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cinéma hollywoodien

Paradoxalement, l’ours d’Annaud [dans L'Ours] ou le dauphin de Besson [dans Le Grand bleu], qui ont l’air de plaider pour les grands espaces de la Nature indomptable, sont parfaitement en phase, par exemple, avec cette mode du cocooning (on reste chez soi, dans son "cocon", pour mieux développer son karma) qui fait fureur en ce moment aux Etats-Unis. C’est donc très américain, tout ça. Très écologique. Très "Verts". Très Greenpeace. Très "forêt primitive". L’enjeu est toujours le même : il s’agit de vous intimider assez profondément, vous et votre foutue manie critique d’Occidental doutant, dissolvant, trop cérébral donc négatif, pour vous ramener dans la communauté approuvante par des effusions floues, et vous réconcilier avec la germination universelle en éternel retour. Sentiment contre raison. Et musique ! Les prétentions de l’individu ne sont-elles pas intolérables au regard des exigences de ce qui le dépasse de tous côtés, protoplasme germinatif, espèce, immensité, océans et le bataclan ? 

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, page 405

[ greenwashing ] [ critique ] [ sentiments mièvres ] [ new age ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écrivain-sur-écrivain

- Faites-moi donc la grâce de me dire ce que vous pensez d’Anna Karénine, lui ai-je demandé à nouveau.

- Je vous jure que je n’ai pas envie d’en parler, répondit Dostoïevski. Tous ces personnages sont à tel point stupides, plats et mesquins qu’il est absolument incompréhensible que Tolstoï les considère comme dignes de notre attention. Alors que tant de problèmes authentiques, primordiaux, révoltants nous sollicitent, et que tant de questions nous ramènent à celle – essentielle – d’ "être ou de ne pas être", voici qu’l nous demande de perdre notre temps à propos d’un officier du nom de Vronski, qui tombe amoureux d’une mondaine, et pour qui il faudrait penser aux imbroglios qui en sont résultés. Nous étouffons déjà sans cela chaque jour dans cet air de salon, où l’on se heurte à chaque instant à des nullités, où triomphent la platitude et la banalité ! Or, voici que dans une œuvre du meilleur romancier russe nous retrouvons la même chose !

Auteur: Altchevskaïa Ch.

Info: "Dostoïevski vivant", trad. du russe par Raïssa Tarr, éditions Gallimard, 1972, page 432

[ critique ] [ superficiel ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écriture

Or, le romancier n’est le porte-parole de personne et je vais pousser cette affirmation jusqu’à dire qu’il n’est même pas le porte-parole de ses propres idées. Quand Tolstoï a esquissé la première variante d’Anna Karénine, Anna était une femme très antipathique et sa fin tragique n’était que justifiée et méritée. La version définitive du roman est bien différente, mais je ne crois pas que Tolstoï ait changé entre-temps ses idées morales, je dirais plutôt que, pendant l’écriture, il écoutait une autre voix que celle de sa conviction morale personnelle. Il écoutait ce que j’aimerais appeler la sagesse du roman. Tous les vrais romanciers sont à l’écoute de cette sagesse supra-personnelle, ce qui explique que les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Les romanciers qui sont plus intelligents que leurs oeuvres devraient changer de métier.

Mais qu’est-ce que cette sagesse, qu’est-ce que le roman ? Il y a un proverbe juif admirable : L’homme pense, Dieu rit. Inspiré par cette sentence, j’aimerais imaginer que François Rabelais a entendu un jour le rire de Dieu et que c’est ainsi que l’idée du premier grand roman européen est née. Il me plaît de penser que l’art du roman est venu au monde comme l’écho du rire de Dieu.

Mais pourquoi Dieu rit-il en regardant l’homme qui pense ? Parce que l’homme pense et la vérité lui échappe. Parce que plus les hommes pensent, plus la pensée de l’un s’éloigne de la pensée de l’autre. Et enfin parce que l’homme n’est jamais ce qu’il pense être. C’est à l’aube des Temps modernes que cette situation fondamentale de l’homme, sorti du Moyen-Âge, se révèle : Don Quichotte pense, Sancho pense, et non seulement la vérité du monde mais la vérité de leur propre moi se dérobent à eux. Les premiers romanciers européens ont vu et saisi cette nouvelle situation de l’homme et ont fondé sur elle l’art nouveau, l’art du roman.

Auteur: Kundera Milan

Info: L'art du roman, p186

[ littérature ] [ instinct ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

taiseux

Plus tard, quand elle revint dans la pièce pour éplucher les pommes de terre à côté de son mari, elle le trouva installé à la table donc il avait enlevé le napperon. Il y avait étalé ses couteaux à sculpter, et déjà de petits copeaux jonchaient le sol tout autour de lui.

- Que fais-tu donc, Otto ? demanda-t-elle avec un étonnement sans bornes.

- C’est pour voir si je suis encore capable de sculpter, répondit-il.

Elle était un peu irritée. Otto avait beau ne pas être grand psychologue, il devait pourtant se douter de l’impatience avec laquelle il attendait les explications qu’il avait promis de lui donner. Et voilà qu’il avait exhumé ses couteaux à sculpter et qu’il tripotait ses petits morceaux de bois, tout à fait comme au début de leur mariage, lorsqu’il la mettait au désespoir par son éternel silence ! Alors, elle n’avait pas autant qu’aujourd’hui l’habitude de ce mutisme, qui pourtant aujourd’hui lui semblait encore plus intolérable... Justement aujourd’hui ! ... Sculpter du bois ! Grands dieux, voilà tout ce que cet homme trouvait à faire après de tels évènements ! Ce silence si âprement défendu, allait-il le rendre plus insupportable encore ? Y aurait-il de longues heures pendant lesquelles il sculpterait le bois sans prononcer une parole ? ... Pour elle, quelle nouvelle et cruelle désillusion ! ... Mais elle ne pourrait pas la supporter aussi passivement que toutes les autres.

Inquiète, au bord du désespoir, elle regardait pourtant avec une certaine curiosité le morceau de bois long et épais qu’il tournait pensivement dans ses grosses mains et dont il faisait sauter çà et là quelques copeaux.

- Qu’est-ce que ce sera, Otto ? demanda-t-elle, un peu malgré elle.

[...] A cette question presque involontaire, Otto parut d’abord ne vouloir répondre de nouveau que par un grognement. Mais il s’avisa peut-être que, ce matin, il avait exigé un peu trop d’Anna. Ou peut-être était-il tout simplement disposé à s’expliquer.

- Ce sera une tête, dit-il. Je veux voir si je suis encore capable de sculpter une tête... Jadis, j’ai sculpté beaucoup de têtes de pipes.

Et il se remit à travailler son morceau de bois.

- Des têtes de pipes ? ... Voyons, Otto, réfléchis ! ... Le monde s’écroule, et tu penses à des têtes de pipes ! ... Quand j’entends ça ! ...

Il ne semblait faire grand cas ni de sa colère ni de ses paroles.

- Naturellement, ce ne sera pas une tête de pipe… Je veux seulement voir si je suis capable de sculpter notre garçon tel qu'il était.

La mauvaise humeur d'Anna tourna court sur-le-champ. Ainsi, c'était au petit qu'il pensait ! Et s'il pensait au petit, et songeait à sculpter une image de lui, c'est qu'il pensait aussi à elle et qu'il voulait lui faire plaisir. Elle se leva de sa chaise, laissant là ses pommes de terre, et dit :

- Attends, Otto, je t'apporte les photos. Pour que tu saches comment notre petit était réellement…

Il eut un mouvement de refus :

- Je ne veux pas voir de photos. Je veux évoquer Otto par la sculpture, tel que je l'ai ici en moi.

Il se toucha le front. Après un silence, il ajouta encore :

- Si j'en suis capable !

Elle était tout émue. Leur fils vivait donc également en lui ; il avait en lui une image bien nette de leur fils.

Auteur: Fallada Hans

Info: Dans "Seul dans Berlin", traduit de l’allemand par A. Virelle et A. Vandevoorde, éditions Denoël, 2002, pages 156 à 158

[ père-fils ] [ père-par-mère ] [ couple ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson