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nature

Ici, le ruisseau jaillit d’une niche moussue à flanc de colline, et il a sculpté un bassin de pierre à l’endroit de son impact, une eau froide et limpide au goût métallique, un bassin grand comme une chambre à coucher où trempent des troncs d’arbres usés, rendus duveteux par le temps. Turtle s’assied sur un tronc, ôte tous ses vêtements, pose le fusil dessus avant de glisser dans la piscine de pierre, les pieds d’abord – car elle vient chercher ici son réconfort, étrange et personnel, et elle a le sentiment qu’ici règne le réconfort des lieux froids, d’une entité limpide et glacée et vivante. Elle retient son souffle et s’enfonce jusqu’au fond du bassin, elle remonte les genoux à ses épaules, ses cheveux flottent autour d’elle comme des algues, elle ouvre les yeux, lève la tête et aperçoit les images grossies sur la surface piquetée de gouttes de pluie, et les silhouettes des tritons aux doigts écartés, leurs ventres rouge et or exposés au-dessus d’elle, leurs queues oscillant paresseusement.

Auteur: Tallent Gabriel

Info: My absolute darling

[ beauté ] [ magie ] [ émerveillement ]

 

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multitude aérienne

Très tôt, avant même que pointe le jour, une foule enjouée et variée d’aérophiles venus pique-niquer n’avait cessé d’affluer, et ce ballet incessant avait duré jusque bien après le coucher du soleil, s’éternisant au cours de cette soirée d’été du Midwest dont ils ne percevaient guère la mélancolie, trop occupés qu’ils étaient pour la plupart, leurs ailes à la fois immobiles et palpitantes, des ailes pareilles à celles des chauve-souris, des mouettes et des albatros, des ailes faites avec la peau de veau tannée des bambous, des ailes décorées laborieusement de plumes en celluloïd, dans un vaste scintillement céleste ils arrivaient, avec à leur bord des aviateurs de tous acabits, depuis le sceptique de laboratoire jusqu’à l’ascentionniste en quête christique, souvent accompagnés d’aéro-chiens, qui avaient appris à se tenir tranquilles, à l’abri dans les tableaux de bord et aboyant s’ils remarquaient un détail qui avait échappé à l’attention du pilote – on pouvait néanmoins en distinguer d’autres sur les plats-bords et les passerelles hautes, leurs têtes tendues dans le courant atmosphérique, leurs traits empreints d’une expression de félicité absolue. Les aéronautes se saluaient de temps en temps en usant de porte-voix, et le soir retentit bientôt, telles les rues bordées d’arbres de la ville proche, de leurs plaisanteries aéronavales.

Auteur: Pynchon Thomas

Info: Contre-jour

[ encombrement ] [ avions ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

errance

Il n’y a pas deux collines identiques mais partout sur la terre la plaine est la même. Et je marchais par un chemin de plaine. Je me demandai, sans y attacher trop d’importance, si j’étais dans l’Oklahoma ou au Texas, ou bien dans la région qu’en littérature on appelle la pampa. Pas plus à droite qu’à gauche je ne vis la moindre clôture. Une fois de plus je répétai lentement ces vers d’Emilio Oribe :

Au milieu de l’interminable plaine panique

Là-bas près du Brésil,

qui vont croissant et s’amplifiant. Le chemin était défoncé. La pluie se mit à tomber. A quelque deux ou trois cents mètres j’aperçus la lumière d’une habitation. C’était une maison basse et rectangulaire, entourée d’arbres. L’homme qui m’ouvrit la porte était si grand qu’il me fit presque peur. Il était vêtu de gris. J’eus l’impression qu’il attendait quelqu’un. Il n’y avait pas de serrure à la porte. Nous entrâmes dans une vaste pièce aux murs de bois. Du plafond pendait une lampe qui répandait une lumière jaunâtre. La table avait je ne sais quoi de surprenant. Il y avait sur cette table une horloge à eau, comme je n’en avais jamais vu que sur quelque gravure ancienne. 



 

Auteur: Borges Jorge Luis

Info: Le livre de sable, "Utopie d'un homme qui est fatigué". Incipit

[ étrangeté ] [ steppe ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

nord-sud

Le monde exploité est en passe de prendre sa revanche sur ses seigneurs. Les multitudes innombrables de mains des races de couleur – au moins aussi capables, mais beaucoup moins exigeantes – anéantiront l’organisation économique des Blancs jusque dans ses fondements vitaux. Le luxe aujourd’hui habituel dont bénéficie, par rapport au coolie, le travailleur blanc sera sa perte. Le labeur même du travailleur blanc en arrive à être indésirable. Les énormes masses humaines concentrées dans les zones charbonnières, septentrionales, les grands complexes industriels, les capitaux qui y sont investis, des villes et des régions entières, tout cela voit surgir la probabilité d’une défaite dans cette compétition. Le centre de gravité de la production s’en éloigne constamment, d’autant plus que le respect même des races de couleur pour les Blancs s’est évanoui dans la Première Guerre mondiale.
(...)
C’est tout cela qui constitue la base réelle et irrémédiable du chômage régnant dans les pays des Blancs. Il ne s’agit nullement d’une simple crise, mais bien des prodromes d’un cataclysme.
(...)
Pour ces peuples "de couleur" (qui comprennent dans le présent contexte les Russes), la technique faustienne n’apparaît en rien comme une nécessité intérieure. C’est seulement l’homme faustien qui pense, ressent et vit sous cette forme. Pour lui, c’est une nécessité spirituelle, non basée sur ses conséquences économiques, mais sur les triomphes qu’elle apporte : Navigare necesse est, vivere non est necesse. Pour les "gens de couleur", au contraire, la technique n’est rien plus qu’une arme dans leur lutte contre la civilisation faustienne, au même titre qu’une branche d’arbre qu’on jette au rebut, dès qu’elle a rempli son office.

Auteur: Spengler Oswald

Info: L'Homme et la Technique, pp. 176-178

[ faustianisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

ermite

Tu crois que le Solitaire est pauvre. Tu ne vois pas qu’il marche sous des arbres chargés de fruits et que sa main frôle des épis par centaines. Sous les sombres feuillages, chaque bourgeon est pour lui une promesse de fleur écarlate et les fruits éclatent presque, tant ils sont gorgés de jus. Des résines odorantes ruissellent le long de ses arbres et sous ses pas la semence est avide de grandir.

Lorsque le soleil, tel un oiseau épuisé, s’abîme dans la mer, le Solitaire s’enroule dans son vêtement ; il retient son souffle sans plus bouger, attendant seulement que revienne le miracle du renouveau de la lumière qui monte à l’orient. 

Il y a une attente comble et exquise chez l’homme solitaire.

Les effrois du désert et de l’assoiffement aride l’entourent et tu ne comprends pas comment le Solitaire peut vivre.

Mais son œil est posé sur les jardins, et son oreille écoute les sources, et sa main touche des feuilles et des fruits de velours, et son haleine respire les doux parfums d’arbres chargés de fleurs.

Il ne peut pas te le dire, tant est comble la magnificence de ses jardins. Il bredouille quand il en parle et tu as l’impression qu’il est pauvre d’esprit et de vie. Mais sa main ne sait que saisir dans toute cette indescriptible profusion.

Il te donne un petit fruit insignifiant qui vient de tomber à ses pieds. Tu as l’impression qu’il ne vaut rien ; mais lorsque tu le contemples, tu vois que ce fruit a goûté un soleil dont tu n’osais même pas rêver. 

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans le "Livre Rouge", trad. Béatrice Dunner, La Compagnie du Livre rouge, Paris, 2012, page 278

[ richesse intérieure ] [ joie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

condition tragique

Nous vivons de plus en plus séparés du milieu naturel (que nous cherchons éperdument à retrouver en vacances) et voici que perdant contact avec cette réalité, qui fut réalité substantielle de notre vie, nous avons le plus extrême besoin d’une autre réalité. Vivant dans un nouveau milieu abstrait, théorique, non correspondant à notre tradition, un milieu non vivant, où l’homme se trouve seul vivant, il ne peut encore concevoir ce milieu technicien comme la réalité. L’homme moderne vit alors dans un refuge vers le naturel, une fiction : nous sommes toujours dans la nature. Et il a le plus grand mal à se concevoir comme l’homme exclu de la nature (ou la Nature exclue !) entré dans un autre univers. Fiction d’être toujours, comme toujours, dans un monde d’eaux, de vents, d’arbres et d’animaux. Cependant que l’univers réel dans lequel il se trouve lui paraît non réel. Le béton, l’auto, l’acier, l’asphalte, ce sont des accidents. Or, au moment même où nous nous enferrons dans cette double fiction, dans ce refus du réel, voici que nous sommes justement obsédés par le réel et le concret. Seule nous intéresse l’action sur la réalité, balayées les idées et les pensées, le concret seul...celui de l’argent, de la machine, du métier... Le concret compte seul dans notre conviction et dans notre choix de vie. Étonnante contradiction. Et voici alors que l’image miséricordieuse vient tout résoudre. L’image coïncide avec la réalité. Et nous sommes épanouis de retrouver constamment la nature en images. Nous sommes de nouveau chez nous, par ces majestueuses photos d’océan, par ces habiles films sur les animaux, au téléobjectif. Jamais nous n’avions si bien connu cette nature. Si bien vu. Et grâce à ces images nous respirons l’air du large et des hautes cimes. En même temps que l’image nous rend l’univers technicien dans sa réalité hypostasiée. Le monde mécanique qui souvent nous gêne et nous trouble devient magiquement présent, dans sa familiarité. Mais familiarité montrée, ce qui veut dire rendue majestueuse, noble, éminente : digne d’être montrée, digne d’admiration. Mirari ­– mirage. L’image mirage réconcilie les contradictions, rend de nouveau la nature présente et réelle, rend le milieu technicien familier et admirable, et comble notre soif de concret, de réel.

Auteur: Ellul Jacques

Info: Dans "La parole humiliée", éditions de la Table Ronde, Paris, 2014, pages 324-325

[ illusion ] [ réconciliation ] [ technique ] [ réalité de seconde main ] [ remède-poison ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

représentation de soi

Le développement de la photographie nous a permis de démultiplier notre image. Qu’on y songe : il se prenait moins d’un milliard de photographies par an en 1930 alors qu’on en compte aujourd’hui, chaque année, près de 1 000 milliards ! L’un des objectifs les plus évidents de cette compulsion photographique est de proposer ces images de nous-mêmes à l’ensemble des membres de notre réseau social en scrutant le nombre de notifications que cette exhibition produit. Nous poussons parfois l’impudeur jusqu’à photographier le contenu de nos assiettes pour faire savoir combien même nos repas ne sont pas banals. Mais, puisque nous sommes des légions à alimenter ainsi ce narcissisme, d’où vient qu’il soit unanimement condamné ?

Il est vrai que cette passion photographique peut avoir des conséquences inattendues et regrettables. Certains paysages naturels, par exemple, sont défigurés par des légions d’instagrameurs avides de prendre et de diffuser la photo exceptionnelle. Le parc canadien de Joffre Lakes n’est plus le même depuis que, ces dernières années, sa fréquentation s’est accrue de plus de 250 % ! La raison en est qu’il abrite trois magnifiques lacs d’eau turquoise qui, surmontés par un glacier, offrent un décor magnifique ne demandant qu’à être immortalisé. Cerise sur le gâteau, un tronc d’arbre large et solide échoué depuis une rive permet de s’aventurer au-dessus d’un des lacs. Ce tronc a même été renommé Instalog. La raison ? Sur ce tronc pouvant soutenir le poids de plusieurs individus, on peut se faire prendre en photo en donnant l’impression qu’on est absolument seul face à la nature sauvage. Un produit parfait pour récolter des cœurs sur le réseau Instagram dévolu au partage de photographies. Faire cette photo est même devenu un passage obligé de la visite du parc. Si chacune de ces photos était décadrée, le sentiment qu’elle inspirerait serait bien différent : on verrait que devant le tronc s’allonge une file d’attente composées d’individus impatients et agressifs, attendant de faire la même photo pour pouvoir partager ce moment unique sur les réseaux sociaux.

Le destin d’un grand nombre de lieux de la planète a été modifié parce que le paysage qu’ils offrent est devenu viral sur les réseaux sociaux. C’est encore le cas de Trolltunga en Norvège, spectaculaire pic rocheux qui avance dans le vide à 700 mètres de hauteur. En 2010, quelques centaines de personnes seulement bravaient la difficile randonnée qui permettait d’accéder à ce graal. En 2016, il croulait sous les 90 000 visiteurs voulant à tout prix prendre la photo emblématique.

Le propriétaire d’une ferme de la province de Manitoba, au Canada, se souviendra lui aussi longtemps de ces milliers de personnes qui, en un week-end, ont débarqué dans ses champs de tournesol pour tenter de prendre la même photographie qu’elles avaient admirée quelques jours avant sur Instagram. Il en va de même pour la petite ville californienne de Lake Elsinore qui, à la Saint-Patrick, a vu l’un de ses champs de pavot piétiné par les 100 000 personnes avides de reproduire les photos qu’avait prises une influenceuse. Ce type de situation conduit parfois à des décisions radicales. Dans l’État de Washington, aux États-Unis, on a préféré détruire le Vance Creek Bridge, un magnifique pont abandonné traversant la forêt, plutôt que de subir le vandalisme plus ou moins volontaire de la légion des individus voulant faire la photo unique et cependant identique à toutes les autres.

Auteur: Bronner Gérald

Info: Apocalypse cognitive

[ destruction ] [ phénomène de masse ] [ mimétisme ] [ panurgisme ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson