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verbalisation

Il y a un proverbe juif admirable : "L'homme pense, Dieu rit". Inspiré par cette sentence, j'aime imaginer que François Rabelais a entendu un jour le rire de Dieu et ce que c'est ainsi que l'idée du premier grand roman européen est née. Il me plaît de penser que l'art du roman est venu au monde comme l'écho du rire de Dieu.

Mais pourquoi Dieu rit-il en regardant l'homme qui pense ? Parce que l'homme pense et la vérité lui échappe. Parce que plus les hommes pensent, plus la pensée de l'un s'éloigne de la pensée de l'autre. C'est à l'aube des Temps modernes que cette situation fondamentale de l'homme, sorti du Moyen Âge, se révèle : don Quichotte pense, Sancho pense, et non seulement la vérité du monde mais la vérité de leur propre moi se dérobent à eux. Les premiers romanciers européens ont vu et saisi cette nouvelle situation de l'homme et ont fondé sur elle l'art nouveau, l'art du roman.

Auteur: Kundera Milan

Info: L'Art du roman

[ virtualisation ] [ écriture ] [ séparation ] [ illusoire esprit ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

matérialisme

L'expérience & l'observation doivent donc seules nous guider ici. Elles se trouvent sans nombre dans les Fastes des Médecins, qui ont été Philosophes, et non dans les Philosophes, qui n'ont pas été Médecins. Ceux-ci ont parcouru, ont éclairé le Labyrinthe de l'Homme ; ils nous ont seuls dévoilé ces ressorts cachés sous des enveloppes, qui dérobent à nos yeux tant de merveilles. Eux seuls, contemplant tranquillement notre Ame, l'ont mille fois surprise, & dans sa misère, & dans sa grandeur, sans plus la mépriser dans l'un de ces états, que l'admirer dans l'autre. Encore une fois, voilà les seuls Physiciens qui aient droit de parler ici. Que nous diroient les autres, & sur-tout les Théologiens ? N'est-il pas ridicule de les entendre décider sans pudeur, sur un sujet qu'ils n'ont pas été à portée de connoître, dont ils ont été au contraire détournés par des Etudes obscures, qui les ont conduits à mille préjugés, & pour tout dire en un mot, au Fanatisme, qui ajoute encore à leur ignorance dans le Mécanisme des Corps.

Auteur: La Mettrie Julien Offray de

Info: In "L'homme-machine", 1758, p. 7 - disponible sur Gallica

[ autorité ] [ sciences naturelles ] [ antagonisme ] [ pragmatisme ] [ chair-esprit ]

 
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Ajouté à la BD par Benslama

langage

Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. Car les mots (à l’exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont d’intime, de personnel, d’originalement vécu. Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais, le plus souvent, nous n’apercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ clos où notre force se mesure utilement avec d’autres forces ; et, fascinés par l’action, attirés par elle, pour notre plus grand bien, sur le terrain qu’elle s’est choisi, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes.

Auteur: Bergson Henri

Info: Le rire

[ aveuglant ] [ signifiants consensus ] [ tiercités limitantes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

capitalisme

Nous évoluons dans un espace entièrement
quadrillé, entièrement occupé, d’un
côté par le Spectacle, de l’autre par le
Biopouvoir. Et ce qu’il y a de terrible dans
ce quadrillage, dans cette occupation, c’est
que la soumission qu’ils exigent de nous
n’est rien contre quoi nous puissions nous
rebeller en un geste définitif de rupture,
mais avec quoi nous ne pouvons que composer
stratégiquement.
Le régime de pouvoir sous lequel nous vivons
ne ressemble en rien à celui qui a pu
avoir cours sous les monarchies administratives,
et dont le concept périmé est demeuré
jusqu’à une date récente, c’est-à-dire
au sein même des démocraties
biopolitiques, le seul ennemi reconnu par
les mouvements révolutionnaires : celui
d’un mécanisme d’entrave, de coercition
purement répressif.
La forme contemporaine de la domination
est au contraire essentiellement productive.
D’une part, elle régit toutes les manifestations
de notre existence – le Spectacle ;
de l’autre, elle gère les conditions de celle-ci
– le Biopouvoir.
Le Spectacle, c’est le pouvoir qui veut que
vous parliez, qui veut que vous soyez quelqu’un.
Le Biopouvoir, c’est le pouvoir bienveillant,
plein d’une sollicitude de pasteur pour son
troupeau, le pouvoir qui veut le salut de ses
sujets, le pouvoir qui veut que vous viviez.
Pris dans l’étau d’un contrôle à la fois totalisant
et individualisant, murés dans une
double contrainte qui nous anéantit dans le
mouvement même où elle nous fait exister,
le plus grand nombre d’entre nous adopte
une sorte de politique de la disparition :
feindre la mort intérieure et, comme le
Captif devant le Grand Inquisiteur, garder
le silence. En soustrayant et en se soustrayant
à toute positivité, ces spectres dérobent
à un pouvoir productif ce sur quoi
il pourrait s’exercer. Leur désir de ne pas
vivre est tout ce qu’ils ont la force d’opposer
à une puissance qui prétend les faire
vivre. Ce faisant, ils demeurent dans le
Bloom, souvent s’y enterrent.

Auteur: Tiqqun

Info: Tiqqun, Théorie du Bloom, P.33

 
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Ajouté à la BD par Bandini

écriture

Or, le romancier n’est le porte-parole de personne et je vais pousser cette affirmation jusqu’à dire qu’il n’est même pas le porte-parole de ses propres idées. Quand Tolstoï a esquissé la première variante d’Anna Karénine, Anna était une femme très antipathique et sa fin tragique n’était que justifiée et méritée. La version définitive du roman est bien différente, mais je ne crois pas que Tolstoï ait changé entre-temps ses idées morales, je dirais plutôt que, pendant l’écriture, il écoutait une autre voix que celle de sa conviction morale personnelle. Il écoutait ce que j’aimerais appeler la sagesse du roman. Tous les vrais romanciers sont à l’écoute de cette sagesse supra-personnelle, ce qui explique que les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Les romanciers qui sont plus intelligents que leurs oeuvres devraient changer de métier.

Mais qu’est-ce que cette sagesse, qu’est-ce que le roman ? Il y a un proverbe juif admirable : L’homme pense, Dieu rit. Inspiré par cette sentence, j’aimerais imaginer que François Rabelais a entendu un jour le rire de Dieu et que c’est ainsi que l’idée du premier grand roman européen est née. Il me plaît de penser que l’art du roman est venu au monde comme l’écho du rire de Dieu.

Mais pourquoi Dieu rit-il en regardant l’homme qui pense ? Parce que l’homme pense et la vérité lui échappe. Parce que plus les hommes pensent, plus la pensée de l’un s’éloigne de la pensée de l’autre. Et enfin parce que l’homme n’est jamais ce qu’il pense être. C’est à l’aube des Temps modernes que cette situation fondamentale de l’homme, sorti du Moyen-Âge, se révèle : Don Quichotte pense, Sancho pense, et non seulement la vérité du monde mais la vérité de leur propre moi se dérobent à eux. Les premiers romanciers européens ont vu et saisi cette nouvelle situation de l’homme et ont fondé sur elle l’art nouveau, l’art du roman.

Auteur: Kundera Milan

Info: L'art du roman, p186

[ littérature ] [ instinct ]

 

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Ajouté à la BD par miguel