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co-vid-19

A tous les gens raisonnables et très intelligents qui s’indignent devant ceux qui ne veulent pas se faire vacciner.

Pardonnez-moi d’avoir des doutes sur la sûreté de ce que vous appelez en chœur des "vaccins". Je devrais en effet faire aveuglément confiance à la télé et aux autorités. Je devrais faire confiance aux études fournies par les laboratoires pharmaceutiques même s’ils ont été condamnés ces dernières années à des milliards de dollars d’amendes notamment pour fraude scientifique.

Pardonnez-moi mon égarement et mon effort pour comprendre la justification scientifique des mesures qui sont prises.

Pardonnez-moi de chercher à évaluer la proportionnalité des mesures prises par rapport aux risques encourus.

Pardonnez-moi de confronter le discours des scientifiques lourds de liens et de conflits d’intérêts avec ceux qui n’en ont pas.

Pardonnez-moi de chercher à comprendre la nature des controverses scientifiques plutôt que de me ranger dans la dictature d’une pensée autorisée arrogante et partiale.

Pardonnez-moi de ne pas vouloir être le cobaye d’injections expérimentales en cours d’essais cliniques.

Pardonnez-moi d’oser regarder les chiffres officiels (pourtant largement sous-évalués) des morts et des effets indésirables graves liés aux différents vaccins en cours au lieu de laisser cela aux "experts" ou bien de reconnaître simplement que tous ces évènements ne sont que des coïncidences sans lien de causalité établie.

Pardonnez-moi de ne pas vouloir faire prendre le risque d’effets secondaires graves à mes enfants alors qu’ils n’ont quasiment aucune chance de faire une forme grave du covid et que personne n’est capable honnêtement et scientifiquement de reconnaître un rapport bénéfice risque favorable pour eux d’une telle vaccination.

Pardonnez-moi d’exister

Vous avez raison, je ne suis qu’un insolent. Après tout nous sommes dans l’urgence et nous n’avons pas le temps de s’encombrer de la réflexion et de la morale. Ne brisons pas l’unité du troupeau et laissons-nous guider par les "experts" honnêtes et fiables qui nous gouvernent. L’important ce n’est pas la vérité, ce n’est même pas la réalité, c’est d’être uni dans la guerre contre le virus.

Vous avez raison le plus grand danger, ce sont les "complotistes", c’est-à-dire tous ceux qui osent remettre en cause l’intégrité des autorités politiques et scientifiques ou des médias de masse. Ces vilains conspirationnistes vont semer les germes du doute et de la division. Ils risquent, par leur impudence, de pousser les gens à réfléchir.

Merci en revanche à Pfizer et à Moderna, et à tous les autres, de penser à nous et de nous proposer une offre d’abonnement à vie.

Merci à leurs amis de longue date dès les bancs de l’université de médecine puis à travers une collaboration étroite de devenir leurs relais et contribuer ensemble à construire une science véritable au service de la santé.

Merci aux médias dominants, neutres et indépendants de faire un travail si important de réinformation des masses incultes dont je fais partie.

Merci bien évidemment aussi à toute l’équipe dirigeante de faire de son mieux, pour notre bien.

C’est pour notre bien.

Oui, c’est pour notre bien en effet que les autorités ont continué depuis un an et demi à supprimer des lits à l’hôpital.

C’est pour notre bien qu’ils nous ont imposé le port du masque à l’extérieur sans aucun fondement scientifique.

C’est pour notre bien qu’ils refusent de recommander de la vitamine D et du zinc en prévention pour renforcer nos défenses immunitaires malgré toutes les études qui confirment leur rôle.

C’est pour notre bien qu’ils refusent de recommander des traitements précoces peu onéreux malgré l’abondante littérature scientifique et les expériences de terrain qui en montrent l’efficacité et qu’ils recommandent seulement du doliprane et de rester à la maison.

C’est pour notre bien qu’ils menacent et suspendent tous les médecins qui ont soigné leurs patients avec des résultats époustouflants au lieu de les renvoyer chez eux avec du doliprane.

C’est pour notre bien qu’ils commandent des millions de dose de remdesivir à 3000 euros la dose en intraveineuse sans études validant ces effets et malgré un retour sur le terrain qui a conclu à son inefficacité, sa toxicité pour les reins et son rôle mutagène.

C’est pour notre bien qu’ils refusent de s’intéresser au vaccin chinois ou russe, (uniquement pour des raisons sanitaires ! ), même quand on ne disposait pas d’assez de vaccins.

C’est pour notre bien qu’ils terrorisent et menacent la population pour aller se faire injecter un médicament expérimental sur lequel nous n’avons aucun recul à moyen et long terme.

C’est pour notre bien que le pouvoir exécutif a créé un conseil de défense totalement secret (pour 50 ans) avec une haute autorité de santé composée d’acteurs en conflits d’intérêt.

C’est pour notre bien qu’ils incitent les enfants à se faire vacciner alors qu’ils risquent davantage de souffrir des effets secondaires des "vaccins" que du covid.

C’est pour notre bien qu’ils lancent une vaccination de masse en pleine pandémie contrairement aux règles habituelles de prudence.

C’est pour notre bien qu’ils piétinent les libertés les plus fondamentales et scindent à présent le peuple en deux avec deux régimes de droits.

C’est pour notre bien qu’ils ont interdit la prescription d’hydroxychloroquine jusque-là en vente libre par les médecins.

C’est pour notre bien qu’ils refusent de recommander l’usage de l’ivermectine, de macrolides et du zinc.

C’est pour notre bien qu’ils ont méprisé tout le travail de l’IHU méditerranée, le lieu le plus à la pointe de la recherche en France en infectiologie et dont les résultats ont été bien meilleurs qu’ailleurs.

C’est pour notre bien qu’ils mobilisent et financent des tests PCR peu fiables avec des cycles d’amplifications si nombreux que le test perd de toute sa pertinence.

C’est pour notre bien qu’ils comptabilisent comme mort du covid une majorité de gens morts avec le covid.

C’est pour notre bien qu’ils se sont associés avec les Gafam pour censurer les lanceurs d’alerte sur youtube, sur twitter, Facebook...

C’est pour notre bien qu’ils acceptent de décharger les industries pharmaceutiques de toute responsabilité juridique en cas d’effets secondaires des vaccins et qu’ils nous font signer une déclaration de consentement.

C’est pour notre bien qu’il a été décidé de créer une scission en France entre les vaccinés et les non-vaccinés alors même que les vaccinés peuvent être contaminants.

C’est pour notre bien qu’on a déclaré comme fou, gâteux, dangereux tous les scientifiques parmi les plus brillants et aux titres académiques les plus prestigieux qui ont eu le malheur de contester la narration officielle sur les évènements.

Pardonnez-moi de finir par me méfier de ceux qui veulent mon bien. Je suis trop bête pour comprendre.

Trop bête pour comprendre

Qu’on a dû changer la définition de ce qu’est un vaccin pour pouvoir dire que ces expériences géniques sont des vaccins.

Que nous sommes face à un vaccin si nouveau et si révolutionnaire qu’il n’empêche pas de tomber malade ni d’être contaminant.

Que nous prétendons "vacciner" les gens avec des techniques inédites qui sont en phase expérimentale et dont nous ne connaissons pas les conséquences à moyen terme et à long terme, mais que ceux qui se font vacciner ne seraient pas des cobayes.

Trop bête pour comprendre

Qu’on ne connaît pas exactement l’intégralité de la composition des vaccins au nom du secret industriel, mais qu’on ne peut pourtant affirmer qu’il n’y a pas de problèmes.

Que les industries pourvoyeuses des vaccins dont Pfizer ont été condamnés à plusieurs milliards d’amendes pour fraude scientifique, mais qu’on peut s’appuyer sur leurs seules études pour lancer la campagne vaccinale.

Que si des spécialistes de la vaccination et des scientifiques dans le monde entier mettent en garde contre les risques de ces vaccins à adénovirus ou à ARN messager, c’est parce qu’ils sont devenus fous ou séniles.

Que si une personne âgée meurt en ayant le covid, elle meurt du covid mais que si une personne âgée meurt après s’être fait vaccinée elle meurt de vieillesse.

Que le nombre de morts et d’effets indésirables officiellement signalés par les agences de pharmacovigilance chez les "vaccinés" est sans commune mesure par rapport aux vaccins habituels mais que nous devons fermer les yeux.

Trop bête pour comprendre

Que ces injections géniques évitent les formes graves alors que pourtant en Israël et en Angleterre ultra vaccinés une partie non négligeable des personnes en réanimation sont doublement vaccinés.

Que ce vaccin est tellement protecteur qu’il faut continuer les gestes barrières, continuer à porter les masques et surtout continuer à craindre les non-vaccinés.

Qu’il est tellement efficace qu’on parle déjà de "baisse immunitaire", de troisième ou de quatrième dose et pourquoi pas d’un abonnement annuel ou biannuel.

Trop bête pour comprendre

Qu’on n’a jamais mis fin aux épidémies de grippe mais qu’on prétend qu’en "vaccinant" tout le monde nous allons vaincre le coronavirus.

Que nous faisons partie des pays au monde qui ont le plus de morts par millions d’habitants, mais que nous sommes pourtant les meilleurs et que nous pouvons continuer à nous fier à la même équipe scientifico-politique.

Que les pays les plus vaccinés sont ceux qui sont les plus touchés par les nouveaux variants mais que c’est parce que nous ne sommes pas suffisamment vaccinés.

Que si les vaccinés tombent malades, c’est à cause des non-vaccinés.

Que l’État est surendetté et n’a pas d’argent, mais qu’il peut débloquer des milliards et des milliards pour financer sa politique sanitaire.

Que les tests et les vaccins sont gratuits, mais que ce sont les contribuables qui vont devoir les payer.

Qu’en prétendant sauver une partie infime de la population, nous allons sacrifier la vie de beaucoup d’autres et détruire l’avenir de la nation.

Oui, je suis trop bête pour comprendre tout cela.

Je dois avoir l’esprit tellement confus que tout semble s’inverser dans ma tête.

Je dois apprendre grâce à vous à remettre les choses dans le bon ordre.

Inversion

Je dois, en effet, comprendre que :

La liberté, c’est de se soumettre au pass sanitaire.

L’immunité artificielle est meilleure que l’immunité naturelle.

Si les gens vaccinés tombent malades ou développent des formes graves, c’est la preuve que le vaccin marche.

Si le vaccin fonctionne moins bien contre un nouveau variant, c’est qu’il faut reprendre une dose du même vaccin.

Toute personne testée positive à un test PCR est une personne malade.

Toute personne en bonne santé est un malade qui s’ignore et dont il faut se méfier.

Je suis désolé, je suis un peu lent et il va falloir que je me répète souvent tout cela pour réussir à l’intégrer. Heureusement que les journalistes sont là pour faire preuve de pédagogie et de répétition.

Merci à vous, tous les gens raisonnables et très intelligents, de veiller sur nous.

Merci de nous dispenser de penser.

Auteur: Moghaddassi Reza

Info: le 23 juillet 2021

[ défiance ] [ méfiance ]

 
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capitalisme

Les élites ne nous sauveront pas
L’attaque, qui dure depuis quatre décennies contre nos institutions démocratiques par les grandes entreprises, les a laissé faibles et largement dysfonctionnelles. Ces institutions, qui ont renoncé à leur efficacité et à leur crédibilité pour servir les intérêts des entreprises, auraient dû être notre pare-feu. Au lieu de quoi, elles chancellent sous l’assaut.
Les syndicats sont une force du passé. La presse est transformée en industrie et suscite la méfiance. Les universités ont été purgées des chercheurs dissidents et indépendants qui critiquent le néolibéralisme et dénoncent la décomposition des institutions démocratiques et des partis politiques. La radio-télévision publique et les arts ne sont plus financés et sont laissés moribonds. Les tribunaux ont été noyautés par des juges dont la carrière juridique s’est passé à servir le pouvoir des grandes sociétés, une tendance dans les nominations qui s’est poursuivie sous Barack Obama. L’argent a remplacé le vote, ce qui explique comment quelqu’un d’aussi non qualifié comme Betsy DeVos peut s’acheter un siège dans un ministère. Le parti démocrate, plutôt que de rompre ses liens avec Wall Street et les grandes entreprises, attend naïvement en coulisse de profiter d’une débâcle de Trump.
"Le plus grand atout de Trump est un parti démocrate décadent, désemparé, narcissique, inféodé aux entreprises et belliciste, m’a dit Ralph Nader lorsque je l’ai joint au téléphone à Washington. Si la stratégie démocrate est d’attendre Godot, attendre que Trump implose, nous sommes en difficulté. Et tout ce que vous dites des démocrates, vous pouvez aussi le dire de l’AFL-CIO [le principal regroupement syndical américain, NdT]. Ils ne contrôlent pas le train."
La perte de crédibilité dans les institutions démocratiques a jeté le pays dans une crise tant existentielle qu’économique. Des dizaines de millions de gens ne font plus confiance aux tribunaux, aux universités et à la presse, qu’ils voient avec raison comme les organes des élites des grandes sociétés. Ces institutions sont traditionnellement les mécanismes par lesquels une société est capable de démasquer les mensonges des puissants, de critiquer les idéologies dominantes et de promouvoir la justice. Parce que les Américains ont été amèrement trahis par leurs institutions, le régime de Trump peut attaquer la presse comme le "parti d’opposition", menacer de couper le financement des universités, se moquer d’un juge fédéral comme d’un "soi-disant juge" et dénoncer une ordonnance d’un tribunal comme "scandaleuse".
La dégradation des institutions démocratiques est la condition préalable à la montée de régimes autoritaires ou fascistes. Cette dégradation a donné de la crédibilité à un menteur pathologique. L’administration Trump, selon un sondage de l’Emerson College, est considérée comme fiable par 49% des électeurs inscrits tandis que les médias ne sont tenus pour fiables que par 39% des électeurs inscrits. Une fois que les institutions démocratiques américaines ne fonctionnent plus, la réalité devient n’importe quelle absurdité que publie la Maison Blanche.
La plupart des règles de la démocratie ne sont pas écrites. Ces règles déterminent le comportement public et garantissent le respect des normes, des procédures et des institutions démocratiques. Le président Trump, à la grande joie de ses partisans, a rejeté cette étiquette politique et culturelle.
Hannah Arendt, dans Les origines du totalitarisme, notait que lorsque les institutions démocratiques s’effondrent, il est "plus facile d’accepter des propositions manifestement absurdes que les anciennes vérités qui sont devenues de pieuses banalités". Le bavardage des élites dirigeantes libérales ["progressistes", NdT] sur notre démocratie est lui-même une absurdité. "La vulgarité, avec son rejet cynique des normes respectées et des théories admises", écrit-elle, infecte le discours politique. Cette vulgarité est "confondue avec le courage et un nouveau style de vie".
"Il détruit un code de comportement après l’autre, dit Nader de Trump. Il est rendu si loin dans cette façon de faire sans en payer le prix. Il brise les normes de comportement – ce qu’il dit des femmes, la commercialisation de la Maison Blanche, "je suis la loi"."
Nader m’a dit qu’il ne pensait pas que le parti républicain se retournera contre Trump ou envisagera la destitution, à moins que sa présidence ne semble menacer ses chances de conserver le pouvoir aux élections de 2018. Nader voir le parti démocrate comme "trop décadent et incompétent" pour contester sérieusement Trump. L’espoir, dit-il, vient des nombreuses protestations qui ont été organisées dans les rues, devant les mairies par les membres du Congrès et sur des points chauds comme Standing Rock. Il peut aussi venir des 2.5 millions de fonctionnaires du gouvernement fédéral si un nombre significatif d’entre eux refuse de coopérer avec l’autoritarisme de Trump.
"Le nouveau président est tout à fait conscient du pouvoir détenu par les fonctionnaires civils, qui prêtent serment d’allégeance à la constitution des États-Unis, et non à un président ou à une administration", écrit Maria J. Stephan, co-auteure de Why Civil Resistance Works dans le Washington Post. "L’un des premiers actes de Trump en tant que président a été un gel général du recrutement fédéral qui touche tous les nouveaux postes et les postes existants exceptés ceux liés à l’armée, à la sécurité nationale et à la sécurité publique. Même avant l’investiture de Trump, la Chambre des représentants dominée par les Républicains a réinstauré une obscure règle de 1876 qui autoriserait le Congrès à réduire les salaires des employés fédéraux individuels. C’était un avertissement clair à ceux qui sont au service du gouvernement de garder le profil bas. Le licenciement très médiatisé par Trump du procureur général par intérim Sally Yates, qui a refusé de suivre l’interdiction d’immigration du président, a envoyé des ondes de choc dans la bureaucratie."
Un soulèvement populaire, soutenu à l’échelle nationale, d’obstruction et de non-coopération non violente est la seule arme qui reste pour sauver la république. Les élites répondront une fois qu’elles auront peur. Si nous ne leur faisons pas peur, nous échouerons.
"La résilience des institutions démocratiques a été encourageante – les tribunaux, les manifestations, dit Nader. Trump se retourne contre lui-même. Il outrage les gens dans tout le pays sur la base de la race, du genre, de la classe, de la géographie, de ses mensonges, ses fausses déclarations, son narcissisme, son manque de connaissances, sa désinvolture et son désir morbide de répondre aux insultes avec des tweets. Il n’est pas un autocrate intelligent. Il s’affaiblit chaque jour. Il permet à l’opposition d’avoir plus d’effet que d’ordinaire."
"La plupart des chefs d’État dictatoriaux s’occupent d’idéologies abstraites – la patrie et ainsi de suite, poursuit Nader. Il n’en fait pas beaucoup sur ce plan. Il attaque personnellement, vise bas sur l’échelle de la sensualité. Vous êtes un faux. Vous êtes un perdant. Vous êtes un escroc. Cela pique davantage les gens, en particulier lorsqu’il le fait en se basant sur le genre, la race et la religion. Donald Trump est ce qu’il y a de mieux pour le réveil démocratique."
Nader dit que Trump sera pourtant capable de consolider son pouvoir si nous subissons un nouvel attentat terroriste catastrophique ou s’il y a une débâcle financière. Les régimes dictatoriaux ont besoin d’une crise, qu’elle soit réelle ou fabriquée, pour justifier la suspension totale des libertés civiles et exercer un contrôle incontesté.
"S’il y a un attentat terroriste apatride sur les États-Unis, il est capable de concentrer une quantité de pouvoir dans la Maison Blanche contre les tribunaux et contre le Congrès, avertit Nader. Il fera des boucs émissaires de ceux qui s’opposent à lui. […] Cela affaiblira toute résistance et toute opposition."
La tension entre la Maison Blanche de Trump et des segments de l’establishment, y compris les tribunaux, la communauté du renseignement et le Département d’État, a été mal interprétée comme une preuve que les élites veulent éloigner Trump du pouvoir. Si les élites peuvent établir des relations avec le régime de Trump pour maximiser leurs profits et protéger leurs intérêts personnels et de classe, elles supporteront volontiers l’embarras d’avoir un démagogue dans le bureau ovale.
L’État des grandes entreprises, ou l’État profond, n’a pas non plus d’engagement à l’égard de la démocratie. Ses forces ont évidé les institutions démocratiques pour les rendre impuissantes. La différence entre le pouvoir des entreprises et le régime de Trump est que le pouvoir des entreprises a cherché à maintenir la fiction de la démocratie, y compris la déférence polie accordée en public aux institutions démocratiques. Trump a effacé cette déférence. Il a plongé le discours politique dans les égouts. Trump ne détruit pas les institutions démocratiques. Elles avaient été détruites avant qu’il entre en fonction.
Même les régimes fascistes les plus virulents ont construit des alliances fragiles avec les élites conservatrices et d’affaires traditionnelles, qui considéraient souvent les fascistes comme maladroits et grossiers.
"Nous n’avons jamais connu un régime fasciste idéologiquement pur", écrit Robert O. Paxton dans The Anatomy of Fascism. "En effet, la chose semble à peine possible. Chaque génération de chercheurs sur le fascisme a noté que les régimes reposaient sur une sorte de pacte ou d’alliance entre le parti fasciste et des forces conservatrices puissantes. Au début des années 1940, le réfugié social-démocrate Franz Neumann a soutenu dans son classique Behemoth qu’un ‘cartel’ formé du parti, de l’industrie, de l’armée et de la bureaucratie régnait sur l’Allemagne nazie, tenu ensemble uniquement par ‘le profit, le pouvoir, le prestige et, surtout, la peur’."
Les régimes fascistes et autoritaires sont gouvernés par de multiples centres de pouvoir qui sont souvent en concurrence les uns avec les autres et ouvertement antagonistes. Ces régimes, comme l’écrit Paxton, reproduisent le "principe du chef" de manière à ce qu’il "descende en cascade le long de la pyramide sociale et politique, créant une foule de petits Führer et Duce en état de guerre hobbesienne de tous contre tous."
Les petits Führer et Duce sont toujours des bouffons. Des démagogues aussi plastronnant ont consterné les élites libérales dans les années 1930. Le romancier allemand Thomas Mann a écrit dans son journal deux mois après l’arrivée des nazis au pouvoir qu’il avait assisté à une révolution "sans idées qui la fondaient, contre les idées, contre tout ce qui est plus noble, meilleur, décent, contre la liberté, la vérité et la justice". Il déplorait que la "lie commune" ait pris le pouvoir "accompagnée de la grande joie d’une bonne partie des masses". Les élites d’affaires en Allemagne n’ont peut-être pas aimé cette "lie", mais elles étaient disposées à travailler avec elle. Et nos élites d’affaires feront la même chose aujourd’hui.
Trump, un produit de la classe des milliardaires, conciliera ces intérêts privés, parallèlement à la machine de guerre, pour construire une alliance mutuellement acceptable. Les laquais au Congrès et dans les tribunaux, les marionnettes des grandes entreprises, seront, je m’y attends, pour la plupart dociles. Et si Trump est destitué, les forces réactionnaires qui cimentent l’autoritarisme en place trouveront un champion dans le vice-président Mike Pence, qui place fiévreusement des membres de la droite chrétienne dans tout le gouvernement fédéral.
"Pence est le président parfait pour les chefs républicains qui contrôlent le Congrès, dit Nader. Il est juste hors du casting principal. Il regarde la partie. Il parle de la partie. Il joue son rôle. Il a connu la partie. Ça ne les dérangerait pas si Trump quittait sa fonction subitement ou s’il devait démissionner. […]"
Nous sommes aux stades crépusculaires du coup d’État permanent des grandes entreprises entamé il y a quarante ans. Il ne nous reste pas grand-chose pour travailler. Nous ne pouvons pas faire confiance à nos élites. Nous devons nous mobiliser pour mener des actions de masse répétées et soutenues. Attendre que l’establishment décapite Trump et restaure la démocratie serait un suicide collectif.

Auteur: Hedges Chris

Info: 12 février 2017, Source Truthdig

[ Usa ] [ vingt-et-unième siècle ]

 

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chronos

Le temps est une différence de pression : la respiration comme média environnemental dans "Exhalation" de Ted Chiang

Dans la nouvelle de science-fiction "Exhalation" de Ted Chiang, publiée en 2008, le souffle est le médiateur de la fin du monde.

Ce texte raconte l'histoire d'une espèce mécanique alimentée par l'air. Chaque jour, les membres de cette espèce consomment deux poumons d'aluminium remplis d'air, et chaque jour, ils les remplissent à nouveau à partir d'un réservoir caché sous terre. Leur univers comporte de nombreuses villes et quartiers, mais il est délimité par un "mur de chrome solide" qui s'étend jusqu'au ciel. Un jour, une cérémonie traditionnelle du nouvel an, qui dure toujours exactement une heure (chronométrée avec la précision mécanique de l'espèce), dure quelques minutes de plus. C'est surprenant. La nouvelle se répand et ils découvrent que la manifestation s'est prolongée dans tout leur univers. Les horloges elles-mêmes semblent fonctionner correctement ; c'est plutôt le temps lui-même qui s'est ralenti d'une manière ou d'une autre. Le narrateur, un anatomiste, soupçonne que la vérité réside dans le cerveau des espèces et décide de procéder à une autodissection avec un appareil de sa conception. De même que la nature de la conscience échappe aux humains organiques, elle échappe aussi aux automates de Chiang. Certains pensent que leur esprit est inscrit sur d'innombrables feuilles d'or dans leur cerveau ; d'autres soupçonnent que le flux d'air agit sur d'autres supports plus subtils. Au cours de son autodissection, le narrateur découvre la vérité : la conscience n'est pas inscrite dans le cerveau, mais constituée par la circulation de l'air dans le cerveau, qui forme et reforme les connexions électriques avec une plasticité infinie. De cette révélation, le narrateur déduit que le temps lui-même ne ralentit pas, mais que c'est plutôt la force de l'air à travers le cerveau qui ralentit, altérant la cognition. La deuxième loi de la thermodynamique : l'entropie augmente dans un système fermé, ce que l'univers doit être en fait. Chaque action, pensée et mouvement augmente l'entropie de leur univers, "hâtant l'arrivée de cet équilibre fatal", c'est-à-dire la possibilité de la mort.

Comme de nombreuses histoires de Chiang, "Exhalation" explore les conséquences culturelles étendues d'un concept scientifique, en l'occurrence l'entropie. À travers les principes physiques de la thermodynamique, la respiration met en scène une ironie tragique dans le système mondial. Le travail de maintien d'un type particulier de vie rend toute autre vie impossible. Je lis "Exhalation" comme une riche archive de possibilités théoriques médiatiques, car Chiang relie les problèmes de la technologie, de la médiation, de la conscience, de l'incarnation, de la temporalité et de l'environnement. La respiration est le pivot qui maintient ces concepts ensemble, et en particulier, selon moi, la relation de la respiration avec le temps. Dans cet article, je lis "Exhalation" à la fois à travers et en tant que théorie des médias pour suggérer que la mesure et la perception du temps, qui sont depuis longtemps des problèmes fondamentaux pour les études sur les médias, sont devenues des questions environnementales urgentes. Nous pouvons appréhender ces temporalités environnementales par le biais de la respiration, qui ne fonctionne pas de manière linéaire mais plutôt récursive, franchissant une certaine échelle dans sa répétition.

"Exhalation" met en scène deux types de temps différents : celui de la perception intérieure et celui de la comptabilité extérieure. D'une part, le temps est le sentiment incarné qu'un moment suit le suivant. D'autre part, le temps est la comptabilité de technologies théoriquement impartiales, elles-mêmes étalonnées par rapport à des phénomènes physiques. Le fait que le monde d'"Exhalation" soit entièrement mécanique permet à Chiang d'établir une analogie fluide entre ces deux sens du temps. Le drame découle donc de la découverte par le narrateur que ces sens, qui partagent supposément un substrat matériel, sont devenus non calibrés. Le véritable substrat, découvre le narrateur, n'est pas la matière en elle-même, mais plutôt la différence entre les matières. "Voici pourquoi", écrit le narrateur,

...j'ai dit que l'air n'est pas la source de la vie. L'air ne peut être ni créé ni détruit ; la quantité totale d'air dans l'univers reste constante, et si l'air était tout ce dont nous avons besoin pour vivre, nous ne mourrions jamais. Mais en réalité, la source de la vie est une différence de pression atmosphérique, le flux d'air des espaces où il est épais vers ceux où il est mince.... En réalité, nous ne consommons pas d'air.

En tant que matière, l'air ne s'épuise pas. Au contraire, les actions de l'espèce évacuent la différence, augmentent l'aléatoire et éliminent ainsi l'action mécanique et sa temporalité concomitante.

À première vue, l'approche du temps de Chiang est conforme à certains modèles fondamentaux des études sur les médias, pour lesquels le temps est un effet secondaire de sa technologisation. Pour Harold Innis, critique du début du XXe siècle, par exemple, les supports d'enregistrement disponibles dans une civilisation donnée déterminent les relations possibles avec le temps. Une civilisation basée sur le papier favorise la synchronisation sur de grandes distances, facilitée par la vitesse de circulation du papier, tandis qu'une civilisation basée sur la pierre serait plus diachronique, favorisant les supports statiques qui couvrent de grandes étendues de temps. Les idées d'Innis ont inspiré des approches ultérieures des médias numériques. Pour le théoricien des médias Wolfgang Ernst, les médias numériques sont "critiques en termes de temps", dans la mesure où ils dépendent d'un timing précis pour fonctionner. Le temps numérique est mesuré par des cristaux de quartz qui marquent les tics du temps UNIX, qui compte le début de l'histoire à partir du jeudi 1er janvier 1970, lorsque le carbone atmosphérique ne mesurait que 325 ppm. Ernst fait la distinction entre le temps "dur" et le temps "mou", c'est-à-dire le temps imposé aux machines par la physique et le temps inventé par les machines dans leur fonctionnement. Si le temps dur de la physique se poursuit en dehors de l'objet médiatique, notre appréhension de ce temps est inéluctablement liée à la durabilité du temps mou, généré par les machines.

Je suis loin d'être le seul à m'opposer à ces modèles de temporalité des médias. Je pense, par exemple, à l'argument de Sarah Sharma selon lequel ces modèles sont obsédés par la vitesse : l'hypothèse selon laquelle les médias accélèrent la temporalité et réduisent l'espace, rapprochant les cultures et effaçant le temps passé à attendre que les messages soient transmis. Pour Sharma, la vitesse est trop simple ; en revanche, elle affirme que le principal sujet temporel des médias est la synchronicité, dont la négociation et le maintien exigent un travail culturel et matériel constant. La relation au temps, tout comme la relation à l'environnement, est liée à la position politique de chacun. Elle est également liée au corps. John Durham Peters affirme que le corps humain lui-même est un support temporel, qui calibre une multiplicité vertigineuse d'échelles de temps. Les rythmes circadiens intègrent la "pulsation" géophysique du jour et de la nuit dans les êtres vivants. Vu dans ce cadre, le rythme inconscient de la respiration n'est qu'une partie d'un système médiatique complexe de temporalité qui se calibre et se recalibre constamment. Je souhaite faire progresser le rythme dans mon analyse. Shintaro Miyazaki affirme que le rythme a toujours été un aspect central, bien que méconnu, de la culture algorithmique. Le rythme supplante la notion d'"horloge" ou d'"impulsion", qui ne rendent pas compte de la négociation constante entre les états de la matière caractéristiques des médias numériques. Le rythme nomme alors le travail actif de synchronisation de la médiation. Il s'ensuit que nous pourrions caractériser le drame d'"Exhalation", et peut-être notre crise climatique actuelle, comme une désarticulation du rythme.

Au fur et à mesure que la nouvelle de la découverte du narrateur se répand, la panique face à la nouvelle possibilité de mort se répand également. Pendant quelques pages, "Exhalation" devient une allégorie manifeste des réactions humaines au changement climatique. "Nombreux sont ceux qui réclament une limitation stricte des activités afin de minimiser l'épaississement de notre atmosphère", écrit le narrateur, "les accusations de gaspillage d'air ont dégénéré en rixes furieuses". Une secte quasi-religieuse, les Inverseurs, gagne en popularité. Dans une parodie de la géo-ingénierie, ils construisent un moteur qui comprime l'air, augmentant ainsi la pression atmosphérique globale. "Hélas, observe le narrateur, le moteur lui-même était alimenté par l'air du réservoir..... Il n'a pas inversé l'égalisation, mais a permis d'augmenter la pression de l'air. Il n'a pas inversé l'égalisation mais, comme tout ce qui existe dans le monde, l'a exacerbée". Face à l'impossibilité d'empêcher la dégradation de l'atmosphère, les mécaniciens tentent de remodeler le cerveau lui-même, parallèlement aux adaptations transhumaines aux climats inhospitaliers. Tout cela n'aboutit à rien. Le narrateur termine l'histoire en spéculant sur un avenir possible, lorsqu'un explorateur intrépide franchira le mur de chrome et transformera le système fermé en un système ouvert. Les automates pourraient revivre, grâce à l'introduction d'une nouvelle pression, d'un nouveau souffle, mais leur esprit et leur culture ne survivraient pas.

Mais le souffle n'est rien d'autre qu'une technologie de survie. Je pense ici au travail de Jean-Thomas Tremblay sur le souffle en tant que technique féministe, ou aux archives d'Ashton Crawley sur le souffle dans les pratiques culturelles et spirituelles des Noirs. Les logiques médiatisées de sa mise en péril, de sa vulnérabilité et de sa force sont, comme l'affirme Tremblay, "autant une déclaration phénoménologique qu'une déclaration historique et culturelle". À ces archives respiratoires, j'ajouterais le souffle en tant que médiation environnementale. Cette médiation se produit à différents niveaux, depuis le brouillage par la respiration des frontières entre les médias et le corps jusqu'à la respiration en tant que modèle de réflexion sur le temps environnemental. Il est essentiel de noter qu'il ne s'agit pas d'un temps avec un début ou une fin, mais plutôt de cycles imbriqués de naissance et de décomposition, la médiation s'empilant sur elle-même. Quels nouveaux rythmes peuvent émerger ?

La temporalité de la conclusion d'"Exhalation" apporte une réponse provisoire. Les derniers paragraphes offrent une "valédiction"*, le narrateur s'adressant directement au lecteur. "Le même sort que celui qui m'a frappé t'attend-il ?" demandent-ils. Alors que la majeure partie du récit se déroule au passé, la fin s'inscrit dans un futur imaginé et s'adresse au lecteur à l'impératif : "Visualisez tout cela la prochaine fois que vous regarderez le monde gelé qui vous entoure, et il redeviendra, dans votre esprit, animé et vital. Telle est la temporalité de la spéculation, que Chiang présente comme un mode de réflexion sur l'effondrement écologique, qui ne prend pas l'effondrement comme une donnée et ne croit pas naïvement qu'il peut être évité. Il y a une fin, et il y a ce qui vient après la fin. L'après-fin est un espace de possibilités endeuillées :

Notre univers aurait pu glisser vers l'équilibre en n'émettant rien de plus qu'un sifflement silencieux. Le fait qu'il ait engendré une telle plénitude est un miracle, qui n'a d'égal que l'univers qui vous a donné naissance.

Respirer, c'est être médiateur du temps, pour soi mais aussi pour les autres. C'est être le médiateur de la possibilité du prochain souffle à venir, c'est coordonner et relier une multitude de systèmes naturels et culturels. Dans le cadre de la crise climatique, nous savons désormais de manière concluante que nos médias industriels sont à bout de souffle. Le défi que nous lance "Exhalation" est de les refaçonner pour qu'ils puissent soutenir le souffle.

Auteur: Moro Jeffrey

Info: https://jeffreymoro.com/blog/2022-04-01-defense-talk/ - 7 Jan 2021. Présentation faite dans le cadre du panel Environmental Media au MLA 2021, qui s'est tenu virtuellement. Pour les références du texte, voir directement sur le site. Trad Mg et DeepL. *Formule qui recommande le destinataire à la protection divine

[ homme-machine ] [ cadence ] [ science-fiction ] [ analyse de texte ] [ réchauffement climatique ] [ Gaïa ] [ tétravalence ] [ accélérationnisme ]

 

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Les insectes et autres animaux ont une conscience, déclarent les experts

Un groupe d'éminents biologistes et philosophes a annoncé un nouveau consensus : il existe " une possibilité réaliste " que les insectes, les poulpes, les crustacés, les poissons et d'autres animaux négligés fassent l'expérience de la conscience.  

En 2022, des chercheurs du Bee Sensory and Behavioral Ecology Lab de l’Université Queen Mary de Londres ont observé des bourdons faire quelque chose de remarquable : ces petites créatures floues se livraient à une activité qui ne pouvait être décrite que comme un jeu. Une fois face à de minuscules boules de bois, les abeilles les poussent et les font tourner. Ce comportement n’avait aucun lien évident avec l’accouplement ou la survie, et n’était pas non plus récompensé par les scientifiques. Apparemment, c'était juste pour s'amuser.

L’étude sur les abeilles joueuses fait partie d’un ensemble de recherches citées aujourd’hui par un groupe d’éminents spécialistes de l’esprit animal, étayant une nouvelle déclaration qui étend le soutien scientifique à la conscience à un plus grand nombre d’animaux que ce qui avait été formellement reconnu auparavant. Depuis des décennies, les scientifiques s’accordent largement sur le fait que les animaux semblables à nous – les grands singes, par exemple – ont une expérience consciente, même si leur conscience diffère de la nôtre. Ces dernières années, cependant, les chercheurs ont commencé à reconnaître que la conscience pourrait également être répandue chez des animaux très différents de nous, notamment des invertébrés dotés d’un système nerveux complètement différent et bien plus simple.

La nouvelle déclaration, signée par des biologistes et des philosophes, adhère formellement à ce point de vue. On y lit notamment : " Les preuves empiriques indiquent au moins une possibilité réaliste d’expérience consciente chez tous les vertébrés (y compris tous les reptiles, amphibiens et poissons) et de nombreux invertébrés (y compris, au minimum, les mollusques céphalopodes, les crustacés décapodes et les insectes). " Inspiré par les résultats de recherches récentes décrivant des comportements cognitifs complexes chez ces animaux et chez d'autres animaux, le document représente un nouveau consensus et suggère que les chercheurs ont peut-être surestimé le degré de complexité neuronale requis pour la conscience.

La Déclaration de New York sur la conscience animale en quatre paragraphes a été dévoilée aujourd'hui, le 19 avril, lors d'une conférence d'une journée intitulée " La science émergente de la conscience animale " qui s'est tenue à l'Université de New York. Menée par la philosophe et spécialiste des sciences cognitives Kristin Andrews de l'Université York en Ontario, le philosophe et spécialiste de l'environnement Jeff Sebo de l'Université de New York et le philosophe Jonathan Birch de la London School of Economics and Political Science, la déclaration a jusqu'à présent été signée par 39 chercheurs, dont les psychologues Nicola Clayton et Irene Pepperberg, les neuroscientifiques Anil Seth et Christof Koch , le zoologiste Lars Chittka et les philosophes David Chalmers et Peter Godfrey-Smith .

La déclaration se concentre sur le type de conscience le plus fondamental, connu sous le nom de conscience phénoménale. En gros, si une créature a une conscience phénoménale, alors c'est " comme quelque chose " qu'être cette créature — une idée énoncée par le philosophe Thomas Nagel dans son essai influent de 1974, " Qu'est-ce que ça fait d'être une chauve-souris ? " Même si une créature est très différente de nous, écrit Nagel, " " Un organisme a fondamentalement des états mentaux conscients qui correspondent à ce qu'est cet organisme, si et seulement si. ... Nous pouvons appeler cela le caractère subjectif de l'expérience. Si une créature est ainsi consciente, elle a la capacité d’éprouver des sentiments tels que la douleur, le plaisir ou la faim, mais pas nécessairement des états mentaux plus complexes comme la conscience de soi.

" J'espère que celà attire une plus grande attention aux problèmes de la conscience non humaine et aux défis éthiques qui accompagnent la possibilité d'expériences conscientes bien au-delà de l'humain", a écrit Seth, neuroscientifique à l'Université du Sussex, dans un e-mail. " J'espère que cela suscitera des discussions, éclairera les politiques et les pratiques en matière de bien-être animal et galvanisera la compréhension et l'appréciation du fait que nous avons beaucoup plus en commun avec d'autres animaux qu'avec des choses comme ChatGPT. "

Une prise de conscience croissante

La déclaration a commencé à prendre forme l’automne dernier, à la suite de conversations entre Sebo, Andrews et Birch. " Nous parlions tous les trois de tout ce qui s'est passé au cours des 10 ou 15 dernières années dans la science de la conscience animale", se souvient Sebo. Nous savons maintenant, par exemple, que les poulpes ressentent de la douleur et que les seiches se souviennent des détails d'événements passés spécifiques. Des études sur les poissons ont montré que les labres (Labroides dimidiatus) semblent réussir une version du " test du miroir ", qui indique un certain degré d'auto-reconnaissance, et que les poissons zèbres montrent des signes de curiosité. Dans le monde des insectes, les abeilles présentent un comportement de jeu apparent, tandis que les mouches des fruits de la drosophile ont des habitudes de sommeil distinctes influencées par leur environnement social. Pendant ce temps, les écrevisses présentent des états de type anxiété – et ces états peuvent être modifiés par des médicaments anti-anxiété.

Ces signes, ainsi que d’autres, d’états de conscience chez des animaux qui ont longtemps été considérés comme moins conscients ont excité et interpellé les biologistes, les spécialistes des sciences cognitives et les philosophes de l’esprit. "Beaucoup de gens acceptent depuis un certain temps que, par exemple, les mammifères et les oiseaux sont soit conscients, soit très susceptibles de l'être, mais moins d'attention a été accordée aux autres taxons de vertébrés et en particulier d'invertébrés", a déclaré Sebo. Lors de conversations et de réunions, les experts ont largement convenu que ces animaux devaient avoir une conscience. Cependant, ce consensus nouvellement formé n’a pas été communiqué au grand public, notamment aux autres scientifiques et décideurs politiques. Les trois chercheurs ont donc décidé de rédiger une déclaration claire et concise et de la faire circuler parmi leurs collègues pour approbation. La déclaration n’est pas censée être exhaustive mais plutôt " indiquer où nous pensons que le domaine se trouve actuellement et où il se dirige ", a déclaré Sebo.

La nouvelle déclaration met à jour les efforts les plus récents visant à établir un consensus scientifique sur la conscience animale. En 2012, des chercheurs ont publié la Déclaration de Cambridge sur la conscience, qui affirmait qu'un grand nombre d'animaux non humains, y compris, mais sans s'y limiter, les mammifères et les oiseaux, ont " la capacité de manifester des comportements intentionnels " et que " les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques " qui génèrent la conscience.

La nouvelle déclaration élargit la portée de son prédécesseur et est également rédigée avec plus de soin, a écrit Seth. " Elle n'essaie pas de faire de la science par diktat, mais souligne plutôt ce que nous devrions prendre au sérieux concernant la conscience animale et l'éthique pertinente, compte tenu des preuves et des théories dont nous disposons." Il a écrit qu’il n’était " pas favorable aux avalanches de lettres ouvertes et autres ", mais qu’il était finalement " parvenu à la conclusion que cette déclaration méritait vraiment d’être soutenue ".

Godfrey-Smith, philosophe des sciences à l'Université de Sydney qui a beaucoup travaillé avec les poulpes, estime que les comportements complexes que présentent ces créatures – notamment la résolution de problèmes, l'utilisation d'outils et le comportement de jeu – ne peuvent être interprétés que comme des indicateurs de conscience. "Elles ont cet engagement attentif avec les choses, avec nous et avec de nouveaux objets qui fait qu'il est très difficile de ne pas penser qu'il se passe beaucoup de choses à l'intérieur d'elles", a-t-il déclaré. Il a noté que des articles récents portant sur la douleur et les états oniriques chez les poulpes et les seiches " vont dans la même direction… ".

Même si de nombreux animaux mentionnés dans la déclaration ont un cerveau et un système nerveux très différents de ceux des humains, les chercheurs affirment que cela ne constitue pas nécessairement un obstacle à la conscience. Par exemple, le cerveau d’une abeille ne contient qu’environ un million de neurones, contre environ 86 milliards dans le cas des humains. Mais chacun de ces neurones d’abeille peut être structurellement aussi complexe qu’un chêne. Le réseau de connexions qu’ils forment est également incroyablement dense, chaque neurone en contactant peut-être 10 000 ou 100 000 autres. Le système nerveux d’une pieuvre, en revanche, est complexe à d’autres égards. Son organisation est hautement distribuée plutôt que centralisée ; un bras coupé peut présenter de nombreux comportements de l'animal intact.

(4 photos : Des recherches récentes sur l’esprit des animaux – notamment ceux des écrevisses, des poulpes, des serpents et des poissons – suggèrent que la conscience " peut exister dans une architecture neurale qui semble complètement étrangère " à la nôtre, a déclaré Peter Godfrey-Smith.)

Le résultat, a déclaré Andrews, est que "  nous n’avons peut-être pas besoin d’autant d’équipement que nous le pensions " pour atteindre la conscience. Elle note, par exemple, que même un cortex cérébral – la couche externe du cerveau des mammifères, censée jouer un rôle dans l’attention, la perception, la mémoire et d’autres aspects clés de la conscience – n’est peut-être pas nécessaire pour une conscience phénoménale plus simple comme celle ciblée dans la déclaration.

"Il y a eu un grand débat sur la question de savoir si les poissons sont conscients, et cela était en grande partie dû au fait qu'ils n'avaient pas les structures cérébrales que nous observons chez les mammifères", a-t-elle déclaré. "Mais quand vous regardez les oiseaux, les reptiles et les amphibiens, ils ont des structures cérébrales très différentes et des pressions évolutives différentes - et pourtant certaines de ces structures cérébrales, comme nous le constatons, font le même genre de travail qu'un cortex cérébral chez l'homme. " Godfrey-Smith est d’accord, notant que des comportements révélateurs de conscience " peuvent exister dans une architecture qui semble complètement étrangère à l’architecture des vertébrés ou des humains ".

Relations conscientes

Bien que la déclaration ait des implications pour le traitement des animaux, et en particulier pour la prévention de la souffrance animale, Sebo a noté que l'accent devrait aller au-delà de la douleur. Il ne suffit pas d'empêcher les animaux en captivité de ressentir des douleurs et des inconforts corporels, a-t-il déclaré. " Nous devons également leur offrir le type d’enrichissement et d’opportunités qui leur permettent d’exprimer leurs instincts, d’explorer leur environnement, de s’engager dans les systèmes sociaux et d’être par ailleurs le genre d’agents complexes qu’ils sont. "

Mais les conséquences de l’attribution du label " conscient " à un plus grand nombre d’animaux – en particulier à des animaux dont nous n’avons pas l’habitude de prendre en compte les intérêts – ne sont pas simples. Par exemple, notre relation avec les insectes peut être " inévitablement quelque peu antagoniste ", a déclaré Godfrey-Smith. Certains ravageurs dévorent les récoltes et les moustiques peuvent être porteurs de maladies. " L'idée selon laquelle nous pourrions simplement faire la paix avec les moustiques est une pensée très différente de l'idée selon laquelle nous pourrions faire la paix avec les poissons et les poulpes", a-t-il déclaré.

De même, peu d’attention est accordée au bien-être des insectes comme la drosophile, largement utilisés dans la recherche en biologie. " Dans la recherche, nous pensons au bien-être du bétail et des souris, mais nous ne pensons jamais au bien-être des insectes ", a déclaré Matilda Gibbons , qui étudie les bases neuronales de la conscience à l'Université de Pennsylvanie et a signé la déclaration.

Même si les organismes scientifiques ont créé certaines normes pour le traitement des souris de laboratoire, il n'est pas clair si la déclaration d'aujourd'hui mènera à de nouvelles normes pour le traitement des insectes. Mais les nouvelles découvertes scientifiques suscitent parfois de nouvelles politiques. La Grande-Bretagne, par exemple, a adopté une législation visant à accroître la protection des poulpes, des crabes et des homards après qu'un rapport de la London School of Economics  ait indiqué que ces animaux pouvaient ressentir de la douleur, de la détresse ou être blessés.

Bien que la déclaration ne fasse aucune mention de l’intelligence artificielle, la question d’une éventuelle conscience de l’IA préoccupe les chercheurs en conscience animale. "Il est très peu probable que les systèmes d'IA actuels soient conscients", a déclaré Sebo. Cependant, ce qu’il a appris sur l’esprit animal " me fait réfléchir et me donne envie d’aborder le sujet avec prudence et humilité ".

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Dan Falk  19 avril 2024

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histoire

L'exil du peuple juif est un mythe
Shlomo Sand, historien du 20e siècle, avait jusqu'à présent étudié l'histoire intellectuelle de la France moderne (dans son livre "L'intellectuel, la vérité et le pouvoir", Am Oved éd., 2000 - en hébreu, et les rapports entre le cinéma et l'histoire politique ("Le cinéma comme Histoire", Am Oved, 2002 - en hébreu. D'une manière inhabituelle pour des historiens de profession, il se penche, dans son nouveau livre, sur des périodes qu'il n'avait jamais étudiées - généralement en s'appuyant sur des chercheurs antérieurs qui ont avancé des positions non orthodoxes sur les origines des Juifs.
- En fait, l'essentiel de votre livre ne s'occupe pas de l'invention du peuple juif par le nationalisme juif moderne mais de la question de savoir d'où viennent les Juifs.
"Mon projet initial était de prendre une catégorie spécifique de matériaux historiographiques modernes, d'examiner comment on avait fabriqué la fiction du peuple juif. Mais dès que j'ai commencé à confronter les sources historiographiques, je suis tombé sur des contradictions. Et c'est alors ce qui m'a poussé - je me suis mis au travail, sans savoir à quoi j'aboutirais. J'ai pris des documents originaux pour essayer d'examiner l'attitude d'auteurs anciens - ce qu'ils avaient écrit à propos de la conversion. "
- Des spécialistes de l'histoire du peuple juif affirment que vous vous occupez de questions dont vous n'avez aucune compréhension et que vous vous fondez sur des auteurs que vous ne pouvez pas lire dans le texte.
"Il est vrai que je suis un historien de la France et de l'Europe, et pas de l'Antiquité. Je savais que dès lors que je m'occuperais de périodes anciennes comme celles-là, je m'exposerais à des critiques assassines venant d'historiens spécialisés dans ces champs d'étude. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas en rester à un matériel historiographique moderne sans examiner les faits qu'il décrit. Si je ne l'avais pas fait moi-même, il aurait fallu attendre une génération entière. Si j'avais continué à travailler sur la France, j'aurais peut-être obtenu des chaires à l'université et une gloire provinciale. Mais j'ai décidé de renoncer à la gloire. "
"Après que le peuple ait été exilé de force de sa terre, il lui est resté fidèle dans tous les pays de sa dispersion et n'a pas cessé de prier et d'espérer son retour sur sa terre pour y restaurer sa liberté politique": voilà ce que déclare, en ouverture, la Déclaration d'Indépendance. C'est aussi la citation qui sert de préambule au troisième chapitre du livre de Shlomo Sand, intitulé "L'invention de l'Exil". Aux dires de Sand, l'exil du peuple de sa terre n'a en fait jamais eu lieu.
"Le paradigme suprême de l'envoi en exil était nécessaire pour que se construise une mémoire à long terme, dans laquelle un peuple-race imaginaire et exilé est posé en continuité directe du -Peuple du Livre- qui l'a précédé", dit Sand ; sous l'influence d'autres historiens qui se sont penchés, ces dernières années, sur la question de l'Exil, il déclare que l'exil du peuple juif est, à l'origine, un mythe chrétien, qui décrivait l'exil comme une punition divine frappant les Juifs pour le péché d'avoir repoussé le message chrétien. "Je me suis mis à chercher des livres étudiant l'envoi en exil - événement fondateur dans l'Histoire juive, presque comme le génocide ; mais à mon grand étonnement, j'ai découvert qu'il n'y avait pas de littérature à ce sujet. La raison en est que personne n'a exilé un peuple de cette terre. Les Romains n'ont pas déporté de peuples et ils n'auraient pas pu le faire même s'ils l'avaient voulu. Ils n'avaient ni trains ni camions pour déporter des populations entières. Pareille logistique n'a pas existé avant le 20e siècle. C'est de là, en fait, qu'est parti tout le livre : de la compréhension que la société judéenne n'a été ni dispersée ni exilée. "
- Si le peuple n'a pas été exilé, vous affirmez en fait que les véritables descendants des habitants du royaume de Judée sont les Palestiniens.
"Aucune population n'est restée pure tout au long d'une période de milliers d'années. Mais les chances que les Palestiniens soient des descendants de l'ancien peuple de Judée sont beaucoup plus élevées que les chances que vous et moi en soyons. Les premiers sionistes, jusqu'à l'insurrection arabe, savaient qu'il n'y avait pas eu d'exil et que les Palestiniens étaient les descendants des habitants du pays. Ils savaient que des paysans ne s'en vont pas tant qu'on ne les chasse pas. Même Yitzhak Ben Zvi, le second président de l'Etat d'Israël, a écrit en 1929, que : la grande majorité des fellahs ne tirent pas leur origine des envahisseurs arabes, mais d'avant cela, des fellahs juifs qui étaient la majorité constitutive du pays... "
- Et comment des millions de Juifs sont-ils apparu tout autour de la Méditerranée ?
"Le peuple ne s'est pas disséminé, c'est la religion juive qui s'est propagée. Le judaïsme était une religion prosélyte. Contrairement à une opinion répandue, il y avait dans le judaïsme ancien une grande soif de convertir. Les Hasmonéens furent les premiers à commencer à créer une foule de Juifs par conversions massives, sous l'influence de l'hellénisme. Ce sont les conversions, depuis la révolte des Hasmonéens jusqu'à celle de Bar Kochba, qui ont préparé le terrain à la diffusion massive, plus tard, du christianisme. Après le triomphe du christianisme au 4e siècle, le mouvement de conversion a été stoppé dans le monde chrétien et il y a eu une chute brutale du nombre de Juifs. On peut supposer que beaucoup de Juifs apparus autour de la mer Méditerranée sont devenus chrétiens. Mais alors, le judaïsme commence à diffuser vers d'autres régions païennes - par exemple, vers le Yémen et le Nord de l'Afrique. Si le judaïsme n'avait pas filé de l'avant à ce moment-là, et continué à convertir dans le monde païen, nous serions restés une religion totalement marginale, si même nous avions survécu. "
- Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que les Juifs d'Afrique du Nord descendent de Berbères convertis ?
"Je me suis demandé comment des communautés juives aussi importantes avaient pu apparaître en Espagne. J'ai alors vu que Tariq Ibn-Ziyad, commandant suprême des musulmans qui envahirent l'Espagne, était berbère et que la majorité de ses soldats étaient des Berbères. Le royaume berbère juif de Dahia Al-Kahina n'avait été vaincu que 15 ans plus tôt. Et il y a, en réalité, plusieurs sources chrétiennes qui déclarent que beaucoup parmi les envahisseurs d'Espagne étaient des convertis au judaïsme. La source profonde de la grande communauté juive d'Espagne, c'étaient ces soldats berbères convertis au judaïsme. "
Aux dires de Sand, l'apport démographique le plus décisif à la population juive dans le monde s'est produit à la suite de la conversion du royaume khazar - vaste empire établi au Moyen-âge dans les steppes bordant la Volga et qui, au plus fort de son pouvoir, dominait depuis la Géorgie actuelle jusqu'à Kiev. Au 8e siècle, les rois khazars ont adopté la religion juive et ont fait de l'hébreu la langue écrite dans le royaume. A partir du 10e siècle, le royaume s'est affaibli et au 13e siècle, il a été totalement vaincu par des envahisseurs mongols et le sort de ses habitants juifs se perd alors dans les brumes.
Shlomo Sand revisite l'hypothèse, déjà avancée par des historiens du 19e et du 20e siècles, selon laquelle les Khazars convertis au judaïsme seraient l'origine principale des communautés juives d'Europe de l'Est. "Au début du 20e siècle, il y a une forte concentration de Juifs en Europe de l'Est : trois millions de Juifs, rien qu'en Pologne", dit-il ; "l'historiographie sioniste prétend qu'ils tirent leur origine de la communauté juive, plus ancienne, d'Allemagne, mais cette historiographie ne parvient pas à expliquer comment le peu de Juifs venus d'Europe occidentale - de Mayence et de Worms - a pu fonder le peuple yiddish d'Europe de l'Est. Les Juifs d'Europe de l'Est sont un mélange de Khazars et de Slaves repoussés vers l'Ouest. "
- Si les Juifs d'Europe de l'Est ne sont pas venus d'Allemagne, pourquoi parlaient-ils le yiddish, qui est une langue germanique ?
"Les Juifs formaient, à l'Est, une couche sociale dépendante de la bourgeoisie allemande et c'est comme ça qu'ils ont adopté des mots allemands. Je m'appuie ici sur les recherches du linguiste Paul Wechsler, de l'Université de Tel Aviv, qui a démontré qu'il n'y avait pas de lien étymologique entre la langue juive allemande du Moyen-âge et le yiddish. Le Ribal (Rabbi Yitzhak Bar Levinson) disait déjà en 1828 que l'ancienne langue des Juifs n'était pas le yiddish. Même Ben Tzion Dinour, père de l'historiographie israélienne, ne craignait pas encore de décrire les Khazars comme l'origine des Juifs d'Europe de l'Est et peignait la Khazarie comme la : mère des communautés de l'Exil... en Europe de l'Est. Mais depuis environ 1967, celui qui parle des Khazars comme des pères des Juifs d'Europe de l'Est est considéré comme bizarre et comme un doux rêveur. "
- Pourquoi, selon vous, l'idée d'une origine khazar est-elle si menaçante ?
"Il est clair que la crainte est de voir contester le droit historique sur cette terre. Révéler que les Juifs ne viennent pas de Judée paraît réduire la légitimité de notre présence ici. Depuis le début de la période de décolonisation, les colons ne peuvent plus dire simplement : Nous sommes venus, nous avons vaincu et maintenant nous sommes ici.... - comme l'ont dit les Américains, les Blancs en Afrique du Sud et les Australiens. Il y a une peur très profonde que ne soit remis en cause notre droit à l'existence. "
- Cette crainte n'est-elle pas fondée ?
"Non. Je ne pense pas que le mythe historique de l'exil et de l'errance soit la source de ma légitimité à être ici. Dès lors, cela m'est égal de penser que je suis d'origine khazar. Je ne crains pas cet ébranlement de notre existence, parce que je pense que le caractère de l'Etat d'Israël menace beaucoup plus gravement son existence. Ce qui pourra fonder notre existence ici, ce ne sont pas des droits historiques mythologiques mais le fait que nous commencerons à établir ici une société ouverte, une société de l'ensemble des citoyens israéliens. "
- En fait, vous affirmez qu'il n'y a pas de peuple juif.
"Je ne reconnais pas de peuple juif international. Je reconnais un ; peuple yiddish... qui existait en Europe de l'Est, qui n'est certes pas une nation mais où il est possible de voir une civilisation yiddish avec une culture populaire moderne. Je pense que le nationalisme juif s'est épanoui sur le terreau de ce : peuple yiddish.... Je reconnais également l'existence d'une nation israélienne, et je ne lui conteste pas son droit à la souveraineté. Mais le sionisme, ainsi que le nationalisme arabe au fil des années, ne sont pas prêts à le reconnaître.
Du point de vue du sionisme, cet Etat n'appartient pas à ses citoyens, mais au peuple juif. Je reconnais une définition de la Nation : un groupe humain qui veut vivre de manière souveraine. Mais la majorité des Juifs dans le monde ne souhaite pas vivre dans l'Etat d'Israël, en dépit du fait que rien ne les en empêche. Donc, il n'y a pas lieu de voir en eux une nation. "
- Qu'y a-t-il de si dangereux dans le fait que les Juifs s'imaginent appartenir à un seul peuple ? Pourquoi serait-ce mal en soi ?
"Dans le discours israélien sur les racines, il y a une dose de perversion. C'est un discours ethnocentrique, biologique, génétique. Mais Israël n'a pas d'existence comme Etat juif : si Israël ne se développe pas et ne se transforme pas en société ouverte, multiculturelle, nous aurons un Kosovo en Galilée. La conscience d'un droit sur ce lieu doit être beaucoup plus souple et variée, et si j'ai contribué avec ce livre à ce que moi-même et mes enfants puissions vivre ici avec les autres, dans cet Etat, dans une situation plus égalitaire, j'aurai fait ma part.
Nous devons commencer à oeuvrer durement pour transformer ce lieu qui est le nôtre en une république israélienne, où ni l'origine ethnique, ni la croyance n'auront de pertinence au regard de la Loi. Celui qui connaît les jeunes élites parmi les Arabes d'Israël, peut voir qu'ils ne seront pas d'accord de vivre dans un Etat qui proclame n'être pas le leur. Si j'étais Palestinien, je me rebellerais contre un tel Etat, mais c'est aussi comme Israélien que je me rebelle contre cet Etat. "
La question est de savoir si, pour arriver à ces conclusions-là, il était nécessaire de remonter jusqu'au royaume des Khazars et jusqu'au royaume Himyarite.
"Je ne cache pas que j'éprouve un grand trouble à vivre dans une société dont les principes nationaux qui la dirigent sont dangereux, et que ce trouble m'a servi de moteur dans mon travail. Je suis citoyen de ce pays, mais je suis aussi historien, et en tant qu'historien, j'ai une obligation d'écrire de l'Histoire et d'examiner les textes. C'est ce que j'ai fait. "
- Si le mythe du sionisme est celui du peuple juif revenu d'exil sur sa terre, que sera le mythe de l'Etat que vous imaginez ?
" Un mythe d'avenir est préférable selon moi à des mythologies du passé et du repli sur soi. Chez les Américains, et aujourd'hui chez les Européens aussi, ce qui justifie l'existence d'une nation, c'est la promesse d'une société ouverte, avancée et opulente. Les matériaux israéliens existent, mais il faut leur ajouter, par exemple, des fêtes rassemblant tous les Israéliens. Réduire quelque peu les jours de commémoration et ajouter des journées consacrées à l'avenir. Mais même aussi, par exemple, ajouter une heure pour commémorer la : Nakba... entre le Jour du Souvenir et la Journée de l'Indépendance.

Auteur: Sand Shlomo

Info: traduit de l'hébreu par Michel Ghys

[ illusion ]

 

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bio-évolution

La "tectonique" des chromosomes révèle les secrets de l'évolution des premiers animaux

De grands blocs de gènes conservés au cours de centaines de millions d'années d'évolution permettent de comprendre comment les premiers chromosomes animaux sont apparus.

De nouvelles recherches ont montré que des blocs de gènes liés peuvent conserver leur intégrité et être suivis au cours de l'évolution. Cette découverte est à la base de ce que l'on appelle la tectonique des génomes (photo).

Les chromosomes, ces faisceaux d'ADN qui se mettent en scène dans le ballet mitotique de la division cellulaire, jouent un rôle de premier plan dans la vie complexe. Mais la question de savoir comment les chromosomes sont apparus et ont évolué a longtemps été d'une difficulté décourageante. C'est dû en partie au manque d'informations génomiques au niveau des chromosomes et en partie au fait que l'on soupçonne que des siècles de changements évolutifs ont fait disparaître tout indice sur cette histoire ancienne.

Dans un article paru dans Science Advances, une équipe internationale de chercheurs dirigée par Daniel Rokhsar, professeur de sciences biologiques à l'université de Californie à Berkeley, a suivi les changements survenus dans les chromosomes il y a 800 millions d'années.  Ils ont identifié 29 grands blocs de gènes qui sont restés identifiables lors de leur passage dans trois des plus anciennes subdivisions de la vie animale multicellulaire. En utilisant ces blocs comme marqueurs, les scientifiques ont pu déterminer comment les chromosomes se sont fusionnés et recombinés au fur et à mesure que ces premiers groupes d'animaux devenaient distincts.

Les chercheurs appellent cette approche "tectonique du génome". De la même manière que les géologues utilisent leur compréhension de la tectonique des plaques pour comprendre l'apparition et le mouvement des continents, ces biologistes reconstituent comment diverses duplications, fusions et translocations génomiques ont créé les chromosomes que nous voyons aujourd'hui.

Ces travaux annoncent une nouvelle ère de la génomique comparative : Auparavant, les chercheurs étudiaient des collections de gènes de différentes lignées et décrivaient les changements une paire de bases à la fois. Aujourd'hui, grâce à la multiplication des assemblages de chromosomes, les chercheurs peuvent retracer l'évolution de chromosomes entiers jusqu'à leur origine. Ils peuvent ensuite utiliser ces informations pour faire des prédictions statistiques et tester rigoureusement des hypothèses sur la façon dont les groupes d'organismes sont liés.

Il y a deux ans, à l'aide de méthodes novatrices similaires, M. Rokhsar et ses collègues ont résolu un mystère de longue date concernant la chronologie des duplications du génome qui ont accompagné l'apparition des vertébrés à mâchoires. Mais l'importance de cette approche n'est pas purement rétrospective. En faisant ces découvertes, les chercheurs apprennent les règles algébriques simples qui régissent ce qui se passe lorsque les chromosomes échangent des parties d'eux-mêmes. Ces informations peuvent orienter les futures études génomiques et aider les biologistes à prédire ce qu'ils trouveront dans les génomes des espèces qui n'ont pas encore été séquencées.

"Nous commençons à avoir une vision plus large de l'évolution des chromosomes dans l'arbre de la vie", a déclaré Paulyn Cartwright, professeur d'écologie et de biologie évolutive à l'université du Kansas. Selon elle, les scientifiques peuvent désormais tirer des conclusions sur le contenu des chromosomes des tout premiers animaux. Ils peuvent également examiner comment les différents contenus des chromosomes ont changé ou sont restés les mêmes - et pourquoi - à mesure que les animaux se sont diversifiés. "Nous ne pouvions vraiment pas faire cela avant de disposer de ces génomes de haute qualité". 

Ce que partagent les anciens génomes

Dans l'étude publiée aujourd'hui, Rokhsar et une grande équipe internationale de collaborateurs ont produit le premier assemblage de haute qualité, au niveau des chromosomes, du génome de l'hydre, qu'ils décrivent comme un modèle de "vénérable cnidaire". En le comparant à d'autres génomes animaux disponibles, ils ont découvert des groupes de gènes liés hautement conservés. Bien que l'ordre des gènes au sein d'un bloc soit souvent modifié, les blocs eux-mêmes sont restés stables sur de longues périodes d'évolution.

Lorsque les scientifiques ont commencé à séquencer les génomes animaux il y a une vingtaine d'années, beaucoup d'entre eux n'étaient pas convaincus que des groupes de gènes liés entre eux sur les chromosomes pouvaient rester stables et reconnaissables au cours des éons, et encore moins qu'il serait possible de suivre le passage de ces blocs de gènes à travers pratiquement toutes les lignées animales.

Les animaux ont divergé de leurs parents unicellulaires il y a 600 ou 700 millions d'années, et "être capable de reconnaître les morceaux de chromosomes qui sont encore conservés après cette période de temps est étonnant", a déclaré Jordi Paps, un biologiste de l'évolution à l'Université de Bristol au Royaume-Uni.

"Avant de disposer de ces données sur les chromosomes entiers, nous examinions de petits fragments de chromosomes et nous observions de nombreux réarrangements", a déclaré M. Cartwright. "Nous supposions donc qu'il n'y avait pas de conservation, car les gènes eux-mêmes dans une région du chromosome changent de position assez fréquemment."

Pourtant, bien que l'ordre des gènes soit fréquemment remanié le long des chromosomes, Rokhsar a eu l'intuition, grâce à ses études antérieures sur les génomes animaux, qu'il y avait une relative stabilité dans les gènes apparaissant ensemble. "Si vous comparez une anémone de mer ou une éponge à un être humain, le fait que les gènes se trouvent sur le même morceau d'ADN semble être conservé", explique Rokhsar. "Et le modèle suggérait que des chromosomes entiers étaient également conservés". Mais cette notion n'a pu être testée que récemment, lorsque suffisamment d'informations génomiques à l'échelle du chromosome sur divers groupes d'animaux sont devenues disponibles.

Inertie génomique

Mais pourquoi des blocs de gènes restent-ils liés entre eux ? Selon Harris Lewin, professeur d'évolution et d'écologie à l'université de Californie à Davis, qui étudie l'évolution des génomes de mammifères, une des explications de ce phénomène, appelé synténie, est liée à la fonction des gènes. Il peut être plus efficace pour les gènes qui fonctionnent ensemble d'être physiquement situés ensemble ; ainsi, lorsqu'une cellule a besoin de transcrire des gènes, elle n'a pas à coordonner la transcription à partir de plusieurs endroits sur différents chromosomes. 

Ceci explique probablement la conservation de certains ensembles de gènes dont l'agencement est crucial : les gènes Hox qui établissent les plans corporels des animaux, par exemple, doivent être placés dans un ordre spécifique pour établir correctement le schéma corporel. Mais ces gènes étroitement liés se trouvent dans un morceau d'ADN relativement court. M. Rokhsar dit qu'il ne connaît aucune corrélation fonctionnelle s'étendant sur un chromosome entier qui pourrait expliquer leurs résultats.

(Ici une image décrit les différents types de fusion de chromosomes et l'effet de chacun sur l'ordre des gènes qu'ils contiennent.)

C'est pourquoi Rokhsar est sceptique quant à une explication fonctionnelle. Elle est séduisante ("Ce serait le résultat le plus cool, d'une certaine manière", dit-il) mais peut-être aussi inutile car, à moins qu'un réarrangement chromosomique ne présente un avantage fonctionnel important, il est intrinsèquement difficile pour ce réarrangement de se propager. Et les réarrangements ne sont généralement pas avantageux : Au cours de la méiose et de la formation des gamètes, tous les chromosomes doivent s'apparier avec un partenaire correspondant. Sans partenaire, un chromosome de taille inhabituelle ne pourra pas faire partie d'un gamète viable, et il a donc peu de chances de se retrouver dans la génération suivante. De petites mutations qui remanient l'ordre des gènes à l'intérieur des chromosomes peuvent encore se produire ("Il y a probablement une petite marge d'erreur en termes de réarrangements mineurs, de sorte qu'ils peuvent encore se reconnaître", a déclaré Cartwright). Mais les chromosomes brisés ou fusionnés ont tendance à être des impasses.

Peut-être que dans des groupes comme les mammifères, qui ont des populations de petite taille, un réarrangement pourrait se propager de façon aléatoire par ce qu'on appelle la dérive génétique, suggère Rokhsar. Mais dans les grandes populations qui se mélangent librement, comme celles des invertébrés marins qui pondent des centaines ou des milliers d'œufs, "il est vraiment difficile pour l'un des nouveaux réarrangements de s'imposer", a-t-il déclaré. "Ce n'est pas qu'ils ne sont pas tentés. C'est juste qu'ils ne parviennent jamais à s'imposer dans l'évolution."

Par conséquent, les gènes ont tendance à rester bloqués sur un seul chromosome. "Les processus par lesquels ils se déplacent sont tout simplement lents, sur une échelle de 500 millions d'années", déclare Rokhsar. "Même s'il s'est écoulé énormément de temps, ce n'est toujours pas assez long pour qu'ils puissent se développer".

( une image avec affichage de données montre comment des blocs de gènes ont eu tendance à rester ensemble même lorsqu'ils se déplaçaient vers différents chromosomes dans l'évolution de cinq premières espèces animales.)

L'équipe de Rokhsar a toutefois constaté que lorsque ces rares fusions de chromosomes se produisaient, elles laissaient une signature claire : Après une fusion, les gènes des deux blocs s'entremêlent et sont réorganisés car des "mutations d'inversion" s'y sont accumulées au fil du temps. En conséquence, les gènes des deux blocs se sont mélangés comme du lait versé dans une tasse de thé, pour ne plus jamais être séparés. "Il y a un mouvement entropique vers le mélange qui ne peut être annulé", affirme Rokhsar.

Et parce que les processus de fusion, de mélange et de duplication de blocs génétiques sont si rares, irréversibles et spécifiques, ils sont traçables : Il est très improbable qu'un chromosome se fracture deux fois au même endroit, puis fusionne et se mélange avec un autre bloc génétique de la même manière.

Les signatures de ces événements dans les chromosomes représentent donc un nouvel ensemble de caractéristiques dérivées que les biologistes peuvent utiliser pour tester des hypothèses sur la façon dont les espèces sont liées. Si deux lignées partagent un mélange de deux blocs de gènes, le mélange s'est très probablement produit chez leur ancêtre commun. Si des lignées ont deux ensembles de mêmes blocs de gènes, une duplication du génome a probablement eu lieu chez leur ancêtre commun. Cela fait des syntéries un "outil très, très puissant", a déclaré Oleg Simakov, génomiste à l'université de Vienne et premier auteur des articles. 

Empreintes digitales d'événements évolutifs

"L'un des aspects que je préfère dans notre étude est que nous faisons des prédictions sur ce à quoi il faut s'attendre au sein des génomes qui n'ont pas encore été séquencés", a écrit Rokhsar dans un courriel adressé à Quanta. Par exemple, son équipe a découvert que divers invertébrés classés comme spiraliens partagent tous quatre schémas spécifiques de fusion avec mélange, ce qui implique que les événements de fusion se sont produits chez leur ancêtre commun. "Il s'ensuit que tous les spiraliens devraient présenter ces schémas de fusion avec mélange de modèles", écrit Rokhsar. "Si l'on trouve ne serait-ce qu'un seul spiralien dépourvu de ces motifs, alors l'hypothèse peut être rejetée !".

Et d'ajouter : "On n'a pas souvent l'occasion de faire ce genre de grandes déclarations sur l'histoire de l'évolution."

Dans leur nouvel article Science Advances, Simakov, Rokhsar et leurs collègues ont utilisé l'approche tectonique pour en savoir plus sur l'émergence de certains des premiers groupes d'animaux il y a environ 800 millions d'années. En examinant le large éventail de vie animale représenté par les éponges, les cnidaires (tels que les hydres, les méduses et les coraux) et les bilatériens (animaux à symétrie bilatérale), les chercheurs ont trouvé 27 blocs de gènes hautement conservés parmi leurs chromosomes.

Ensuite, en utilisant les règles de fusion chromosomique et génétique qu'ils avaient identifiées, les chercheurs ont reconstitué les événements de mélange au niveau des chromosomes qui ont accompagné l'évolution de ces trois lignées à partir d'un ancêtre commun. Ils ont montré que les chromosomes des éponges, des cnidaires et des bilatériens représentent tous des manières distinctes de combiner des éléments du génome ancestral.

(Pour expliquer les 2 paragraphes précédents une image avec 3 schémas montre la fusion des chromosomes au début de l'évolution pou arriver au 27 blocs de gènes)

Une découverte stimulante qui a été faite est que certains des blocs de gènes liés semblent également présents dans les génomes de certaines créatures unicellulaires comme les choanoflagellés, les plus proches parents des animaux multicellulaires. Chez les animaux multicellulaires, l'un de ces blocs contient un ensemble diversifié de gènes homéobox qui guident le développement de la structure générale de leur corps. Cela suggère que l'un des tout premiers événements de l'émergence des animaux multicellulaires a été l'expansion et la diversification de ces gènes importants. "Ces anciennes unités de liaison fournissent un cadre pour comprendre l'évolution des gènes et des génomes chez les animaux", notent les scientifiques dans leur article.

Leur approche permet de distinguer de subtiles et importantes différences au niveau des événements chromosomiques. Par exemple, dans leur article de 2020, les chercheurs ont déduit que le génome des vertébrés avait subi une duplication au cours de la période cambrienne, avant que l'évolution ne sépare les poissons sans mâchoire des poissons avec mâchoire. Ils ont ensuite trouvé des preuves que deux poissons à mâchoires se sont hybridés plus tard et ont subi une deuxième duplication de leur génome ; cet hybride est devenu l'ancêtre de tous les poissons osseux.

John Postlethwait, génomicien à l'université de l'Oregon, souligne l'importance de la méthode d'analyse de l'équipe. "Ils ont adopté une approche statistique, et ne se sont pas contentés de dire : "Eh bien, il me semble que telle et telle chose s'est produite", a-t-il déclaré. "C'est une partie vraiment importante de leur méthodologie, non seulement parce qu'ils avaient accès à des génomes de meilleure qualité, mais aussi parce qu'ils ont adopté cette approche quantitative et qu'ils ont réellement testé ces hypothèses."

Ces études ne marquent que le début de ce que la tectonique des génomes et  ce que les syntagmes génétiques peuvent nous apprendre. Dans des prépublications récentes partagées sur biorxiv.org, l'équipe de Rokhsar a reconstitué l'évolution des chromosomes de grenouilles, et une équipe européenne s'est penchée sur l'évolution des chromosomes des poissons téléostéens. Une étude parue dans Current Biology a révélé une "inversion massive du génome" à l'origine de la coexistence de formes divergentes chez la caille commune, ce qui laisse entrevoir certaines des conséquences fonctionnelles du réarrangement des chromosomes.

L'hypothèse selon laquelle le mélange de ces groupes de liaisons génétiques pourrait être lié à la diversification des lignées et à l'innovation évolutive au cours des 500 derniers millions d'années est alléchante. Les réarrangements chromosomiques peuvent conduire à des incompatibilités d'accouplement qui pourraient provoquer la scission en deux d'une lignée. Il est également possible qu'un gène atterrissant dans un nouveau voisinage ait conduit à des innovations dans la régulation des gènes. "Peut-être que ce fut l'une des forces motrices de la diversification des animaux", a déclaré Simakov.

"C'est la grande question", a déclaré Lewin. "Il s'agit de véritables bouleversements tectoniques dans le génome, et il est peu probable qu'ils soient sans conséquence".

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/secrets-of-early-animal-evolution-revealed-by-chromosome-tectonics-20220202.Viviane Callier 2 février 2022

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CAPACITÉS COGNITIVES DU DAUPHIN

Au-delà de leur physiologie cérébrale, les dauphins font preuve de capacités extrêmement rares dans le domaine animal. Comme les humains, les dauphins peuvent imiter, aussi bien sur le mode gestuel que sur le mode vocal, ce qui est soi est déjà exceptionnel. Si certains oiseaux peuvent imiter la voix, ils n’imitent pas les attitudes. Les singes, de leur côté, imitent les gestes et non les mots. Le dauphin est capable des deux. Les dauphins chassent les poissons et se nourrissent d’invertébrés, mais ils usent pour ce faire de techniques complexes et variables, acquises durant l’enfance grâce à l’éducation. L’usage des outils ne leur est pas inconnu : un exemple frappant de cette capacité est la façon dont deux dauphins captifs s’y sont pris pour extraire une murène cachée dans le creux d’un rocher à l’intérieur de leur bassin. L’un d’eux a d’abord attrapé un petit poisson scorpion très épineux, qui passait dans le secteur, et l’ayant saisi dans son rostre, s’en est servi comme d’un outil pour extraire la murène de sa cachette. S’exprimant à propos de leur intelligence, le Dr Louis M.Herman, Directeur du Kewalo Basin Marine Mammal Laboratory de l’Université d’Hawaii, note que les dauphins gardent en mémoire des événements totalement arbitraires, sans le moindre rapport avec leur environnement naturel et sans aucune incidence biologique quant à leur existence.

Recherches sur le langage des dauphins

Beaucoup d’humains trouvent intrigante l’idée de communiquer avec d’autres espèces. A cet égard, le dauphin constitue un sujet attractif, particulièrement dans le domaine du langage animal, du fait de ses capacités cognitives et de son haut degré de socialisation. Dès le début des années soixante, c’est le neurologue John Lilly qui, le premier, s’est intéressé aux vocalisations des cétacés. Les recherches de Lilly se poursuivirent durant toute une décennie, tout en devenant de moins en moins conventionnelles. Le savant alla même jusqu’à tester les effets du L.S.D. sur les émissions sonores des dauphins et dut finalement interrompre ses recherches en 1969, lorsque cinq de ses dauphins se suicidèrent en moins de deux semaines. Malheureusement, nombre de découvertes ou de déclarations de John Lilly sont franchement peu crédibles et ont jeté le discrédit sur l’ensemble des recherches dans le domaine du langage animal. De ce fait, ces recherches sont aujourd’hui rigoureusement contrôlées et très méticuleuses, de sorte que les assertions des scientifiques impliquées dans ce secteur restent désormais extrêmement réservées.

Louis Herman est sans doute l’un des plus importants chercheurs à mener des études sur la communication et les capacités cognitives des dauphins. Son instrument de travail privilégié est la création de langues artificielles, c’est-à-dire de langages simples crées pour l’expérience, permettant d’entamer des échanges avec les dauphins. Louis Herman a surtout concentré ses travaux sur le phénomène de la "compréhension" du langage bien plus que sur la "production" de langage, arguant que la compréhension est le premier signe d’une compétence linguistique chez les jeunes enfants et qu’elle peut être testée de façon rigoureuse. En outre, la structure grammaticale qui fonde les langages enseignés s’inspire le plus souvent de celle de l’anglais. Certains chercheurs ont noté qu’il aurait été mieux venu de s’inspirer davantage de langues à tons ou à flexions, comme le chinois, dont la logique aurait parue plus familière aux cétacés. Dans les travaux d’Herman, on a appris à deux dauphins, respectivement nommés Akeakamai (Ake) et Phoenix, deux langues artificielles. Phoenix a reçu l’enseignement d’un langage acoustique produit par un générateur de sons électroniques. Akeakamai, en revanche, a du apprendre un langage gestuel (version simplifiée du langage des sourds-muets), c’est-à-dire visuel. Les signaux de ces langues artificiels représentent des objets, des modificateurs d’objet (proche, loin, gros, petit, etc.) ou encore des actions. Ni les gestes ni les sons ne sont sensés représenter de façon analogique les objets ou les termes relationnels auxquels ils se réfèrent. Ces langages utilisent également une syntaxe, c’est-à-dire des règles de grammaire simples, ce qui signifie que l’ordre des mots influe sur le sens de la phrase. Phoenix a appris une grammaire classique, enchaînant les termes de gauche à droite (sujet-verbe-complément) alors que la grammaire enseignée à Ake allait dans l’autre sens et exigeait de sa part qu’elle voit l’ensemble du message avant d’en comprendre le sens correctement. Par exemple, dans le langage gestuel de Ake, la séquence des signaux PIPE-SURFBOARD-FETCH ("tuyau – planche à surf – apporter") indiquait l’ordre d’amener la planche de surf jusqu’au tuyau, alors que SURFBOARD-PIPE-FETCH ("planche-tuyau- rapporter") signifiait qu’il fallait, au contraire, amener le tuyau jusqu’ à la planche de surf. Phoenix et Ake ont ainsi appris environ 50 mots, lesquels, permutés l’un avec l’autre au sein de séquences courtes, leur permirent bientôt de se servir couramment de plus de mille phrases, chacune produisant une réponse neuve et non apprise.

Compte tenu de l’influence possible de la position dans l’espace des expérimentateurs sur l’expérimentation, les lieux d’apprentissage et les entraîneurs se voyaient changés de session en session. Dans le même temps, des observateurs "aveugles", qui ne connaissaient pas les ordres et ne voyaient pas les entraîneurs, notaient simplement le comportement des dauphins, afin de vérifier ensuite qu’il correspondait bien aux commandes annoncées. Les entraîneurs allaient jusqu’à porter des cagoules noires, afin de ne révéler aucune expression ou intention faciale et se tenaient immobiles, à l’exception des mains. Les dauphins se montrèrent capables de reconnaître les signaux du langage gestuels aussi bien lorsqu’il étaient filmés puis rediffusés sur un écran vidéo que lorsque ces mêmes signes étaient exécutés à l’air libre par l’entraîneur. Même le fait de ne montrer que des mains pâles sur un fond noir ou des taches de lumière blanche reproduisant la dynamique des mains, a largement suffi aux dauphins pour comprendre le message ! Il semble donc que les dauphins répondent davantage aux symboles abstraits du langage qu’à tout autre élément de la communication.

Par ailleurs, si les dauphins exécutent aisément les ordres qu’on leur donne par cette voie gestuelle, ils peuvent également répondre de façon correcte à la question de savoir si un objet précis est présent ou absent, en pressant le levier approprié (le clair pour PRESENT, le sombre pour ABSENT). Ceci démontre évidement leur faculté de "déplacement mental", qui consiste à manipuler l’image d’objets qui ne se trouvent pas dans les environs. Des expériences additionnelles ont conduit à préciser comment le dauphin conçoit l’étiquetage des objets, comment il les qualifie de son point de vue mental. "Nous avons constaté" nous apprend Louis Herman, "qu’au regard du dauphin, le signe CERCEAU n’est pas seulement le cerceau précis utilisé dans le cadre de cette expérience précise, c’est plutôt TOUT OBJET DE GRANDE TAILLE PERCE D’UN GRAND TROU AU MILIEU. Un seul concept général associe donc pour le dauphin les cerceaux ronds, carrés, grands et petits, flottants ou immergés, que l’on utilise généralement lors de la plupart des expériences". Parmi les choses que le Dr Herman estime n’avoir pu enseigner aux dauphins, il y a le concept du "non" en tant que modificateur logique. L’ordre de "sauter au-dessus d’une non-balle" indique en principe que le dauphin doit sauter au-dessus de n’importe quoi, sauf d’une balle ! Mais cela n’est pas compris, pas plus, affirme toujours Herman, que le concept de "grand" ou de "petit".

Communication naturelle chez les dauphins

On sait que les dauphins émettent de nombreux sifflements, de nature très diverse. La fonction de la plupart d’entre eux demeure toujours inconnue mais on peut affirmer aujourd’hui que la moitié d’entre eux au moins constitue des "signatures sifflées". Un tel signal se module dans une fourchette de 5 à 20 kilohertz et dure moins d’une seconde. Il se distingue des autres sifflements - et de la signature de tous les autres dauphins – par ses contours particuliers et ses variations de fréquences émises sur un temps donné, ainsi que le montrent les sonogrammes. Les jeunes développent leur propre signature sifflée entre l’âge de deux mois et d’un an. Ces sifflements resteront inchangés douze ans au moins et le plus souvent pour la durée entière de la vie de l’animal. Par ailleurs, au-delà de leur seule fonction nominative, certains des sifflements du dauphin apparaissent comme de fidèles reproductions de ceux de leurs compagnons et servent manifestement à interpeller les autres par leur nom. Lorsqu’ils sont encore très jeunes, les enfants mâles élaborent leur propre signature sifflée, qui ressemble fort à celle de leur mère. En revanche, les jeunes femelles doivent modifier les leurs, précisément pour se distinguer de leur mère.

Ces différences reflètent sans doute celles qui existent dans les modes de vie des femelles et des mâles. Puisque les filles élèvent leur propre enfant au sein du groupe maternel, un sifflement distinct est donc indispensable pour pouvoir distinguer la maman de la grand mère. La signature sifflée masculine, presque identique à celle de la mère, permet tout au contraire d’éviter l’inceste et la consanguinité. Le psychologue James Ralston et l’informaticien Humphrey Williams ont découvert que la signature sifflée pouvait véhiculer bien plus que la simple identité du dauphin qui l’émet. En comparant les sonogrammes des signatures sifflées durant les activités normales et lors de situations stressantes, ils découvrirent que la signature sifflée, tout en conservant sa configuration générale, pouvait changer en termes de tonalité et de durée et transmettre ainsi des informations sur l’état émotionnel de l’animal. Les modifications causé par cet état émotionnel sur les intonations de la signature varient en outre selon les individus. Les dauphins semblent donc utiliser les sifflement pour maintenir le contact lorsqu’ils se retrouvent entre eux ou lorsqu’ils rencontrent d’autres groupes, mais aussi, sans doute, pour coordonner leur activités collectives. Par exemple, des sifflements sont fréquemment entendus lorsque le groupe entier change de direction ou d’activité.

De son côté, Peter Tyack (Woods Hole Oceanographic Institute) a travaillé aux côtés de David Staelin, professeur d’ingénierie électronique au M.I.T., afin de développer un logiciel d’ordinateur capable de détecter les "matrices sonores" et les signaux répétitifs parmi le concert de couinements, piaulements et autres miaulements émis par les dauphins. Une recherche similaire est menée par l’Université de Singapore (Dolphin Study Group). Avec de tels outils, les chercheurs espèrent en apprendre davantage sur la fonction précise des sifflements.

Dauphins sociaux

Les observations menées sur des individus sauvages aussi bien qu’en captivité révèlent un très haut degré d’ordre social dans la société dauphin. Les femelles consacrent un an à leur grossesse et puis les trois années suivantes à élever leur enfant. Les jeunes s’éloignent en effet progressivement de leur mère dès leur troisième année, restant près d’elle jusqu’à six ou dix ans ! – et rejoignent alors un groupe mixte d’adolescents, au sein duquel ils demeurent plusieurs saisons. Parvenus à l’âge pleinement adulte, vers 15 ans en moyenne, les mâles ne reviennent plus que rarement au sein du "pod" natal. Cependant, à l’intérieur de ces groupes d’adolescents, des liens étroits se nouent entre garçons du même âge, qui peuvent persister la vie entière. Lorsque ces mâles vieillissent, ils ont tendance à s’associer à une bande de femelles afin d’y vivre une paisible retraite. Bien que les dauphins pratiquent bien volontiers la promiscuité sexuelle, les familles matriarcales constituent de fortes unités de base de la société dauphin. Lorsqu’une femelle donne naissance à son premier enfant, elle rejoint généralement le clan de sa propre mère et élève son delphineau en compagnie d’autres bébés, nés à la même saison. La naissance d’un nouveau-né donne d’ailleurs souvent lieu à des visites d’autres membres du groupe, mâles ou femelles, qui s’étaient séparés de leur mère depuis plusieurs années. Les chercheurs ont également observé des comportements de "baby-sitting", de vieilles femelles, des soeurs ou bien encore d’autres membres du groupe, voire même un ancien mâle prenant alors en charge la surveillance des petits. On a ainsi pu observer plusieurs dauphins en train de mettre en place une véritable "cour de récréation", les femelles se plaçant en U et les enfants jouant au milieu ! (D’après un texte du Dr Poorna Pal)

Moi, dauphin.

Mais qu’en est-il finalement de ce moi central au coeur de ce monde circulaire sans relief, sans couleurs constitué de pixels sonores ? C’est là que les difficultés deviennent insurmontables tant qu’un "contact" n’aura pas été vraiment établi par le dialogue car le "soi" lui-même, le "centre de la personne" est sans doute construit de façon profondément différente chez l’homme et chez le dauphin. H.Jerison parle carrément d’une "conscience collective". Les mouvements de groupe parfaitement coordonnés et quasi-simultanés, à l’image des bancs de poissons ou des troupeaux de gnous, que l’on observe régulièrement chez eux, suppose à l’évidence une pensée "homogène" au groupe, brusquement transformé en une "personne plurielle". On peut imaginer ce sentiment lors d’un concert de rock ou d’une manifestation, lorsqu’une foule entière se tend vers un même but mais ces attitudes-là sont grossières, globales, peu nuancées. Toute autre est la mise à l’unisson de deux, trois, cinq (les "gangs" de juvéniles mâles associés pour la vie) ou même de plusieurs centaines de dauphins ensemble (de formidables "lignes de front" pour la pêche, qui s’étendent sur des kilomètres) et là, bien sûr, nous avons un comportement qui traduit un contenu mental totalement inconnu de nous. On sait que lorsqu’un dauphin voit, tout le monde l’entend. En d’autres termes chaque fois qu’un membre du groupe focalise son faisceau de clicks sur une cible quelconque, l’écho lui revient mais également à tous ceux qui l’entourent. Imaginons que de la même manière, vous regardiez un beau paysage. La personne qui vous tournerait le dos et se tiendrait à l’arrière derrière vous pourrait le percevoir alors aussi bien que vous le faites. Cette vision commune, qui peut faire croire à de la télépathie, n’est pas sans conséquence sur le contenu mental de chaque dauphin du groupe, capable de fusionner son esprit à ceux des autres quand la nécessité s’en fait sentir. Ceci explique sans doute la formidable capacité d’empathie des dauphins mais aussi leur fidélité "jusqu’à la mort" quand il s’agit de suivre un compagnon qui s’échoue. Chez eux, on ne se sépare pas plus d’un ami en détresse qu’on ne se coupe le bras quand il est coincé dans une portière de métro ! En d’autres circonstances, bien sûr, le dauphin voyage seul et il "rassemble" alors sa conscience en un soi individualisé, qui porte un nom, fait des choix et s’intègre dans une lignée. Il en serait de même pour l’homme si les mots pouvaient faire surgir directement les images qu’ils désignent dans notre cerveau, sans passer par le filtre d’une symbolisation intermédiaire. Si quelqu’un me raconte sa journée, je dois d’abord déchiffrer ses mots, les traduire en image et ensuite me les "représenter". Notre système visuel étant indépendant de notre système auditif, un processus de transformation préalable est nécessaire à la prise de conscience du message. Au contraire, chez le dauphin, le système auditif est à la fois un moyen de communication et un moyen de cognition "constructiviste" (analyse sensorielle de l’environnement). La symbolisation n’est donc pas nécessaire aux transferts d’images, ce qui n’empêche nullement qu’elle puisse exister au niveau des concepts abstraits. Quant à cette conscience fusion-fission, cet "ego fluctuant à géométrie variable", ils préparent tout naturellement le dauphin à s’ouvrir à d’autres consciences que la sienne. D’où sans doute, son besoin de nous sonder, de nous comprendre et de nous "faire" comprendre. Un dauphin aime partager son cerveau avec d’autres, tandis que l’homme vit le plus souvent enfermé dans son crâne. Ces êtres-là ont décidément beaucoup à nous apprendre...

Auteur: Internet

Info: http://www.dauphinlibre.be/dauphins-cerveau-intelligence-et-conscience-exotiques

[ comparaisons ] [ mimétisme ] [ sémiotique ] [ intelligence grégaire ]

 

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évolution technologique

Intelligence artificielle ou stupidité réelle ?

Bien que le battage médiatique augmente la sensibilisation à l'IA, il facilite également certaines activités assez stupides et peut distraire les gens de la plupart des progrès réels qui sont réalisés.
Distinguer la réalité des manchettes plus dramatiques promet d'offrir des avantages importants aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux consommateurs.

L'intelligence artificielle a acquis sa notoriété récente en grande partie grâce à des succès très médiatisés tels que la victoire d'IBM Watson à Jeopardy et celle de Google AlphaGo qui a battu le champion du monde au jeu "Go". Waymo, Tesla et d'autres ont également fait de grands progrès avec les véhicules auto-propulsés. Richard Waters a rendu compte de l'étendue des applications de l'IA dans le Financial Times : "S'il y a un message unificateur qui sous-tend la technologie grand public exposée [au Consumer Electronics Show] .... c'est : "L'IA partout."

Les succès retentissants de l'IA ont également capturé l'imagination des gens à un tel point que cela a suscité d'autres efforts d'envergure. Un exemple instructif a été documenté par Thomas H. Davenport et Rajeev Ronanki dans le Harvard Business Review. Ils écrirent, "En 2013, le MD Anderson Cancer Center a lancé un projet ""Moon shot " : diagnostiquer et recommander des plans de traitement pour certaines formes de cancer en utilisant le système cognitif Watson d'IBM". Malheureusement, ce système n'a pas fonctionné et en 2017 le projet fut mis en veilleuse après avoir coûté plus de 62 millions de dollars sans avoir été utilisé pour les patients.

Waters a également abordé un autre message, celui des attentes modérées. En ce qui concerne les "assistants personnels à commande vocale", note-t-elle, "on ne sait pas encore si la technologie est capable de remplacer le smartphone pour naviguer dans le monde numérique autrement autrement que pour écouter de la musique ou vérifier les nouvelles et la météo".

D'autres exemples de prévisions modérées abondent. Generva Allen du Baylor College of Medicine et de l'Université Rice a avertit , "Je ne ferais pas confiance à une très grande partie des découvertes actuellement faites qui utilisent des techniques de machine learning appliquées à de grands ensembles de données". Le problème, c'est que bon nombre des techniques sont conçues pour fournir des réponses précises et que la recherche comporte des incertitudes. Elle a précisé : "Parfois, il serait beaucoup plus utile qu'ils reconnaissent que certains sont vraiment consolidés, mais qu'on est pas sûr pour beaucoup d'autres".

Pire encore, dans les cas extrêmes, l'IA n'est pas seulement sous-performante ; elle n'a même pas encore été mise en œuvre. Le FT rapporte, "Quatre jeunes entreprises européennes sur dix n'utilisent aucun programme d'intelligence artificielle dans leurs produits, selon un rapport qui souligne le battage publicitaire autour de cette technologie.

Les cycles d'attentes excessives suivies de vagues de déception ne sont pas surprenants pour ceux qui ont côtoyé l'intelligence artificielle pendant un certain temps. Ils savent que ce n'est pas le premier rodéo de l'IA. En effet, une grande partie du travail conceptuel date des années 1950. D'ailleurs, en passant en revue certaines de mes notes récentes je suis tombé sur une pièce qui explorait les réseaux neuronaux dans le but de choisir des actions - datant de 1993.

La meilleure façon d'avoir une perspective sur l'IA est d'aller directement à la source et Martin Ford nous en donne l'occasion dans son livre, Architects of Intelligence. Organisé sous la forme d'une succession d'entrevues avec des chercheurs, des universitaires et des entrepreneurs de premier plan de l'industrie, le livre présente un historique utile de l'IA et met en lumière les principaux courants de pensée.

Deux perspectives importantes se dégagent de ce livre.

La première est qu'en dépit des origines et des personnalités disparates des personnes interrogées, il existe un large consensus sur des sujets importants.

L'autre est qu'un grand nombre des priorités et des préoccupations des principales recherches sur l'IA sont bien différentes de celles exprimées dans les médias grand public.

Prenons par exemple le concept d'intelligence générale artificielle (AGI). Qui est étroitement lié à la notion de "singularité" ce point où l'IA rejoindra celle de l'homme - avant un dépassement massif de cette dernière. Cette idée et d'autres ont suscité des préoccupations au sujet de l'IA, tout comme les pertes massives d'emplois, les drones tueurs et une foule d'autres manifestations alarmantes.

Les principaux chercheurs en AI ont des points de vue très différents ; ils ne sont pas du tout perturbés par l'AGI et autres alarmismes.

Geoffrey Hinton, professeur d'informatique à l'Université de Toronto et vice-président et chercheur chez Google, dit : "Si votre question est : Quand allons-nous obtenir un commandant-docteur Data (comme dans Star Trek ) je ne crois pas que ce sera comme çà que ça va se faire. Je ne pense pas qu'on aura des programmes uniques et généralistes comme ça."

Yoshua Bengio, professeur d'informatique et de recherche opérationnelle à l'Université de Montréal, nous dit qu'il y a des problèmes très difficiles et que nous sommes très loin de l'IA au niveau humain. Il ajoute : "Nous sommes tous excités parce que nous avons fait beaucoup de progrès dans cette ascension, mais en nous approchant du sommet, nous apercevons d'autres collines qui s'élèvent devant nous au fur et à mesure".

Barbara Grosz, professeur de sciences naturelles à l'Université de Harvard : "Je ne pense pas que l'AGI soit la bonne direction à prendre". Elle soutient que la poursuite de l'AGI (et la gestion de ses conséquences) sont si loin dans l'avenir qu'elles ne sont que "distraction".

Un autre fil conducteur des recherches sur l'IA est la croyance que l'IA devrait être utilisée pour améliorer le travail humain plutôt que le remplacer.

Cynthia Breazeal, directrice du groupe de robots personnels du laboratoire de médias du MIT, aborde la question : "La question est de savoir quelle est la synergie, quelle est la complémentarité, quelle est l'amélioration qui permet d'étendre nos capacités humaines en termes d'objectifs, ce qui nous permet d'avoir vraiment un plus grand impact dans le monde, avec l'IA."

Fei-Fei Li, professeur d'informatique à Stanford et scientifique en chef pour Google Cloud dit lui : "L'IA en tant que technologie a énormément de potentiel pour valoriser et améliorer le travail, sans le remplacer".

James Manyika, président du conseil et directeur du McKinsey Global Institute, fait remarquer que puisque 60 % des professions ont environ un tiers de leurs activités qui sont automatisables et que seulement environ 10 % des professions ont plus de 90 % automatisables, "beaucoup plus de professions seront complétées ou augmentées par des technologies qu'elles ne seront remplacées".

De plus, l'IA ne peut améliorer le travail humain que si elle peut travailler efficacement de concert avec lui.

Barbara Grosz fait remarquer : "J'ai dit à un moment donné que 'les systèmes d'IA sont meilleurs s'ils sont conçus en pensant aux gens'". Je recommande que nous visions à construire un système qui soit un bon partenaire d'équipe et qui fonctionne si bien avec nous que nous ne nous rendions pas compte qu'il n'est pas humain".

David Ferrucci, fondateur d'Elemental Cognition et directeur d'IA appliquée chez Bridgewater Associates, déclare : " L'avenir que nous envisageons chez Elemental Cognition repose sur une collaboration étroite et fluide entre l'intelligence humaine et la machine. "Nous pensons que c'est un partenariat de pensée." Yoshua Bengio nous rappelle cependant les défis à relever pour former un tel partenariat : "Il ne s'agit pas seulement de la précision [avec l'IA], il s'agit de comprendre le contexte humain, et les ordinateurs n'ont absolument aucun indice à ce sujet."

Il est intéressant de constater qu'il y a beaucoup de consensus sur des idées clés telles que l'AGI n'est pas un objectif particulièrement utile en ce moment, l'IA devrait être utilisée pour améliorer et non remplacer le travail et l'IA devrait fonctionner en collaboration avec des personnes. Il est également intéressant de constater que ces mêmes leçons sont confirmées par l'expérience des entreprises.

Richard Waters décrit comment les implémentations de l'intelligence artificielle en sont encore à un stade assez rudimentaire.

Éliminez les recherches qui monopolisent les gros titres (un ordinateur qui peut battre les humains au Go !) et la technologie demeure à un stade très primaire .

Mais au-delà de cette "consumérisation" de l'IT, qui a mis davantage d'outils faciles à utiliser entre les mains, la refonte des systèmes et processus internes dans une entreprise demande beaucoup de travail.

Ce gros travail prend du temps et peu d'entreprises semblent présentes sur le terrain. Ginni Rometty, responsable d'IBM, qualifie les applications de ses clients d'"actes aléatoires du numérique" et qualifie nombre de projets de "hit and miss". (ratages). Andrew Moore, responsable de l'intelligence artificielle pour les activités de Google Cloud business, la décrit comme "intelligence artificielle artisanale". Rometty explique : "Ils ont tendance à partir d'un ensemble de données isolé ou d'un cas d'utilisation - comme la rationalisation des interactions avec un groupe particulier de clients. Tout ceci n'est pas lié aux systèmes, données ou flux de travail plus profonds d'une entreprise, ce qui limite leur impact."

Bien que le cas HBR du MD Anderson Cancer Center soit un bon exemple d'un projet d'IA "au clair de lune "qui a probablement dépassé les bornes, cela fournit également une excellente indication des types de travail que l'IA peut améliorer de façon significative. En même temps que le centre essayait d'appliquer l'IA au traitement du cancer, son "groupe informatique expérimentait l'utilisation des technologies cognitives pour des tâches beaucoup moins ambitieuses, telles que faire des recommandations d'hôtels et de restaurants pour les familles des patients, déterminer quels patients avaient besoin d'aide pour payer leurs factures, et résoudre les problèmes informatiques du personnel".

Dans cette entreprise, le centre a eu de bien meilleures expériences : "Les nouveaux systèmes ont contribué à accroître la satisfaction des patients, à améliorer le rendement financier et à réduire le temps consacré à la saisie fastidieuse des données par les gestionnaires de soins de l'hôpital. De telles fonctions banales ne sont peut-être pas exactement du ressort de Terminator, mais elles sont quand même importantes.

Optimiser l'IA dans le but d'augmenter le travail en collaborant avec les humains était également le point central d'une pièce de H. James Wilson et Paul R. Daugherty "HBRpiece". Ils soulignent : "Certes, de nombreuses entreprises ont utilisé l'intelligence artificielle pour automatiser leurs processus, mais celles qui l'utilisent principalement pour déplacer leurs employés ne verront que des gains de productivité à court terme. Grâce à cette intelligence collaborative, l'homme et l'IA renforcent activement les forces complémentaires de l'autre : le leadership, le travail d'équipe, la créativité et les compétences sociales de la première, la rapidité, l'évolutivité et les capacités quantitatives de la seconde".

Wilson et Daugherty précisent : "Pour tirer pleinement parti de cette collaboration, les entreprises doivent comprendre comment les humains peuvent le plus efficacement augmenter les machines, comment les machines peuvent améliorer ce que les humains font le mieux, et comment redéfinir les processus commerciaux pour soutenir le partenariat". Cela demande beaucoup de travail et cela va bien au-delà du simple fait de balancer un système d'IA dans un environnement de travail préexistant.

Les idées des principaux chercheurs en intelligence artificielle, combinées aux réalités des applications du monde réel, offrent des implications utiles. La première est que l'IA est une arme à double tranchant : le battage médiatique peut causer des distractions et une mauvaise attribution, mais les capacités sont trop importantes pour les ignorer.

Ben Hunt discute des rôles de la propriété intellectuelle (PI) et de l'intelligence artificielle dans le secteur des investissements, et ses commentaires sont largement pertinents pour d'autres secteurs. Il note : "L'utilité de la propriété intellectuelle pour préserver le pouvoir de fixation des prix est beaucoup moins fonction de la meilleure stratégie que la PI vous aide à établir, et beaucoup plus fonction de la façon dont la propriété intellectuelle s'intègre dans le l'esprit du temps (Zeitgeist) dominant dans votre secteur.

Il poursuit en expliquant que le "POURQUOI" de votre PI doit "répondre aux attentes de vos clients quant au fonctionnement de la PI" afin de protéger votre produit. Si vous ne correspondez pas à l'esprit du temps, personne ne croira que les murs de votre château existent, même si c'est le cas". Dans le domaine de l'investissement (et bien d'autres encore), "PERSONNE ne considère plus le cerveau humain comme une propriété intellectuelle défendable. Personne." En d'autres termes, si vous n'utilisez pas l'IA, vous n'obtiendrez pas de pouvoir de fixation des prix, quels que soient les résultats réels.

Cela fait allusion à un problème encore plus grave avec l'IA : trop de gens ne sont tout simplement pas prêts à y faire face.

Daniela Rus, directrice du laboratoire d'informatique et d'intelligence artificielle (CSAIL) du MIT déclare : "Je veux être une optimiste technologique. Je tiens à dire que je vois la technologie comme quelque chose qui a le potentiel énorme d'unir les gens plutôt que les diviser, et de les autonomiser plutôt que de les désolidariser. Mais pour y parvenir, nous devons faire progresser la science et l'ingénierie afin de rendre la technologie plus performante et plus utilisable." Nous devons revoir notre façon d'éduquer les gens afin de nous assurer que tous ont les outils et les compétences nécessaires pour tirer parti de la technologie.

Yann Lecun ajoute : "Nous n'aurons pas de large diffusion de la technologie de l'IA à moins qu'une proportion importante de la population ne soit formée pour en tirer parti ".

Cynthia Breazeal répéte : "Dans une société de plus en plus alimentée par l'IA, nous avons besoin d'une société alphabétisée à l'IA."

Ce ne sont pas non plus des déclarations creuses ; il existe une vaste gamme de matériel d'apprentissage gratuit pour l'IA disponible en ligne pour encourager la participation sur le terrain.

Si la société ne rattrape pas la réalité de l'IA, il y aura des conséquences.

Brezeal note : "Les craintes des gens à propos de l'IA peuvent être manipulées parce qu'ils ne la comprennent pas."

Lecun souligne : " Il y a une concentration du pouvoir. À l'heure actuelle, la recherche sur l'IA est très publique et ouverte, mais à l'heure actuelle, elle est largement déployée par un nombre relativement restreint d'entreprises. Il faudra un certain temps avant que ce ne soit utilisé par une plus grande partie de l'économie et c'est une redistribution des cartes du pouvoir."

Hinton souligne une autre conséquence : "Le problème se situe au niveau des systèmes sociaux et la question de savoir si nous allons avoir un système social qui partage équitablement... Tout cela n'a rien à voir avec la technologie".

À bien des égards, l'IA est donc un signal d'alarme. En raison de l'interrelation unique de l'IA avec l'humanité, l'IA a tendance à faire ressortir ses meilleurs et ses pires éléments. Certes, des progrès considérables sont réalisés sur le plan technologique, ce qui promet de fournir des outils toujours plus puissants pour résoudre des problèmes difficiles. Cependant, ces promesses sont également limitées par la capacité des gens, et de la société dans son ensemble, d'adopter les outils d'IA et de les déployer de manière efficace.

Des preuves récentes suggèrent que nous avons du pain sur la planche pour nous préparer à une société améliorée par l'IA. Dans un cas rapporté par le FT, UBS a créé des "algorithmes de recommandation" (tels que ceux utilisés par Netflix pour les films) afin de proposer des transactions pour ses clients. Bien que la technologie existe, il est difficile de comprendre en quoi cette application est utile à la société, même de loin.

Dans un autre cas, Richard Waters nous rappelle : "Cela fait presque dix ans, par exemple, que Google a fait trembler le monde de l'automobile avec son premier prototype de voiture autopropulsée". Il continue : "La première vague de la technologie des voitures sans conducteur est presque prête à faire son entrée sur le marché, mais certains constructeurs automobiles et sociétés de technologie ne semblent plus aussi désireux de faire le grand saut. Bref, ils sont menacés parce que la technologie actuelle est à "un niveau d'autonomie qui fait peur aux constructeurs automobiles, mais qui fait aussi peur aux législateurs et aux régulateurs".

En résumé, que vous soyez investisseur, homme d'affaires, employé ou consommateur, l'IA a le potentiel de rendre les choses bien meilleures - et bien pires. Afin de tirer le meilleur parti de cette opportunité, un effort actif axé sur l'éducation est un excellent point de départ. Pour que les promesses d'AI se concrétisent, il faudra aussi déployer beaucoup d'efforts pour mettre en place des infrastructures de systèmes et cartographier les forces complémentaires. En d'autres termes, il est préférable de considérer l'IA comme un long voyage plutôt que comme une destination à court terme.

Auteur: Internet

Info: Zero Hedge, Ven, 03/15/2019 - 21:10

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philosophie occidentale

Le symbolique, l'imaginaire et le réel : Lacan, Lévi-Strauss et Freud

" Tout comportement est communication." Gregory Bateson

Contrairement à l'expérience de la psychanalyse aux Etats-Unis, Freud arriva très tard en France où il fut plus ou moins réfuté par Sartre dans Son "Etre et Néant" avant même son arrivée. Curieusement, c'est à l'apogée de l'existentialisme et de la psychanalyse existentielle, dans les années cinquante et au début des années soixante, qu'un analyste français inconnu de la génération Sartre entama une relecture radicale des textes freudiens.
Son travail devait avoir une telle influence dans les années soixante-dix qu'il sauva entièrement Freud de l'orientation médicale positiviste apportée par la société psychanalytique parisienne, et réintégra son travail dans ce que les Français appellent encore les sciences humaines.
Il s'agit de Jacques Lacan, pilier de l'Ecole freudienne de Paris - styliste hermétique et obscur, conférencier envoûtant, penseur intransigeant et inflexible, profondément préoccupé par ses propres écrits et prérogatives - qui fut interdit par la Fédération internationale lorsque lui et ses collègues, principalement du à des rivalités internes, quittèrent la société parisienne en 1953.
Il y a sans doute plus d'anecdotes dénigrantes, et probablement calomnieuses, qui circulent sur Lacan au sein de l'incestueux climat intellectuel parisien que sur tout autre penseur influent. Mais si le travail de Lacan signifie quelque chose, nous devons séparer les idiosyncrasies personnelles bien connues de Lacan de la contribution unique qu'il apporta à notre compréhension de Freud.

Bien que Lacan ait commencé son oeuvre originale à la fin des années trente, sous l'influence de la phénoménologie et de l'existentialisme husserliens, ce n'est que dans les années soixante qu'il commença à être réellement écouté en France, et ses écrits ne commencèrent à arriver en Angleterre et aux Etats-Unis que récemment. S'attaquant à l'"intellectualisme" français et au culte de l'"expert", à l'"empirisme", tout comme à la "biologisation" britanniques et à l'"adaptation" et au "behaviorisme" américains dans une série de polémiques cinglantes, son seul travail a rendu impossible, à tout penseur français qui se respecte, de continuer à ignorer les textes de Freud. L'intégration de ce texte dans la culture du cogito cartésien a déjà eu des résultats surprenants et féconds. Reste à savoir ce que Lacan va faire passer aux Etats-Unis - où l'enthousiasme même de l'acceptation initiale de Freud par les Américains eut tendance à réduire ses idées à des banalités et ses théories quasi au statut de jeu social.

Nous découvrons maintenant, par exemple, un nouveau retour à la théorie de Breuer-Freud sur la catharsis thérapeutique - autrefois popularisée en tant que "psychodrame" - sous une nouvelle forme de "désublimation répressive" : thérapie du "cri primal". Mais les héros des talk-shows de fin de soirée vont et viennent avec une régularité monotone et, en fin de compte, il nous reste toujours les grandes œuvres du génie pour y méditer : Hegel, Marx, Freud, Dostoïevski, Rousseau, Balzac, pour ne citer que quelques-uns de nos prédécesseurs les plus récents. Et ce que nous découvrons, c'est que nous devons apprendre à lire avant de parler, que nous devons apprendre à les lire d'un point de vue social critique, aussi libre de préjugés ethnocentriques, socioéconomiques et culturels que possible.
En un mot, nous devons apprendre à lire dans une perspective non académique, dans la perspective d'une expérience de vie où ces auteurs et leurs quêtes personnelles font partie de notre quête individuelle et collective. Je préférerais lire l'Interprétation des rêves comme un roman, par exemple, ou le célèbre cas du docteur " psychotique " Schreber comme de la philosophie, ou les Frères Karamazov comme une étude métapsychologique, que l'inverse. Lacan a contribué à rendre ce genre de lecture possible.
Une grande partie de ce que Lacan cherchait à accomplir avec ses étudiants dans les années cinquante n'a plus grand intérêt aujourd'hui, car il s'agissait d'attaques contre la technique thérapeutique d'un groupe de psychanalystes français très peu doués, objectivées et liés à la culture. Mais son attaque contre la "psychologie de l'ego" de praticiens comme Hartmann, Kris et Lbwenstein, ou le "behaviorisme " de Massermann, est toujours valable (Lacan, 1956a ; Wilden, 196Sa : 1-87). Et ceux qui s'y sont opposés avec tant de véhémence en France constatent aujourd'hui qu'ils ne peuvent rejeter ses analyses critiques des textes freudiens et s'appeler encore Freudiens. Mais si Lacann inspira une école française d'analyse qui se veut anti-institutionnelle, anti-psychiatrique et profondément critique à la fois à l'égard de "l'ajustement" de l'individu et de ceux que Marcuse nommait "révisionnistes néofreudiens", il n'a probablement pas fait plus pour les pratiques analytiques que ce qui a été réalisé par des thérapeutes comme Laing, Esterson et Cooper, au Royaume-Uni, et par des gens comme Ruesch, Bateson, Haley, Weakland ou Jackson, aux Etats-Unis.
De plus, la psychanalyse est un privilège socio-économique réservé aux personnes qui ont argent et loisirs pour se faire plaisir. La question de "la guérison" est en tout cas tout à fait débattable, et nous savons bien que la psychologie, la psychiatrie et la psychothérapie en général ont toujours été les véhicules des valeurs du statu quo (à l'exception extraordinaire de Wilhelm Reich, dont les théories ne correspondent malheureusement jamais au niveau élevé de son engagement social).
Et comme la plupart d'entre nous apprenons à vivre avec nos blocages, il est alors très peu probable que nous devions apprendre un jour apprendre à vivre avec les effets aliénants de notre société unidimensionnelle et technologique en ayant à nous préoccuper de psychanalyse ? En tout état de cause, personne, en quête d'une perspective véritablement critique, ne tentera de construire une théorie de l'homme et de la femme essentiellement basée sur la psychologie humaine, car le "discours scientifique" de la psychologie vise à nier ou à omettre le contenu socio-économique collectif à l'intérieur duquel les facteurs psychologiques jouent leur rôle.
J'essaierai de montrer plus loin que l'axiomatique fermeture de la plupart des psychanalystes dans la plénitude de ce contexte - et, je crois, dans sa primauté - génère des problèmes purement logiques dans la théorie, problèmes dont elle n'est pas, logiquement, équipée pour les surmonter. Ainsi, ce qui apparaît dans la théorie logico-mathématique de Bateson de la " double liaison " (chapitre V) comme une oscillation, apparaît nécessairement en psychanalyse, sous une forme ou une autre, comme une théorie de la répétition. Lacan, par exemple, fit appel à Kierkegaard (Repetition, 1843) pour étayer son interprétation de Freud, et pourtant si l'on regarde de près les écrits de Kierkegaard, en particulier les siens propres ou ceux également publiés en 1843, on découvre que la théorie entière dépend de l'incapacité de Kierkegaard à dépasser, de manière logique ou existentielle, les injonctions (doubles liens) paradoxales qu'il reçoit de son environnement familial et social. Par conséquent, le voilà condamné à osciller sans cesse entre un "soit" et un "ou". Ce qui apparaît dans la théorie de Bateson comme une réponse nécessaire aux injonctions émanant des rapports de pouvoir et de domination dans l'ordre social, et qui apparaît généralement dans la psychanalyse, et plus particulièrement chez Lacan, comme de la "compulsion itérative". Ainsi, soit la responsabilité est renvoyée à l'individu (par les "instincts" ou quelque autre métaphore de ces constructions biomécaniques), soit, comme chez Lacan, elle se transforme subtilement en une forme "d'ordre naturel des choses", via les paradoxes que le langage crée dans la condition humaine.
Contrairement à la théorie du double lien, les deux points de vue supposent une homogénéité dans la société qui n'existe tout simplement pas et servent à rationaliser les dominations en refusant de traiter la relation entre pouvoir, connaissance et oppression, ils ne voient pas la différence, dans la société, entre ce que Marcuse appela "répression" et "sur-répression". Malgré l'incompréhension de Marcuse à l'égard du Freud "clinique" - et malgré sa dépendance à la théorie bioénergétique des instincts - la distinction est importante. Peu de théoriciens américains, par exemple, envisageraient sérieusement le calvaire des minorités américaines dans leur lutte pour les droits socio-économiques élémentaires, simplement en termes de "compulsion itératives" telle une révolte contre le père (ou la mère).
Il m'est impossible de parler de Freud ou de Lacan sans utiliser les contributions que Bateson et Marcuse - de manières différentes et même mutuellement opposées - ont apportées à notre compréhension des relations humaines. Il faut d'une part traiter la perception de la psychanalyse et de la psychologie comme des rationalisations des valeurs de notre culture (l'oppression des femmes, en particulier), et d'autre part, montrer comment elles peuvent contribuer à une dévalorisation de ces valeurs. L'analyse de Bateson des relations de pouvoir par la double contrainte est, je crois, essentielle à la théorie sociale et psychologique, et je ne sais comment expliquer la théorie de l'imaginaire de Lacan sans elle. En tout cas, Freud décrit la relation entre l'ego et l'idéal de l'ego en des termes similaires à ceux d'une double liaison (double bind, dans The Ego and the I, Standard Edition, XIX, 34) : "Tu devrais être ainsi (comme ton père), mais tu ne dois pas être ainsi (comme ton père)."
Dans le monde contemporain de la contestation, il n'y a aucune réponse à la façon dont la psychanalyse est régulièrement - et nécessairement - remise en question, si le Freud dont nous parlons est le déterminant hydraulique, instinctif, électromagnétique et entropique que nous pensions tous connaître.
Il y a une réponse, cependant, si nous découvrons la perspective communicationnelle et linguistique derrière l'acceptation explicite ou implicite par Freud des principes mécanistes de la science physique et économique du XIXe siècle. Après tout, la psychanalyse est bien la "cure parlante", comme Lacan n'a jamais manqué d'insister dessus, et les pages des écrits de Freud s'intéressent avant tout au langage. Bien plus intéressante que la théorie de l'ego, de la personnalité et du surmoi, par exemple, est la conception que Freud a de l'inconscient et du rêve comme des scènes (Darstellungen) de distorsions (Entstellungen) et de (re)présentations (Vorstellungen). Mieux que coller à la préoccupation contemporaine pour les systèmes et les structures que la "psychologie de l'ego" de Freud, dans son premier modèle de processus primaires et secondaires. Plus significative que son déterminisme il y a sa théorie de la "surdétermination" du symptôme ou du rêve, qui est un concept proche de la redondance en théorie de l'information et de l'équifinalité en gestaltisme et biologie.
Si nous devons rejeter les principes mécanistes du principe du plaisir, nous pouvons encore découvrir le modèle sémiotique des niveaux de communication dans les premiers travaux de Freud. Plus utile que la "deuxième" théorie du symbolisme (dérivée de Stekel), qui assimile les icônes ou les images (analogues) aux symboles sexuels (Jones, Ferenczi, et al.), est la "première" ou théorie "dialectique", qui dépend de la condensation et du déplacement des signes (Zeichen). Le rêve doit être traduit de l'image en texte avant de pouvoir être interprété (par le rêveur), et la refoulement est, comme le disait Freud en 1896, "un échec de la traduction". De plus, aucune théorie actuelle de la mémoire n'est essentiellement différente de la métaphore originale de Freud sur le "traçage" de voies via les traces de mémoire dans le cerveau.Je reviendrai dans un instant sur une description plus précise de l'orientation sémiotique et linguistique de Freud. Le fait est que, sans le travail de Lacan, je doute que nous aurions découvert ce Freud - bien que l'analyse de Karl Pribram du Projet neuropsychologique pour une psychologie scientifique (1895) aille dans le sens d'une relecture de Freud au moins au niveau de la théorie de l'information et du feedback (Pribram, 1962).
Le problème avec Lacan, c'est qu'à première vue, ses écrits sont presque impossibles à comprendre. Ses Ecrits (1966) - et seul un Lacan pouvait avoir l'orgueil d'intituler son oeuvre simplement "Écrits" - titre peut-être plus à lire comme "discours de schizophrène" - ou comme de la poésie ou autres absurdités, selon vos préjugés et votre tendance au transfert positif ou négatif - que tout autre.
L'hermétisme de Lacan ne peut être excusé - pas plus que son attitude envers le lecteur, qui pourrait s'exprimer ainsi : "aime-le" ou "c'est à prendre ou à laisser". Mais bien que la destruction personnelle de la syntaxe française par Lacan le rende assez ardu même pour le lecteur français, il y a au moins une tradition intellectuelle suffisamment homogène à Paris qui fait que Lacan y est bien moins étranger qu'en Grande-Bretagne ou aux Etats Unis. La tradition phénoménologique, existentialiste et hégélienne-marxiste en France rend moins nécessaire d'expliquer ce que vous entendez par Hegel, ou Husserl, ou Heidegger, ou Kojéve, ou Sartre. Et la plupart des gens reconnaîtront de toute façon une idée, même si vous ne mentionnez pas la source, ou si vous citez ou paraphrasez sans référence, car ce genre de "plagiat" est généralement acceptable en France.
Fait assez significatif cependant, Lacan n'aurait pas pu réaliser son analyse de Freud sans l'influence de l'école de linguistique suisso-américano-russe représentée par Roman Jakobson, qui a longtemps témoigné de l'influence du formalisme russe et du linguistique structurel de Saussure aux Etats-Unis. Mais même cette influence est parvenue indirectement à Lacan. L'influence la plus importante sur Lacan fut celle de l'anthropologue structurel français Claude-Lévi-Strauss, qui rencontra et travailla avec Jakobson à la New School for Social Research de New York, en 1942-1945.

Lévi-Strauss tend à ne pas être très apprécié par les anthropologues américains et britanniques qui sont redevables à la tradition analytique et dite empiriste, ce qui en dit long sur lui. Il est à l'origine d'une nouvelle méthodologie et d'une épistémologie d'accompagnement en sciences humaines en France, généralement appelée "structuralisme". (Aujourd'hui, cependant, le terme désigne simplement une mode, un peu comme l'existentialisme.) Le structuralisme, dans le sens d'une méthodologie non empiriste, non atomiste, non positiviste des lois de la relation, est d'autre part complété par les avancées en théorie des systèmes généraux, en cybernétique non mécanique, en théorie de la communication et en études écologiques. Tant la nouvelle approche structurelle que la nouvelle approche systémique-cybernétique semblent parler en fait d'une véritable révolution épistémologique dans les sciences de la vie et les sciences sociales, dont nous entendrons beaucoup plus parler au cours de la prochaine décennie (si nous y survivons, bien sûr).
Lévi-Strauss chercha à utiliser les travaux des phonologues structuraux sur "l'opposition binaire" des phonèmes en tant que modèle pour l'analyse des mythes et des relations et échanges au sein des sociétés dites "primitives" - dont il a ensuite remis en question le supposé "primitivisme". Constatant qu'un nombre relativement faible d'"oppositions" entre "traits distinctifs" (graves/aigus, voix/silence, etc.) sont suffisants pour former l'infrastructure acoustique de toute langue connue, Lévi-Strauss tenta de découvrir des ensembles analogues d'oppositions dans les systèmes de parenté et dans les mythes. Ses travaux les plus récents se sont concentrés sur le mythe en tant que musique.
Avec tous ces machins douteux dans son approche, Lévi-Strauss a néanmoins introduit un type de signification dans l'étude du mythe - auparavant presque exclusivement axé sur le contenu plutôt que sur la forme - là où ça n'existait pas avant. Comme pour l'œuvre de Lacan - ou celle de Freud - le principal problème du structuralisme lévi-straussien ne réside pas dans la méthodologie, mais dans son application, c'est-à-dire dans les revendications universelles formulées en son nom.
Je reviendrai sur la critique plus détaillée du "structuralisme" dans les chapitres suivants. Pour l'instant, il suffira de donner un exemple bref et purement illustratif de l'utilisation par Lévi-Strauss du concept d'"opposition binaire" dans l'étude du mythe (Lévi-Strauss, 1958 : chap. 11).
Pour lui, le mythe est une représentation diachronique (succession dans le temps) d'un ensemble d'oppositions synchroniques (intemporelles). Il croit que la découverte de ces oppositions synchroniques est une déclaration sur la "structure fondamentale de l'esprit humain". Dans les chapitres suivants, j'analyserai et critiquerai le terme "opposition" - qui cache les catégories de "différence", "distinction", "opposition", "contradiction" et "paradoxe" . Je critiquerai également le concept de relations "binaires" " - qui dissimule toute une série de malentendus sur la communication analogique et numérique en général, et plus particulièrement sur "non", "négation", "exclusion", "zéro" et "moins un", ainsi que sur la relation entre "A" et "non-A". J'essaierai également de démontrer l'idée fausse que Lévi-Strauss se fait de la confusion entre "esprit", "cerveau" et "individu". Ceci est étroitement lié à la conception de Piaget de l'organisme comme "structure paradigmatique", et à l'incapacité, dans la plupart des travaux actuels en sciences de la vie et sciences sociales, de comprendre le problème logico-mathématique et existentiel des frontières et des niveaux dans les systèmes ouverts de communication et d'échange (systèmes impliquant ou simulant la vie ou "esprit", systèmes vivants et sociaux).

La méthode de lecture des mythes de Lévi-Strauss est entièrement nouvelle, simple à comprendre, globale et satisfaisante sur le plan esthétique. Il suggère de regarder le mythe comme on regarderait une partition d'orchestre dans laquelle les notes et les mesures à jouer en harmonie simultanée par différents instruments se sont mêlées à la cacophonie d'une succession linéaire. Ainsi, si nous représentons cette succession par les nombres 1, 2, 4, 7, 8, 2, 3, 4, 6, 8, 1, 4, 5, 7, nous pouvons rétablir la partition originale en mettant tous les nombres semblables ensemble en colonnes verticales :

112234444567788

Cette matrice est exactement ce que l'on peut construire dans l'analyse phonologique d'une phrase, où l'on peut montrer qu'une séquence linéaire de mots se construit sur une succession d'oppositions binaires entre des éléments acoustiques distinctifs.
Malheureusement pour ce que Lévi-Strauss considère comme la clé de voûte de sa méthode, l'analogie qu'il fait entre phonologie structurelle et mythe est fausse, alors que sa méthodologie est extrêmement fertile. Ce problème met en évidence la difficulté centrale de l'utilisation de l'œuvre de Lévi-Strauss et de Lacan. Il faut montrer que les sources supposées de leurs nouvelles contributions aux sciences sociales ne sont pas ce qu'elles pensent être ; il faut démontrer où et comment leurs points de vue servent une fonction idéologique répressive ; et il faut montrer l'inadéquation à la fois de nombreux axiomes de la méthode et de nombreuses applications supposées.

Sans développer une critique détaillée à ce stade, on peut dire d'emblée que c'est une erreur de traiter un système d'oppositions sans contexte entre caractéristiques acoustiques des "bits" des informations (traits caractéristiques) comme étant isomorphe avec un mythe, qui est un système avec un contexte. Le mythe est nécessairement contextuel parce qu'il manipule l'information afin d'organiser et de contrôler certains aspects d'un système social, et il ne peut donc être considéré comme isolé de cette totalité. Contrairement aux "mythemes" de Lévi-Strauss ("éléments constitutifs bruts" du mythe, par analogie avec le "phonème"), les phonèmes sont des bits d'information insignifiants et non significatifs. Les phonèmes et les oppositions phonémiques sont les outils d'analyse et d'articulation (dont la caractéristique fondamentale est la différence) dans un système dans lequel signification et sens sont en dehors de la structure phonémique. Mythemes' et oppositions' entre mythemes, au contraire, impliquent à la fois signification et sens : ils ont 'du contenu'. Lévi-Strauss traite le mythe comme s'il s'agissait d'une langue représentative sous la forme d'une grammaire sans contexte, ou traite les mythemes comme des "informations" au sens technique des systèmes quantitatifs fermés de la transmission des informations comme étudiés par Shannon et Weaver. La science de l'information concerne l'étude statistique des processus stochastiques et des chaînes de Markov (chapitre IX) - et Chomsky a démontré qu'aucun langage connu ne peut être correctement généré à partir d'une grammaire modelée sur ces processus. Il a également été démontré que le langage est un système d'un type logique supérieur à celui qui peut être généré par des algorithmes sans contexte (grammaires).

Bien que Lévi-Strauss parle du mytheme comme d'un caractère "supérieur" à tout élément similaire du langage, le modèle de l'opposition phonémique binaire reste ce qu'il considère comme le fondement scientifique de sa méthode. Ainsi le mytheme devient l'équivalent d'un outil d'articulation (un trait distinctif) employé par un système de signification d'un autre type logique (langage). Lorsque nous cherchons à découvrir ce qu'est cet autre système chez Lévi-Strauss, nous trouvons cette catégorie de "pensée mythique". Mais la pensée mythique est déjà définie sur la base des mythemes eux-mêmes. C'est un système d'articulation des oppositions par "une machine à supprimer le temps" (le mythe). Ce qui manque dans ce cercle, c'est le contexte réel et matériel dans lequel le mythe surgit et auquel il fait référence.
Cependant, Lévi-Strauss insistera sur le fait que sa méthodologie, contrairement au formalisme pur, est bien "contextuelle" (Lévi-Strauss, 1960a). Il se réfère constamment aux catégories de parenté, au contexte zoologique et botanique du mythe et aux caractéristiques des entités matérielles ("crues", "cuites", "pourries" et ainsi de suite). En réalité, cependant, toutes les "entités matérielles" et les "relations matérielles" qu'il emploie parviennent à cette analyse déjà définie, de façon tautologique, comme des catégories de pensée mythique. Par conséquent, le "contexte" qu'évoque Lévi-Strauss est invariablement le contexte des "idées" ou de "l'esprit", qu'il conçoit, comme Kant, comme étant un antécédent de l'organisation sociale, tant épistémologiquement qu'ontologiquement. Au sein de ce cadre idéaliste, il fait ensuite un saut rapide vers les catégories matérielles de la physique et de la chimie, qu'il évoque régulièrement comme le fondement ultime de ses catégories idéales.

Mais entre le contexte des idées et le contexte des atomes et des molécules (ou même celui du code génétique) il manque un niveau d'organisation unique mais énorme : le contexte socio-économique de la réalité humaine. Et ce niveau d'organisation contient un paramètre que l'on ne retrouve pas en physique, en biologie, en sciences de l'information, dans les langages, les idées, ou les mythes considérés comme systèmes d'opposition synchrones : la ponctuation du système par le pouvoir de certaines de ses parties à en exploiter les autres (en incluant la "nature" même). Toutes les idées, tous les électrons et "bits" d'information sont en effet égaux, aucun d'entre eux n'est différent des autres, et aucun groupe n'exploite les autres. Et alors que dans les systèmes qui n'impliquent pas l'exploitation sociale, les mythes peuvent à juste titre être considérés comme remplissant une fonction d'organisation "pure" ou "neutre", dans tous les autres systèmes, les mythes deviennent la propriété d'une classe, caste ou sexe. Un mythe qui est la propriété d'une classe est en fait une définition de l'idéologie. Le mythe cesse alors de servir la fonction neutre d'organisation pure et simple ; il sert de rationalisation d'une forme donnée d'organisation sociale.
L'étude structurelle du mythe est, comme Lévi-Strauss l'a souvent dit, une autre variante des mythes qu'il analyse. Comme eux, c'est un système d'oppositions binaires. Mais ce n'est pas une mécanique pour la suppression du temps, mais pour la suppression de l'histoire. Et puisque le "structuralisme" est effectivement la propriété d'une classe, nous pouvons donc l'identifier comme un système de rationalisation idéologique - ce qui n'est pas la même chose, de dire qu'il n'a aucune valeur.

L'analogie erronée de Lévi-Strauss entre un système sans contexte et un système contextuel - et donc tout l'édifice que les structuralistes ont érigé - provient d'une confusion entre langage et communication. D'une part, une telle confusion n'est possible que dans des théories ponctuées de façon à exclure la catégorie sociale objective de l'exploitation. D'autre part, elle dépend d'une unique isomorphie réelle, qui est ensuite utilisée pour réduire les différents niveaux d'organisation les uns par rapport aux autres : le fait que le langage, les systèmes de parenté, l'étude structurelle des mythes et la science de la phonologie soient des communications numériques (discontinues) au sujet de rapports analogues (continus). Une caractéristique unique de la communication numérique, à savoir qu'il s'agit d'un système de communication comportant limites et lacunes, est réifiée par l'argument structuraliste de sorte qu'il peut être appliqué sans distinction, comme catégorie ontologique implicite, à chaque niveau de complexité où apparaissent des "limites et des lacunes ". De telles formes numériques apparaissent nécessairement, comme instrument de communication, à tous les niveaux de complexité biologique et sociale. Par conséquent, l'argument réductionniste des structuralistes est grandement facilité. De plus, le fait que l'opposition binaire soit aussi une catégorie importante en physique classique (électromagnétisme par exemple) autorise les structuralistes à faire l'erreur épistémologique supplémentaire de confondre matière-énergie et information.

Auteur: Wilden Anthony

Info: Extrait de System and Structure (1972) sur http://www.haussite.net. Trad. Mg

[ anti structuralisme ] [ vingtième siècle ]

 
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parapsychologie

Le pays des aveugles de Koestler (II) (première partie ici)

La section précédente a peut-être donné au lecteur un sentiment de déjà-vu, parce que tout à l'heure j'ai mentionné un autre type de "théorie du filtre" liée à l'évolution. Je me réfère à la théorie néo-darwinienne selon laquelle la substance héréditaire dans les cellules germinales est protégée par une barrière quasi inviolable contre les influences en provenance de l'extérieur. Le "presque" se réfère à l'exception des rayons cosmiques, de la chaleur et des produits chimiques nocifs, qui pourraient pénétrer la barrière et causer des mutations dans les gènes. La plupart d'entre elles sont nuisibles, mais de temps en temps il y a des coups de chance, et cela, grâce à la sélection naturelle, permet à la roue de l'évolution de continuer sa marche. Hors cela, toute possibilité qu'une caractéristique acquise devienne héréditaire est empêchée par cette barrière. Le lamarckisme qui postulait que des améliorations bénéfiques pour les corps ou les compétences acquises par les parents pourraient être transmises à la descendance, doit être écarté comme superstition scientifique. Telle est la doctrine néo-darwinienne. Et pourtant, certains phénomènes évolutifs, cités à maintes reprises dans la littérature, semblent indiquer obstinément un facteur d'évolution lamarckienne.

Un exemple simple en est la peau sur la plante de nos pieds, qui est beaucoup plus épaisse que partout ailleurs. Si l'épaississement s'était produit pendant que le bébé a appris à marcher, il n'y aurait pas de problème. Mais l'épaississement est hérité, le bébé est né avec. Également curieuses sont les callosités innées sur le genou du chameau, et les épaississements bulbeux sur le cul de l'autruche, un à l'avant et un à l'arrière. Ils sont aussi, comme la peau de nos semelles, déjà présents dans l'embryon et sont incontestablement des caractéristiques héritées. Pourtant, en conformité avec le dogme dominant, on nous demande de croire que l'avènement de ces callosités à l'endroit exact où l'animal en a besoin est dû au hasard pur - comme le scarabée apparaissant à la fenêtre de Jung. On pourrait presque remplacer l'ESP par l'IAC (hérédité des caractères acquis) et voir émerger le même schéma d'arguments, et les mêmes passions quasi théologiques qui les accompagnent. Les lamarckiens se sont retrouvés dans une situation similaire à celle des parapsychologues : ils ont été incapables de produire une expérience reproductible. Les cas de IAC apparents dans le règne animal étaient rares, les phénomènes étaient capricieux, chaque cas apparemment net permettait des interprétations différentes et en dernier recours, à des accusations de fraude. En outre, bien que les lamarckiens étaient convaincus que IAC avait lieu, ils furent incapables d'en fournir une explication physiologique - comme les parapsychologues sont incapables de fournir une explication physique de l'ESP.

Ce curieux parallèle semble avoir échappé à l'attention des lamarckiens et des parapsychologues - Je n'ai pas vu mentionné dans la littérature. Peut-être qu'une hérésie c'est assez pour un seul homme. Paul Kammerer partageait les deux à la fois, et pourtant, lui aussi, semble n'avoir pas été au courant de la connexion entre eux. Portons l'analogie un peu plus loin. Dans "The Ghost in the Machine" et "The Case of the Midwife Toad", j'ai examiné les raisons d'un mécontentement croissant avec la théorie néo-darwinienne chez les biologistes contemporains, qui croient que la théorie reflète une partie de l'image, mais pas l'ensemble du tableau, et qui maintiennent que l'évolution des espèces est le résultat combiné d'un éventail de facteurs étiologiques connus, la plupart d'entre eux restant inconnus.

L'héritage de Darwin, et une forme modifiée de l'héritage de Lamarck, peuvent-être deux de ces facteurs à des extrémités opposées du spectre, avec un champ limité d'application à la fois. La IAC Lamarckienne serait un évènement relativement rare - pour la même raison que les phénomènes ESP sont rares: le fonctionnement des filtres de protection. Ceux-ci ne constitueraient pas la barrière absolue prévue par la théorie orthodoxe, mais un des mécanismes sélectifs, pour protéger le matériel héréditaire contre la "floraison et la confusion bourdonnante" des incursions biochimiques qui, autrement, feraient des ravages mettant en cause la continuité et la stabilité de l'espèce. Car si toutes les expériences des ancêtres laissaient des traces héréditaires à leur descendance, le résultat serait inévitablement un chaos de formes et un bordel des instincts. Mais cela ne signifie pas que nous devions exclure la possibilité que certaines modifications bien définies, adaptations intentionnelles - comme les callosités de l'autruche - qui ont été acquises génération après génération, finissent par passer à travers le filtre pour conduire à des changements dans la chimie des gènes en les rendant héréditaires. Il semble très peu probable que le filogenia ne doive posséder aucun souvenir.

La biochimie n'exclut pas la possibilité ci-dessus, et l'insistance presque fanatique de son rejet n'est qu'un exemple de plus de l'intolérance dogmatique de l'orthodoxie scientifique. (Mais : un membre éminent de l'établissement, le professeur Waddington, a effectivement proposé il y a quelques années un modèle provisoire pour l'IAC, ce qui indique que, au stade actuel de la biochimie un tel processus est envisageable.) Il nous faut faire ici une dernière excursion en physique - mais cette fois d'un genre très élémentaire.

Sur l'ombre du bureau en face de moi il y a l'ombre d'un cendrier. De manière ordinaire, il est tout à fait un objet sensible, solide, un tout en soi, sans "non-sens quantique" à son sujet. Mais quand je le soulève, je sens son poids, ce qui signifie qu'il est soumis à une influence assez mystérieuse que nous appelons le champ gravitationnel de la Terre. Et quand je le pousse, il résiste. Ceci est en partie dû au frottement contre le bureau, mais en partie aussi à l'inertie du cendrier massif. Maintenant, l'inertie est définie, selon la première loi du mouvement de Newton, comme la tendance d'un corps à préserver son état de repos ou de mouvement uniforme dans une direction donnée. Mais, si je devais suspendre ce cendrier par un fil au plafond, et en faire une réplique du pendule de Foucault aux Invalides à Paris, le plan de ses oscillations ne resterait pas figé dans la direction donnée, selon le principe que l'inertie nécessite, mais il tournerait lentement, complétant un tour en vingt-quatre heures.

Nous expliquons que c'est causé par la rotation de la terre, et que le pendule cendrier ne fait que préserver sa direction par rapport aux étoiles fixes, donc tout va bien. Toutefois, étant donné que tout mouvement est relatif, nous sommes en droit de considérer la terre comme au repos, avec des étoiles fixes tournant autour d'elle - comme l'imaginaient les anciens, et si c'est le cas, pourquoi les mouvements de mon cendrier doivent-ils être régis par les étoiles, et pas par la terre au-dessous ?

Le même argument s'applique à l'aplatissement des pôles de la terre, ainsi qu'à la force de Coriolis qui soi-disant dévie les missiles, les avions à réaction et les alizés de leur droite inertielle. Tous ces exemples semblent démontrer que la rotation de la terre est absolue et non relative. Ce paradoxe fut souligné par Bishop Berkeley, puis par le physicien allemand Ernst Mach (qui donna nom aux unités de vitesse supersonique). La réponse de Mach c'est que nous sommes en effet en droit de considérer la terre comme au repos, et d'expliquer les phénomènes que nous attribuons à sa rotation, comme causés en quelque sorte par les étoiles fixes et les galaxies - donc, par la masse de l'univers qui nous entoure.

Selon cette théorie, connue comme principe de Mach, c'est l'univers qui nous entoure qui détermine la direction du pendule de Foucault, et régit ainsi les forces d'inertie de la planète responsables de l'aplatissement des pôles. Einstein a repris le principe de Mach et a postulé que l'inertie des corps terrestres n'est qu'une autre manifestation de la gravité, non causé par les étoiles en tant que telles, mais plutôt de leur rotations. C'est la théorie qui prévaut aujourd'hui.

Donc comment la rotation des étoiles donne de l'inertie à mon cendrier reste une pure conjecture. L'inertie est le plus tangible, terre-à-terre, des phénomènes de notre vie quotidienne: vous l'éprouvez chaque fois que vous poussez un meuble. Et pourtant, il a maintenant été démontré que sa résistance aux déplacements est due au fait que nous sommes entouré par la masse en rotation de l'univers.

En 1927, Bertrand Russell, qui souscrivait néanmoins à la relativité einsteinienne, s'est senti poussé à protester ainsi : - On fait valoir que "rotation absolue" peut être remplacée par une "rotation par rapport aux étoiles fixes". Ce qui est formellement correct, mais dire que cette influence vient des étoiles de l'astronomie est scientifiquement incroyable. Whitehead écrit dans la même veine: Il est difficile de prendre au sérieux l'idée que ces phénomènes internes sur terre soient dus à l'influence d'étoiles dans le ciel. Je ne puis me résoudre à croire qu'une petite étoile scintillant dans sa tournée dirige le pendule de Foucault lors de l'exposition de Paris de 1851.

Ainsi, même mon cendrier est un holon, après tout. Ce n'est pas seulement un cendrier ombre sur un bureau ombre Eddington, mais d'une certaine façon, à laquelle ni Einstein ni Mach ne se hasardèrent à donner une explication causale, ses propriétés d'inertie sont reliées à la masse entière de l'univers qui l'entoure. On pourrait aussi bien l'appeler cendrier Mirandole, en se rappelant le passage cité plus tôt: premièrement, il y a l'unité dans les choses où chaque objet est en harmonie avec lui-même, se compose de lui-même, et est cohérent avec lui-même. Deuxièmement, il y a l'unité selon lequel une créature est unie avec les autres, et toutes les parties du monde constituent un tout. C'est le principe même du holon.

Nous avons entendu un choeur entier de lauréats du Nobel de physique nous informer que la matière était morte, de même pour la causalité et le déterminisme. Si c'est le cas, laissez-nous leur donner une sépulture décente, avec un requiem de musique électronique. Il est temps pour nous de tirer les leçons d'un XXe siècle de sciences post-mécanistes et de sortir du carcan que le XIXe siècle matérialiste a imposé à notre perspective philosophique. Paradoxalement, si cette perspective était restée aux côtés de la science moderne elle-même, au lieu de trainer avec un siècle de retard, nous aurions été libérés de cette camisole de force il y a bien longtemps. Il a été dit que la science sait de plus en plus sur de moins en moins. Mais cela s'applique uniquement au processus de spécialisation. On serait tout aussi fondés à dire que nous savons de moins en moins sur de plus en plus.

Cela vaut tout autant pour la procédure de l'unification de la matière et de l'énergie que pour les particules et les ondes, tout ceci dans le delta conceptuel d'une rivière qui se déplace majestueusement dans un océan d'abstractions. Plus la science acquiert des connaissances précises, plus les symboles qu'elle utilise deviennent insaisissables. La chasse au quark commence à ressembler à une quête mystique dans un nuage d'inconnaissance. La science se révèle être la réalisation la plus glorieuse de l'esprit humain - et sa défaite la plus alléchante. Nous sommes devenus bien plus malins depuis Pic de la Mirandole, mais pas beaucoup plus sages quand il s'agit de savoir ce que tout cela signifie. Une fois ceci reconnu, nous pourrions devenir plus réceptifs aux phénomènes qui nous entourent et que de manière unilatérale la science physique nous fait ignorer, pour sentir le courant qui souffle au travers des fentes de l'édifice de la causalité; et accorder plus d'attention aux évènements confluentiels, comprendre les phénomènes paranormaux dans notre concept de normalité, et se rendre compte que nous vivons dans le "royaume des aveugles".

Les conséquences d'un tel changement de conscience ne sont pas prévisibles, et on ne peut s'empêcher de sympathiser avec la déclaration du professeur H. H. Price comme quoi la "recherche psychique est l'une des branches les plus importantes d'enquête que l'esprit humain ait entrepris"; il semble important "de mettre en lumière toute nouvelle sur la nature de la personnalité humaine et sa position dans l'univers", et en même le temps "cela transformera les perspectives et fondations intellectuelles dont dépend toute notre civilisation actuelle".

Ce sont des mots forts d'un professeur d'Oxford en philosophie, mais je ne pense pas qu'il exagère. Ce qu'ils impliquent c'est un plaidoyer pour faire de la parapsychologie, et plus généralement de l'étude de ce que j'ai appelé les "évènements confluentiels" avec un substrat académique respectable et attrayant pour les étudiants, tant professionnels qu'en matières facultatives. Une fois qu'il y aura autant de chercheurs brillants engagés dans ce domaine comme cela existe maintenant pour l'étude de comportements de rats, une percée pourra être en vue. Dans la science-fiction, il est tenu pour acquis que la communication télépathique et la manipulation de la matière psychokinétique seront monnaie courante dans un avenir pas trop lointain, et la science-fiction s'est avéré être une prophétesse étonnamment fiable. Une autre de ses hypothèses courantes est que des êtres intelligents d'autres planètes de l'univers ont une maîtrise avancée de ces méthodes. Il est également possible, cependant, que dans ce domaine particulier, nous soyons une espèce sous-privilégiée - avec nos handicaps propres.

Le grand dessein de l'évolution vers des formes supérieures de l'unité dans la diversité n'exclut pas monstres et autres ratés biologiques, ni leurs évolutions pathologiques. Je ne pense pas que l'univers soit une institution charitable, mais nous devons vivre en lui et en tirer le meilleur parti. Les limites de notre matériel biologique nous condamnent peut-être au simple rôle de spectateurs devant la serrure de l'éternité. Mais au moins, retirons ce qui, devant ou dans la serrure, limite encore notre point de vue. [Note : Dans la vaste littérature sur la parapsychologie contemporaine, j'ai été particulièrement impressionné par les écrits de deux femmes - Rosalind Heywood, à qui ce livre est dédié, et Renee Haynes, auteur de The Hidden Springs et le roi philosophe, et rédactrice en cheffe du Journal de la Society for Psychical Research.

En écrivant cet essai sur un champ où même les anges craignent de marcher, j'ai avancé avec grande prudence, essayant surtout m'en tenir aux résultats expérimentaux de recherche en laboratoire, omettant toutes les soi-disant "preuves anecdotiques" - c'est-à-dire les manifestations spontanées de phénomènes parapsychologiques de la vie courante qui ne constituent pas des preuves au sens strict. En relisant ces pages avant impression, je sentais que ces limites self-imposées donnent lieu à une certaine partialité, et j'ai demandé à Renee Haynes de rétablir l'équilibre sous la forme d'un post-scriptum. Je lui suis donc reconnaissant d'avoir ajouté ainsi une saveur Yin Yang à mon austère travail.

(Post-scriptum par Renee Haynes)

M. Koestler nous a donné un exposé lucide de données modernes comme l'espace, le temps, la matière, la causalité, la neurophysiologie et la recherche psychique. Une remarquable synthèse en émerge. Son concept de "Janus-faced holons" pourrait bien se révéler comme un vrai stimulant pour notre génération comme le fut l'Elan Vital de Bergson pour les penseurs de la première partie du 20ème siècle. Il est à la fois gratifiant et grandiose être mandé pour écrire l'épilogue d'un tel travail, surtout afin qu'il suscite une discussion ultérieure. Si cet épilogue touche parfois à l'argumentaire, j'espère qu'on me le pardonnera.

J'ai été impressionné par la description de M. Koestler de la physique contemporaine. Avec ses termes infiniment abstraits, ses interactions mathématiques vérifiables, son univers visible, la danse de l'énergie, les choses prévisible et les folies imprévisibles, tantôt ici, tantôt là, maintenant nulle part et ensuite de retour, explosant tout le réseau propre à la pensée de Newton. C'est par ailleurs un exemple fascinant de synchronicité que deux physiciens et parapsychologues en viennent à utiliser le terme psi pour indiquer ce qui est encore inconnu; un curieux flash verbal qui pourrait servir à indiquer un terrain d'entente entre les deux disciplines. Pour moi, cependant, comme pour beaucoup d'autres, l'imagerie mathématique qui vient naturellement au calculateur est beaucoup plus difficile à comprendre, à rapporter à l'expérience de vie, que celle donnée par l'impact immédiat des sens.

Il est plus facile pour des gens comme nous de penser dans l'idiome d'une perception "ordinaire", ce processus monnaie courante, que dans le langage de formules algébriques, quelle que soit leur vérité et leur élégance. C'est par l'imagerie de la vue, l'ouïe, le toucher, l'odorat, la température, que la connaissance paranormale, comme la mémoire, apparait souvent dans l'esprit conscient (souvent, mais pas toujours. Ce peut être une impression soudaine que quelque chose s'est passé, ou pas plus qu'une impulsion inexplicable pour agir, courir hors d'une maison qui sera bientôt bombardé, ou entreprendre une tâche fastidieuse de voyage en cross-country pour voir un enfant à l'école, qui se révèle être tout à coup, dangereusement malade. (Cf. Cf. Arm Bridge, Moments of Knowing. London, 1970)

Pour cette raison, je tiens à souligner la valeur des phénomènes spontanés à la recherche psychique. Aussi déroutants, irremplaçables, uniques et personnels que de tels évènements puissent être, fait est qu'ils ne se produisent, que des hallucinations, certaines impressions de veille ou des rêves d'apparence réelle peuvent être mis en corrélation avec des évènements objectifs inconnus à la personne concernée, très éloignée ou il y a longtemps ou pas encore adoptée, a été maintes fois dit clairement, à la fois avant et après l'enquête systématique qui a débuté dans les années 1880. Même maintenant, bien sûr, de tels évènements sont souvent rejetés au mieux comme "anecdotiques", ou comme racontars de vieilles femmes, voire comme absurdités superstitieuses. De même, ce rapport tout à fait exact que les habitants de St. Kilda attrapèrent un rhume que quand un navire vint, fait rapporté par le Dr Johnson comme étant contraire à tout bon sens, ne fut accepté comme un état de fait que quand la théorie des germes de la maladie furent mis en place. Beaucoup de cas spontanés du paranormal - prise de conscience télépathique, "apparitions" perçues alors que la personne "vue" se trouvait en danger ou en train de mourir, apparition soudaine d'une douleur inexplicable au moment où est vécue de façon inattendue par une personne aimée au loin - ont été vérifié et selon des normes de preuve acceptables par une cour de justice. Tout cela donne du poids à un nombre toujours plus grand d'autres cas qui, bien que le narrateur ne le sache pas, tombent dans le même schéma, comme le Dr Louisa Rhine et d'autres l'ont fait remarquer. (Cf. Louisa Rhine, Hidden Channels of the Mind. London, 1962, and G. W. Lambert's Foreword to Andrew MacKenzie, Ghosts and Apparitions. London, 1971.)

La perception extra-sensorielle Spontanée se produit très certainement non seulement chez les humains, qui ont des mots pour décrire leurs expériences, mais chez les animaux, dont les sentiments ne peuvent être évalués que par leur apparence et leur comportement. Ce n'est pas toujours facile à interpréter parce que beaucoup d'entre eux ont des pouvoirs sensoriels qui nous manquent. Des rats adultes, par exemple, peuvent "sentir" les rayons X. Des bébés rongeurs d'une autre race ont été montré comme pouvant communiquer par ultrasons avec leurs mères, comme les dauphins de tous âges le font parfois les uns avec les autres. Ainsi comme il aurait été facile et faux - de produire une explication paranormale à cet épisode observé dans "la maison de l'attaché militaire américain d'une capitale étrangère non identifié". Le chien de la famille, hurlant et gémissant et "de toute évidence en souffrance, semblait être dans un vrai combat contre un ennemi dans le coin de la pièce". Les planchers furent enlevés et on trouva "un dispositif de transmission radio pour toutes les conversations dans la chambre". Lorsqu'il était allumé, il produisait un son trop aigu pour que l'oreille humaine l'entende, mais qui tourmentait le chien.

Mais il y a tout de même, bien authentifiés, des cas de comportement animaux qui semblent seulement donner sens qu'en termes de paranormal. Comme le chien ou le chat domestique qui, pris dans un panier fermé en voiture ou en train sur de longues distances, revient par le plus direct des cross-countries à la maison. Il y a ce récent rapport de la presse française d'un chien appartenant à un ouvrier qui l'avait quitté avec sa famille alors qu'il avait été envoyé dans une autre partie du pays pour une affectation temporaire. Le chien disparut de la maison et plus tard, mince et épuisé, il retrouvait son maître dans un endroit où il n'avait jamais été auparavant. Il y a aussi ces épisodes fréquents dans lesquels chiens ou les chats semblent être au courant de ce qui se passe à distance et deviennent surexcités dans leurs chenils au moment précis où leurs propriétaires commencent leur voyage de retour de vacances. Quelle que soit la distance. Il y a encore cet autre parallèle à faire entre les humains et les autres êtres vivants.

Comme JD Carthy l'a dit: "les animaux ne réagissent pas automatiquement à un signal, mais seulement si leur motivation est grande. Un animal repu ne réagit pas à un appel alimentaire. "M. Koestler a noté un angle différent (p.128 et suivantes) Que cela s'applique à l'homme ainsi que les animaux, dans la vie ordinaire que dans des conditions expérimentales. Ainsi, dans une rue animée d'un petit garçon d'un tour mécanique remarquerez marques de voitures, spécialiste de l'urbanisme de la circulation, une femme anxieuse de se croiser avec un enfant fatigué le mépris collectif impersonnel des pilotes pour ceux pied sur. En est de même de la perception extrasensorielle. En cela aussi, les gens deviennent très conscients de ce qui concerne eux-mêmes et leurs sentiments personnels. Pour évoquer une réponse instantanée forte de toute créature vivante un signal, sensorielle ou extra-sensorielle, doit être pertinente, pertinents aux besoins biologiques, à un stress émotionnel, à ce que Gerard Manley Hopkins appelé paysage intérieur.

C'est bien sûr pourquoi les expériences reproductibles dans la recherche psychique sont si difficiles à atteindre. L'intérêt qui pousse les gens à y participer est érodé par la répétition mécanique ennuyeuse, et l'effet de déclin qui se manifeste, tôt ou tard, en conformité avec les tempéraments, les humeurs et les relations personnelles des personnes concernées. Mis à part l'ennui cumulatif qu'elles engendrent par ailleurs, les expériences avec les cartes, les dés, des lumières et ainsi de suite ne tiennent pas compte de l'ambiance au sein de laquelle fonctionne l'esprit humain. Comme on l'a fait remarquer, "la cognition Paranormale est symbolique d'une manière associative; ainsi, M. Jones pourrait être impliqué dans un rêve ou la cognition paranormale parle d'un lion parce qu'il vit près du zoo, a un tempérament de lion ou une relation appelée Leo.

Pour des cartes à deviner avec un pack ordinaire le percipient pour marquer un coup direct dois dire littéralement "le dix de pique". La remarque "Dix hommes honnêtes" [qui appellent un chat un chat] serait considérée comme totalement hors de propos. Le premier groupe d'expériences au Laboratoire de rêve du Centre Maimonides Medical, * 1 résumée aux pages 37-8, allait dans le sens en vue de corriger cette difficulté, mais leurs résultats, bien que suggestifs, étaient difficiles à évaluer. C'est en partie parce que le pouvoir de visualiser varie donc considérablement d'une personne à une autre. Certaines personnes ont une mémoire photographique, un certain sélective, certains peuvent se rappeler le nom, mais pas les apparences des choses. En plus de tout ça tout le monde perçoit et exprime ses sentiments à travers un réseau d'associations, d'images et de symboles uniques à sa propre personne, d'autres découlent de son modèle de culture, la plupart des événements de sa vie individuelle. Une série d'expériences plus tard * en utilisant des cibles moins spécifiques - et pas seulement des images mais des sujets généraux tels que les religions d'Extrême-Orient, les productions artistiques des schizophrènes, la naissance d'un bébé, toutes illustrées pour l'agent par des vues et des bruits - semble avoir contourné certains des problèmes précédents. Il semble que cette méthode ait vraiment été couronnée de succès dans la communication télépathique sur l'humeur et la qualité d'une expérience. 

Cette question de la qualité par opposition à la mesure dans la recherche psychique comme dans de nombreux autres sujets me semble émerger avec de plus en plus d'urgence. On ne peut pas l'ignorer simplement parce qu'il est mal à l'aise et que c'est difficile à traiter. C'est pertinent pour la science, la philosophie, et tout le concept de synchronicité. Mais (parce que c'est tellement plus facile d'accumuler et de quantifier des données que de réfléchir sur leur signification) les notions de qualité et de sens qui comptent le plus pour les hommes ont tendance à être balayés. C'est une des raisons pourquoi ce livre est si précieux. Il se bat avec sens, intègre des faits.

Pourtant, je tiens à souligner le thème encore plus. La mesurable et le calculable peuvent servir la qualité, mais en diffèrent en nature. "Le son du cor le soir au fond des bois", "L'écume des mers périlleuses dans les terres désolées féeriques", "une profonde et troublante noirceur" - ces phrases peuvent être comprises et expérimentées instantanément en ce sens, mais elles ne sont pas susceptibles d'une analyse scientifique ou de quantification.

De même, vous ne pouvez pas avoir une tonne d'amour (en dépit de la façon dont les filles l'utilisent pour signer leurs lettres), soit un mètre de haine ou un gallon de pétrole de crainte, mais l'amour, la haine et la crainte sont tout aussi réels qu'une tonne de farine, une aune de toile ou d'un gallon d'essence, plus réel en effet, parce qu'ils ont une signification immédiate, ce ne sont pas de simples actions comme faire du pain cas ou remplir un oreiller. C'est une qualité, signifiant, qui clignote comme une étoile filante via la synchronicité, de même que, curieusement, à l'autre bout du spectre psychophysique, ça s'enflamme à travers des phénomènes de poltergeist "maisons hantées" *** maintenant considérés comme un effet de chaos profond ou la misère humaine s'exprime via un mode psychokinétique pas encore compris. Ainsi, grotesque, effrayant maintenant, les bruits, les pluies de pierres, les bouteilles brisées, les ampoules qui explosent, la modification violente inexplicable d'un équipement électrique symbolisent et exprimer plus directement que les mots ou la musique ou la peinture le conflit intérieur et l'agitation de la personne autour de laquelle tout ceci se produit.

Jung interprète ces phénoménal - comme les détonations chez Freud - comme des cas extrêmes de liens "transpsychiques" de causalité. Dans la vie quotidienne, ils se manifestent bien sûr de façon moins spectaculaire. Je décide d'écrire une phrase et le fonctionnement électrique de mon cerveau, le fonctionnement moteur de mes muscles exécutent cette décision via une chaîne traçable de causes physiques, mais c'était ma décision qui a établi le processus en cours. Il est en outre possible que de telles décisions puissent avoir des effets directs sur des processus biologiques qui ne sont pas en contact physique avec le corps du décideur, comme suggéré dans un article récent de John L. Randall sur "les phénomènes psi et théorie biologique" ****, qui fait référence à des travaux expérimentaux testant les effets psychokinétiques sur l'activité enzymatique, sur les paramécies, sur la croissance des plantes, et sur la cicatrisation des lésions chez la souris. Il fournit par ailleurs la jolie définition suivante générale: "Un phénomène psi est dite avoir eu lieu lorsque des informations sont transmises vers un système physique sans utilisation d'aucune forme connue d'énergie physique."

n peut ainsi distinguer entre différents niveaux: conscience de décision; phénomènes de type poltergeist engendré dans les couches subconscientes de la psyché, et enfin la synchronicité et les coïncidences significatives produites par l'esprit opérant à un autre niveau, inconcevable. Dans ce contexte, je pense qu'il me faut exprimer mon désaccord avec M. Koestler sur ce "sentiment océanique" et son " concept dominant" que "tout est un et un est tout" qui "fait écho à travers des écrits des mystiques chrétiens" (p.108).

Je suis sûre que cela arrive, et que, comme il l'écrit, il s'agit d'un passage vers le haut de la spirale de la conscience symbiotique de l'enfant, l'époque dorée du "temps du rêve" du primitif. Mais je ne pense pas que tous les mystiques, chrétiens ou non, partagent cette conception dominante, et le sentiment d'unité avec l'anima mundi que cela sous tende. Ils sont enflammés par une joie presque intolérable, mais ne sont pas engloutis en elle. Il ne peut y avoir de perception sans percepteur, et le contemplatif se perçoit lui-même suffisamment bien pour savoir s'il se réjouit. C'est comme si le coucher du soleil, ou la chaine de montagnes ou la nuit des étoiles qui les avaient mis en admiration se manifestaient comme étant en vie et les regardaient en retour. Il y a cette mémoire d'une remarque sobre de Francis Bacon, avocat, homme politique, essayiste et chercheur, qui évoqua pour la première fois des méthodes expérimentales pour tester en Angleterre la cognition paranormale. "J'aimerai plutôt croire toutes les fables du Talmud et du Coran que penser toute cette trame universelle sans esprit", un esprit qui est plus qu'un ordinateur mathématique et plus qu'un vaste système nerveux automatique, qui animerait tout ce qui est, aussi efficace et aussi inconscient de lui-même qu'une saine digestion.

Auteur: Koestler Arthur

Info: Internet et Roots of coïncidence. *M. Ullman et S. Krippner, études de rêves et de télépathie. Parapsychology Foundation, New York, 1970. **Stanley Krippner et autres, "bombardement sensoriel à longue distance, une étude de l'ESP dans les rêves." JASPR, vol. 65, n ° 4, Octobre 1971. *** Cf. ARG Owen, peut-on expliquer le Poltergeist? New York, 1964. ** "L'affaire Poltergeist Rosenheim", une communication lue par le Dr Hans Bender, le 11e Congrès annuel de l'Association de parapsychologie de Freiburg, Septembre 1968. Voir aussi JSPR., Vol. 46, n ° 750, Décembre 1970. **** SPR, vol. 46, n ° 749, Septembre 1971.

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