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définition

Car être musicien, avant d’affronter la scène, les feux de la rampe, le public, c’est cela, avant tout : s’asseoir devant son instrument, aligner les notes pendant des heures, chaque jour, chaque semaine que Dieu fait, et nourrir l’illusion de toucher, de temps en temps, à une éphémère perfection.

Auteur: Gestern Hélène

Info: 555

[ pratique quotidienne ]

 

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nationalisme

Qu’il nous soit donné (…) d’affronter les périls afin de chasser toutes divinités mauvaises et tous esprits pervers.

Qu’il nous soit donné, forgeant entre nous amitié profonde, de nous entraider comme des camarades, en affrontant les périls auxquels est exposée la patrie.

Qu’il nous soit donné, sans chercher le pouvoir, sans souci de récompense personnelle, d’affronter une mort certaine pour devenir les premières pierres de la Restauration. 

Auteur: Mishima Yukio

Info: Chevaux échappés, 1969, trad. Tanguy Kenec’hdu, éditions Gallimard 1980, coll. Quarto, 2004

[ patriotisme ] [ profession de foi ]

 

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méditation guidée

[…] la méditation du yoga revêt souvent un caractère édulcoré ou lénifiant, en raison du sens qui est donné à son objet ou à sa fonction. Quand un professeur choisit pour son élève, et à sa place, un objet de réflexion apaisant et "agréable", non seulement il n’est pas permis à celui-ci d’affronter sa propre question, mais il est éloigné de sa préoccupation. En lui épargnant une confrontation à son désir, il lui est évité la véritable rencontre avec lui-même.

Auteur: Berthelet-Lorelle Christiane

Info: Dans "La sagesse du désir" page 320

[ critique ] [ confort mental ]

 

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philosophe

C’est un entrepreneur de philosophie, de littérature, de politique, et dont la réussite n’a qu’une explication et qu’un secret : son manque d’émotion ; rien ne lui coûte d’affronter quoi que ce soit, puisqu’il n’y met aucun accent, et que tout n’est que le fruit d’une intelligence compréhensive, immense, la plus remarquable à l’heure présente. […]

On aperçoit chez Sartre une déficience de nécessité intérieure, qui le rend propre à toutes les formes d’esprit. Infiniment vide et merveilleusement ample, il est le type du penseur sans destin, encore qu’il en ait un, celui-là extraordinaire, mais purement extérieur.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Exercices négatifs, page 14

[ théoricien ] [ abstraction ] [ sécheresse intellectuelle ] [ vacherie ]

 

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individualisme antisocial

Chez des êtres humains qui sont si modernes, on doit redouter d’affronter un cri d’indignation ou de mépris et de passer pour un véritable philistin si l’on tient le mariage et la famille pour une institution pleine de beauté́ et pour le fondement de la culture humaine, qui appartient au futur autant qu’au passé. Le seul mot "père" a une vilaine sonorité́ dans ces cercles, qui sont de part en part régis par des femelles dégénérées, déchaînées et déracinées. Elles affirment que la nature a fait en sorte que l’enfant ait une mère, mais pas de père établi, et elles veulent donc fonder la promiscuité́, le matriarcat, en allemand, la cochonnerie inculte et indigne. De nos jours, on appelle également cela protection de la mère ou amour libre.

Auteur: Landauer Gustav

Info: Article "Tarnowska", 1910

[ décadence moderne ] [ germes du féminisme ] [ effondrement des communautés ]

 
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espoir

[…] Le transhumanisme offre encore quelque chose à dire face au nihilisme, c’est-à-dire au vide laissé par l’effondrement des grandes religions, métaphysiques et idéologies modernes. […] Il promeut rationnellement et délibérément une espérance d’auto-transcendance matérielle de l’espèce humaine, sans limites absolues a priori… […] Son intérêt est aussi critique : il invite à réfléchir à certains préjugés et illusions attachés aux humanismes traditionnels et modernes dont il révèle, par contraste, des aspects généralement peu ou non perçus. […] Pour une part dominante, ces humanismes sont antimatérialistes et spiritualistes. S’ils ne sont plus pré-coperniciens, ils véhiculent des images pré-darwiniennes. Ils reconnaissent l’Histoire, mais guère l’Évolution. Ils ne voient l’avenir de l’homme que sous la forme de l’amélioration de son environnement et de son amélioration propre par des moyens symboliques (éducation, relations humaines, institutions plus justes, plus solidaires, plus égalitaires, etc.)
L’humanisme relève d’une image implicite partiellement obsolète de l’homme.
[…] C’est à l’actualisation de l’image de l’homme et de sa place dans l’univers que le transhumanisme modéré bien compris travaille. Le transhumanisme, c’est l’humanisme, religieux et laïque, assimilant les révolutions technoscientifiques échues et la R&D à venir, capable d’affronter le temps indéfiniment long de l’Évolution et pas simplement la temporalité finalisée de l’Histoire. C’est un humanisme apte à s’étendre, à se diversifier et à s’enrichir indéfiniment.

Auteur: Hottois Gilbert

Info: Le transhumanisme est-il un humanisme ? pp. 75-77, sur le blog Jorion

[ progrès ] [ évolution ]

 

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existence

Notre Première naissance, biologique, est celle d’un agrégat de cellules, apte à se reproduire et condamné à disparaître dans vingt ou trente mille jours. À se désagréger. La Deuxième naissance, sociale, suit la Première : le tout jeune animal commence à exister pour les autres. Son parcours sera humble ou flamboyant, la mort le frappera dans vingt ou trente mille jours. Triste sort auquel nous nous accrochons, poussés par les deux arguments de la vie - la peur de mourir et la faculté de jouir. L’orgasme est leur intersection : le plaisir y croise la perpétuation génétique et alimente notre combativité qui nous permet d’affronter l’absurde - longues années de dressage scolaire, pénible joug professionnel, vieillissement, décès. Cet élan vital ne suffit pas. La fréquence des suicides le prouve : pour tuer l’être social qu’on a fait de lui et dont il souffre, l’homme tue son être biologique. (...)

Godbarsky écrit que l’idée de l’Alternaissance correspond parfaitement au sens de cette allégorie prénatale… Je traduis mal, pardon. Il dit que, emprisonnés par notre Première et notre Deuxième naissance, nous ne savons pas penser au-delà de ces deux identités. Comme un enfant qui n’est pas encore né. Le vrai but, c’est d’accéder, déjà de notre vivant, à la compréhension de l’Alternaissance… Oui, ce qu’il appelle “le temps de la pérennité".

Auteur: Makine Andreï

Info: Au-delà des frontières

[ triade ] [ troisième vie ]

 

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transcendance

[...] nous ne pouvons pas exprimer ce que nous voulons exprimer et tout ce que nous disons du miraculeux absolu demeure non-sens. [...]

Nous n’avons pas encore réussi à trouver l’analyse logique correcte de ce que nous désignons en esprit par nos expressions éthiques et religieuses. [...]

Ce qui revient à dire ceci : je vois maintenant que si ces expressions n’avaient pas de sens, ce n’est pas parce que les expressions que j’avais trouvées n’étaient pas correctes, mais parce que leur essence même était de n’avoir pas de sens. En effet, tout ce à quoi je voulais arriver avec elles, c’était d’aller au-delà du monde, c’est-à-dire au-delà du langage signifiant. Tout ce à quoi je tendais – et, je crois, ce à quoi tendent tous les hommes qui ont une fois essayé d’écrire ou de parler sur l’éthique ou la religion – c’était d’affronter les bornes du langage. C’est parfaitement, absolument sans espoir de donner ainsi du front contre les murs de notre cage. Dans la mesure où l'éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, du bien absolu, de ce qui a une valeur absolue, l'éthique ne peut pas être science. Ce qu'elle dit n'ajoute rien à notre savoir, en aucun sens. Mais elle nous documente sur une tendance qui existe dans l’esprit de l’homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision.

Auteur: Wittgenstein Ludwig

Info: "Leçons et conversations", texte établi par Cyril Barrett d’après les notes prises par Yorick Smythies, Rush Rhees et James Taylor, traduit de l'anglais par Jacques Fauve, éditions Gallimard, 1992, page 155

[ infranchissable ] [ saut catégoriel ] [ signe ]

 

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socio-psychologie

Sémio-capitalisme : le big data à la place du contact humain

Il est nécessaire de commencer à penser la relation entre le changement technologique en cours et les processus sociaux. Une subjectivité assujettie, reprise par les médias concentrés et par une configuration de câbles, d’intelligence artificielle, binarismes et algorithmes, obéit inconsciemment aux images et à une technologie digitale qui va par les réseaux, whatsapp, facebook, etc., en conditionnant les habitudes, perceptions, savoirs, choix et sensibilités. La subjectivité se communique de plus en plus par des machines et des suites d’algorithmes mathématiques et de moins en moins par la rencontre des corps. Ce changement techno-culturel inhibe, entre autres choses, la capacité à détecter la souffrance ou le plaisir de l’autre et l’affectation mutuelle des corps, une condition fondamentale de l’amour et de la politique.

Jean Baudrillard, dans "Simulacres et simulation", rappelle un conte de Borges sur une carte si détaillée, qu’il impliquait une exacte correspondance biunivoque avec le territoire. Se basant sur cette histoire, il souligne que dans la postmodernité la différence entre carte et territoire a été gommée, rendant impossible de les distinguer ; plutôt le territoire a cessé d’exister et est seulement restée la carte ou le modèle virtuel, les simulacres qui supplantent la réalité. Baudrillard affirme qu’avec la virtualité nous entrons dans l’ère de la liquidation du réel, de la référence et l’extermination de l’autre.

Bifo Berardi, en continuant sur les traces de Baudrillard, décrit dans "Phénoménologie de la fin" le néolibéralisme comme sémio-capitalisme, un mode de production dans lequel l’accumulation du capital est essentiellement faite au moyen de l’accumulation de signes : de biens immatériels. Il s’agit d’une sémiologie de la simulation basée sur la fin de la référence ; le signe linguistique s’est pleinement émancipé et cette abstraction s’est déplacée vers la science, la politique, l’art, les communications et tout le système d’échanges.

Le néolibéralisme, le capitalisme qui n’est déjà plus industriel mais financier, constitue le point le plus avancé de la virtualisation financière : l’argent peut être transformé en plus d’argent en sautant par-dessus la production de biens utiles. Le sémio-capitalisme se base sur le dé-territorialité de la production, l’échange virtuel et l’exploitation de l’âme comme force productive. À partir de cette organisation, les multinationales ont gagné une liberté absolue de pouvoir bouger facilement leurs actifs non matériels d’un endroit à l’autre, dans un monde dans lequel les automatismes financiers ont remplacé la décision politique et les États ont perdu en caractère effectif, en multipliant la misère, la précarité et le chômage. L’absolutisme capitaliste non régulé affirme son droit d’exercer un contrôle sans restriction sur nos vies, tandis qu’une épidémie d’angoisse se propage à travers la planète.

Dans une culture mondiale transformée en totalitarisme de la virtualité la postvérité joue son match : tout peut être dit et transformé en vérité irréfutable. Les messages ne valent pas par leur interprétation ou relation avec la vérité, mais par le pragmatisme ou le caractère effectif de signes vides qui touchent en plein la dimension affective. Nous constatons une subjectivité affaiblie dans le recours à la pensée, en vivant dans le temps anxieux du zapping et de l’urgence, qui se gère fondamentalement par des impulsions.

La sémiotisation néolibérale, avec la prédominance de l’échange de signes virtuels au nom du progrès, implique la soustraction du corps, ce qui constitue l’une des conséquences les plus inquiétantes que l’humanité peut connaître. Si on ne perçoit pas le corps, le cri, l’angoisse ou la souffrance de l’autre, il y a seulement un pas vers l’indifférence sociale, l’individualisme maximal et la destruction de la communauté réelle. Un corps social de chair et d’os affecté dans l’échange social est la condition fondamentale de la politisation, la construction du peuple et de l’émancipation.

Que faire ?

À la fin de son oeuvre, Berardi explique de manière énigmatique que seul Malinche peut répondre à ces questions. La Malinche, l’une des vingt femmes esclaves données aux Espagnols en 1519 par les habitants de Tabasco, a servi d’ interprète à Hernán Cortés, elle est devenue sa concubine et a mise au monde l’un des premiers métis. Cet acte a été interprété de diverses manières : une traîtresse, une victime ou une mère symbolique de la nouvelle culture métisse. Sans écarter aucune des trois lectures, bien ou mal, Malinche s’est ouvert à la langue de l’autre incompréhensible.

En assumant les transformations sémiotiques, impossibles à freiner, il s’agit de parier sur la possibilité d’affronter cette forme contemporaine de domination. En reprenant le mythe du métissage, il faudra inclure et mélanger les corps à côté des nouvelles technologies. Au lieu de la disjonction que le système néolibéral d’échanges pose entre corps et virtualité, il sera nécessaire de multiplier les espaces de production culturelle et de participation dans lesquels peuvent circuler pensées, affects et corps : des centres culturels, communication alternative, radios libres, blogs, canaux Youtube, etc. Il faudra réorganiser l’espace commun en essayant des formes de vie indépendantes de la domination du capital.

Dans l’ère du sémio-capitalisme néolibéral, la reconstruction des noeuds sociaux devient une forme de résistance et une tache majeure. Peut-être ceci constitue-t-il le défi politique le plus difficile.

Auteur: Merlin Nora

Info: Cronicon. Buenos Aires, 3 février, 2019. Traduit de l’espagnol pour El Correo dela Diaspora par Estelle et Carlos Debiasi

[ pouvoir sémantique ] [ déshumanisation ] [ libéralisme mémétique ]

 

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dialogue

asseyez-vous, Stirkoff.

merci, sire.

mettez-vous à votre aise.

c’est très aimable à vous, sire.

Stirkoff, j’ai cru comprendre que vous aviez écrit des articles sur la justice, l’égalité, et aussi sur le droit au bonheur et à une meilleure existence. une question, Stirkoff.

je suis tout ouïe, sire.

pensez-vous qu’un jour le monde connaîtra une justice toute-puissante et pleine de bon sens ?

je crains que non, sire.

mais alors pourquoi toutes ces sornettes ? seriez-vous souffrant ?

ces temps-ci, je broie du noir, sire, à croire que je perds la raison.

buvez-vous beaucoup, Stirkoff ?

ça va de soi, sire.

et l’onanisme ?

tout le temps, sire.

mais de quelle façon ?

j’ai du mal à vous suivre, sire.

c’est simple, comment vous y prenez-vous ?

en mélangeant quatre à cinq œufs frais et une livre de viande hachée dans un vase à long col, et en écoutant Vaughn Williams ou Darius Milhaud.

cristal ?

non, plutôt anal, sire.

vous ne m’avez pas compris. je voulais savoir si le vase était en cristal.

bien sûr que non, sire.

avez-vous déjà été marié ?

de nombreuses fois, sire.

qu’est-ce qui n’a pas marché ?

tout, sire.

quel est votre meilleur souvenir ?

mes quatre à cinq œufs frais sans oublier la viande hachée dans un…

je vois, je vois !

sire, c’est ainsi.

est-ce que vous réalisez que votre soif de justice universelle, votre aspiration à un monde meilleur dissimulent en vérité la pourriture, la honte, l’insuccès qui vous collent à la peau ?

mouais.

votre père s’est-il mal comporté avec vous ?

je l’ignore, sire.

comment ça, vous l’ignorez ?

je veux dire qu’il me faudrait un point de comparaison. or je n’ai eu qu’un père.

seriez-vous en train de vous moquer de moi, Stirkoff ?

oh, non, sire, simplement, comme vous l’avez dit, qui peut se poser en juge ?

votre père vous battait ?

ils se relayaient.

j’avais cru comprendre que vous n’aviez eu qu’un père.

pour ça, oui, mais il y avait aussi ma mère, et donc ils se relayaient.

vous aimait-elle ?

comme on aime ce qui vous appartient.

mais n’est-ce pas une bonne définition de l’amour ?

n’importe qui prend soin de ce qui lui appartient. en quoi cela concerne-t-il les liens de parenté ? puisque ça s’applique aussi bien à un ballon de plage rouge ou à un toast beurré ?

voudriez-vous insinuer que vous pourriez AIMER un toast beurré ?

mais oui, sire. dans certaines conditions. le matin. au lever du soleil. quand l’amour prend son envol ou quand il se termine sans explications.

et aimer les êtres humains, est-ce que cela vous paraît possible ?

assurément, et surtout quand on les connaît mal. j’aime bien les voir passer sous ma fenêtre, déambulant sur les trottoirs.

Stirkoff, vous êtes un lâche.

exact, sire.

quelle est donc votre définition de la lâcheté ?

un homme qui y réfléchit à deux fois avant d’affronter un lion à mains nues.

et votre définition de la bravoure ?

un homme qui ne sait pas de quoi un lion est capable.

chacun sait de quoi un lion est capable.

mais chacun paie la conséquence de ses actes.

et votre définition de la folie ?

un homme qui ne pige pas que le Temps, la Société et la Chair sont, pour une grande part, atteints de gangrène.

mais alors qui sont les sages ?

il n’en existe pas, sire.

donc, il n’y a pas de fous. car s’il n’y a pas de nuit, il ne peut y avoir de jour, et si le blanc n’existe pas, le noir, non plus.

pardonnez-moi, sire, mais je croyais que chaque chose existait indépendamment des autres.

vous avez fourré votre queue dans trop de vases. et vous ne pouvez plus comprendre que TOUT est normal, que rien n’est choquant.

si, je comprends, sire, je comprends que ce qui arrive devait arriver.

que diriez-vous si je décidais de vous faire décapiter ?

que pourrais-je bien dire, sire ?

quoi qu’il en soit, en vous faisant couper la tête, je conserve le Pouvoir, et je vous renvoie dans le Néant.

je pourrais choisir une autre destination.

sauf que c’est moi qui CHOISIS.

non, chacun de nous peut choisir.

relax ! relax ! Détendez-vous !

vous êtes vraiment très courtois, sire.

mais non, nous le sommes tous les deux.

certes, sire.

vous m’avez dit qu’il vous arrive de perdre la raison. que faites-vous en de telles circonstances ?

j’écris des poèmes.

la poésie et la folie, ça va ensemble ?

la folie, c’est l’absence de poésie.

mais, je vous le redemande, c’est quoi la folie ?

la laideur.

qu’est-ce qui est laid ?

cela varie selon les hommes.

donc, la laideur nous est donnée dès la naissance ?

elle est en chacun de nous, en tout cas.

mais est-ce qu’elle est inhérente à chacun de nous ?

je l’ignore, sire.

vous prétendez être un homme de savoir. qu’est-ce que le savoir ?

en savoir le moins possible.

Expliquez-vous.

je n’ai rien à expliquer, sire.

sauriez-vous construire un pont ?

non, sire.

une arme à feu ?

non, sire.

pourtant, toutes ces choses n’ont été rendues possibles que par le savoir.

ce ne sont que des ponts et des armes à feu.

je vais vous faire couper la tête.

je vous en remercie, sire.

pourquoi m’en remercier ?

j’ai grand besoin d’être stimulé, et vous me stimulez.

je suis la Justice.

peut-être.

je suis le Pouvoir. je vais donc vous faire torturer, vous faire hurler. jusqu’à ce que vous souhaitiez être mort.

c’est bien comme ça que je l’entendais, sire.

ne comprenez-vous pas que je suis votre maître ?

vous êtes l’homme qui me manipule, mais il n’y a rien que vous puissiez me faire qui n’ait déjà été fait.

vous pensez être un malin, mais lorsque vous hurlerez de souffrance, vous ne le serez plus.

j’en doute, sire.

à propos, comment pouvez-vous supporter Vaughn Williams et Darius Milhaud ? n’avez-vous jamais entendu parler des Beatles ?

oh que oui, sire, qui n’a entendu parler des Beatles ?

et vous ne les aimez pas ?

je ne les déteste pas.

y a-t-il un chanteur que vous détestiez ? on ne peut détester les chanteurs.

disons, quelqu’un qui passe pour l’être.

alors, Frank Sinatra.

pourquoi ?

il chante la pourriture à une société pourrie.

lisez-vous les journaux ?

un seul.

lequel ?

OPEN CITY.

GARDE ! CONDUISEZ IMMÉDIATEMENT CET HOMME À LA CHAMBRE DES TORTURES ET NE M’ATTENDEZ PAS POUR COMMENCER !

sire, puis-je me permettre une dernière requête ?

accordée.

puis-je emporter avec moi mon vase à long col ?

pas question ! je compte m’en servir.

oh, sire !

mais non, je vous le confisque, voilà tout ! Holà, garde, débarrassez-moi de cet idiot ! et repassez me voir avec… avec…

avec quoi, sire ?

avec une demi-douzaine d’œufs frais et un kilo de rumsteak haché…



le garde et le prisonnier sortent. avec un sourire diabolique, le roi se met en position, alors que sur le circuit radiophonique intérieur on entend Vaughn Williams. ainsi va le monde tandis qu’un chien couvert de tiques pisse sur un superbe citronnier qui s’épanouit au soleil.

 

Auteur: Bukowski Charles

Info: Journal (1967), souvenirs et poèmes Broché – Livre grand format, 2007

[ théâtre ] [ musique ]

 
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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste