Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 12
Temps de recherche: 0.0489s

dictature

Voici les quatorze points caractéristiques de ce qu’Eco a nommé fascisme éternel ou Ur-Fascisme

1) La première caractéristique du fascisme éternel est le culte de la tradition.
Il ne peut y avoir de progrès dans la connaissance. La vérité a été posée une fois pour toutes, et on se limite à interpréter toujours plus son message obscur.

2) Le conservatisme implique le rejet du modernisme. Le rejet du monde moderne se dissimule sous un refus du mode de vie capitaliste, mais il a principalement consisté en un rejet de l’esprit de 1789 (et de 1776, bien évidemment [Décalaration d’indépendance des États-Unis]). La Renaissance, l’Âge de Raison sonnent le début de la dépravation moderne.

3) Le fascisme éternel entretient le culte de l’action pour l’action. Réfléchir est une forme d’émasculation. En conséquence, la culture est suspecte en cela qu’elle est synonyme d’esprit critique. Les penseurs officiels fascistes ont consacré beaucoup d’énergie à attaquer la culture moderne et l’intelligentsia libérale coupables d’avoir trahi ces valeurs traditionnelles.

4) Le fascisme éternel ne peut supporter une critique analytique. L’esprit critique opère des distinctions, et c’est un signe de modernité. Dans la culture moderne, c’est sur le désaccord que la communauté scientifique fonde les progrès de la connaissance. Pour le fascisme éternel, le désaccord est trahison.

5) En outre, le désaccord est synonyme de diversité. Le fascisme éternel se déploie et recherche le consensus en exploitant la peur innée de la différence et en l’exacerbant. Le fascisme éternel est raciste par définition.

6) Le fascisme éternel puise dans la frustration individuelle ou sociale. C’est pourquoi l’un des critères les plus typiques du fascisme historique a été la mobilisation d’une classe moyenne frustrée, une classe souffrant de la crise économique ou d’un sentiment d’humiliation politique, et effrayée par la pression qu’exerceraient des groupes sociaux inférieurs.

7) Aux personnes privées d’une identité sociale claire, le fascisme éternel répond qu’elles ont pour seul privilège, plutôt commun, d’être nées dans un même pays. C’est l’origine du nationalisme. En outre, ceux qui vont absolument donner corps à l’identité de la nation sont ses ennemis. Ainsi y a-t-il à l’origine de la psychologie du fascisme éternel une obsession du complot, potentiellement international. Et ses auteurs doivent être poursuivis. La meilleure façon de contrer le complot est d’en appeler à la xénophobie. Mais le complot doit pouvoir aussi venir de l’intérieur.

8) Les partisans du fascisme doivent se sentir humiliés par la richesse ostentatoire et la puissance de leurs ennemis. Les gouvernements fascistes se condamnent à perdre les guerres entreprises car ils sont foncièrement incapables d’évaluer objectivement les forces ennemies.

9) Pour le fascisme éternel, il n’y a pas de lutte pour la vie mais plutôt une vie vouée à la lutte. Le pacifisme est une compromission avec l’ennemi et il est mauvais à partir du moment où la vie est un combat permanent.

10) L’élitisme est un aspect caractéristique de toutes les idéologies réactionnaires. Le fascisme éternel ne peut promouvoir qu’un élitisme populaire. Chaque citoyen appartient au meilleur peuple du monde; les membres du parti comptent parmi les meilleurs citoyens; chaque citoyen peut ou doit devenir un membre du parti.

11) Dans une telle perspective, chacun est invité à devenir un héros. Le héros du fascisme éternel rêve de mort héroïque, qui lui est vendue comme l’ultime récompense d’une vie héroïque.

12) Le fasciste éternel transporte sa volonté de puissance sur le terrain sexuel. Il est machiste (ce qui implique à la fois le mépris des femmes et l’intolérance et la condamnation des mœurs sexuelles hors normes: chasteté comme homosexualité).

13) Le fascisme éternel se fonde sur un populisme sélectif, ou populisme qualitatif pourrait-on dire. Le Peuple est perçu comme une qualité, une entité monolithique exprimant la Volonté Commune. Étant donné que des êtres humains en grand nombre ne peuvent porter une Volonté Commune, c’est le Chef qui peut alors se prétendre leur interprète. Ayant perdu leurs pouvoirs délégataires, les citoyens n’agissent pas; ils sont appelés à jouer le rôle du Peuple.

14) Le fascisme éternel parle la Novlangue. La Novlangue, inventée par Orwell dans 1984, est la langue officielle de l’Angsoc, ou socialisme anglais. Elle se caractérise par un vocabulaire pauvre et une syntaxe rudimentaire de façon à limiter les instruments d’une raison critique et d’une pensée complexe.

Auteur: Eco Umberto

Info: Reconnaître le fascisme, Grasset, 2017. Misa en forme par Sumi Saint Auguste sur www.lesnouveauxdissidents.org

[ totalitarisme ] [ définition ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

colonialisme

Un groupe de motards surgit de nulle part, alors que j'étais occupé à faire mes besoins loin du douar, à la tombée du soir, moment propice pour se cacher des regards, s'accroupir quelque part, à ses risques et périls descendre son pantalon dans le noir, rester ainsi camouflé, à l'orée du village, comme pour voler des poules fait le renard, à guetter le vide, à scruter le ciel, ou à sonder le brouillard. Le temps d'un gargouillement, d'une contorsion, d'un soulagement, avant de repartir vers sa case qui, comme toutes les habitations autour, n'avait ni robinet, ni bidet, ni baignoire ; Ils étaient quatre, deux hommes, deux femmes, avec de gros casques, des blousons et des pantalons en cuir, des bottes qui leur montaient aux genoux, Ils allaient dans le désert, mais s'étant égarés quelque part, et voyant que bientôt la nuit allait devenir noire, ils étaient venus chercher asile chez-nous,

Et bien que m'ayant surpris dans une posture peu honorable, ils semblaient contents de voir que je parlais leur langue comme je remontais mon pantalon, aisément. Hospitalité oblige, après quelques politesses, une blague ou deux, je les invitai dans mon gourbi, une chambre en pisé, qui en même temps me servait de salle de classe et de logement. Je n'avais pas parlé français à quelqu'un, hormis à mes pauvres élèves, depuis longtemps, et tout fier, pour une fois que j'avais de la compagnie, je profitais joyeusement de l'occasion. À la lumière blafarde d'une bougie, nous discutâmes des choses de la vie, et j'étais déçu de constater que mes hôtes étaient surpris de voir que j'avais un jeu d'échecs, une guitare, que je connaissais Pétrarque, Ronsard, que sur ma table de chevet, les Contemplations voisinaient avec les Illuminations, les Rêveries, Les Méditations... Ils s'en étonnaient exagérément, échangeaient des clins d'oeil un peu sceptiques, un peu moqueurs, multipliaient les compliments, comme fait le maître pour flatter un bon élève au moment où il lui rend son devoir. 

Soudain, j'avais honte d'enseigner leur langue, me sentis être un animal étrange, un curieux spécimen. J'étais jeune, débutant, peu initié aux secrets de la nature humaine, mais ce soir-là, j'eus la désagréable sensation d'être leur bon apôtre. Un déchirement viscéral scinda mon âme qui, tant bien que mal, à son exil absurde avait jusque-là survécu, tenace, brave, pareille au taureau que dans une arène à qui mieux mieux on malmène. 

À une fausse identité, une autre, ni meilleure, ni pire, allait s'ajouter, la quête de soi devenir une réclusion à perpétuité, et le " je " éclater pour enfanter de beaucoup d' "Autres".

Seuls ceux qui, répondant à l'appel de leur coeur, ont honoré le métier de professeur, maintenu allumé le flambeau légué par leurs vaillants prédécesseurs. Contre les idées reçues, la vindicte de l'Histoire, ils avaient choisi d'aimer la langue de Molière, de l'adopter, de la chérir, de la transmettre à leurs frères et soeurs, ou dans des contrées arides, ou dans de lointaines montagnes, ou dans d'hostiles campagnes, ou dans la redoutable faune citadine. Par des temps où l'ignorance était aveugle, l'intolérance assassine, où les problèmes de l'enseignement étaient graves, où la cherté de la vie, le manque de moyens, la pression sociale s'ajoutaient au stress, à la fatigue, à la routine ;

Seuls ceux-ci, disais-je, se rappellent lorsqu'ils ils étaient jeunes, élèves de professeurs étrangers, qui étaient différents, courtois, humains, cultivés, sérieux, qui au lieu de leur service militaire chez-eux, venaient chez-nous enseigner cette matière, ceux qu'à l'époque on appelait " coopérants ". 

Grâce à eux, ils découvriront les grands noms de cette littérature, l'esprit cartésien, la société laïque, la pensée marxiste. Avec eux, de tout ils parleront librement, à l'occasion d'un passage de La Nausée, de L'Étranger, de Huis-clos ou de La Peste, aux temps de la mouvance existentialiste. Ces personnages itinérants, altruistes, tolérants, souvent bienveillants, furent pour beaucoup dans les choix que leurs disciples allaient faire. Il faut dire que le monde qu'ils représentaient leur semblait être plus avancé, plus policé que celui dans lequel les maintenaient prisonniers leurs parents. Les tabous n'étaient plus des tabous, les chaînes du conservatisme archaïque, anachronique, se brisaient contre le savoir libérateur.

Alors leurs initiateurs, souvent rescapés de La Révolution estudiantine de mai 68, adeptes du mouvement hippie, amoureux de la nature, défenseurs de la paix, les invitèrent de bonne heure à cette conquête ;

Ils choisirent alors, confiants, d'aller sur ces chemins heureux, d'explorer cette civilisation nouvelle qui, parmi les leurs, avait fait des écrivains rebelles : Chraïbi, Khatibi, Laâbi, Khaïr-Eddine, Kateb Yacine, Fatéma Mernissi, Taos Amrouche, Moloud Feroun, Maammeri, Dib, Boudjedra, Mimouni, Assia Djebbar, pour ne citer que ceux-là,

Des antiques poètes bédouins d'Arabie, des anciens penseurs d'un empire musulman chimérique, en ruines, ils oublièrent les satires, les panégyriques, du souk Okad les joutes verbales et toutes les éternelles querelles, pour, de Baudelaire, humer ses maléfiques Fleurs, avec Musset veiller ses longues Nuits, d'extase et de plaisir mourir dans les romans de Balzac, de Flaubert, de Stendhal, de Maupassant ou de Zola.

Plus ils avançaient dans ces terres fertiles, prospères, plus ils comprenaient les constructions des phrases, le rythme des vers, les alittérations, les assonances, les figures de rhétorique, les tonalités, les registres, les formes verbales et leur concordance, les connotations et les nuances. Quant à leurs idées, elles devenaient au fur et à mesure plus libérales, et révoltés, insoumis, ils rompirent définitivement avec leur Moyen Âge, pour épouser l'esprit rationnel - devant les clichés, les préjugés, les croyances et la superstition de leur société - de La Raison qui toujours prône l'arbitrage. 

Puis, ils furent appelés à transmettre ces bagages, après un long parcours qui les avait complètement remodelés. À un public qui à ses convictions séculaires restait sourdement lié, comme l'enfant au sein qui l'abreuve de bon lait, tandis que les conservateurs les regardaient d'un mauvais oeil, que les détracteurs de la modernité pensaient que leur âme leur avait été volée... Que souvent, d'athées, d'hérétiques, de pervers furent taxés les professeurs de français par les esprits sclérosés, dans leur propre patrie étrangers, bannis, exilés.

Pendant des décennies, le derrière entre deux chaises, l'esprit déchiré entre authenticité et modernité, ils ont lutté contre l'obscurantisme, l'ignorance, colportant les principes de La Liberté, de La Fraternité, de L'Égalité, dans des régions qui n'avaient ni la même devise, ni la même foi, ni le même type de gouvernance. De même que jadis leurs grands-parents, sans comprendre pourquoi, blancs-becs partirent guerroyer en Indochine, pour le drapeau tricolore en piètres héros, pour périr pendant les Deux Guerres,

De même eux sacrifiaient leur culture, sans comprendre pourquoi les français n'enseignaient pas en retour la langue berbère dans leurs écoles, pourtant ceux-ci allaient et venaient chez-eux comme ils voulaient, alors qu'eux devaient mendier un visa pour de l'Hexagone franchir les frontières. 

Si arbitrage de La Raison il doit y avoir, si la réalité ressemblait à ce mirifique savoir, si après de houleux combats Les Lumières, Les principes de La Charte ont dressé l'inventaire, de L'Égalité entre les peuples esquissé une tentative salutaire, est-ce seulement pour que leur langue soit enseignée vidée de toutes ses valeurs, chargée de principes qui avec les décisions que prennent les dirigeants ne sont jamais correspondants ?

Comme si les peuples étaient aveugles, comme s'ils étaient bêtes, comme s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre qu'à la vérité, avec leur vis-à-vis, ils ne sont pas égaux, que dans le monde actuel, il est difficile, voire impossible d'être indépendant...

Auteur: Talbi Mohamed

Info:

[ francophone ] [ non réciprocité ] [ frustration ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel