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vivre
Plus je songe à la vie humaine, plus je crois qu'il faut lui donner pour témoins et pour juges l'Ironie et la Pitié. L'Ironie et la Pitié sont deux bonnes conseillères; l'une, en souriant, nous rend la vie aimable, l'autre, qui pleure, nous la rend sacrée. L'Ironie que j'invoque n'est point cruelle. Elle ne raille ni l'amour ni la beauté. Elle est douce et bienveillante. Son rire calme la colère, et c'est elle qui nous enseigne à nous moquer des méchants et des sots que nous pourrions, sans elle, avoir la faiblesse de haïr.
Auteur:
France Anatole
Années: 1844 - 1924
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
[
compassion
]
[
distanciation
]
pouvoir
Quiconque a trempé dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu’il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s’habitue à voir faire le mal, à le laisser passer ; on commence par l’approuver, on finit par le commettre. À la longue, l’âme, sans cesse maculée par de honteuses et continuelles transactions, s’amoindrit, le ressort des pensées nobles se rouille, les gonds de la banalité s’usent et tournent d’eux-mêmes.
Auteur:
Balzac Honoré de
Années: 1799 - 1850
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Splendeurs et misères des courtisanes. Première partie : Comment aiment les filles.
[
accoutumance
]
[
hypocrisie
]
hiérarchies implicites
Je pourrais découvrir comment il y a, dans les plus délicats rapports entre les hommes, une continuelle pratique de fascisme, où celui qui impose croit seulement aimer et celui qui subit croit, en subissant, faire tout juste le minimum, pour ne pas offenser. Je pourrais peut-être montrer comment il y a, dans cela, la plus subtile, mais aussi la plus cruelle, des tyrannies, et la plus inextricable des servitudes ; lesquelles, toutes les deux, tant qu'on les admettra, pousseront à admettre toutes les autres tyrannies et toutes les autres servitudes des hommes pris séparément, des classes et des peuples entre eux.
Auteur:
Vittorini Elio
Années: 1908 - 1966
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
Dans "Les hommes et les autres", trad. Michel Arnaud, éd. Gallimard, 1947, pages 155-156
[
croyances
]
[
pouvoir
]
[
rapports humains
]
[
concurrences
]
virtualité
Si la loi des amours saintement nous assemble,
Avec un seul esprit nous faisant respirer,
L'outrage du malheur se peut-il endurer,
Qui si cruellement nous arrache d'ensemble ?
Je ne vous vois jamais, mon coeur, que je ne tremble,
Appréhendant l'effort qui nous doit séparer :
Et n'ose bien souvent vos regards désirer,
Tant l'éclipse qui suit ténébreuse me semble !
Toutefois quand les corps n'ont moyen de se voir
L'âme pourtant n'est serve, et peut à son vouloir
Voleter invisible où la guide ses flammes.
Chassons donc notre angoisse, ô seul bien de mes yeux,
Et vivant désormais comme l'on vit aux cieux,
Sans plus penser aux corps, faisons l'amour des âmes.
Auteur:
Desportes Philippe
Années: 1546 - 1606
Epoque – Courant religieux: renaissance
Sexe: H
Profession et précisions: poète et courtisan
Continent – Pays: Europe - France
Info:
In "Anthologie de la poésie amoureuse de l'âge baroque", éd. Le livre de poche, p. 166
[
liberté
]
[
absence
]
[
contraste
]
[
poème
]
[
sonnet
]
[
couple
]
[
platonique
]
absence
J'avais vécu dix-huit ans sans elle. Appris à marcher, à dire papa et pas maman, à faire du vélo, à tomber et à me relever. Sans elle, j'avais appris à écrire. Sans elle, j'avais appris à compter. Sans elle, j'avais appris à ne plus redouter le noir. Sans elle, j'avais découvert que les filles peuvent être en même temps douces et cruelles. Et les garçons décevants, moi y compris. J'avais appris la confiance et la trahison. La compromission. Sans elle, petit à petit, j'avais appris à moins attendre de la vie.
Et je ne voulais plus, qu'il me reste quelques minutes ou soixante-dix ans à vivre, peu importait.
Je ne voulais plus.
Plus jamais sans elle.
Auteur:
Ollivier Mikaël
Années: 1968 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Plus jamais sans elle
[
séparation
]
[
peur
]
[
manque
]
bibeloter
Il faisait ses adieux aux objets. (...)
Lorsqu'il avait commencé, toutes ces années auparavant , à recueillir les objets perdus, il n'avait pas vraiment de plan. Il voulait simplement les mettre en lieu sûr au cas où, un jour, ils pourraient se voir réunis aux gens qui les avaient perdus. Il ignorait souvent si ce qu'il avait trouvé était rebut ou trésor. Mais quelqu'un, quelque part, le savait. Et c'est alors qu'il s'était remis à écrire, tramant des nouvelles autour de ses trouvailles. Au fil des ans, il avait rempli ses tiroirs et ses étagères de fragments des vies d'autrui et mystérieusement, ils avaient contribué à guérir la sienne-si cruellement fracassée - et à la restaurer.
Auteur:
Hogan Ruth
Années: 19?? - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe – Angleterre
Info:
Le gardien des choses perdues, p. 39
[
accumuler
]
[
fétichisme
]
[
altruisme
]
barbarie
Les dragons, les soldats, les autres sortes de gens papistes du pays qu'on avait armés contre nous et les miquelets auxquels on avait donné toute licence sur les pauvres protestants, ces gens dis-je, les plus inhumains du monde, violaient les femmes et les filles et les égorgeaient impitoyablement. Ils massacraient indifféremment les vieillards, les infirmes, les jeunes gens et les enfants à la mamelle, tous ceux qui tombaient sous leurs cruelles mains. Rien n'échappaient à leur fureur, ils saccageaient, ils brûlaient, ils exterminaient tout, n'épargnaient que ceux qui, suivant l'ordre du roy, les proclamations de Messieurs les Maréchaux de France et du cruel Intendant Baville, se retiraient dans les villes murées et allaient à la messe.
Auteur:
Joutard Philippe
Années: 1935 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: prof d'histoire
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Journaux camisards 1700-1715, 773, 10/18 no266, p. 87-88
[
religions
]
[
protestantisme
]
[
Gaule
]
carnage
Les bruits étaient sympathiques et excellents : des grésillements de graisse chaude, des flonflons de bouilloire, des bruits en fusée de rôtis arrosés, le choc clair des casseroles et de la vaisselle, un glou-glou de bouteilles qui semblait parodier une cascadante série de baisers goulus.
Toute sa sympathie d’homme affamé serait allée vers les odeurs des viandes chaudes et des sauces épicées, si un effluve étrange, doux et terrible, n’était venu flotter autour de lui.
— Je connais cela, murmura-t-il.
Et, soudain, une cruelle fantasmagorie se déroula en film silencieux dans sa mémoire : il revit les boueuses tranchées où saignaient d’innombrables cadavres de Tommies et de Feldgrauen.
— Cela sent la mort, dit-il, le sang… Pouah !
Auteur:
Ray Jean
Années: 1887 - 1964
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Les derniers contes de Canterbury
[
dégoût
]
[
cuisine
]
[
remémoration
]
[
hémoglobine
]
Sahara
Chaque soir, leurs lèvres saignantes cherchaient la fraîcheur des puits, la boue saumâtre des rivières alcalines. Puis, la nuit froide les enserrait, brisait leurs membres et leur souffle, mettait un poids sur leur nuque. Il n'y avait pas de fin à la liberté, elle était vaste comme l'étendue de la terre, belle et cruelle comme la lumière, douce comme les yeux de l'eau. Chaque jour, à la première aube, les hommes libres retournaient vers leur demeure, vers le sud, là où personne d'autre ne savait vivre. Chaque jour, avec les mêmes gestes, ils effaçaient les traces de leurs feux, ils enterraient leurs excréments. Tournés vers le désert, ils faisaient leur prière sans paroles. Ils s'en allaient, comme dans un rêve, ils disparaissaient.
Auteur:
Le Clézio Jean-Marie
Années: 1940 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Désert
[
aridité
]
[
frugalité
]
témoin
L'ombre vague d'un sourire passa sur son visage. Mais ce n'était pas l'expression cruelle d'une raillerie. J'ai réfléchi très profondément à ce que cela signifiait d'être un observateur détaché de naissance. Je n'ai pas de maladie incurable. Je suis un observateur détaché de naissance. Enfant, je jouais avec les autres et adulte, j'ai assisté à toutes sortes de représentations plus ou moins respectables pour des raisons sociales : quelle que soit l'animation de mon entourage, je ne me suis jamais senti dans le tourbillon et je n'en ai jamais joui au fond de moi. Il m'est arrivé d'être sur la scène du théâtre de la vie, mais je n'ai jamais tenu un rôle digne de ce nom. J'étais au mieux un figurant.
Auteur:
Ogaï Mori Rintaro
Années: 1862 - 1922
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Asie - Japon
Info:
Chimères, Cent contes
[
spectateur
]
[
marginal
]
[
solitude
]