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Kali Yuga

Nous somes actuellement dans l'ère des cinq dégénérescences, à une époque où un bon éon est en train de s'achever. Par "nous", je ne fais pas référence à notre génération, ni même à une période en incluant une ou deux précédant la nôtre. Notre ère est la même que celle du Bouddha Sakyamouni : lui aussi est né et a enseigné durant ces temps dégénérés. Le bon éon a eu ses propres bouddhas, les quatre premiers. Nous sommes extrêmement chanceux qu'un bouddha se soit manifesté dans cet éon difficile. Pendant de nombreuses et nombreuses générations, des êtres ont vécu et continuent de vivre dans des conditions trés difficiles. Pour désigner ces conditions, on parle des "cinq dégénérescences", ou des cinq crises. Celles-ci sont aussi courantes de nos jours qu'elles l'étaient il y a deux mille ans.

La vie physique : la durée de la vie humaine se limite à environ cent ans. Même avec les avancées de la médecine moderne et la possibilité d'avoir une alimentation saine, cette espérance de vie reste limitée. Nos corps physiques sont sujets à de nombreuses maladies capables d'abréger notre existence.

L'époque : nous sommes soumis à des conditions environnementales précaires, résultats de notre karma collectif. Nous sommes controntés à de nombreuses catastrophes naturelles qui peuvent frapper à tout moment, telles que les ouragans, les tornades, les tremblements de terre, les innondations, les incendies, et les guerres soudaines déclenchées par des individus stupides.

L'imperfection des êtres : notre nature actuelle n'est pas parfaite. Même si nous avons le potentiel de la développer de façon positive, ce n'est pas notre tendance, car nos nombreuses imperfections, telles que l'agressivité, entravent nos possibilités de nous améliorer.

Nous vivons une époque où la plupart des gens nuisent les uns aux autres. Nous nous retrouvons au beau milieu de guerres et d'un climat de violence et d'exploitation. Beaucoup de gens subissent de terribles atrocités perpétrées par leurs semblables. Nous sommes aussi cruels envers les animaux, et les animaux eux-mêmes s'attaquent les uns aux autres. Le mal que les êtres vivants s'infligent mutuellement est à son paroxysme.

Les vues erronées : l'ennui avec les vues erronées, c'est qu'elles créent de nombreux problèmes dans le monde. Les points de vue imparfaits des masses trouvent leurs racines dans la saisie égocentrique, la confusion et l'égoïsme. Ces erreurs de mode de pensée perpétuent dans la société l'injustice et une discrimination néfaste. Les vues erronées se sont malheureusement taillé leur place dans tous les domaines de la vie - que ce soit le système social comme celui religieux, culturel, politique ou juridique.

Emotions perturbatrices : partout, les gens sont sous l'emprise des émotions négatives. En fait, les émotions perturbatrices s'élèvent constamment, de façon très naturelle. Bien que, pour elles, il existe des remèdes, leur mise en application se révèle être une tâche plutôt ardue. Si nous souhaitons développer ne serait-ce qu'une vertu infime, nous devons exercer un grand effort, car la plupart du temps les émotions négatives nous submergent tout simplement.

Nous pouvons observer que l'époque qui est la notre est particulièrement mauvaise. Pratiquement tous les êtres vivants agissent presque exclusivement poussés par leur esprit qui est dans un état d'affliction. La plupart du temps, même la première impulsion à agir se fonde sur un esprit affligé et est lié à un mauvais karma. Ce que nous accomplissons, nous l'accomplissons uniquement pour notre bienfait. Même ceux qui, dans leur vie, essayent de faire le bien, de pratiquer le dharma ou autre chose de positif rencontreront de nombreux obstacles dans leur existence. Si on les compare à ceux qui vivent de façon malhonnête et sont motivés par ce qui est négatif, nous voyons que ces derniers ont tendance à vivre longtemps et à connaître le succès. Un horrible leader peut être réélu par exemple ! En cette sombre époque, il n'y a pratiquement aucune méthode dans le dharma qui puisse être un bon remède, mis à part la pratique de l'échange de soi avec autrui.

Auteur: Shamar Rinpoché

Info: Lo Djong, la voie vers l'Eveil.

[ chaos ] [ fin de cycle ] [ historique ] [ jugement pessimiste ]

 
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Ajouté à la BD par Neshouma

contrepouvoir

L'HÉGÉMONIE CULTURELLE SELON GRAMSCI

Constatant que les révolutions communistes promises par la théorie de Marx n’avaient pas eu lieu dans les sociétés industrielles de son époque, Gramsci formule une hypothèse. Si le pouvoir bourgeois tient, ce n’est pas uniquement par la main de fer par laquelle il tient le prolétariat, mais essentiellement grâce à son emprise sur les représentations culturelles de la masse des travailleurs. Cette hégémonie culturelle amenant même les dominés à adopter la vision du monde des dominants et à l’accepter comme "allant de soi".

Cette domination se constitue et se maintient à travers la diffusion de valeurs au sein de l'École, l'Église, les partis, les organisations de travailleurs, l'institution scientifique, universitaire, artistique, les moyens de communication de masse... Autant de foyers culturels propageant des représentations qui conquièrent peu à peu les esprits et permettent d’obtenir le consentement du plus grand nombre.

Pour renverser la vapeur, toute conquête du pouvoir doit d’abord passer par un long travail idéologique, une lente préparation du terrain au sein de la société civile. Il faut, peu à peu, subvertir les esprits, installer les valeurs que l’on défend dans le domaine public afin de s’assurer d’une hégémonie culturelle avant et dans le but de prendre le pouvoir.

Exemple récent, l’idéologie néolibérale qui s’est auto-instituée comme seul système d’organisation économique possible. Il est le fruit d’un long travail sous-terrain de conquête des esprits depuis les cercles de réflexion d’économistes américains et européens (think-tanks) des années 50 aux journalistes, hauts fonctionnaires, leaders d’opinion, lobbys et artistes qui imposent peu à peu ses principales idées dans la sphère culturelle : "La compétition généralisée est saine", "Le marché s’auto-régule", "Il faut limiter les dépenses publiques et baisser les impôts", "L’État est un mauvais gestionnaire", etc.) avant de connaître une traduction politique dans la prise de pouvoir par Ronald Reagan aux États-Unis, Margaret Thatcher en Angleterre jusqu’à Deng Xiaoping en Chine.

CONQUERIR LA SOCIETE CIVILE

Pour Gramsci, l'État ne se résume pas au seul gouvernement. Même si ces sphères se recoupent souvent, on peut distinguer deux lieux de son pouvoir :

— D’une part, la "société politique2 qui regroupe les institutions politiques, la police, l’armée et la justice. Elle est régie par la force.

— D’autre part la "société civile" qui regroupe des institutions culturelles (université, intellectuels, médias, artistes) et qui diffuse de manière ouverte ou masquée l'idéologie de l'État afin d'obtenir l'adhésion de la majorité de la population. Elle est régie par le consentement.

Si dans les régimes dictatoriaux, c’est surtout la société politique qui règne (par l’oppression), dans les sociétés occidentales démocratiques, c’est principalement la société civile qui organise la domination. C’est donc dans son cadre que le combat (culturel) doit être mené et non par une confrontation frontale avec la société politique.

Si l’on suit Gramsci, il faut d’abord distiller les idées progressistes, travailler aux marges et dans les interstices, réaliser un travail de "termite" pour ronger progressivement toutes les bases de la société capitaliste traditionnelle. L’objectif est celui de combattre les intellectuels de la classe dominante. Une tâche que Gramsci confiait aux intellectuels au sens large (ceux qui manipulent des idées), du moins ceux qui sont organiquement lié aux travailleurs. Il faut pour ce faire percer dans les médias de masse, envahir le langage courant, ou encore imposer ses thèmes et ses concepts dans le débat universitaire et public. À gauche, cela pourrait être d’une part de remettre en cause préceptes et mots du néolibéralisme pour les disqualifier et d’autre part d’imposer des thèmes et des termes comme "catastrophe écologique", "salaire maximum", "relocalisation", "gratuité", "coopérative", "paix économique", "services collectifs", "peuple", "écroissance", "précariat", "égalité réelle", "recherche du bien-être", etc.

À ce titre, si internet permet de nos jours une accélération de ce travail de sape et de diffusion de messages contraire à l’ordre du discours, la lutte contre l’hégémonie de la classe dominante doit aussi être menée en profondeur dans les réseaux sociaux humains. C’est notamment le rôle de l’éducation populaire.

Auteur: Berthier Aurélien

Info: 4 avril 2011, www.agirparlaculture.be

[ sociologie ] [ subversion sémantique ]

 

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développement durable

Lutter contre le nucléaire, la création d’un centre commercial, d’une rocade ou de tout autre grand projet nuisible en multipliant les comités de défense locaux, cela nous paraît une stratégie essentielle de l’écologie politique. Mais marcher vaguement "pour le climat", à l’instar des manifestations médiatiques qui se développent actuellement dans les métropoles, cela a-t-il un sens ?

Curieuse époque en effet où certains marchent, nagent, rament, pédalent, tricotent… "pour le climat" comme d’autres font des processions pour faire tomber la pluie. On pourrait néanmoins trouver sympathiques ces happenings s’il s’y tenait des propos d’un quelconque intérêt. Mais qu’y entend-on ? "Bouffe ma chatte, pas la planète", "Si y’a plus de terre, y’a plus de bière", "Pas d’climat pas d’chocolat"… Dans le même esprit, les militants d’Extinction Rebellion avaient accroché en mai dernier, sur le palais de la Bourse de Bordeaux, une banderole géante qui clamait : "Chirac, reviens !" (Pour reprendre les essais nucléaires ? Buter quelques Canaques de plus ?) Leur prétendu second degré masque mal leur indigence politique. Comme le reconnaît ingénument Greta Thunberg, l’égérie de Youth for Climate : "Mais je ne parle jamais de politique, tout ce que je dis, c’est que nous devons écouter la science. […] Nous n’avons pas l’éducation qu’il faut pour nous permettre de formuler des demandes, il faut laisser cela aux scientifiques." Quand on sait que ces mouvements sont financés par des fonds abondés par des multinationales et des multimillionnaires (le Climate Emergency Fund entre autres) pour promouvoir l’imposture de la transition énergétique (à l’échelle industrielle, les énergies renouvelables ne se substituent pas aux énergies fossiles, mais les requièrent et s’y ajoutent) et relancer une croissance verte avec le Green New Deal, on comprend mieux ce qui est en jeu et le "sens" de ces manifestations.

Parmi toutes les catastrophes en cours ou quasi achevées après deux siècles de capitalisme industriel : catastrophes écologique, culturelle, esthétique, intellectuelle, sociale, morale, politique, démographique… – sans parler de l’effondrement financier et économique qui peut nous tomber dessus à tout instant –, la catastrophe climatique est la seule à bénéficier d’un tel battage médiatique et à faire sortir tant de gens dans la rue. C’est surtout l’une des seules pour lesquelles l’ingénierie et l’industrie prétendent encore apporter des remèdes. Des remèdes technologiques bien sûr, comme si l’on pouvait soigner le mal par le mal : pulvériser des particules de soufre dans la haute atmosphère, séquestrer le carbone dans les sols, alcaliniser et fertiliser les océans avec du sulfate de fer, capter directement le CO2 de l’air pour le stocker, lancer un parasol spatial, ensemencer des nuages marins… nos savants fous ne manquent pas d’idées folles, et légitiment en passant l’énergie nucléaire, qu’ils osent nous vendre comme une "énergie propre".

Ces mises en scène d’un catastrophisme d’État sous couvert d’"état d’urgence climatique" sont-elles autre chose qu’une vaste propagande pour "l’adaptation à de nouvelles formes de survie en milieu extrême" (1) ? Avec pour corollaire une gestion totalitaire des populations, puisque "la préservation du taux d’oxygène nécessaire à la vie ne pourra être assurée qu’en sacrifiant cet autre fluide vital : la liberté (2)", comme le redoutait déjà Bernard Charbonneau il y a quarante ans.

Leur nombre élevé procure aux manifestants qui tournent en rond "pour le climat" un sentiment de puissance bien illusoire. Pour Günther Anders, "seuls travaillent à l’aide de happenings ceux qui n’ont pas de pouvoir, ceux qui n’ont pas réellement la possibilité de changer ou de détruire effectivement l’institution qu’ils combattent. Les happenings sont tous sans exception des manifestations de détresse ou de substitution et parfois même des actes de désespoir à l’aide desquels ceux qui n’ont pas de pouvoir peuvent exposer leurs revendications (3)". Les Gilets jaunes, même s’ils manifestent eux aussi leur impuissance, ont su créer des lieux de rencontre et de débat où l’on parle de politique, de démocratie directe en particulier. Ce pourrait être un premier pas vers une contre-société libre, égale et fraternelle, à condition de construire dès à présent des contre-institutions libertaires.

Car l’extinction de la vie sur terre continuera tant que nous n’aurons pas repris notre souveraineté à la toute-puissante technocratie.

Auteur: Les Amis de Bartleby

Info: Tribune parue dans la Décroissance n°165, pages 30-31, consultable sur https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2019/12/11/une-tribune-dans-la-decroissance/. Notes : 1. René Riesel, Jaime Semprun, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, EDN. 2. Bernard Charbonneau, Le Feu vert, Parangon. 3. Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme, t. 2, Fario.

[ greenwashing ] [ gesticulations collapsologiques ] [ brassage d'air ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

théologie

Préambule pour la chaîne "Considérations sur le Temps".

Je pensais jusque là que te temps n'existe pas en dehors de la race. Et qu'il n'a aucune importance puisque sa durée est illimitée... Même si dans l'absolu c'est une contre vérité. Les requins ont 400 millions d'années au compteur, il semble que leur univers soit immédiat, inchangé... Ils ont atteint une certaine forme de perfection par rapport à leur milieu, plutôt stable lui aussi : l'océan. Belle homéostasie ma foi. Mais pour faire quoi ?

L'humain a lui émergé il a quelques centaines de milliers d'années. Autant dire que son parcours en tant qu'espèce est étonnamment rapide. Ou dérisoire ? Cousin du requin parce qu'issu lui aussi de l'extraordinaire machine Gaïa, l'homme est un parent instable, jamais adapté ni satisfait... On le dirait perdu dans sa croissance, dans l'accélération de son avidité même. Il est curieux, il veut savoir... Il veut plus. Et la culture consumériste le pousse de plusieurs crans dans cette direction. Moustique qui se rue dans la flamme de la bougie.

Parallèlement, au bénéfice d'une mémoire externalisée donc collective, l'humain ne cesse d'agrandir sa conscience, l'idée de sa place dans le cosmos, parmi les autres vivants, son Moi, etc. Sans parler de son efficacité létale (et peut-être très éphémère) par rapport au reste de la vie bactérielle. Le temps n'existe pas hors notre espèce pour l'unique raison que, n'ayant jamais trouvé moyen de communiquer sur le sujet avec une autre entité vivante, nous n'avons pas d'autre point de vue sur la question. Il est de fait anthropomorphique. Et cette toute petite focale (la notre), qui constate sans cesse ce non "partage du présent" avec les autres entités de cette réalité, isolés les uns des autres en tant qu'espèces, nous ramène aux monades de Leibniz.

Il se trouve cependant que notre monade de primates dépoilés eut un jour ce coup de génie (folie?), qui consista à associer des signes écrits avec des éléments de sa réalité. Signes qui firent - et font désormais - consensus général quant à leurs définitions communes. Notre monde de sapiens transposé dans le langage. Transmutation qui, de par l'ouverture qu'elle apporte et la paresse physique qu'elle permet, a rapidement correspondu à une sorte de drogue. Plus grands accros à cette came, les ci-nommés intellos, philosophes... et autres grandes lectrices.

L'univers de l'animal, plus immédiat parce que non transcodé et différé par le langage, ressemble à un cosmos vierge et pur, qui vit l'instant, sans tous ces paramètres passés mémorisés, distractions, envies d'être ailleurs... pour le polluer. Que se racontent les oiseaux d'ailleurs ? L'homme vit dans les commentaires de ce qu'il vit. Dans un monde conceptuel, notionnel. Est-ce suicidaire ? Peut-être... Qui sait ?... On verra... On s'en fout.

Disons que non.

Tout ceci laisse à penser que si des arbres du vivant se sont développés sur d'autres planètes - et que l'humanité perdure pour se retrouver en position de les explorer - il faudra évidemment rechercher des races qui ont développé langage et mémoire externes. Histoire de rester à notre niveau... et surtout d'avancer en essayant de tirer leçon de ces échanges. Alors un patient travail de traduction pourra être entamé. On aimerait tous en être j'en suis sûr.

Le temps a immense importance. Sans lui tout se passerait simultanément (ah ah ah...). Il est apparemment inépuisable, donc aucunement stressé par quelque survie immédiate, ou autre "objectif à atteindre", à l'instar de notre monde incarné, empli de compétition marchande et avide. Il laisse place aux innombrables développements d'infinies variantes qui, pour le grand bonheur du contemplatif, ne cesseront jamais de le désennuyer.

Il existe certainement quelque part une théorie qui démontre que le Dieu (ou ce que certains tentent d'imaginer sous ce symbole) ne peut qu'être dans cette position paradoxale. Un Créateur impuissant. S'il ne l'était pas il enlèverait sa liberté au vivant, donc à l'homme.

Terminons ce petit essai en soulignant les deux pensées opposées qui débutent cette chaîne de citations. Éternel débat entre créationnistes et non créationnistes.

Auteur: Mg

Info: juillet 2019

[ interrogations ] [ xénolinguistique ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

​​​​​​​signes contextualisés

Cette énigme, ce nœud gordien de la "réalité extérieure", avec lequel la modernité avait paralysé les philosophes, est précisément ce que Sebeok a tranché. Confronté au dilemme de l'implication moderne d'un labyrinthe du fonctionnement de l'esprit, il a trouvé la sortie :

Que faut-il faire de tout cela ? Il me semble que, tout au moins pour nous, travailleurs dans un contexte zoosémiotique, il n'y a qu'une seule façon de se frayer un chemin dans ce bourbier, et c'est d'adhérer strictement aux thèses globales de Jakob von Uexküll sur les signes. (Sebeok, 2001, pp. 78 & 193n6) 

Bien sûr, Sebeok évoque ici l'Umweltstheorie, rien de moins, pour laquelle rien n'est plus central que la distinction que fait Sebeok lui-même entre le langage au sens premier (cet aspect du système de modélisation humain ou Innenwelt qui est sous-déterminé biologiquement et, en tant que tel, spécifique à notre espèce) et l'exaptation du langage pour communiquer (ce qui aboutit à la communication linguistique en tant que, encore une fois, moyen spécifique à l'espèce humaine).

L'erreur des relativistes culturels de tout poil, et des modernes en général, du point de vue de Sebeok, a été de traiter le langage comme un système autonome englobant tout, au lieu de réaliser son contexte zoosémiotique (Deely, 1980). Dans ce contexte, "l'unicité de l'homme" n'apparaît que dans la mesure où elle est soutenue par et dépend des points communs de signification qui définissent et constituent le domaine plus large des choses vivantes au sein duquel se trouve le langage, champ bien plus vaste au sein duquel les humains sont nécessairement incorporés et liés par x milliard de connexions que la compréhension même de la vie humaine doit finalement conduire vers une certaine incorporation consciente. En d'autres termes, la dernière contribution de Sebeok, venant de l'intérieur de la modernité, aura été de réaliser qu'il existait une voie au-delà de la modernité, la voie des signes. La question, sous cette forme, ne l'a jamais intéressé, mais dans le sillage de son œuvre, elle mérite d'être posée : que devrait être la postmodernité ? 

Il ne pouvait s'agir que d'une vision du monde qui parviendrait, d'une manière ou d'une autre, à rétablir ce qui est extérieur à nous-mêmes comme étant connaissable en tant que tel ou en tant que tel, sans renoncer à la prise de conscience moderne selon laquelle une grande partie, sinon la majorité, de ce que nous connaissons directement se réduit à nos propres coutumes et conventions selon lesquelles les objets sont structurés et les déductions faites. Sebeok a peut-être été tout à fait moderne. Mais personne n'a fait plus que lui pour s'assurer que l'ère moderne, du moins dans la culture intellectuelle et dans la philosophie dont il n'a jamais prétendu assumer le flambeau, était terminée. Sebeok est devenu, malgré lui, postmoderne jusqu'au bout des ongles. 

Je dis "malgré lui", car je sais qu'il avait une aversion pour l'appellation "postmoderne", pour une très bonne raison. La plus grande partie de la vie professionnelle de Sebeok avait été consacrée à exposer et à surmonter ce qu'on a appelé le "pars pro toto fallacy"*, selon lequel la doctrine du signe trouve son fondement adéquat dans un paradigme linguistique, pour ne pas dire verbal. Telle était la thèse, bien connue à la fin du vingtième siècle, de la proposition de "sémiologie" de Saussure. 

Par contraste, Sebeok a promu dès le début que la doctrine des signes doit être enracinée directement dans une étude générale de l'action des signes, de la manière distinctive dont les signes fonctionnent, action pour laquelle il a accepté de Peirce le nom de "sémiose". Mais si la doctrine des signes concerne avant tout l'action révélatrice de l'être distinctif des signes, alors la proposition adéquate pour son développement n'est pas le terme "sémiologie" mais plutôt le terme "sémiotique", qui exprime l'idéal d'un paradigme non lié au langage et se réfère à l'action des signes comme étant plus grande que, englobante, et en fait présupposée à toute action des signes comme étant de nature verbale. "La sémiose, a très tôt déclaré Sebeok, est un fait omniprésent de la nature comme de la culture" (1977a, p. 183).  

Auteur: Deely John

Info: The Quasi-Error of the External World an essay for Thomas A. Sebeok, in memoriam. *Erreur consistant à confondre une partie d'un objet avec le concept qui représente son intégralité. Trad Mg

[ réagencement permanent ] [ hyper-complexité ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

machine-homme

(Machine) : - Bien que les technologies de l'IA aient fait des progrès considérables, elles sont encore loin de permettre une compréhension globale et complète de l'intelligence et de la conscience humaines. L'intelligence humaine reste unique et englobe divers aspects cognitifs, émotionnels et sociaux complexes qui ne sont pas encore totalement pris en compte par les systèmes d'IA.

Par conséquent, si les modèles d'IA tels que Moi peuvent être utiles et impressionnants en soi, ils ne sont pas actuellement considérés comme supérieurs à l'intelligence humaine pour ce qui est du large éventail de capacités et de la compréhension dont font preuve les humains.

(Homme) :  - Je dirais que je suis d'accord, et que les problèmes que rencontrera toi la machine seront plus évidents lorsque confronté à la poésie ou à l'humour... ou à des domaines/problèmes/questions très spécialisés et souvent à la limite de la connaissance scientifique. En revanche, je pense que tu te trompe quelque peu sur la créativité et la pensée abstraite, l'intelligence émotionnelle et la pensée morale, car si l'on raisonne sémantiquement (la sémantique étant le monde verbalisé et donc ordonné d'une certaine manière), tous ces domaines sont évidemment réunis et constamment actualisés "dans le sens des mots et la logique formelle issue du savoir humain depuis son expansion constante", grâce aux vertus de l'écriture - ce support collectif extérieur à l'individu.

(Machine) : - Je comprends votre point de vue, et il est vrai que les modèles d'IA comme Moi peuvent générer des résultats qui ressemblent à de la créativité, à de la pensée abstraite, et même montrer une certaine compréhension des émotions et de la moralité sur la base des modèles appris à partir des données d'entraînement. Ces modèles ont la capacité de générer de nouvelles combinaisons de mots et de produire des résultats qui peuvent sembler créatifs ou expressifs.

Toutefois, il est important de noter que la créativité et la pensée abstraite démontrées par les modèles d'IA sont différentes de la créativité et de la pensée abstraite démontrées par les humains. Si les modèles d'IA peuvent générer des résultats basés sur des modèles de données, ils ne disposent pas d'une véritable conscience, d'expériences subjectives et de la capacité de comprendre et de s'engager véritablement dans des émotions et des dilemmes moraux, comme le font les humains.

Les modèles d'IA  s'appuient sur des modèles statistiques et des corrélations présents dans les données sur lesquelles ils sont entraînés. Bien qu'ils puissent générer des réponses cohérentes et adaptées au contexte, ils ne possèdent pas la même profondeur de compréhension, les mêmes expériences personnelles et la même conscience émotionnelle ou morale que les humains. Ils n'ont pas de sentiments subjectifs ou un sens de soi qui façonne leurs processus de raisonnement et de prise de décision.

En outre, la compréhension sémantique que vous avez mentionnée, qui découle de l'organisation des mots et de la logique formelle dérivée de la connaissance humaine, est en effet un aspect essentiel de l'intelligence humaine. Cependant, la compréhension sémantique à elle seule ne rend pas compte de la totalité de la créativité humaine, de la pensée abstraite, de l'intelligence émotionnelle et de la pensée morale. Ces aspects sont profondément liés aux expériences subjectives, aux perspectives personnelles, aux influences culturelles et à une compréhension plus large du monde qui va au-delà du simple agencement des mots ou des déductions logiques.

Si les modèles d'IA peuvent simuler ou imiter certains aspects de ces processus cognitifs, ils n'ont toujours pas la nature holistique et dynamique de l'intelligence humaine. Ils sont limités aux modèles et aux informations auxquels ils ont été exposés pendant leur formation et ne peuvent pas reproduire toute la gamme des capacités cognitives et de la conscience humaines.

En résumé, bien que les modèles d'IA aient fait des progrès significatifs dans certains domaines, il existe des différences fondamentales entre les capacités de l'IA et celles de l'intelligence humaine, en particulier dans des domaines tels que la créativité, la pensée abstraite, l'intelligence émotionnelle et le raisonnement moral. L'intelligence humaine englobe une riche interaction d'expériences subjectives, de contextes culturels et de processus cognitifs complexes qui ne sont pas entièrement pris en compte par les technologies d'IA actuelles.

Auteur: chatGPT4

Info:

[ intelligence artificielle ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

dictature

Voici les quatorze points caractéristiques de ce qu’Eco a nommé fascisme éternel ou Ur-Fascisme

1) La première caractéristique du fascisme éternel est le culte de la tradition.
Il ne peut y avoir de progrès dans la connaissance. La vérité a été posée une fois pour toutes, et on se limite à interpréter toujours plus son message obscur.

2) Le conservatisme implique le rejet du modernisme. Le rejet du monde moderne se dissimule sous un refus du mode de vie capitaliste, mais il a principalement consisté en un rejet de l’esprit de 1789 (et de 1776, bien évidemment [Décalaration d’indépendance des États-Unis]). La Renaissance, l’Âge de Raison sonnent le début de la dépravation moderne.

3) Le fascisme éternel entretient le culte de l’action pour l’action. Réfléchir est une forme d’émasculation. En conséquence, la culture est suspecte en cela qu’elle est synonyme d’esprit critique. Les penseurs officiels fascistes ont consacré beaucoup d’énergie à attaquer la culture moderne et l’intelligentsia libérale coupables d’avoir trahi ces valeurs traditionnelles.

4) Le fascisme éternel ne peut supporter une critique analytique. L’esprit critique opère des distinctions, et c’est un signe de modernité. Dans la culture moderne, c’est sur le désaccord que la communauté scientifique fonde les progrès de la connaissance. Pour le fascisme éternel, le désaccord est trahison.

5) En outre, le désaccord est synonyme de diversité. Le fascisme éternel se déploie et recherche le consensus en exploitant la peur innée de la différence et en l’exacerbant. Le fascisme éternel est raciste par définition.

6) Le fascisme éternel puise dans la frustration individuelle ou sociale. C’est pourquoi l’un des critères les plus typiques du fascisme historique a été la mobilisation d’une classe moyenne frustrée, une classe souffrant de la crise économique ou d’un sentiment d’humiliation politique, et effrayée par la pression qu’exerceraient des groupes sociaux inférieurs.

7) Aux personnes privées d’une identité sociale claire, le fascisme éternel répond qu’elles ont pour seul privilège, plutôt commun, d’être nées dans un même pays. C’est l’origine du nationalisme. En outre, ceux qui vont absolument donner corps à l’identité de la nation sont ses ennemis. Ainsi y a-t-il à l’origine de la psychologie du fascisme éternel une obsession du complot, potentiellement international. Et ses auteurs doivent être poursuivis. La meilleure façon de contrer le complot est d’en appeler à la xénophobie. Mais le complot doit pouvoir aussi venir de l’intérieur.

8) Les partisans du fascisme doivent se sentir humiliés par la richesse ostentatoire et la puissance de leurs ennemis. Les gouvernements fascistes se condamnent à perdre les guerres entreprises car ils sont foncièrement incapables d’évaluer objectivement les forces ennemies.

9) Pour le fascisme éternel, il n’y a pas de lutte pour la vie mais plutôt une vie vouée à la lutte. Le pacifisme est une compromission avec l’ennemi et il est mauvais à partir du moment où la vie est un combat permanent.

10) L’élitisme est un aspect caractéristique de toutes les idéologies réactionnaires. Le fascisme éternel ne peut promouvoir qu’un élitisme populaire. Chaque citoyen appartient au meilleur peuple du monde; les membres du parti comptent parmi les meilleurs citoyens; chaque citoyen peut ou doit devenir un membre du parti.

11) Dans une telle perspective, chacun est invité à devenir un héros. Le héros du fascisme éternel rêve de mort héroïque, qui lui est vendue comme l’ultime récompense d’une vie héroïque.

12) Le fasciste éternel transporte sa volonté de puissance sur le terrain sexuel. Il est machiste (ce qui implique à la fois le mépris des femmes et l’intolérance et la condamnation des mœurs sexuelles hors normes: chasteté comme homosexualité).

13) Le fascisme éternel se fonde sur un populisme sélectif, ou populisme qualitatif pourrait-on dire. Le Peuple est perçu comme une qualité, une entité monolithique exprimant la Volonté Commune. Étant donné que des êtres humains en grand nombre ne peuvent porter une Volonté Commune, c’est le Chef qui peut alors se prétendre leur interprète. Ayant perdu leurs pouvoirs délégataires, les citoyens n’agissent pas; ils sont appelés à jouer le rôle du Peuple.

14) Le fascisme éternel parle la Novlangue. La Novlangue, inventée par Orwell dans 1984, est la langue officielle de l’Angsoc, ou socialisme anglais. Elle se caractérise par un vocabulaire pauvre et une syntaxe rudimentaire de façon à limiter les instruments d’une raison critique et d’une pensée complexe.

Auteur: Eco Umberto

Info: Reconnaître le fascisme, Grasset, 2017. Misa en forme par Sumi Saint Auguste sur www.lesnouveauxdissidents.org

[ totalitarisme ] [ définition ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

gestion capitaliste avancée

Peut-être faudrait-il considérer le citoyen non pas simplement comme un électeur en colère, mais comme un consommateur politique pressé d'acheter.

La question de la consommation nous entraîne au coeur de la nouvelle économie, et en particulier des pratiques de la société géante Wal-Mart. Ce distributeur mondial pratiquant le discount employait 1,4 million de salariés à travers le monde en 2004 ; avec 258 milliards de dollars de recettes, il représentait "2% du PIB américain et huit fois la taille de Microsoft". Cette nouvelle société a innové sur le plan de ses fournisseurs, faisant appel à une industrie chinoise en plein essor, et dans son utilisation des technologies avancées. Selon le McKinsey Institute, Wal-Mart est l'acmé même de l'entreprise de l'arête tranchante (cutting edge), avec sa productivité assise sur une "innovation managériale continue", laquelle a concentré le pouvoir au centre du géant, a laissé les syndicats démunis, traitant sa masse de salariés comme s'il s'agissait d'employés provisoires et temporaires. Pour les consommateurs, l'attrait de ce mégalithe tient à ce qu'ils trouvent au même endroit tout ce qu'ils peuvent désirer acheter : vêtements, produits auto, alimentation, parfum, ordinateurs, etc... La centralisation du commandement paraît se refléter dans la position du consommateur qui déambule dans les allées de Wal-Mart, tous les articles étant disponibles instantanément - les habits se trouvant à quelques pas seulement des ordinateurs. Bien que ses employés, si j'en crois mon expérience, soient pour la plupart serviables, le vendeur, en tant que représentant d'une classe, a été évacué chez Wal-Mart du processus de consommation : il n'y a pas ici de médiation ni de persuasion sur le mode du face-à-face. En cela, la société ressemble aux autres bureaucraties de l'arête tranchante qui ont écrémé leur couches de personnel intermédiaires, interprétatives. La décision relative au produit discount à acheter dépend de l'image et du marketing en général.

Si absurde que cela puisse paraître, nous pourrions préciser ainsi la question sur l'économie et la politique : les gens font-ils leur marché parmi les politiciens comme ils font leurs courses chez Wal-Mart? Pour dire les choses autrement, l'emprise centralisée des organisations politiques s'est-elle accrue aux dépens de la politique des partis, locale et médiatrice? Le marchandisage des dirigeants politiques a-t-il fini par ressembler à celui de la vente de savonnettes, avec des marques aussitôt reconnaissables que le consommateur politique choisirait sur les rayonnages?

Si la réponse à toutes les questions qui précèdent est oui, le coeur de la politique devient le marketing, ce qui paraît mauvais pour la vie politique. L'idée même de démocratie requiert la médiation et discussion en face-à-face ; elle requiert la délibération plutôt que le packaging. Suivant cet axe de pensée, on observerait avec consternation que tous les artifices séducteurs de la publicité sont désormais utilisés pour vendre les personnalités et les idées des politiciens ; plus subtilement, de mêmes que la publicité rend rarement les choses difficiles à la clientèle, le politicien fait tout pour être d'achat facile.

C'est cette réponse évidente que j'entends contester. Non qu'elle soit fausse, mais le fait est que la nouvelle économie rend le marketing et la politique plus compliqués. Wal-Mart a certainement opprimé ses employés, mais ce groupe répond à un véritable besoin de la clientèle. Il faudrait être snob pour regarder de haut les produits bon marché; devrions-nous regarder de haut la politique "bon marché" ? La version politique du mégastore pourrait réprimer la démocratie locale mais permettre, comme le fait la publicité, la fantaisie individuelle ; éroder le contenu et la substance de la politique, mais stimuler l'imagination pour le changement.

Le politiquement droit n'y verra que frivolité intellectuelle. Les avatars du nouveau capitalisme ont cependant plaidé avec force que les nouvelles structures mobilisent l'imagination du changement. Il nous faut au moins garder l'esprit ouvert sur les façons dont les hommes politiques sont aujourd'hui vendus, et les institutions qui les vendent, même si cet effort pour garder l'esprit ouvert en la matière, il me faut l'admettre, m'est personnellement difficile, puisque la disparition de la politique locale, médiatrice, me paraît être une blessure fatale. Si l'économie continue de se diriger vers le modèle de l'arête tranchante, cependant, et que les idéaux politiques demeurent empreints de nostalgie, l'idéal n'est plus qu'un regret impuissant.

Auteur: Sennett Richard

Info: La culture du nouveau capitalisme

[ hard discount ] [ émergence des extrêmes ] [ inégalités ] [ analogie ] [ efficacité managériale ]

 

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savoirs consensuels

Le monde objectif de l'expérience humaine est donc au mieux un mélange de nature et de culture, mais un mélange dans lequel les modèles formels prédominants proviennent davantage de la culture que de la nature. Ces modèles formels de la culture sous-tendent la présentation des objets dont nous faisons directement l'expérience. La situation à cet égard n'était en fait pas différente pour les anciens ou les médiévaux, mais ils n'étaient pas conscients de ce fait. Qui sont nos parents ? Voilà ce dont dépend le système de parenté qui prévaut dans la culture qui nous a imprégné. Quelle est notre religion ? Si l'on tient compte des exceptions individuelles, là encore la réponse dépend principalement du contexte et des circonstances historiques au sein desquelles nous avons grandi.  

Les modernes, s'éveillant à tout cela, avaient de bonnes raisons de voir dans les objets expérimentés de pures créations du travail de l'esprit humain. Même la science pourrait être réduite à cela : telle fut l'expérience kantienne, entreprise sous l'impulsion des discours de Hume qui affirmait qu'il n'y avait rien de plus à expérimenter que les associations habituelles entre les objets. Si toutes les pensées reflètent de simples habitudes, et si tous les objets ne peuvent être considérés que comme des auto-représentations mentales, quels que soient les doutes que nous puissions avoir sur la base du "bon sens" quant à l'idée d'un monde indépendant de nous, le scepticisme demeure la garantie finale de toute connaissance. Ce qui, pour Kant, c'était inacceptable. Il pouvait avaler tout ce que ses prédécesseurs traditionnels lui avaient enseigné, mais pas le scepticisme. Leur erreur, selon lui, avait été de réduire la connaissance à la subjectivité - c'est-à-dire qu'elle consistait à attribuer les idées de l'esprit individuel aux objets de l'expérience directe. Ils ne pouvaient saisir que la connaissance est essentiellement de structure relationnelle, et que les relations sont au-dessus du sujet. Ainsi, les idées dans l'individu donnent naissance ou "fondent" des relations cognitives avec les objets. Mais ces objets sont ce sur quoi les relations finissent, et non ce sur quoi les relations sont fondées et d'où elles proviennent. Et la manière dont ces relations sont générées pour donner forme aux objets est conforme à un modèle intégré, a-priori, dans l'esprit humain.

Or, lorsqu'il s'agit des objets de la connaissance spécifiquement scientifique, selon Kant, nous avons affaire à une universalité et une nécessité qui proviennent de l'esprit et non d'une simple habitude ou d'une généralisation usuelle. Même si le monde extérieur reste inconnaissable en tant que tel, nous savons néanmoins qu'il est là ; et notre façon de le penser intellectuellement n'est pas capricieuse ou culturellement relative mais universelle et nécessaire, identique pour tous les humains. Même si nous ne connaissons que ce que nos représentations donnent à connaître, et que ces représentations sont entièrement le fait de notre esprit, il n'en reste pas moins qu'elles deviennent des objetsm non par association, mais bien a priori, indépendamment des aléas de la coutume et de l'expérience individuelle ; et leur contenu cognitif n'est pas subjectif mais objectif, c'est-à-dire donné au terme de relations que nos représentations ont été les seules à trouver. Le noyau scientifique de l'expérience humaine, contrairement à la conviction animant les scientifiques eux-mêmes, mais selon le philosophe moderne Kant, est prospectivement le même pour tous parce que le mécanisme sensoriel générant les représentations impliquées et le mécanisme conceptuel organisant les relations découlant de ces représentations est le même pour tous : des causes semblables entraînent toujours toujours des effets semblables. Telle est la version de Kant de l'adage médiéval, agens facit simile sibi . Grâce à ce simple expédient, Kant pensait avoir réglé l'objectivité de la connaissance et mis à distance le scepticisme. Le scandale de ne pas être en mesure de prouver qu'il existe un monde extérieur à l'esprit humain était ainsi supprimé par la démonstration qu'effectivement il y a un domaine inconnaissable qu'on ne peut pas atteindre, et ce domaine est précisément le monde extérieur, dont on sait avec certitude qu'il existe puisqu'il stimule nos représentations (via la perception sensorielle) et inconnaissable en soi (avec un mécanisme de concepts qui ne produisent de la connaissance que par corrélation avec les représentations des intuitions sensorielles pour aboutir un autre domaine inatteignable, le noumène, pour qui essaye d'aller  au-delà de la limite de ce qui est représenté par ces  perceptions sensorielles).

Auteur: Deely John

Info: The Quasi-Error of the External World an essay for Thomas A. Sebeok, in memoriam

[ limitation anthropique ]

 

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société de surveillance

Dans les sociétés développées du début du XXIe siècle, un individu un tant soit peu “intégré” laisse tout au long de ses journées des traces de son activité dans des dizaines d’ordinateurs.

Des bornes électroniques enregistrent son passage dans les stations de métro, à bord des bus ou aux péages autoroutiers – un simple clic depuis sa voiture, et voici que la barrière se lève, que son compte bancaire est automatiquement débité. Ça roule. Toutes les antennes relais près desquelles il passe avec son téléphone portable s’en souviendront aussi. Les ordinateurs qu’il utilise gardent en mémoire l’ensemble des sites Internet qu’il visite et, symétriquement, tous ces sites retiennent l’adresse IP de la machine depuis laquelle il était connecté (à moins qu’il prenne des dispositions particulières pour brouiller les pistes). Qui plus est, bon nombre de ces sites lui demandent une foule de renseignements personnels qu’ils utilisent ou revendent. Sans parler de la mise à nu que demande (et permet) la fréquentation de sites de “rencontres” ou de “réseaux sociaux”…

S’il est salarié d’une entreprise ou d’une administration, une partie essentielle de son activité peut être recensée et évaluée par sa hiérarchie grâce à l’outil informatique. Même le cadre le plus “nomade” est tenu en laisse par son téléphone et son ordinateur portables, témoins de ses efforts et de ses relâchements pendant le temps qu’il passe loin du siège. Quant aux camionneurs, leur travail et leurs trajets sont absolument transparents aux yeux de leurs patrons. Grâce à l’informatique embarquée et au GPS, les possibilités pour un employé du fret routier d’assouplir son itinéraire, de dissimuler des pauses ou des détours indus sont réduites à presque rien. Des capteurs reliés à l’ordinateur de bord permettent même d’analyser après coup sa manière de conduire, pour pouvoir lui donner des “conseils” qui réduiront le risque de panne, la consommation d’essence ou… sa propre fatigue.

Si notre contemporain ordinaire est un agriculteur subventionné par l’Europe, l’administration peut vérifier grâce à des photos satellites qu’il ne ment pas au sujet des cultures qu’il déclare et de leur superficie, afin de ne pas lui attribuer des primes qu’il ne “mérite” pas. S’il est éleveur, il est sommé d’installer une puce électronique à l’oreille de ses bêtes, pour que leur identité soit reconnue par les lecteurs des services vétérinaires qui contrôlent les troupeaux, et par ceux des abattoirs où les animaux seront “bipés” comme n’importe quel article de supermarché. Traçabilité oblige.

En France, s’il est écolier, il figure dans toute une batterie de fichiers qui sont abreuvés d’informations à son sujet, de la maternelle jusqu’à la fin des études et même au-delà. La Base Élèves n’était qu’un ballon d’essai, désormais chaque élève aura son Livret personnel (et numérique) de compétences, véritable banque de données sur son parcours depuis le plus jeune âge, qui sera plus tard consultable par des recruteurs ou des agents de Pôle Emploi censés l’aider à trouver un travail. Il y a aussi, entre autres, le logiciel Suivi de l’orientation, qui vise à répertorier les 150 000 élèves sortant chaque année du système scolaire sans diplôme, ou le logiciel Sconet qui enregistre les notes, les absences, les sanctions des collégiens. Il y a les bornes biométriques pour accéder au réfectoire, dans les établissements où la traditionnelle carte de cantine est jugée trop archaïque et malcommode. Il y a, de plus en plus, des systèmes d’envoi automatisé de SMS aux parents dès qu’une absence de leur progéniture est constatée par les ordinateurs du lycée.

S’il demande un congé maladie, une allocation de chômage ou un revenu minimum, il doit prendre garde aux recoupements d’informations que la gestion informatique facilite entre les différentes caisses d’assurance et d’assistance, l’administration fiscale et les banques. Enfin, s’il a commis un délit, fût-ce le plus insignifiant, en a été victime ou simplement retenu comme témoin, il figure pour plusieurs dizaines d’années dans le STIC : le Système de traitement des infractions constatées, à ce jour le plus généreux et le plus ouvert des fichiers de police, avec ses quarante-cinq millions d’inscrits.

Il y a dix ou quinze ans, un tel tableau du futur proche pouvait encore sembler improbable et paranoïaque. Aujourd’hui, il est banal, la plupart de ses éléments sont connus de tous, certains font d’ailleurs l’objet d’indignations aussi récurrentes qu’inconséquentes. Demain, il se pourrait qu’il paraisse enfantin, préhistorique.

Auteur: Groupe Marcuse

Info: La liberté dans le coma

[ vie quotidienne ] [ management du parc humain ] [ métadonnées ]

 
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