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hommes anciens
Je pense aux gestes oubliés, aux multiples gestes et propos de nos ancêtres, tombés peu à peu en désuétude, dans l’oubli, tombés un à un de l’arbre du temps. J’ai trouvé ce soir une bougie sur une table, et pour m’amuser je l’ai allumée et j’ai fait quelques pas avec elle dans le couloir. Elle allait s’éteindre quand je vis ma main gauche se lever d’elle-même, se replier encre, protéger la flamme par un écran vivant qui éloignait les courants d’air. Tandis que la flamme se redressait, forte de nouveau, je pensais que ce geste avait été notre geste à tous (je pensais tous et je pensais bien, ou je sentis bien) pendant des milliers d’années, durant l’Âge du Feu, jusqu’à ce qu’on nous l’ait changé par l’électricité. J’imaginais d’autres gestes, celui des femmes relevant le bas de leurs jupes, celui des hommes cherchant le pommeau de leur épée. Comme les mots disparus de notre enfance, entendus pour la dernière fois dans la bouche des vieux parents qui nous quittaient l’un après l’autre. Chez moi personne ne dit plus "la commode en camphrier", personne ne parle plus des "trépieds". Comme les airs de l’époque, les valses des années vingt, les polkas qui attendrissaient nos grands-parents.
Je pense à ces objets, ces boîtes, ces ustensiles qu’on découvre parfois dans les greniers, les cuisines, les fonds de placards, et dont personne ne sait plus à quoi ils pouvaient bien servir. Vanité de croire que nous comprenons les œuvres du temps : il enterre ses morts et garde les clefs. Seuls les rêves, la poésie, le jeu — allumer une bougie et se promener avec elle dans le couloir — nous font approcher parfois de ce que nous étions avant d’être ce que nous ne savons pas si nous sommes.
Auteur:
Cortazar Julio
Années: 1914 - 1984
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du Sud - Argentine
Info:
Marelle
[
routines
]
chanson paillarde
Père Dupanloup dans son berceau, (2ex en écho)
Bandait déjà comme un taureau (2e x en écho)
Pour satisfaire ses caprices,
Il baisait déjà sa nourrice
(refr) Zut, merde, pine et boxon,
Père Dupanloup est un cochon.
Père Dupanloup dans la cuisine, (x2)
Battait les œufs avec sa pine. (x2)
Nom de Dieu, dit la cuisinière,
Fous-la moi donc dans le derrière.
(refrain)
Père Dupanloup monte en ballon, (x2)
Mais il avait l'système si long, (x2)
Qu'à trois cents mètres dans l'atmosphère
Ses couilles trainaient encore par terre.
(refrain)
Père Dupanloup monte en bateau, (x2)
Mais il avait l'organe si beau, (x2)
Qu'il avait bien cent mille grenouilles
A lui sucer la peau des couilles.
(refrain)
Père Dupanloup dans un wagon (x2)
Se conduisait comme un cochon. (x2)
Passant sa bite par la portière,
Il éborgna le garde-barrière.
(refrain)
Père Dupanloup à l'Institut, (x2)
Ne voulait voir que des culs nus. (x2)
Pour respecter les bonnes manières,
Il enculait tous ses confrères
(refrain)
Au passage d'la Bérésina (x2)
Le Père Dupanloup était là (x2)
Mettant sa bite sur la rivière,
Fit passer l'armée toute entière.
(refrain)
A la prise de la Smalah, (x2)
Dupanloup était encore là (x2)
On le chercha devant, derrière,
Il enculait les dromadaires.
(refrain)
Père Dupanloup dans son cercueil
Bandait encore comme un chevreuil.
Avec sa pine en arc de cercle
Il voulait faire sauter le couvercle.
(refrain)
Auteur:
Internet
Années: 1985 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: R
Profession et précisions: tous
Continent – Pays: Tous
Info:
[
musique
]
[
tradition salace
]
[
art populacier
]
[
grossièreté
]
nature
Au-delà du jardin, se trouvait le verger, où cerisiers, pruniers et pommiers se dressaient au milieu d’un tapis de menthe, de ciboulette, de persil et d’autres plantes aromatiques. Devant la fenêtre de la cuisine, une antique vigne tordait son tronc noueux autour d’un pin et étendait son feuillage au-dessus d’une treille. Au printemps et en été, on cuisinait souvent à l’ombre de cette vigne qui, à l’automne, donnait les raisins muscats les plus sucrés qui soient.
[…] Dans la plupart des langues européennes, les mots servant à désigner le "jardin" et le "paradis" appartiennent à la même famille que le vieux vocable persan paradaiza, signifiant "l’enclos du Seigneur". En Perse, où la saison des pluies est très courte et l’eau un élément rare, la création d’un jardin signifiait traditionnellement celle d’un paradis personnel, du reflet ici-bas des jardins d’Eden. Cela exprimait l’aspiration de l’âme vers la paix et la beauté éternelles. Les tapis persans, avec leurs oiseaux et leurs plantes stylisés, était à l’origine une représentation du paradis ; jusqu’au tapis volant des contes de fées qui était associé au désir d’un retour à la pureté originelle.
Le jardinier persan était censé produire une atmosphère de safa, mot qui signifie "sérénité" mais évoque également la fraîcheur, l’apaisement, la beauté. Le jardin persan traditionnel, lieu d’élection du rossignol et de la rose, célébré par les poètes et les écrivains à travers les siècles, était l’expression d’un génie national dont les autres manifestations étaient la fabrication des tapis, la peinture de miniatures, l’écriture de poèmes. Hélas, rares sont les grands jardins d’antan qui subsistent encore aujourd’hui. Plus fragiles que les vers ou la peinture, ils n’ont pas survécu aux soubresauts de notre histoire. Et pourtant, chacun aspire comme avant à créer dans la mesure de ses moyens sa paradaiza personnelle.
Auteur:
Guppy Shusha
Années: 1935 - 2008
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: écrivain, éditrice et chanteuse Persanne et de folk songs
Continent – Pays: Angleterre - Iran
Info:
Un jardin à Téhéran, p 98
[
beauté
]
[
oasis
]
[
sanctuaire végétal
]
sotériologie
Dans ma jeunesse, j’ai rencontré une dernière ramification de cette conception moyenâgeuse du monde, grâce à l’expérience suivante. Nous avions, à cette époque, une cuisinière de la Forêt-Noire souabe, à qui incombait la tâche d’exécuter les victimes de la basse-cour destinées à la cuisine. Il s’agissait de poules naines, dont les coqs se distinguent par leur humeur particulièrement querelleuse et par leur malice. L’un d’eux dépassait tous les autres par sa cruauté et ma mère chargea la cuisinière d’exécuter le malfaiteur pour le repas du dimanche. J’arrivai juste comme elle rapportait le coq décapité et disait à ma mère : "Il est mort en chrétien, bien qu’il ait été si mauvais. Il a encore crié : "Pardonne-moi, pardonne-moi !" avant que je lui coupe la tête. Aussi, maintenant, il est allé au ciel !" Ma mère répondit, indignée : "Ne dites pas de sottises ! Seuls les êtres humains vont au ciel", à quoi la cuisinière étonnée répliqua : "Les poules ont aussi un corps, tout comme les gens ont le leur. – Mais seuls les êtres humains ont une âme immortelle et une religion", dit ma mère, tout aussi stupéfaite. "Non, ce n’est pas vrai, répondit la cuisinière, les animaux ont aussi une âme et tous ont leur propre ciel, les chiens, les chats et les chevaux, et cela parce que, lorsque le sauveur des hommes est descendu sur la terre, le sauveur de la volaille est aussi venu parmi les poules, et c’est pourquoi elles aussi doivent se repentir de leurs péchés avant de mourir, si elles veulent aller au ciel."
La croyance de notre cuisinière est un vestige folklorique de cet esprit qui découvrait le drame de la rédemption à tous les niveaux de l’être et le retrouvait, par conséquent, dans les transformations les plus mystérieuses et les plus incompréhensibles de la matière.
Auteur:
Jung Carl Gustav
Années: 1875 - 1961
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste, médecin psychiatre, fondateur de la psychologie analytique et penseur influent
Continent – Pays: Europe - Suisse
Info:
Dans "Psychologie et alchimie", éd. Buchet-Chastel, 2014, trad. par Henry Pernet et Roland Cahen, pages 553-555
[
panthéisme
]
[
bon sens populaire
]
[
homme-animal
]
vengeance
Lucie : Non, je pense que le truc le plus recherché (et méchant)que j'ai jamais fait, c'était cet été.
Lucie : J'ai été serveuse pendant un mois. Franchement, même si la plupart des personnes que j'ai servi étaient correctes, on rencontre de temps en temps de beaux enfoirés.
Antoine : Tu m'étonnes... Qu'est ce qui c'était passé?
Lucie : Un mec débarque avec une dizaine de personnes, ils sont restés 2 heures, et il était juste insupportable.
Antoine : Genre?
Lucie : Genre il m'agrippait quand il voulait demander quelque chose, il se plaignait continuellement, il a du renvoyer la moitié des plats en cuisine... Il y avait une autre serveuse qui était pratiquement en larmes à la fin de son repas.
Lucie : Le truc, c'est que les gens peuvent se comporter comme des bouffons si ils sont prêts à en assumer les conséquences. Parce qu'un jour, ils vont tomber sur une psychopathe comme moi qui leur fera payer.
Antoine : Qu'est ce que t'as fait ??
Lucie : Il a payé par carte (et a laissé 2,5 euros de pourboire sur une addition de plus de 200, mais passons) et avait un nom assez inhabituel.
Lucie : Je le note quelque part, et quelques jours plus tard je cherche sur FB. Bingo, il est sur une des photos, je connais son prénom.
Lucie : Je vais chercher un numéro de téléphone dans les pages blanches. L'appel s'est déroulé à peu près comme ça :
Lucie : "Allo?" (voix de femme)
Lucie : "Hmmmmm euuuuh... je pourrais parler à ***?"
Lucie : "Il n'est pas là. Qui est à l'appareil?"
Lucie : "C'est Tiffany, qui êtes-vous?"
Lucie : "Sa femme."
Lucie : "SA FEMME???? HA LE CONNARD!!!!!" *Raccroche*
Antoine : ...
Antoine : Tu es vraiment flippante, tu sais? Brillante... Mais terrifiante.
Auteur:
Internet
Années: 1985 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: R
Profession et précisions: tous
Continent – Pays: Tous
Info:
[
dialogue-web
]
femmes-hommes
Kin-lièn se leva et rapporta bientôt dans un grand vase le vin qu'elle avait fait chauffer ; puis, demandant à son beau-frère s'il n'était pas trop légèrement vêtu pour la température, elle passa les doigts sur ses épaules et sur tout son corps comme pour s'en assurer. La chasteté de Wou-song souffrait beaucoup ; il paraissait triste et ne répondait rien. Alors Kin-lièn, relevant les manches de sa robe, saisit quelque menu bois et se prit à dire : " Mon beau-frère, vous ne savez pas faire le feu. Je vais m'en charger pour vous... " Wou-song était décontenancé ; il gardait le silence. Kin-lièn s'abandonne à sa passion, qui était ardente comme la flamme. Elle ne voit pas l'embarras de Wou-song ; elle verse encore une tasse, y trempe ses lèvres ; puis, avec ce regard expressif, particulier aux femmes libertines : " Si vous savez aimer, lui dit-elle, vous achèverez ceci. " Wou-song étend la main et prend la tasse, mais c'est pour la renverser par terre et s'écrier : " Ma belle-soeur, vous foulez aux pieds toutes les bienséances. " Puis, il la repousse ; et, la regardant d'un oeil sévère, il continue : " Votre beau-frère est un homme qui a des cheveux sur la tête et des dents dans la bouche ; mais il est si grand, si grand qu'il touche à la voûte du ciel. Il n'appartient pas à la race des chiens et des porcs, qui sont dépourvus de raison et ne connaissent ni la justice, ni la pudeur. Ma belle-soeur, gardez-vous d'agir de la sorte. Autrement, quoique mes yeux reconnussent toujours qui vous êtes, mes poings pourraient bien l'oublier. " A ces paroles, Kin-lièn devint rouge jusque dans le blanc des yeux. " Je voulais plaisanter, dit-elle, vous interprétez mal les choses et vous calomniez les intentions. " Elle se leva, prit le plateau et descendit dans la cuisine.
Auteur:
Luo Guan zhong
Années: 133? - 14??
Epoque – Courant religieux: moyen-âge
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain de la fin des Yuan et du début des Ming.
Continent – Pays: Asie - Chine
Info:
Au bord de l'eau, tome 2, chapitres 47 à 92
[
séduction
]
[
adultère
]
[
refus
]
[
littérature
]
coup d'un soir
[...] elle m’a ramené
chez elle, un endroit très chic
avec deux lits, parquet ciré
dans la cuisine, et une télé qui se déplaçait
comme un tigre, alors j’ai déposé les steaks,
le whisky et les bières sur la table,
ensuite on a mangé, elle a fait une bonne salade,
on a descendu quelques verres en regardant
le tigre se déplacer et puis j’ai cassé l’ambiance
j’ai dit à l’abeille que j’étais en train de mourir,
qu’ils m’avaient brisé les ailes,
que poursuivre me semblait peine perdue,
que la picole me conduisait juste
d’échec en échec,
mais ça elle ne l’a pas compris,
et plus tard sur le lit,
elle m’a grimpé dessus
cette abeille
je lui ai empoigné les fesses
et c’était assez réel, elle avait le dard
baissé, et j’ai dit,
magnifique o magnifique
mais je pouvais rien faire,
j’étais en train de mourir et elle était morte,
et plus tard une fois rhabillés,
je lui ai dit au revoir à la porte,
j’ai dit pardonne-moi, et puis la porte
m’a claqué au nez
alors j’ai traversé le hall en courant j’ai couru
dehors en mal d’oxygène
ces petits yeux de pierre cliquetaient dans
ma tête, alors j’ai pris la route
30 bornes vers le sud jusqu’à la plage
arrivé là je me suis posté sur la jetée
j’ai regardé les vagues,
imaginé de gigantesques batailles navales,
je me suis changé en sel en sable en son,
et rapidement les yeux ont disparu
alors j’ai allumé une cigarette,
j’ai toussé, et marché
vers la voiture.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019
[
baise
]
[
impuissance
]
[
femmes-hommes
]
[
terreur
]
vocabulaire
Je nettoie les mots.
Je les ramasse la nuit, partout :
Le mot forêt, le mot maison, le mot fleur.
Je m’occupe d’eux pendant la journée
Quand je rêve éveillé.
Le mot solitude me tient compagnie.
Chaque mot a besoin d’être nettoyé et caressé :
Le mot ciel, le mot nuage, le mot mer.
Certains doivent être lavés,
Il faut même les gratter de la saleté des jours et des abus.
Beaucoup de mots arrivent malades,
D’autres arrivent tout simplement usés, déguisés,
Pliés sous le poids des choses qu’ils traînent derrière eux.
Le mot pierre pèse aussi lourd qu’une pierre.
Le mot rose répand son parfum dans l’air.
Le mot arbre a des feuilles, de grandes branches,
Et on peut se reposer à l’ombre de son feuillage.
Le mot chat enfonce ses ongles dans le tapis.
Le mot oiseau ouvre ses ailes pour s’envoler.
Le mot cœur n’arrête pas de battre.
On écoute le mot chanson.
Le mot vent fait voler les papiers et il faut l’enfermer dans la cave
À la fin tous les mots se tournent vers la lumière
Et s’envolent bien loin, légers, nés de ma main une fois de plus :
Le mot étoile, le mot île, le mot pain.
Le mot merci me remercie. Les autres ne le font pas.
Le mot au revoir fait ses adieux.
Les autres sont partis, mots à la surface lisse et lavée,
Comme les cailloux de la rivière :
Le mot jalousie, le mot colère, le mot froid.
Ils partent à la recherche de ceux qui souhaitent les prononcer.
Il suffit de tendre la main
Pour cueillir le mot bateau ou le mot amour.
Je nettoie les mots.
Le mot coquille, le mot lune, le mot mot.
Je les ramasse la nuit, je m’en occupe pendant la journée.
Le mot cuisinier cuisine mon dîner.
Le mot brise me rafraîchit.
Et le mot solitude me tient compagnie.
Auteur:
Magalhaes Alvaro
Années: 1951 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, auteur de livres et de contes pour enfants
Continent – Pays: Europe - Portugal
Info:
[
poème
]
[
termes
]
enfant
Quand je suis arrivé à peu près à mes fins, on a sonné à la porte. Je n’ai pas voulu ouvrir tout de suite parce qu’il était tard, et puis j’ai ouvert quand même. Ca ne pouvait être qu’Olga. Même ma mère, ça faisait six mois qu’elle n’avait pas mis les pieds chez moi. On ne communiquait que par téléphone.
- Excuse-moi, qu’elle a fait, de te déranger à nouveau. J’ai mon Nikita qui fait encore des siennes. Viens me donner un coup de main. Je n’en viendrai pas à bout toute seule.
- Pas de problèmes ! ai-je répondu
J’ai jeté ma veste sur les épaules et je l’ai suivie. J’ai laissé ma porte ouverte.
- Alors comme ça, il y a quelqu’un qui ne veut pas dormir ici ?
Le gamin a sursauté et m’a fixé comme si j’étais un spectre. Ses cubes lui en sont tombés des mains.
- Qui est-ce qui n’écoute pas sa maman ?
Il me regarde sans broncher. Les yeux comme des soucoupes.
- Allez, prépare tes affaires. Puisque tu ne veux pas obéir à ta maman, tu vas venir habiter chez moi. Tu ne peux prendre qu’un seul jouet.
Il reste silencieux, la bouche grande ouverte.
- Lequel on va prendre avec nous ? La petite voiture, ou bien ce bonhomme ? C’est qui, celui-là ? Superman ? Allez, vas-y, prends Superman.
Son regard se reporte sur Olga et il murmure :
- Je vais dormir. Je vais aller au lit tout seul, maman.
- C’est parfait. Tu as vite compris. Si tu recommences encore une fois, je reviens et je te prends avec moi pour de bon.
Arrivé à la porte, Olga m’a retenu :
- Tu veux du thé ? Allons à la cuisine – je viens d’en faire.
- Ma porte est restée ouverte. On ne sait jamais ce qui peut arriver…
- Excuse-moi de toujours t’embêter, me dit-elle alors. C’est que… il n’a peur que de toi… Moi, il ne m’obéit plus du tout.
Je me suis mis à rire.
Auteur:
Guelassimov Andreï
Années: 1965 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Russie
Info:
La Soif
[
désobéissant
]
[
mère seule
]
[
astuce
]
taudis
Le malheur est une larve accroupie dans les lieux humides. Les deux bannis de la Joie crurent flotter dans des limbes de viscosité et de crépuscule. Le feu le plus ardent ne parvenait pas à sécher les murs, plus froids à l’intérieur qu’au dehors, comme dans les cachots ou les sépulcres, et sur lesquels pourrissait un papier horrible.
D’une petite cave haineuse que n’avait certainement jamais élue la générosité d’aucun vin, parurent monter, au commencement de la nuit, des choses noires, des fourmis de ténèbres qui se répandaient dans les fentes et le long des joints d’un géographique parquet.
L’évidence d’une saleté monstrueuse éclata. Cette maison, illusoirement lessivée de quelques seaux d’eau, quand elle attendait des visiteurs, était, en réalité, gluante, à peu près partout, d’on ne savait quels sédiments redoutables qu’il aurait fallu racler avec un labeur sans fin. La Gorgone du vomissement était accroupie dans la cuisine, que l’incendie seul eût été capable de purifier. Dès la première heure, il avait fallu installer un fourneau dans une autre pièce. Au fond du jardin, de quel jardin ! persévérait un amas de détritus effrayants que le propriétaire avait promis de faire enlever et qui ne devait jamais disparaître.
Enfin, tout à coup, l’abomination. Une odeur indéfinissable, tenant le milieu entre le remugle d’un souterrain approvisionné de charognes et la touffeur alcaline d’une fosse d’aisances, vint sournoisement attaquer la muqueuse des locataires au désespoir.
Cette odeur ne sortait pas précisément des latrines, à peu près impraticables, d’ailleurs, ni d’aucun autre point déterminé. Elle rampait dans l’étroit espace et s’y déroulait à la manière d’un ruban de fumée, décrivant des cercles, des oves, des spirales, des lacets. Elle ondulait autour des meubles, montait au plafond, redescendait le long des portes, s’évadait dans l’escalier, rôdait d’une chambre à l’autre, laissant partout comme une buée de putréfaction et d’ordure.
Quelquefois elle semblait disparaître. Alors on la retrouvait au jardin, dans ce jardin des bords du Cocyte, clos d’un mur de bagne capable d’inspirer la monomanie de l’évasion à un derviche bancal devenu équarrisseur de chameaux atteints de la peste.
Auteur:
Bloy Léon
Années: 1846 - 1917
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 294-295
[
ambiance odorifique
]
[
puanteur
]
[
description
]