femme-par-homme
Du point de vue amoureux Véronique appartenait, comme nous tous, à une génération sacrifiée. Elle avait certainement été capable d’amour ; elle aurait souhaité en être encore capable, je lui rends ce témoignage ; mais cela n’était plus possible. Phénomène rare, artificiel et tardif, l’amour ne peut s’épanouir que dans des conditions mentales spéciales, rarement réunies, en tous points opposées à la liberté de mœurs qui caractérise l’époque moderne.
Véronique avait connu trop de discothèques et d’amants ; un tel mode de vie appauvrit l’être humain, lui infligeant des dommages parfois graves et toujours irréversibles. L’amour comme innocence et comme capacité d’illusion, comme aptitude à résumer l’ensemble de l’autre sexe à un seul être aimé, résiste rarement à une année de vagabondage sexuel, jamais à deux. En réalité, les expériences sexuelles successives accumulées au cours de l’adolescence minent et détruisent rapidement toute possibilité de projection d’ordre sentimental et romanesque ; progressivement, et en fait assez vite, on devient aussi capable d’amour qu’un vieux torchon. Et on mène ensuite, évidemment, une vie de torchon ; en vieillissant on devient moins séduisant, et de ce fait amer. On jalouse les jeunes, et de ce fait on les hait. Cette haine, condamnée à rester inavouable, s’envenime et devient de plus en plus ardente ; puis elle s’amortit.
Auteur:
Houellebecq Michel
Années: 1958 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Extension du domaine de la lutte, Éditions Maurice Nadeau, 1994
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pessimisme
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blasée
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désillusionnée
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première épître aux Corinthiens
Saint Paul déclare d’abord que l’amour serait encore là quand bien même nous posséderions la totalité du savoir. Dans la seconde partie de l’extrait, il déclare ensuite que l’amour n’existe que pour des êtres incomplets, c’est-à-dire pour des êtres qui disposent d’un savoir partiel. Lorsque je "le connaîtrai comme je suis moi-même connu de lui", y aura-t-il encore l’amour ? Bien que, contrairement au savoir, l’ "amour ne finira jamais", ce n’est que "maintenant" (alors que je suis encore incomplet) que "demeurent la foi, l’espérance et l’amour". Le seul moyen de sortir de cette impasse est de lire les deux propositions contradictoires selon la formule féminine de la sexuation chez Lacan : même en étant "totalisé" (achevé, sans exception), le champ du savoir demeure d’une certaine manière pas-tout, incomplet. L’amour n’est pas une exception au Tout du savoir, mais précisément ce "rien" qui rend incomplet tout champ du savoir achevé. [...] Seul un manque, un être vulnérable est capable d’amour : le mystère dernier de l’amour est donc que l’incomplétude, en un sens, est supérieur à la complétude. D’un côté, seul aime un être imparfait et soumis au manque : nous aimons parce que nous ne savons pas tout. De l’autre, même si nous savions tout, l’amour serait encore inexplicablement supérieur à la science de toutes choses. Peut-être que l’accomplissement réel du Christianisme consiste à élever un Être aimant (imparfait) au rang de Dieu, c’est-à-dire à l’ultime perfection.
Auteur:
Zizek Slavoj
Années: 1949 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - Slovénie
Info:
Dans "Fragile absolu", éditions Flammarion, 2010, pages 210-211
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lecture psychanalytique
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