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rémunération

Inversement, à partir du moment où le salaire est déconnecté de la force de travail, rien ne s’oppose plus (sinon les syndicats) à une revendication salariale maximaliste, illimitée. Car s’il y a un "juste prix" à une certaine quantité de force de travail, il n’y a plus de prix pour le consensus et la participation globale. [...]

Salaire maximum pour un travail minimum : tel est le mot d’ordre. Escalade de la revendication dont l’issue politique pourrait bien être de faire sauter le système par en haut, selon sa propre logique du travail comme présence forcée. Car ce n’est plus alors en tant que producteurs que les salariés interviennent mais en tant que non-productifs, rôle que leur assigne le capital – et ils n’interviennent plus dialectiquement, mais catastrophiquement, dans le processus.

Moins on a à en faire, plus on doit exiger un salaire élevé, puisque ce moindre emploi est le signe d’une absurdité plus évidente encore de la présence forcée. Voilà la "classe" telle qu’en elle-même le capital la change : dépossédée de son exploitation même, de l’usage de sa force de travail, elle ne saurait faire payer trop cher au capital ce déni de production, cette perte d’identité, cette débauche. Exploitée, elle ne pouvait exiger que le minimum. Déclassée, elle est libre d’exiger tout.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 39-40

[ inversement proportionnel ] [ inflation ] [ travail social abstrait ] [ perte de la fonction d'index ]

 

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pinard

En bonne originaire du Chianti, je voudrais parler du vin dans la Grèce antique.

Appelé Nectar des dieux, Sang de Dionysos ou Ambroisie de l’Olympe, il avait, nous l’avons déjà dit, un degré d’alcool très élevé : cela était dû au soleil brulant de la Grèce associé à des vendanges très tardives, lorsque les feuilles des vignes étaient déjà tombées. 

La consommation de cette boisson remonte à l’époque mycénienne, vers la fin du IIe millénaire avant J.-C., comme le prouve la découverte de cruches dans lesquelles les analyses chimiques ont confirmé la présence de vin. 

[…] On dit aussi qu’il était d’usage de le boire coupé d’eau, non seulement, pour d’évidentes raisons d’ordre public, mais aussi pour une question d’identité : les Grecs étaient horrifiés par les barbares qui, eux, buvaient le vin tel quel, pur. Par exemple, au chant XI de l’Iliade, Nestor offre au médecin Machaon du "vin de Pramnée" (c’est-à-dire en provenance d’Icarie et considère ainsi comme le premier "vin AOC" de l’histoire) "mélangé à de la farine blanche et à du fromage râpé". Un délice, en somme : les héros d’Homère dégustaient cette mixture quand le moment était délicat, lorsqu’ils étaient blessés ou après des combats exténuants. Elle portait même un nom, cette pâtée : on l’appelait cycéon (ϰυϰεών)

Auteur: Marcolongo Andrea

Info: La langue géniale : 9 bonnes raisons d'aimer le grec

[ remède ] [ thérapeutique ]

 

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ajustements sémantiques

Au point de vue logique, il y a lieu de considérer les principes d’identité et de contradiction (je ne dis pas, comme on le fait souvent, le principe d’identité ou de contradiction) comme application, aux conditions de l’entendement humain, des principes ontologiques correspondants ; mais, au point de vue métaphysique pur, la considération de ces dernieres est insuffisante, précisément parce que ce sont des principes exclusivement ontologiques.

Le principe de contradiction, sous sa forme ordinaire, est en quelque sorte l’aspect négatif ou inverse du principe d’identité, et, comme tel, il est dérivé de celui-ci, qui n’est applicable qu’à l’être (la vraie forme ontologique du principe d’identité étant : “l’être est l’être”, forme sous laquelle il donne lieu à des développements intéressants dont je pourrai vous parler une autre fois).

Mais l’absence de contradictions internes (l’adjonction de ce mot est nécessaire pour écarter la distinction antimétaphysique des possibles et des compossibles) ne définit pas seulement la possibilité logique, ni même la possibilité ontologique, mais aussi la possibilité métaphysique dans toute son universalité. On pense donc pour “possibles = non-contradictoire”, et on peut parler en ce sens d’un “principe de non-contradiction”, d’une portée tout à fait universelle, et à forme négative comme toute expression de ce qui s’étend au-delà de l’être ; dans le domaine de l’être, ce principe, prenant une forme positive, deviendra le principe d’identité.

L’aspect inverse du même principe universel sera “contradictoire = impossible” ; c’est celui-ci qui, dans le domaine de l’être, deviendra le principe ordinaire de contradiction.

Auteur: Guénon René

Info: Lettre du 12 août 1917, §9, à Noële Maurice-Denis Boulet

[ niveaux de manifestation ] [ analogie ] [ simultanéité ]

 

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Sapience

L’identité dans l’altérité, c’est l’unité dans la multiplicité. C’est : "un" plus "un" plus "un", et ainsi de suite. C’est donc l’identité séparative. Parce que l’unité de l’Un divin se reflète en chaque être créé, chaque créature est "elle-même" et possède sa propre unité, mais du même coup, elle est séparée de toutes les autres créatures. C’est pourquoi nous parlons d’identité séparative. Et telle est la fonction cosmique de l’éternel masculin. Au contraire, concernant la fonction cosmique de l’éternel féminin, nous parlerons d’altérité unitive. C’est très exactement ce que réalise la Sophia divine. En elle est donné à Suso la révélation de l’unité ou de la coïncidence des opposés, c’est-à-dire, fondamentalement, la révélation de la possibilité du multiple. Plus encore, elle est cette possibilité même. A quelle condition, en effet, le multiple est-il possible ? [...] à la condition [...] que cette Unité soit conçue non comme unité massive et monolithique, comme la plénitude excluante de l’Étant suprême, mais comme l’espace infini, la matrice illimitée au sein de laquelle toutes les créatures trouveront de la place pour coexister sans se contredire, en d’autres termes, sans s’anéantir réciproquement.

[...] Le mystère de l’altérité n’est pas seulement le mystère de Dieu comme Autre de la créature, il est aussi et d’abord le mystère de la création comme Autre de Dieu. Ces deux mystères ne font qu’un et se conjoignent dans la divine Sophia. La Sophia désigne en Dieu son infinitude, son incirconscriptibilité, sa liberté réellement absolue qui donne à la multiplicité innombrable des créatures la possibilité métaphysique d’exister, la possibilité d’être là. Elle est le mystique et universel de toutes choses, elle est le jeu de l’être, elle donne à tout être du jeu pour exister.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 152-153

[ sagesse ] [ définie ] [ masculin-féminin ] [ lîla ]

 
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nanotechnologie

Les puces sous-cutanées, ces minuscules objets que l’on implante sous la peau humaine pour pister ou identifier des gens, ce n’est pas de la science-fiction. Alors demain, tous tracés ?

[…]

Une expérience a été menée dans une discothèque de bord de mer, à Barcelone, où une vingtaine de personne se sont fait greffer une puce dans le bras gauche, à hauteur de biceps, juste sous l’épiderme !

Cette puce à microfréquence est un minuscule objet en verre, de la taille d’un grain de riz, à l’intérieur duquel se trouve une petite mémoire où on peut stocker des informations... Les clients se sont fait greffer cet "Alien" sur une idée du patron de la discothèque.
La puce renferme leurs noms, leurs numéros d’identification ainsi que le crédit dont ils disposent dans l’établissement.

Autrement dit, elle joue à la fois le rôle de la carte d’identité et celui de portefeuille. Vous prenez une boisson au bar ? Hop, le coût en est débité sur votre compte directement, grâce à un scanner que l’on vous passe sur le bras et qui active la puce !

Est-ce que ça fait mal ? Paraît-il, pas plus qu’un vaccin. Trois petites piqûres anesthésiantes dans le bras avant de l’implanter lentement sous l’épiderme au moyen d’une seringue jetable...
Apparemment, ça a beaucoup plu (en plein dans la mode des modifications corporelles) et d’autres établissements s’apprêtent à lancer le même système. Mais cette puce n’est pas vouée à rester dans le monde de la nuit. Elle est déjà utilisée dans des applications autrement moins futiles et peut être plus inquiétantes.

Cette puce minuscule marche par fréquences radios. Dès qu’elle est sollicitée, elle émet un signal depuis sa position sous la peau pour indiquer, via un ordinateur, où se trouve la personne implantée.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Aujourd'hui le nanomonde", pages 278-279

[ traçage ] [ popularisation ] [ campagne de communication ] [ fun ]

 
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moi idéal

La mégalomanie narcissique ou le "sauve-qui-peut" du sujet

L’autodétermination, ce que les parlottes postmodernes appellent la "liberté individuelle", est au centre du dispositif discursif. Cette liberté de l’individu qui est à la base de toutes les constitutions des régimes démocratiques provoque dans la sphère psychique l’inflation de la fonction du Moi [...]. Le moi est la somme des identifications, soit l’addition côte à côte de touts les traits signifiants que le sujet a pris aux différentes figures de l’Autre qu’il a croisées dans son parcours de vie. [...] Dans le cadre du lien social organisé par les parlottes la fonction du moi est magnifiée. La "liberté de choix" donnée au sujet de sélectionner les signifiants qui le représentent auprès des autres, fait des processus d’identifications le cœur de la subjectivation, et par là même du moi le représentant adéquat du sujet dans le lien social des parlottes postmodernes. [...]

Les premiers des effets de cette domination libérale sont ceux qui concernent l’identité de l’individu. Ce terme d’identité, s’il recouvre encore sa signification première – l’identité qui représente la personne et que décline la carte d’identité – a pris un sens aujourd’hui beaucoup plus radical. A tel point qu’il est devenu loisible de "changer d’identité" comme c’est le cas pour les transsexuels opérés. L’identité devient ainsi la définition que se donne le sujet de lui-même en fonction de son propre désir ou de son propre choix, et non une définition de l’individu lui-même. Ce qui définit l’identité dans le modèle libéral des parlottes n’est plus une nomination qui vient de l’Autre, mais un choix individuel qui se montre dans les actes même posés par l’individu. Ainsi en est-il par exemple de nos jours de la notion, nouvelle dans le cadre psychopathologique, de l’identité de genre. Ce qui définit l’identité de genre n’est pas une nomination réelle du sujet par la sexuation biologique de son corps, mais bien le comportement sexuel de l’individu.

Auteur: Lesourd Serge

Info: Dans "Comment taire le sujet ?", éditions Érès, 2010, pages 208-209

[ postmodernité ] [ narcissisme ] [ attributs imaginaires ]

 

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racisme

Comment ontologiser l’antisémitisme ?

Le 18 octobre 1916, Martin Heidegger écrivait à sa fiancée Elfride : "L’enjuivement de notre culture et nos universités est absolument épouvantable et je pense que la race allemande devrait rassembler assez de force intérieure pour parvenir au sommet." ["Die Verjudung unsrer Kultur u. Universitäten ist allerdings schreckerregend u. ich meine die deutsche Rasse sollte noch soviel innere Kraft aufbringen um in die Höhe zu kommen15."]

S’il ne s’agit pas seulement d’un badinage entre amoureux, que devient cette forte pensée dans Sein und Zeit ? Relisons le § 27, description décisive d’une vie inauthentique, caractérisée par la perte d’identité et l’oubli de l’Être. Il n’est plus ici question de collègues juifs, mais toutefois d’un Man intolérable. La promiscuité entre le Dasein et le Man y est décrite en des termes angoissants. En effet, ici, au lieu que le Dasein "jouissant d’une primauté sur les autres, s’attache à les tenir au-dessous de lui" ["das Dasein im Vorrang über die Anderen darauf aus ist, sie niederzuhalten" (p. 126)], au lieu de régner au sommet [cf. supra "in die Höhe"], "il se tient sous l’emprise d’autrui", et ainsi "le On déploie sa véritable dictature" ["entfaltet das Man seine eigentliche Diktatur" (p. 126)], dans un quotidien banal où il est question de journaux et de moyens de transport. Cette aliénation se confirme au § 38 : le On "tentateur" (donc diabolique) procure au Dasein un "rassurement" trompeur, engage à un affairement égarant, et se caractérise par "l’absence de sol" (cf. bodenlos, p. 177), bref, le déracinement (cf. Bewegtheit, ibidem ; en d’autres termes, le cosmopolitisme apatride). Il en résulte une déchéance (Verfallen), dans un monde de la "facticité" et du "commercium". Ce commercium évoque inévitablement l’argent, tout comme la publicité du § 27, dont Martineau prend la peine de préciser qu’elle n’a rien à voir avec la réclame (p. 127, note).

Ainsi, par une simple technique de diffusion sémantique, se trouvent disséminés les éléments d’un thème bien connu : la dictature d’une ploutocratie cosmopolite. La phrase de la lettre à Elfride contre l’enjuivement de l’université que nous citions plus haut était suivie de l’exclamation : "Allerdings das Kapital!" ["Voilà bien le Capital !"], qui renvoie tout à la fois au marxisme et à l’avidité des collègues juifs, ce Man menaçant.

Auteur: Rastier François

Info: Compilation de Stephane Montavon à partir de https://journals.openedition.org/labyrinthe/4031#ftn20 où on pourra retrouver les références du texte

[ philosophie ] [ anti-Heidegger ] [ nazis ]

 
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chauvinisme idiomatique

La logique des mots

Que vient faire la langue dans la géopolitique ? Comprendre la vision du monde de V. Poutine suppose qu’on s’intéresse de près à cette question, qui attire peu l’attention en Europe occidentale, à l’exception de la Catalogne.

Le russe et l’ukrainien sont des langues différentes mais proches, comme sont proches l’espagnol et l’italien, mais moins que le tchèque et le slovaque, langues officielles de deux États différents, moins encore que le serbe et le croate, pratiquement identiques.

Après des siècles d’interdiction et de répression de la langue ukrainienne dans la Russie tsariste, puis de russification des normes de l’ukrainien sous Staline, l’immense majorité des citoyens ukrainiens sont bilingues, ou du moins comprennent parfaitement l’autre langue. Beaucoup d’entre eux parlent un mélange des deux langues, appelé le surzhyk, ou passent d’une langue à l’autre en fonction des interlocuteurs ou de la situation. Il est donc impossible de faire des statistiques fiables sur la répartition des langues, même si la question de la langue fait partie des recensements de population. Le gouvernement ukrainien a peut-être été maladroit d’imposer l’ukrainien comme seule langue officielle et de transformer le russe en langue étrangère au même titre que l’anglais, ce qui a profité à la démagogie poutinienne qui a argumenté sur la "répression" dont seraient victimes les "Russes" en Ukraine. Or "les Russes" en Ukraine ne sont pas "des Russes". Une nuance sémantique fondamentale doit être prise en compte : en Europe orientale certains pays font une différence entre "nationalité" et "citoyenneté". La citoyenneté est l’appartenance à un État (définition politique, non essentielle), la nationalité est une identité ethnique (essentielle, inaliénable). La nationalité se définit, entre autres, par la langue. Sur les papiers d’identité soviétiques était inscrite la "nationalité" : russe, ouzbèque, lettone, juive, ukrainienne… En 1975 A. Soljenitsyne a été privé de sa citoyenneté soviétique, mais les sbires du KGB n’auraient jamais eu l’idée de le priver de sa nationalité russe, idée dénuée de sens. Cette double appartenance subsiste dans la Russie post-soviétique (même si elle n’est plus mentionnée sur les papiers d’identité), mais pas en Ukraine, où tous les citoyens sont ukrainiens au même titre que ceux dont la langue maternelle est le hongrois ou le roumain.

