Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 53
Temps de recherche: 0.0453s

harangue

Je sais ce qu’il en coûte à un travailleur d’acquérir le savoir. J’en ai payé le prix avec ma chair et mon sang, en me privant de nourriture et de sommeil, en mettant en jeu ma santé, ma vie presque. Alors, lorsque je viens vous parler d’espérance et de liberté, faire miroiter devant vous ce monde nouveau qu’il vous faut créer de toutes pièces, cette nouvelle organisation du travail qu’il faut avoir l’audace d’imaginer, je ne suis pas surpris de vous trouver terre à terre et matérialistes, apathiques et incrédules. Si je résiste au découragement, c’est que je sais ce que vous avez enduré ; j’ai connu le fouet cuisant de la misère, le mépris cinglant des maîtres, "la morgue du fonctionnaire et toutes les rebuffades". Mais j’ai la certitude que parmi vous qui êtes là ce soir, si nombreux que vous soyez à avoir sombré dans l’abrutissement et l’indifférence, à être venus par simple curiosité ou pour me tourner en ridicule, il y aura au moins un homme que le chagrin et la souffrance auront poussé à bout, à qui la soudaine révélation des injustices et des horreurs du monde aura fait dresser l’oreille.

Auteur: Sinclair Upton Beall Jr.

Info: La jungle

[ prolétariat ] [ Etats-Unis ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

néologisme

Le Whuffie redéfinissait l'essence véritable  de l'argent : autrefois, si vous étiez pauvre mais respecté, vous ne mourriez pas de faim ; à l'inverse, si vous étiez riche et méprisé, aucune somme ne pouvait vous procurer paix et sécurité. En mesurant ce que l'argent représentait réellement - votre capital personnel auprès de vos amis et voisins - vous mesuriez plus précisément votre réussite.

(...)

Quand je suis arrivé sur le parking du Complexe, mon véhicule n'était plus là. Une vérification rapide avec l'ordinateur de poche révéla la catastrophe : mon Whuffie était suffisamment bas pour que quelqu'un y soit monté et soit parti avec, constatant qu'il pouvait en faire un usage plus utile que le mien.  Envahi par un sentiment de découragement, je suis monté dans ma chambre et ai glissé ma clé dans la serrure. Elle a émis un doux _bzzz_ réprobateur et un voyant s'est allumé, indiquant, "Veuillez vous adresser à la réception". Ma chambre avait été réassignée, aussi. Le Wuffie me tirait vers le bas. Au moins, il n'y avait pas de contrôle obligatoire de Whuffie sur le quai du monorail, mais les autres personnes du wagon se montrèrent inamicales à mon endroit, et personne ne me proposa le moindre iota d'espace personnel au-delà du nécessaire. J'avais touché le fond. 

Auteur: Doctorow Cory

Info: Down and Out in the Magic Kingdom, Tor publication, 2003

[ invention imaginaire ] [ science-fiction ] [ états-unis ] [ réputation monétisée ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

langage

Parler est facile, et tracer des mots sur la page,

en règle générale, est risquer peu de chose :

un ouvrage de dentellière, calfeutré,

paisible (on a pu même demander

à la bougie une clarté plus douce, plus trompeuse),

tous les mots sont écrits de la même encre,

"fleur" et "peur" par exemple sont presque pareils,

et j’aurai beau répéter "sang" du haut en bas

de la page, elle n’en sera pas tachée,

ni moi blessé.



Aussi arrive-t-il qu’on prenne ce jeu en horreur,

qu’on ne comprenne plus ce qu’on a voulu faire

en y jouant, au lieu de se risquer dehors

et de faire meilleur usage de ses mains.



Cela,

c’est quand on ne peut plus se dérober à la douleur,

qu’elle ressemble à quelqu’un qui approche

en déchirant les brumes dont on s’enveloppe,

abattant un à un les obstacles, traversant

la distance de plus en plus faible – si près soudain

qu’on ne voit plus que son mufle plus large

que le ciel.



Parler alors semble mensonge, ou pire : lâche

insulte à la douleur, et gaspillage

du peu de temps et de forces qui nous reste.


Auteur: Jaccottet Philippe

Info: Chant d’en bas Editions Gallimard, 1977. Parler, partie 1 sur 8

[ poème ] [ découragement ] [ causer ] [ facilité ] [ écriture ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

normalisation

Infantilisation générale - Un Etat qui vérifie tout à tous les étages
Nous crèverons des spécifications du système. Elles nous éloignent de l'humain. Pour la raison simple que nos politiques, qui sont en fait des gestionnaires (chacun sait que le jeu des idées est bloqué depuis longtemps), se réconfortent en rassurant l'électeur/payeur. Comment ? En justifiant l'utilisation des budgets via un train de certifications qui touchent désormais à l'absurde pour ce qui concerne les reconnaissances des compétences. Je ne parle pas ici de validation des d'acquis. C'est encore pire.
Ce qui donne, pour résultat trop fréquent : une mort du contact, une non reconnaissance de la singularité des gens, certains découragements... et, probablement, un amoindrissement de la qualité des rapports humains. Deux exemples, soigneusement choisis chez des professionnels locaux. Le premier, petit entrepreneur privé, excellent artisan, me dit :
- Non, je voudrai bien mais je ne prends pas d'apprenti, il me faudrait prendre plus de cours que lui si je veux être maître d'apprentissage agréé....
Le second, patron d'une institution (subventionnée) de réhabilitation fort connue de la région.
- Nous avons dû virer les meilleurs encadrants, c'est à dire ceux qui établissaient un véritable contact avec nos patients, parce qu'ils n'avaient pas les bonnes certifications.
Attention les amis ! Nous vivons dans une société qui est en train de se transformer en tableur Excel !
Qui n'est pas, pour moi, l'image d'un monde meilleur.

Auteur: Mg

Info: 7 février 2012

[ société ] [ formatage ] [ déresponsabilisation ]

 

Commentaires: 0

séparation

Père ! dis-je. Chacun suit son destin, mon petit ; les hommes n’y peuvent rien changer. Tes oncles ont étudié. Moi –mais je te l’ai déjà dit : je te l’ai dit, si tu te souviens quand tu es parti pour Conakry…moi, je n’ai pas eu la chance et moins encore la tienne…mais maintenant que cette chance est devant toi, je veux que tu la saisisses ; tu as su saisir la précédente, saisis celle-ci aussi, saisis-la bien ! Il reste dans notre pays tant de choses à faire…Oui, je veux que tu ailles en France ; je le veux aujourd’hui autant que toi-même : on aura besoin ici sous peu d’hommes comme toi…Puisses-tu ne pas nous quitter pour trop longtemps ! Nous demeurâmes un long bout de temps sous la véranda, sans mot dire et à regarder la nuit ; et puis soudain mon père dit d’une voix cassée : promets-moi qu’un jour tu reviendras ? Je reviendrai ! dis-je. Ces pays lointains…dit-il lentement. Il laissa sa phrase inachevée ; il continuait de regarder la nuit. Je le voyais, à la lueur de la lampe-tempête, regarder comme un point dans la nuit, et il fronçait les sourcils comme s’il était mécontent ou inquiet de ce qu’il y découvrait. Que regardes-tu ? dis-je. Garde-toi de jamais tromper personne, dit-il ; sois droit dans ta pensée et dans tes actes ; et Dieu demeurera avec toi. Puis il eut comme un geste de découragement et il cessa de regarder la nuit.

Auteur: Laye Camara

Info: L'enfant noir

[ voyages ] [ afrique ] [ douleur ] [ espoir ] [ dernières paroles ]

 

Commentaires: 0

hommage

Oui, le dandy est un ascète, mais personne ne s'en aperçoit.

C'est un ascète qui recherche l'illusion qu'il a eue au départ, probablement l'illusion de regards de mère et de père conjoints, par rapport à son apparition au monde.

Il recherche d'être reconnu comme fils valeureux de quelqu'un de valeureux, mais il n'a jamais eu quelqu'un de valeureux à imiter.

D'ailleurs, ce sont probablement des enfants précoces, et ils pourraient frôler la folie s'ils n'étaient pas dandys.

Les enfants précoces sont ceux qui deviennent fous et arriérés, ceux qui ne sont pas reconnus comme tels, et qui sont découragés quelques fois à trois ou quatre semaines, et encore plus à trois ou quatre mois.

La folie, ça commence à trois, quatre mois, par déception de ne pas avoir d'interlocuteur qui vous comprenne.

Et l'arriération vient du découragement de ne pas avoir été compris, de ne pas avoir rencontré un sujet.

C'est ça le désir maximum de l'être humain, de rencontrer un sujet qui vous fait être sujet, alors que la plupart d'entre nous, bébés, nous rencontrons des sujets qui nous prennent pour des objets.

Le dandy a tenu, il a réussi à tenir, il n'est pas devenu un délinquant, il n'est pas devenu un arriéré, il n'est pas devenu un psychotique, il est devenu une comète dans sa société, il est discuté et fascinant.

Je pensais aussi un peu à Lacan.

Lacan était un dandy.

Il est mort comme un dandy.

Auteur: Dolto Françoise

Info:

[ singularité ] [ pas-de-côté ] [ développement infantile ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

dernières paroles

Ma petite Paula bien-aimée, fidèle jusqu'au dernier souffle à mon idéal, cet après-midi à 15 heures, je tomberai fusillé. Je te laisse seule avec notre petit garçon chéri. Je ne pense qu'à vous deux. Je vous aime tellement, je t'aime tellement, ma petite chérie. Je te demande pardon de tout le mal que j'ai pu te faire. Tu m'as donné tellement de bonheur.
Maintenant j'y repense ; je revis ces instants de bonheur passés près de toi et près de notre petit garçon chéri.
Sois courageuse, ma petite bien-aimée. Défends notre petit Microbe chéri. Élève-le en homme bon et courageux. Parle-lui souvent de moi, de son "papa-car" qui l'aime tellement, qui vous aime tellement.
Mes derniers instants, je veux les consacrer à vous.
Je te revois, avec notre petit trésor dans les bras, m'attendre à la descente du car. J'entends son rire, je revois tes yeux de maman l'envelopper de tant de tendresse.
Je l'entends m'appeler "papa", "papa" !
Soyez heureux tous les deux et n'oubliez pas votre "papa-car".
Je saurai mourir courageusement et, face au peloton d'exécution, je penserai à vous, à votre bonheur et à votre avenir. Pensez de temps en temps un peu à moi. Du courage, ma Paula bien-aimée.
Il faut élever notre petit garçon chéri. Il faut faire de lui un homme bon et courageux. Son papa lui laisse un nom sans tache. Aux moments de découragement, pense à moi, à mon amour pour vous deux, à mon amour immense qui ne vous quitte pas, qui va vous accompagner partout et toujours.
Ma bien-aimée, ne te laisse pas abattre, tu seras à partir de 15 heures le papa et la maman de notre petit chéri. Sois courageuse et encore une fois pardonne-moi le mal que je t'ai fait.
Te dis, ma Paula bien-aimée, tout mon amour pour toi et notre petit Microbe chéri.
Vous serre tous les deux dans mes bras.
Vous embrasse de tout mon coeur.
Vive la France, Vive la liberté !
Mes amitiés à tous nos amis.

Auteur: Epstein Joseph

Info: 11 avril, à sa femme

[ exécution ]

 

Commentaires: 0

nocturne

L’impénétrable obscurité enserrait le navire de si près qu’il semblait qu’en allongeant la main par-dessus bord on pourrait toucher quelque substance surnaturelle. Cela produisait un effet de terreur inconcevable et de mystère inexprimable. Les rares étoiles au ciel jetaient une lumière indistincte sur le navire seul, sans le moindre miroitement sur l’eau, sous forme de rais séparés perçant une atmosphère transformée en suie. C’était une chose que je n’avais jamais vue auparavant, et qui ne donnait aucune indication sur la direction d’où viendrait n’importe quel changement, comme une menace se refermant sur nous de toutes parts.

Il n’y avait toujours personne à la barre. L’immobilité de toutes choses était absolue. Si l’air était devenu noir, rien ne prouvait que la mer ne fût pas devenue compacte. Il ne servait à rien de regarder dans une direction quelconque, à la recherche du moindre signe, en spéculant sur la proximité de l’instant critique. Le moment venu, l’obscurité submergerait silencieusement la faible clarté des étoiles tombant sur le navire, et la fin de toutes choses viendrait sans un soupir, un mouvement ou un murmure quelconque, et tous nos cœurs cesseraient de battre comme des pendules que l’on n’a pas remontées.

Il était impossible de se débarrasser de ce sentiment d’irrévocabilité. La quiétude qui m’envahit était comme un avant-goût d’annihilation. Elle m’apporta une sorte de réconfort, comme si mon âme s’était soudainement résignée à une éternité d’immobilité aveugle.

Seul l’instinct du marin survivait entier à ma dissolution morale. Je descendis l’échelle vers le gaillard d’arrière. La lueur des étoiles sembla s’effacer avant que j’atteignisse ce point, mais quand je demandai calmement : "Vous êtes là, garçons ?" mes yeux distinguèrent des formes obscures qui se dressaient autour de moi, très peu nombreuses, très indistinctes ; et une voix parla : "On est tous là, capitaine." Une autre rectifia anxieusement :

"Tous ceux qui peuvent être bons à quelque chose, capitaine."

Les deux voix étaient très calmes et assourdies, sans caractéristique particulière d’empressement ou de découragement. Des voix très prosaïques. "Nous devons essayer de carguer la grand-voile", dis-je. Les ombres s’écartèrent de moi sans un mot. Ces hommes étaient les fantômes d’eux-mêmes, et leurs poids sur un cordage ne pouvait être plus que le poids d’une poignée de fantômes. En vérité, si jamais voile fut carguée par la force pure de l’esprit, ce dut être cette voile-là, car à proprement parler, il ne restait pas suffisamment de muscles pour cette tâche à bord du navire, et à plus forte raison dans notre misérable groupe sur le pont. Bien sûr, je mis moi-même la première main à l’ouvrage. Ils errèrent faiblement après moi d’un cordage à l’autre, haletant et trébuchant. Ils peinèrent comme des Titans. Il nous fallut une heure au moins, et tout ce temps l’univers noirci ne produisit aucun son. 

Auteur: Conrad Joseph Teodor Korzeniowski

Info: La ligne d'ombre. Chapitre V. Trad de l’anglais,  Florence Herbulot.

[ maritime ] [ équipage ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

eulogie

En 1720, au retour d’un voyage à Karlsbad, Bach apprend que sa femme Maria Barbara est décédée et déjà mise en terre depuis dix jours ; elle laisse 4 enfants, dont l’aînée a 11 ans et le dernier 5 ans. Bach est très profondément affecté par ce décès. Avant la fin de la même année il reprend la composition de ses sonates et partitas, et modifie notamment la Chaconne. Il y introduit, dans les voix de basse et de médium, deux mélodies de chorals : "Que ta volonté soit faite, Seigneur" et le choral de Luther "Christ gisait dans les liens de la mort".

"Sei Solo", titre associé aux Sonates et Partitas au sein de laquelle se trouve cette chaconne, écrit et signé par Bach lui-même dans son manuscrit, présente une ambiguïté. On lui a faussement donné le sens de "Six Solos", mais l’italien correct serait dans ce cas "Sei Soli". "Sei Solo" veut donc dire : "Tu es seul". Quand on connait l’esprit de Bach, où tout est connecté, où les lettres sont cachées et les chiffres participent à l’architecture, le titre est limpide de sens. Cette chaconne en ré mineur, quitte donc le monde de la danse pour devenir un hommage funèbre, méditation à la fois douloureuse et pleine d’espérance sur la mort qui a déjà frappé ses proches à plusieurs reprises et qui vient de lui arracher sa femme. Mais pour le maître de la musique baroque, la mort n’est pas que séparation, chagrin, solitude ; elle libère le croyant du péché, et dans sa désespérance il affirme sa confiance en s’inclinant devant la volonté de Dieu. Par un contrepoint complexe, c’est-à-dire la superposition de plusieurs mélodies différentes, et par des variations infiniment savantes, il exprime sa lamentation, son découragement, sa peur et sa douleur qui sont le pain des larmes du croyant. Sa piété l’a porté tout au long de sa vie, dans les turbulences comme dans les moments les plus heureux. Bach ressentait au fond de son coeur la nostalgie "Sehnsucht" de la mort ; il l’a traduite dans de nombreuses oeuvres, comme ici où il chante la lassitude de la vie, l’attente de la mort qui libère et apaise, la certitude de la victoire sur la mort par le Christ ressuscité – Alleluia –, et l’assurance de la résurrection.

Christian Tetzlaff dans "A Musicology of Performance : Theory and Method Based on Bach's Solos for Violin" avance que dans cette pièce le maître use les parties jouées sur deux cordes à la fois pour ramener sa femme à la vie, pour ainsi dire, en tant que second violoniste virtuel. On est semble t'il en pleine interprétation romantique. Romantisme allumé par Bach lui-même par la qualité exceptionnelle d'un métier de fer qui lui permet d'exprimer et développer sur la mort avec beauté et profondeur. Douleur du manque doublée du sentiment ressassé de cette condition de "passager" de l'animal humain, effet émotionnel qui sera fortement renforcé par les compositeurs renommés qui suivirent et portèrent JSB au nues, Schumann, Brahms, Chopin... Un violonniste m'a dit un jour que la chaconne est comme un "arbre gorgé de fruits sous la neige". Jehudi Menuhin la joua durant l'entracte d'un concert avec le Philharmonique de Berlin et la dédia à sa soeur Hephzibah qui venait de mourir. Auditeurs bien entendu au bord des larmes. Mais laissons cela : Bach parle de son art comme d'une "Rekreation des Gemüts", "recréation du coeur et de l'esprit". Il a réussi ; point besoin d'être spécialiste, l'écouter suffit pour vivre mieux.

(Pour les spécialistes) Des recherches ont été effectuées par la musicologue Helga Thoene sur les paroles des Chorals cités tout au long de la Chaconne de la Partita II. Mises bout à bout elles révèlent une signification, une sorte de tombeau dédié à sa femme. Il utilise Ré mineur, la tonalité de la mort. La danse a des airs sacrés, un peu mystiques dans ses variations. Le passage central en majeur est comme une visite au paradis, suivie par le terrible retour sur terre... Et après cette Chaconne, on repasse en majeur dans l’Adagio de la Sonate III, avec une marche en quatorze stations comme le chemin de croix. Le religion est omniprésente dans la vie et l’oeuvre de Bach. Dieu est partout dans sa musique.

Auteur: Mg

Info: 2019, compil de diverses sources

[ chef d'oeuvre ] [ émoi ] [ pré-romantisme ] [ libération ] [ théologie musicale ]

 
Mis dans la chaine
Commentaires: 2
Ajouté à la BD par miguel

écrivain-sur-écrivain

Mais l’éclectisme de Gacougnol est attesté surtout par la présence de Folantin*, le peintre naturaliste et préalable dont le succès, longtemps captif, se déchaîne.

On trouverait malaisément une chose plus instructive que le calendrier de ses produits.

Après une série liminaire de petits paysages pisseux égratignés avec labeur dans des banlieues sans verdure ; après le demi-triomphe d’un tableau de genre, où les amours indécises d’un jeune maçon et d’une brocheuse dessalée, au sein d’un garno, se coagulaient sous les yeux en mastic blafard, ainsi qu’un fromage visité déjà ; Folantin, lassé de ne paraître point un penseur, s’avisa de répandre un peu de morale philosophique sur ses enduits.

On vit poindre alors, à l’inexprimable découragement de plusieurs fantoches de l’appui-main, la surprenante image d’un cocu en cassonade reconduisant, bougeoir en main, avec la plus froide politesse, un individu sébacé qu’il vient de surprendre, après minuit, aux bras de sa femme. Cela s’appelait : En ménage !. Mais la louange fut moindre que pour le garno dont la vogue, hélas ! périclitait, et il fallut trouver autre chose.

Changeant tout à fait son tube d’épaule, il peignit, décidément, un grand seigneur, un enfant de tous les preux dont il étudia le type chez un authentique gentilhomme qui s’est donné la fonction de ramasser les bouts de cigares de la Poésie contemporaine sans parchemins.

L’optimate fut représenté, bien malgré lui, sur un bidet, lisant des vers de vingt-cinq pieds. Or, il arriva, contre toute attente sublunaire, que ce portrait allégorique fut une manière de bas chef-d’œuvre, et la noblesse de France, — la première du monde, jadis, — une fois de plus, se vérifia si charogne que le simulacre engendré par Folantin, confronté à l’original, procura quelques instants, l’hallucination de la force.

L’heureux peintre érigea son front parmi les étoiles et put s’annexer quelques disciples. Impossible de le nier. Si ennemi qu’on pût être de Folantin et de son odieuse peinture documentée à la manière d’un roman de la sotte école, son personnage avait une tenue équestre sur ce vase devenu comme un piédestal.

À partir de cet instant, le maître nouveau repoussa du pied les châssis de faible étendue et se précipita aux vastes toiles.

On s’est bousculé autour de sa Messe noire et de ses Trappistes en prière, crépis énormes, léchotés au petit blaireau, qu’il faut scruter par centimètre carré, au moyen d’une loupe de géologue ou de numismate, sans espoir de réaliser la vision béatifique d’un ensemble.

Le premier de ces engins paraît avoir été calculé pour le branle et pour le brandon d’une récente portée de bourgeois que démange la convoitise des lubricités de l’enfer. L’habile homme, toutefois, se croyant, quand même, désigné pour instruire ses contemporains, c’est, en même temps, le prodige d’une sorte de jocrisserie peinturière s’exaspérant jusqu’à devenir tourbillon, mais tourbillon noir, combien fétide et profanant !

Les Trappistes en prière ont voulu être le contre-pied, le rebrousse-poil de la précédente révélation. Folantin, dont la crête augmente et dont la moutarde s’affiche de plus en plus, tenait à montrer comment un artiste assez audacieux pour baiser le croupion du Diable savait, en revanche, tripoter l’extase.

Folantin, tout à coup sorcier, découvrit le Catholicisme !

Clairvoyance peu récompensée. La vindicative bondieuserie de Saint-Sulpice, appelée en duel, lui passa son goupillon au travers du cœur. Cette fois encore, pourtant, il bénéficia du renouveau de crédit que semblent avoir les préoccupations religieuses, aux approches de la fin du siècle, et sa robe d’initiateur n’est pas devenue l’humble veste qu’on aurait pu croire, après un tel coup.

La forme extérieure de ce pontife est analogue à celle d’un de ces arbres très pauvres, noyers d’Amérique ou vernis du Japon, dont l’ombre est pâle et le fruit vénéneux ou illusoire. Il est fier, surtout, de ses mains qu’il juge extraordinaires, "des mains de très maigre infante, aux doigts fluets et menus". Telles sont ses amicales expressions, car il ne se veut aucun mal.

— Je me fais à moi-même, déclarait-il à un reporter, l’effet d’un chat courtois, très poli, presque aimable, mais nerveux, prêt à sortir ses griffes au moindre mot.

Le chat paraît être, en effet, sa bête, moins la grâce de ce félin. Il est capable de guetter indéfiniment sa proie, et même la proie des autres, avec une douceur féroce que ne déconcerte nul outrage. Il accueille tout sur la pointe d’un demi-sourire figé, laissant tomber, de loin en loin, quelques minces phrases métalliques et tréfilées qui font, parfois, les auditeurs incertains d’écouter un être vivant.

Il est celui qui "ne s’emballe pas". Le pli dédaigneux de sa lèvre est acquis, pour l’éternité, à tout lyrisme, à tout enthousiasme, à toute véhémence du cœur, et sa plus visible passion est de paraître un fil de rasoir dans un torrent.

— Celui-là, c’est l’Envieux ! dit, un jour, avec précision, Barbey d’Aurevilly qui l’assomma de ce mot.

Sa malignité, cependant, est circonspecte. Très soigneux de sa renommée, qu’il cultive en secret, comme un cactus frileux et rare, il ne néglige pas de prendre contact avec des journalistes qu’il pense avoir le droit de mépriser ou avec certains confrères pleins de candeur dont il subtilise les conceptions. On tient pour sûre l’histoire malpropre de cette esquisse de la Messe noire carottée pour quelques louis à un artiste mourant de misère, — ébauche superbe qu’il se hâta d’avilir de son pinceau, après avoir ignominieusement congédié le malheureux qui lui faisait une telle aumône.

Auteur: Bloy Léon

Info: A propos de *Joris-Karl Huysmans, dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 193-196

[ résumé de l'œuvre ] [ description ] [ critique ] [ dénigrement ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson