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rapports humains

Préjugés et haine de l’autre procèdent d’une lecture étroite du monde sous les fourches caudines d’idéologies identitaires dont le but est de rassurer les croyants sur leur place dans l’univers.

Auteur: Durand Thomas C.

Info: Quand est-ce qu'on biaise ?

[ intolérance ] [ racisme ] [ fanatisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

cosmologie

C’est au fond la même métaphysique qui gouverne la théorie de la forme artistique depuis le romantisme : la métaphysique bourgeoise de la totalité. [...]

Cette théorie sert d’idéologie de base à tout ce qu’on a pu dire du poétique (la psychanalyse elle-même n’y échappe pas) : ambiguïté, polysémie, polyvalence, polyphonie de sens – il s’agit toujours d’une irradiation du signifié, d’une simultanéité de significations. [...]

Densité sémantique du langage, richesse d’information, etc. : le poète "libère" toutes sortes de virtualités [...]. Tout ce mythe joue sur une antériorité "sauvage", préconceptuelle, sur une virginité du sens. [...] il s’agit de découvrir "les secrètes correspondances qui existaient entre les choses".

Théorie "géniale" et romantique, cette vision trouve aujourd’hui paradoxalement à se réécrire en termes informatiques. La "richesse" polyphonique peut se dire en termes de "surcroît d’information". Au niveau du signifié : la poésie de Pétrarque constitue un capital immense d’information sur l’amour (Umberto Eco). Au niveau du signifiant : un certain type de désordre, de rupture, de négation de l’ordre habituel et prévisible du langage accroissent le taux d’information du message. [...]

Ainsi, l’imaginaire sémiologique concilie très bien la polyphonie romantique avec la description quantique.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 340 à 342

[ cybernétique ] [ transformation ] [ transposition moderne ] [ plurivocité ] [ observateur ordonnant ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

ultraviolence

Jusqu’à peu, il a été possible à une majorité des habitants des villes d’aller et venir, de sortir au cinéma ou au restaurant sans jamais avoir à se battre physiquement, l’éducation agissant à transformer la bagarre des préaux en une violence plus symbolique. Parallèlement, le processus de civilisation et l’extension du contrat social avaient œuvré de sorte que les attaques, détroussements et égorgements caractéristiques du Moyen Âge avaient fini par disparaître, permettant le développement d’une sécurité indispensable à l’extension du marché : je n’étais pas certain que ces processus soient irréversibles. J’avais l’intuition que nous entrions dans un monde qui imposerait à nouveau de savoir jouer des poings et de la lame, nous allions en revenir à des rapports humains plus directs à mesure que la croissance économique ralentirait, exacerbant les tensions. Partout la civilisation reculait, le niveau d’éducation baissait, le mélange d’idéologie du vivre-ensemble et de prescriptions de neuroleptiques sur lequel repose le contrôle social parvenant de moins en moins à contenir l’agressivité latente et l’instinct de défense d’une société soumise à un stress de bas niveau permanent. Il suffit d’observer le comportement des automobilistes, hommes et femmes confondus : désormais, on peut mourir d’une balle de 22 Long Rifle pour une place de parc, se faire renverser par un SUV après un refus de priorité ou se faire attaquer à la batte de base-ball pour un freinage un peu sec. Ce sont des choses qu’on commence à voir : je crois qu’il faut s’y faire. Il faut, il est vrai, se faire à beaucoup de choses.

Auteur: Sansonnens Julien

Info: "Septembre éternel", Éditions de l’Aire, 2021, p.122-123

[ régression ] [ involution ] [ goût du sang ] [ insécurité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

structure autonome

Le principe de réalité a coïncidé avec un stade déterminé de la loi de la valeur. Aujourd’hui, tout le système bascule dans l’indétermination, toute réalité est absorbée par l’hyper-réalité du code et de la simulation. C’est un principe de simulation qui nous régit désormais en place de l’ancien principe de réalité. Les finalités ont disparu, ce sont les modèles qui nous génèrent. Il n’y a plus d’idéologie, il n’y a plus que des simulacres. C’est donc toute une généalogie de la loi de la valeur et des simulacres qu’il faut restituer pour saisir l’hégémonie et la féérie du système actuel – révolution structurale de la valeur. [...]

Le capital n’est plus de l’ordre de l’économie politique : il joue de l’économie politique comme modèle de simulation. Tout le dispositif de la loi marchande de la valeur est absorbé et recyclé dans le dispositif plus vaste de la loi structurale de la valeur, et rentre ainsi dans les simulacres de 3e ordre [...]. L’économie politique est ainsi assurée d’une éternité seconde, dans le cadre d’un dispositif où elle a perdu toute détermination propre, mais où elle garde son efficace comme référentiel de simulation. Il en fut exactement de même pour le dispositif antérieur de la loi naturelle de la valeur, ressaisie comme référentiel imaginaire (la "Nature") par le système de l’économie politique et la loi marchande de la valeur : c’est la valeur d’usage, qui mène une existence fantôme au cœur de la valeur d’échange. Mais celle-ci à son tour, à la spirale suivante, est ressaisie comme alibi dans l’ordre dominant du code. Chaque configuration de la valeur est ressaisie par la suivante dans un ordre de simulacre supérieur. Et chaque phase de la valeur intègre dans son dispositif le dispositif antérieur comme référence fantôme, référence fantoche, référence de simulation.

[...] Le 3e ordre est le nôtre, il n’est plus de l’ordre du réel, mais de l’hyperréel, et c’est là seul que des théories ou des pratiques, elles-mêmes flottantes et indéterminées, peuvent l’atteindre et le frapper à mort.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 9-10

[ repères virtuels ] [ modernité ] [ cybernétique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

visionnaires

Le philosophe publie Autodafés : l’art de détruire les livres (Presses de la Cité), qui rassemble ses analyses publiées dans le Point sur quelques penseurs hétérodoxes récents.

Il paraît que des abonnés se seraient retirés de cette excellente revue qu’est Front Populaire au prétexte de la position très lucide et humainement irréfutable de Michel Onfray en faveur de la vaccination.

Je n’ai pas la prétention de les faire revenir mais j’aimerais au moins tenter ma chance parce que Michel Onfray vient de publier aux Presses de la Cité un étincelant essai, qui est aussi un pamphlet dévastateur, dont le titre Autodafés, et le sous-titre : L’art de détruire les livres, révèlent bien la substance.

Celle-ci consiste à dénoncer la manière dont des ouvrages capitaux pour la compréhension de la société et du monde, géniaux à cause de l’anticipation des dangers, salubres pour la révélation des horreurs ignorées ou occultées par l’idéologie, ont été longtemps interdits, censurés, étouffés pour la simple et triste raison qu’ils disaient tous la vérité.

Qu’on en juge : Simon Leys pour les Habits neufs du président Mao, Soljenitsyne et l’Archipel du Goulag, Paul Yonnet contre un certain antiracisme dans Voyage au centre du malaise français, Samuel Huntington prophétisant Le Choc des civilisations, la mise à bas du mythe d’un islam civilisateur de l’Occident dans Aristote au mont Saint-Michel de Sylvain Gouguenheim et enfin, sous la direction de Catherine Meyer, Le Livre noir de la psychanalyse la ridiculisant.

Exercices de démolition

Michel Onfray ne se contente pas de décrire brillamment le bienfaisant scandale que ces bombes ont créé lors de leur publication mais, avec une cruauté jouissive, accable le milieu germanopratin, un mélange prétendument progressiste de philosophes égarés, d’écrivains énamourés, de journalistes perdus, de sociologues confus et d’idéologues aveugles parce qu’ils souhaitaient plus que tout être aveuglés. Pour qui est familier de l’univers de Michel Onfray et de son style qui s’adapte au genre que son infinie curiosité aborde, on devine avec quelle talentueuse et acerbe impétuosité il s’est livré dans ces exercices de démolition qui sont un régal.

Lorsqu’il regrette qu’il n’y ait jamais eu “le Nuremberg du marxisme-léninisme”, il déplore, selon une magnifique formule, que “les atrocités léninistes, trotskistes, staliniennes, bénéficient d’une extraterritorialité morale” avec la jurisprudence qui s’ensuit : on peut avoir pensé, voulu et validé le pire dans l’extrême gauche sous toutes ses latitudes et avec les honteuses complaisances qu’il est facile d’imaginer, ce ne sera jamais “un obstacle dirimant pour faire carrière”! Contrairement à ceux de l’autre bord extrême, nazis, fascistes, pétainistes, franquistes et autres, soutiens de régimes autoritaires, qui, et “c’est heureux”, seront stigmatisés à vie.

Ce qu’énonce Michel Onfray est une évidence mais son expression fait tellement peur qu’il faut lui savoir gré de la proclamer. De même d’ailleurs qu’il ne faut pas manquer d’un vrai courage intellectuel pour affirmer le délétère et malfaisant compagnonnage, malgré les apparences cherchant à sauver la mise de tel ou tel, entre Marx, Lénine, Staline et Trotski.

Michel Onfray blacklisté par France Inter

À lire Autodafés, il ne faut plus que Michel Onfray s’indigne, ou même s’étonne, de ne pas être convié sur certaines radios, par exemple France Inter où le vrai pluralisme et l’authentique liberté intellectuelle sont aussi absents que l’esprit de ses humoristes. Comment l’espace médiatique incriminé, qui n’aura aucun mal à se reconnaître, pourrait-il, avec une tolérance qui serait proche du masochisme, accueillir à bras ouverts, à intelligence curieuse, Michel Onfray qui a dressé un fulgurant acte d’accusation contre les turpitudes d’une époque où de manière indigne on vilipendait des héros de la vérité pour lesquels la littérature était un moyen de se sauver et de nous protéger.

J’aime aussi particulièrement que Autodafés batte en brèche la réputation de narcissisme et d’autarcie que des malintentionnés, des ignorants lui ont faite alors que son livre démontre le contraire. Puisqu’il le consacre à défendre des causes détachées de l’actualité, fondamentales parce qu’elles ont eu des enjeux de haute portée historique, philosophique et politique, et des personnalités qui ont honoré la pensée, le courage, la liberté et la vérité. Je n’imagine pas BHL – et de fait je ne l’ai jamais vu adopter une telle posture – se dépenser dans tous les sens du terme pour de tels combats ne rapportant rien médiatiquement et politiquement, seulement destinés à réparer des injustices anciennes, à promouvoir d’autres écrivains que lui, à rappeler leurs audaces qui n’étaient pas celles (à couvert) des champs de bataille mais infiniment plus périlleuses puisqu’elles avaient pour ennemi essentiel l’immense et étouffante chape d’idéologies que la bienséance interdisait de questionner.

Pourtant ces auteurs, que Michel Onfray a mis à l’honneur, l’ont fait et il convenait qu’avec superbe ils soient sublimés et leurs adversaires dégradés.

J’entends déjà le reproche : encore Michel Onfray, toujours Michel Onfray ! Ce n’est pas ma faute s’il a écrit Autodafés. Je ne pouvais pas me passer de lui rendre cet hommage, lui qui a su si bien se mettre au service du génie intrépide de quelques autres.

Auteur: Bilger Philippe

Info: Causeur, 2 sept 2021. Michel Onfray revient sur quelques crimes de la pensée

[ épuration ] [ damnatio memoriae ] [ baillonnés ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

capitalisme

Les élites ne nous sauveront pas
L’attaque, qui dure depuis quatre décennies contre nos institutions démocratiques par les grandes entreprises, les a laissé faibles et largement dysfonctionnelles. Ces institutions, qui ont renoncé à leur efficacité et à leur crédibilité pour servir les intérêts des entreprises, auraient dû être notre pare-feu. Au lieu de quoi, elles chancellent sous l’assaut.
Les syndicats sont une force du passé. La presse est transformée en industrie et suscite la méfiance. Les universités ont été purgées des chercheurs dissidents et indépendants qui critiquent le néolibéralisme et dénoncent la décomposition des institutions démocratiques et des partis politiques. La radio-télévision publique et les arts ne sont plus financés et sont laissés moribonds. Les tribunaux ont été noyautés par des juges dont la carrière juridique s’est passé à servir le pouvoir des grandes sociétés, une tendance dans les nominations qui s’est poursuivie sous Barack Obama. L’argent a remplacé le vote, ce qui explique comment quelqu’un d’aussi non qualifié comme Betsy DeVos peut s’acheter un siège dans un ministère. Le parti démocrate, plutôt que de rompre ses liens avec Wall Street et les grandes entreprises, attend naïvement en coulisse de profiter d’une débâcle de Trump.
"Le plus grand atout de Trump est un parti démocrate décadent, désemparé, narcissique, inféodé aux entreprises et belliciste, m’a dit Ralph Nader lorsque je l’ai joint au téléphone à Washington. Si la stratégie démocrate est d’attendre Godot, attendre que Trump implose, nous sommes en difficulté. Et tout ce que vous dites des démocrates, vous pouvez aussi le dire de l’AFL-CIO [le principal regroupement syndical américain, NdT]. Ils ne contrôlent pas le train."
La perte de crédibilité dans les institutions démocratiques a jeté le pays dans une crise tant existentielle qu’économique. Des dizaines de millions de gens ne font plus confiance aux tribunaux, aux universités et à la presse, qu’ils voient avec raison comme les organes des élites des grandes sociétés. Ces institutions sont traditionnellement les mécanismes par lesquels une société est capable de démasquer les mensonges des puissants, de critiquer les idéologies dominantes et de promouvoir la justice. Parce que les Américains ont été amèrement trahis par leurs institutions, le régime de Trump peut attaquer la presse comme le "parti d’opposition", menacer de couper le financement des universités, se moquer d’un juge fédéral comme d’un "soi-disant juge" et dénoncer une ordonnance d’un tribunal comme "scandaleuse".
La dégradation des institutions démocratiques est la condition préalable à la montée de régimes autoritaires ou fascistes. Cette dégradation a donné de la crédibilité à un menteur pathologique. L’administration Trump, selon un sondage de l’Emerson College, est considérée comme fiable par 49% des électeurs inscrits tandis que les médias ne sont tenus pour fiables que par 39% des électeurs inscrits. Une fois que les institutions démocratiques américaines ne fonctionnent plus, la réalité devient n’importe quelle absurdité que publie la Maison Blanche.
La plupart des règles de la démocratie ne sont pas écrites. Ces règles déterminent le comportement public et garantissent le respect des normes, des procédures et des institutions démocratiques. Le président Trump, à la grande joie de ses partisans, a rejeté cette étiquette politique et culturelle.
Hannah Arendt, dans Les origines du totalitarisme, notait que lorsque les institutions démocratiques s’effondrent, il est "plus facile d’accepter des propositions manifestement absurdes que les anciennes vérités qui sont devenues de pieuses banalités". Le bavardage des élites dirigeantes libérales ["progressistes", NdT] sur notre démocratie est lui-même une absurdité. "La vulgarité, avec son rejet cynique des normes respectées et des théories admises", écrit-elle, infecte le discours politique. Cette vulgarité est "confondue avec le courage et un nouveau style de vie".
"Il détruit un code de comportement après l’autre, dit Nader de Trump. Il est rendu si loin dans cette façon de faire sans en payer le prix. Il brise les normes de comportement – ce qu’il dit des femmes, la commercialisation de la Maison Blanche, "je suis la loi"."
Nader m’a dit qu’il ne pensait pas que le parti républicain se retournera contre Trump ou envisagera la destitution, à moins que sa présidence ne semble menacer ses chances de conserver le pouvoir aux élections de 2018. Nader voir le parti démocrate comme "trop décadent et incompétent" pour contester sérieusement Trump. L’espoir, dit-il, vient des nombreuses protestations qui ont été organisées dans les rues, devant les mairies par les membres du Congrès et sur des points chauds comme Standing Rock. Il peut aussi venir des 2.5 millions de fonctionnaires du gouvernement fédéral si un nombre significatif d’entre eux refuse de coopérer avec l’autoritarisme de Trump.
"Le nouveau président est tout à fait conscient du pouvoir détenu par les fonctionnaires civils, qui prêtent serment d’allégeance à la constitution des États-Unis, et non à un président ou à une administration", écrit Maria J. Stephan, co-auteure de Why Civil Resistance Works dans le Washington Post. "L’un des premiers actes de Trump en tant que président a été un gel général du recrutement fédéral qui touche tous les nouveaux postes et les postes existants exceptés ceux liés à l’armée, à la sécurité nationale et à la sécurité publique. Même avant l’investiture de Trump, la Chambre des représentants dominée par les Républicains a réinstauré une obscure règle de 1876 qui autoriserait le Congrès à réduire les salaires des employés fédéraux individuels. C’était un avertissement clair à ceux qui sont au service du gouvernement de garder le profil bas. Le licenciement très médiatisé par Trump du procureur général par intérim Sally Yates, qui a refusé de suivre l’interdiction d’immigration du président, a envoyé des ondes de choc dans la bureaucratie."
Un soulèvement populaire, soutenu à l’échelle nationale, d’obstruction et de non-coopération non violente est la seule arme qui reste pour sauver la république. Les élites répondront une fois qu’elles auront peur. Si nous ne leur faisons pas peur, nous échouerons.
"La résilience des institutions démocratiques a été encourageante – les tribunaux, les manifestations, dit Nader. Trump se retourne contre lui-même. Il outrage les gens dans tout le pays sur la base de la race, du genre, de la classe, de la géographie, de ses mensonges, ses fausses déclarations, son narcissisme, son manque de connaissances, sa désinvolture et son désir morbide de répondre aux insultes avec des tweets. Il n’est pas un autocrate intelligent. Il s’affaiblit chaque jour. Il permet à l’opposition d’avoir plus d’effet que d’ordinaire."
"La plupart des chefs d’État dictatoriaux s’occupent d’idéologies abstraites – la patrie et ainsi de suite, poursuit Nader. Il n’en fait pas beaucoup sur ce plan. Il attaque personnellement, vise bas sur l’échelle de la sensualité. Vous êtes un faux. Vous êtes un perdant. Vous êtes un escroc. Cela pique davantage les gens, en particulier lorsqu’il le fait en se basant sur le genre, la race et la religion. Donald Trump est ce qu’il y a de mieux pour le réveil démocratique."
Nader dit que Trump sera pourtant capable de consolider son pouvoir si nous subissons un nouvel attentat terroriste catastrophique ou s’il y a une débâcle financière. Les régimes dictatoriaux ont besoin d’une crise, qu’elle soit réelle ou fabriquée, pour justifier la suspension totale des libertés civiles et exercer un contrôle incontesté.
"S’il y a un attentat terroriste apatride sur les États-Unis, il est capable de concentrer une quantité de pouvoir dans la Maison Blanche contre les tribunaux et contre le Congrès, avertit Nader. Il fera des boucs émissaires de ceux qui s’opposent à lui. […] Cela affaiblira toute résistance et toute opposition."
La tension entre la Maison Blanche de Trump et des segments de l’establishment, y compris les tribunaux, la communauté du renseignement et le Département d’État, a été mal interprétée comme une preuve que les élites veulent éloigner Trump du pouvoir. Si les élites peuvent établir des relations avec le régime de Trump pour maximiser leurs profits et protéger leurs intérêts personnels et de classe, elles supporteront volontiers l’embarras d’avoir un démagogue dans le bureau ovale.
L’État des grandes entreprises, ou l’État profond, n’a pas non plus d’engagement à l’égard de la démocratie. Ses forces ont évidé les institutions démocratiques pour les rendre impuissantes. La différence entre le pouvoir des entreprises et le régime de Trump est que le pouvoir des entreprises a cherché à maintenir la fiction de la démocratie, y compris la déférence polie accordée en public aux institutions démocratiques. Trump a effacé cette déférence. Il a plongé le discours politique dans les égouts. Trump ne détruit pas les institutions démocratiques. Elles avaient été détruites avant qu’il entre en fonction.
Même les régimes fascistes les plus virulents ont construit des alliances fragiles avec les élites conservatrices et d’affaires traditionnelles, qui considéraient souvent les fascistes comme maladroits et grossiers.
"Nous n’avons jamais connu un régime fasciste idéologiquement pur", écrit Robert O. Paxton dans The Anatomy of Fascism. "En effet, la chose semble à peine possible. Chaque génération de chercheurs sur le fascisme a noté que les régimes reposaient sur une sorte de pacte ou d’alliance entre le parti fasciste et des forces conservatrices puissantes. Au début des années 1940, le réfugié social-démocrate Franz Neumann a soutenu dans son classique Behemoth qu’un ‘cartel’ formé du parti, de l’industrie, de l’armée et de la bureaucratie régnait sur l’Allemagne nazie, tenu ensemble uniquement par ‘le profit, le pouvoir, le prestige et, surtout, la peur’."
Les régimes fascistes et autoritaires sont gouvernés par de multiples centres de pouvoir qui sont souvent en concurrence les uns avec les autres et ouvertement antagonistes. Ces régimes, comme l’écrit Paxton, reproduisent le "principe du chef" de manière à ce qu’il "descende en cascade le long de la pyramide sociale et politique, créant une foule de petits Führer et Duce en état de guerre hobbesienne de tous contre tous."
Les petits Führer et Duce sont toujours des bouffons. Des démagogues aussi plastronnant ont consterné les élites libérales dans les années 1930. Le romancier allemand Thomas Mann a écrit dans son journal deux mois après l’arrivée des nazis au pouvoir qu’il avait assisté à une révolution "sans idées qui la fondaient, contre les idées, contre tout ce qui est plus noble, meilleur, décent, contre la liberté, la vérité et la justice". Il déplorait que la "lie commune" ait pris le pouvoir "accompagnée de la grande joie d’une bonne partie des masses". Les élites d’affaires en Allemagne n’ont peut-être pas aimé cette "lie", mais elles étaient disposées à travailler avec elle. Et nos élites d’affaires feront la même chose aujourd’hui.
Trump, un produit de la classe des milliardaires, conciliera ces intérêts privés, parallèlement à la machine de guerre, pour construire une alliance mutuellement acceptable. Les laquais au Congrès et dans les tribunaux, les marionnettes des grandes entreprises, seront, je m’y attends, pour la plupart dociles. Et si Trump est destitué, les forces réactionnaires qui cimentent l’autoritarisme en place trouveront un champion dans le vice-président Mike Pence, qui place fiévreusement des membres de la droite chrétienne dans tout le gouvernement fédéral.
"Pence est le président parfait pour les chefs républicains qui contrôlent le Congrès, dit Nader. Il est juste hors du casting principal. Il regarde la partie. Il parle de la partie. Il joue son rôle. Il a connu la partie. Ça ne les dérangerait pas si Trump quittait sa fonction subitement ou s’il devait démissionner. […]"
Nous sommes aux stades crépusculaires du coup d’État permanent des grandes entreprises entamé il y a quarante ans. Il ne nous reste pas grand-chose pour travailler. Nous ne pouvons pas faire confiance à nos élites. Nous devons nous mobiliser pour mener des actions de masse répétées et soutenues. Attendre que l’establishment décapite Trump et restaure la démocratie serait un suicide collectif.

Auteur: Hedges Chris

Info: 12 février 2017, Source Truthdig

[ Usa ] [ vingt-et-unième siècle ]

 

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