l’ozone au-dessus de nos têtes, la loi morale dans notre cœur, le texte autonome peuvent, séparément, intéresser nos critiques. Mais qu’une fine navette ait attaché le ciel, l’industrie, les textes, les âmes et la loi morale, voilà qui demeure insu, indu, inouï.

Auteur: Latour Bruno

Info: Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique. P 8

[ pluridisciplinarité ] [ incompréhensible complexité ]

 

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inacceptation

C'est avec un grand regret  que je me trouve obligé de refuser le prix qui m'a été attribué par le Torino Film Festival, un prix que j'aurais été honoré de recevoir, pour moi et pour tous ceux qui ont travaillé sur nos films. Les festivals ont pour mission importante de promouvoir la cinématographie européenne et mondiale et Turin a une excellente réputation, ayant contribué de manière évidente à stimuler l'amour et la passion du cinéma.

Cependant, il y a un problème majeur, à savoir la question de l'externalisation des services qui sont assurés par les travailleurs avec les plus bas salaires. Comme toujours, la raison en est l'économie d'argent et la société qui obtient le marché réduit donc les salaires et réduit le personnel. Une recette destinée à alimenter les conflits. Le fait que cela se produise partout en Europe ne rend pas cette pratique acceptable.

À Turin, les services de nettoyage et de sécurité du musée national du cinéma (MNC) ont été externalisés à la Coopérative Rear. Après une baisse des salaires, les travailleurs ont dénoncé l'intimidation et la maltraitance. Plusieurs personnes ont été virées. Les travailleurs les plus mal payés, les plus vulnérables, ont donc perdu leur emploi pour s'être opposés à une baisse des salaires. Il est évidemment difficile de nous débrouiller autour des détails d'un différend qui se déroule dans un autre pays, avec des pratiques professionnelles différentes des nôtres, mais cela ne signifie pas que les principes ne sont pas clairs. Dans cette situation, l'organisation ne peut pas fermer les yeux, elle doit assumer la responsabilité des gens qui travaillent pour elle, même si ceux-ci sont utilisés par une entreprise extérieure. Je m'attendrais à ce que le musée, dans ce cas, dialogue avec les travailleurs et leurs syndicats, assure la réintégration des gens licenciés et repense sa politique d'externalisation. Il est injuste que les plus pauvres aient à payer le prix d'une crise économique dont ils ne sont pas responsables.

Nous avons réalisé un film consacré à ce sujet, "Bread and Roses". Comment pourrais-je ne pas répondre à une demande de solidarité de la part de travailleurs licenciés pour s'être battus pour leurs droits ? Accepter la récompense et me limiter à quelques commentaires critiques serait un comportement faible et hypocrite. Nous ne pouvons pas dire une chose à l'écran puis la trahir avec nos actions. C'est pourquoi, même avec une grande tristesse, je me trouve obligé de refuser cette récompense.

Auteur: Loach Kenneth Charles

Info: Fin novembre 2021

[ non compromission ] [ cohérence avec soi-même ]

 

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judaïsme

Peut-on traiter de parasites les hommes qui vivent des professions libérales, ou encore ceux qui se livrent à l’industrie, ou même au commerce ? Alors, il y aurait bien d’autres parasites que les juifs et, comme dans nos sociétés contemporaines, les affaires, le commerce, la banque prennent une place de plus en plus grande, il en résulterait que nos sociétés deviendraient de plus en plus parasitaires. C’est, faut-il le rappeler ? ce que soutiennent les socialistes.

[…] il semble vrai que, à prendre leur nombre, vous trouvez, chez les juifs, une plus grande proportion d’hommes s’occupant d’affaires, de commerce, de finance. Ces professions, malgré tout, elles sont nécessaires, elles sont indispensables : l’inconvénient serait de voir un trop grand nombre d’hommes s’y livrer, et si, dans notre démocratie, on craint, de ce côté, une rupture d’équilibre, la faute n’en est pas aux juifs. Ils sont loin d’être les seuls à fuir le travail manuel, ou les seuls à vouloir faire des affaires. Comme vous le verrons tout à l’heure, le principal grief contre eux, c’est qu’ils y réussissent peut-être mieux que d’autres.

Mais pourquoi les juifs se jettent-ils ainsi dans les affaires ? Et pourquoi beaucoup d’entre eux y réussissent-ils ? L’histoire nous l’explique. Pourquoi font-ils notamment de la finance ? C’est que le passé les a dressés à cette profession, et, non seulement le passé les y a dressés, mais les lois religieuses ou les lois civiles des peuples au milieu desquels ils vivaient les y ont contraints et les y ont confinés, pendant des siècles. A-t-on oublié que les lois de l’Ancien Régime leur interdisaient presque tous les autres métiers ?

[…] pendant longtemps, autrefois, la finance, le change ont été le monopole des juifs, et un monopole qui leur avait été imposé.

Ce monopole, c’est nous, aryens ou chrétiens, qui le leur avions en quelque sorte conféré par nos lois. Pendant des siècles, les lois des peuples chrétiens ont, sous le vague nom d’usure, interdit le commerce de l’argent, les prêts d’argent, à tous les chrétiens ; et comme il fallait bien que ces affaires d’argent fussent traitées par quelqu’un, on les abandonnait au juif. C’est ainsi que nous avons, nous-même, développé, chez lui, laborieusement, artificiellement, pendant des générations, ces facultés financières et commerciales que beaucoup d’entre nous viennent, aujourd’hui, reprocher au juif. Il cherche, vous le savez, à en sortir, et alors se dresse, devant lui, un autre reproche : Comment ! Il ne vous suffit pas d’accaparer la finance, de primer dans le commerce, vous voulez encore envahir les autres carrières ! Non, cela est intolérable, retournez à votre comptoir de change.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 132-133

[ critiques ] [ réfutation ] [ historique ]

 

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penseurs

Question : Gómez Dávila entretenait une méfiance vis-à-vis de la philosophie qu’il réduisait volontiers à une simple rhétorique. Pourquoi cette critique de la philosophie chez lui sachant que son œuvre n’est pas seulement un exercice littéraire mais bien la défense de vues proprement philosophiques ?

Réponse : En paphrasant Pascal, je dirai que se méfier de la philosophie, c’est vraiment philosopher. Cette méfiance, en dehors de son aspect proprement méthodologique, tient certainement à la fois à son scepticisme et à son fidéisme. Méfiant par tempérament des nouveautés philosophiques et des systèmes totalisants de la modernité ou post-modernité. Il s’agit là de la même défiance que l’on trouvait chez certains, dont il est l’héritier, à l’égard de ceux que l’on appelait les "Philosophes" au XVIIIe.

L’ "anti-philosophie", ou la critique des "philosophes" est une caractéristique des penseurs contre-révolutionnaires et réactionnaires – à commencer par Joseph de Maistre – mais aussi des penseurs non-systématiques, existentiaux pour ne pas dire "existentialistes" (Pascal encore une fois, Kierkegaard, Nietzsche, Wittgenstein, etc.). Sa méfiance dans les pouvoirs de la raison, ou du rationalisme, de parvenir, seuls, à une quelconque vérité également. Ici, c’est l’héritier du romantisme, allemand mais pas seulement si l’on se souvient des critiques de Rousseau contre le culte de la science et de la raison de ses contemporains, autre facette des anti-Lumières. À l’instar d’un Pascal et d’un Rousseau ou Novalis, Gómez Dávila place la foi d’une part, puis le sentiment, la sensibilité ou l’intuition d’autre part, au-dessus de la raison et surtout de la ratiocination. Mais par ailleurs et paradoxalement, c’est également un héritier des Lumières et surtout de Voltaire par la dimension critique et même sarcastique de son œuvre, la liberté de sa pensée et le "grand style" de son écriture.

Pour finir, justement à propos de style, ce n’est pas tant la rhétorique qu’il méprise chez certains philosophes que le "jargon" c’est-à-dire, "l’impureté", voire l’absence, de style propre à l’expression technique du spécialiste (je renvoie sur ce sujet au paragraphe 101 du Gai savoir de Nietzsche dédié à Voltaire). Or selon Gómez Dávila, ainsi qu’il l’exprime à plusieurs reprises, la philosophie a besoin, pour sortir de sa routine académique et se revivifier, d’amateurs, de non-spécialistes ou "aficionados" tels que Socrate, Descartes, Hume, Kierkegaard, Nietzsche, etc. Pour lui, ainsi que j’ai essayé de le démontrer dans l’ouvrage en suivant l’interprétation de Pierre Hadot, la philosophie est plus une manière de vivre qu’une profession ; ou, si elle était un métier, ce serait un "métier de vivre" pour reprendre la belle formule de Pavese. Il y a incontestablement une dimension existentielle de la philosophie qui échappe, par définition, aux universitaires.

Auteur: Rabier Michaël

Info: https://philitt.fr/2021/03/05/

[ historique ]

 

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ars conjectandi

Pour s'orienter dans ce monde de symptômes mouvants le médecin doit disposer de toutes les ressources d'une intelligence aussi polymorphe que son adversaire protéiforme: il doit faire preuve d'autant de polytropie que le héros d'Homère aux mille tours. Parallèlement, un aspect essentiel de la pratique médicale est d'agir vite et sûrement: la médecine, dit un aphorisme, est un art de mesure fugitive (oligokairos) et les occasions d'intervenir sont toujours ponctuelles (oxus). Il n'est pas question de traiter à midi ce qui doit être traité le matin. Comme le chasseur à l'affût, le médecin doit guetter le moment précis où son intervention sera décisive. Mais il ne peut saisir l'occasion d'attraper Kairos par les cheveux que s'il est suffisamment lesté de tout le savoir acquis par l'expérience pour avoir deviné et pressenti le temps où surgira l'Instant propice. Car si la maladie est une puissance douée de métamorphose elle est aussi traversée par un rythme propre. Il vient un moment dans son évolution où se produit une transformation décisive, où soudainement le cours des choses tourne et se renverse : c'est la crise, ce sont les jours dits critiques, c'est le point fugitif où la téchnè du médecin, ce chétif, peut triompher des puissances hostiles de la maladie. Afin d'orienter son action, le savoir médical dispose d'un mode de connaissance approprié. La prognose est le pronostic qui combine trois opérations intellectuelles: réfléchir sur les cas présents; les comparer aux cas passés qui offrent des circonstances analogues; en tirer des conclusions qui permettent de prévoir comment la maladie va évoluer. Mais ce n'est pas seulement par sa capacité d'avoir prise sur le temps que le médecin offre un aspect providentiel, qu'il est, comme dit Pindare, epikairotatos, à la manière du pilote tenant le gouvernail sur la mer démontée ; il n'atteint le but visé conjecture (tekmairesthai) sa route en s'aidant de tous les signes que sa polytropie lui permet de reconnaître, de comparer et d'utiliser au mieux. Il faut, dit le Traité de l'Ancienne Médecine, viser une sorte de mesure (stochazesthai métrou tinos) car, dans ce domaine, il n'y a ni nombre ni poids qui permettraient d'atteindre la vérité exacte (akribès). Le seul critère admis est le correct (orthon) : "Ce qui est possible, le médecin l'entreprend; ce qui ne l'est pas, il l'abandonne; s'il lui échappe quelque bévue, il est capable de la réparer. " Comme le marin, assez habile pour éviter à chaque fois la catastrophe que son art incertain l'oblige à frôler - car on ne saurait, dit Platon, connaître le secret de la colère ou de la bienveillance des vents -, le médecin est condamné à se frayer un chemin en le conjecturant à coup d'opinions (doxais).

Auteur: Detienne Marcel

Info: Les ruses de l'intelligence, la mètis des Grecs, écrit avec Jean-Pierre Vernant

[ métaphore ] [ méta-rationnel ] [ analyse immédiate ] [ diagnostic ] [ holisme ]

 

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moyen âge

Chez les historiens médiévistes, qui en restent les principaux utilisateurs, la notion de féodalité renvoie schématiquement à trois usages différents. Un usage traditionnel (François-Louis Ganshof, Robert Boutruche), politique et juridique, désigne par féodalité les liens féodo-vassaliques, c'est-à-dire les relations hiérarchisées internes à l’aristocratie, fondées sur la fidélité (manifestée par le serment, auquel s'ajoute parfois le rituel de l'hommage), l'échange de services (la protection, l'aide et le conseil) et la possession partagée d'un fief (à la fois bien foncier et ensemble de droits seigneuriaux), entre seigneurs et vassaux. Cette organisation de la classe dominante constituerait la caractéristique majeure de la société européenne médiévale, pour certains dès l'époque carolingienne, pour d'autres plus tard, à l'âge justement désigné comme féodal. C'est cet usage traditionnel de la notion qui a fait l'objet du plus grand nombre de critiques, d'abord de la part d'historiens plus sensibles à la primauté du rapport de domination seigneurial sur les paysans (Rodney Hilton, Georges Duby, Robert Fossier), ensuite de la part d'historiens influencés par l'anthropologie et plus attentifs aux modalités non féodales de la régulation sociale à l'échelle des sociétés locales (Fredric Cheyette, Patrick Geary, Stephen White, Dominique Barthélemy) ou aux solidarités coutumières à l'échelle des royaumes (Susan Reynolds). Un deuxième usage, plus large et plus fréquent depuis les travaux de Marc Bloch et Georges Duby recourt au terme féodalité ou à l'expression société féodale pour définir une société où la domination sur la terre et les hommes est exercée à l'échelle locale au profit d'une aristocratie à la fois foncière et guerrière, laïque et ecclésiastique, à l'écart de toute souveraineté de type étatique. Dans ce cadre, la féodalité au sens traditionnel n'est plus que l'un des instruments de la reproduction de la domination aristocratique parmi d'autres, telles que la guerre vicinale, la culture de la faide (vendetta entre familles) ou l'élaboration de systèmes de représentations spécifiques comme "l'idéologie des trois ordres” clergé, noblesse et Tiers état . Un troisième usage (Guy Bois, Ludolf Kuchenbuch. Chris Wickham), souvent d'inspiration marxiste, emploie indifféremment féodalité ou féodalisme pour caractériser un régime social fondé sur l'appropriation du surproduit paysan par la classe aristocratique (laïque et ecclésiastique) à travers le grand domaine puis la seigneurie. Dans ce cadre aussi la féodalité au sens traditionnel est généralement considérée comme la principale modalité de redistribution de la "rente seigneuriale" au sein du groupe dominant (Pierre Bonnassie). Des considérations chronologiques variées sont associées à chacune de ces conceptions de la féodalité, les unes englobant l'ensemble de la période médiévale. de la chute de l'Empire romain à l'avènement des États modernes (tantôt situé aux XIVe- XVIe siècles, tantôt repoussé au XVIIIe siècle), les autres une période plus restreinte censée correspondre à la dissolution maximale de l'autorité publique entre l’effondrement de l’Empire carolingien et le renouveau monarchique capétien au XIIe siècle.

Auteur: Gauvard Claude

Info: Dictionnaire de l'historien

[ tour d'horizon ] [ sociologie ] [ pouvoirs ]

 

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