Dans cette logique du point de vue russe, les Suisses romands, parce qu’ils sont francophones, sont des citoyens helvétiques de nationalité française, qui rêveraient de réintégrer un jour la mère-patrie, comme les Tessinois des citoyens helvétiques de nationalité italienne, injustement séparés de la mère-patrie, logique irrédentiste. A l’inverse, les Bretons, les Basques et les Alsaciens sont, toujours de ce point de vue, des citoyens français, de nationalité bretonne, basque ou alsacienne.

Cette définition de l’identité, ou appartenance d’un individu à un groupe remonte à l’opposition entre la définition française jacobine, politique, de la nation, et la définition allemande, romantique, culturelle, d’où la différence entre Gemeinschaft (essentielle, naturelle) et Gesellschaft (superficielle, non essentielle) (un thème récurrent de l’idéologie völkisch au début du XXe siècle).

Toute comparaison doit être maniée avec précaution, mais une s’impose : en 1938 pour Hitler les citoyens tchécoslovaques de langue allemande étaient "des Allemands", dont le territoire (les Sudètes) devait revenir dans le giron de la nation. Pour Poutine, les citoyens ukrainiens de langue maternelle (ou principale) russe sont "des Russes" avant d’être des citoyens ukrainiens. Il est donc logique, dans cette idéologie déterministe, que le territoire où ils sont en majorité revienne à la mère-patrie, dont ils n’auraient jamais dû être séparés. Mais cette logique a un prix : le mépris total de tout choix démocratique, de toute auto-détermination, puisque, dans ces conditions, l’individu n’existe pas en dehors du groupe auquel il est censé appartenir : la "nation" au sens ethnique.

La logique des mots

Le discours de Poutine n’est pas raciste (au sens biologique), mais ethniciste. Or, au final, la différence n’est pas grande, puisque pour lui la démocratie n’est qu’une faiblesse décadente, un facteur de division, et que seul compte le déterminisme ethnique. Chauvinisme, xénophobie et mépris du droit en sont l’expression la plus manifeste.

Quant Poutine prétend défendre ce qu’il appelle "nos concitoyens" ou "nos compatriotes" opprimés en Ukraine, il est indispensable de décoder ces mots démagogiques dont le sens premier a été détourné. Considérer que l’appartenance ethnique prime sur l’appartenance citoyenne est une idéologie politique dangereuse, qui repose sur l’idée de pseudo-naturalisme, à savoir que tout russophone, quelle que soit sa citoyenneté, est en même temps redevable de son être profond à l’État russe.

La Lettonie (membre de l’UE), où réside une importante minorité russophone, sera-t-elle la prochaine cible de la reconstitution de l’Empire soviétique ? La fragile Moldavie, presque bilingue, n’est-elle pas encore plus en danger ?

Auteur: Sériot Patrick

Info: Journal Le Temps, février 2022

[ dialectes parents ]

 

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querelle du filioque

La source la plus claire de la notion de pardon que le christianisme développera pendant des siècles remonte, dans les Évangiles, à saint Paul et à saint Luc. Comme tous les principes de base de la chrétienté, elle sera développée chez saint Augustin, mais c’est chez saint Jean Damascène (au VIIIe siècle) qu’on trouvera une hypostase de la "bienveillance du père" (eudoxia), de la "tendre miséricorde" (eusplankhna) et de la "condescendance" (le Fils s’abaisse jusqu’à nous)(synkatabasis). A rebours, ces notions peuvent être interprétées comme préparant la singularité du christianisme orthodoxe jusqu’au schisme de Per Filium/Filioque.

Un théologien semble avoir profondément déterminé la foi orthodoxe qui s’exprime puissamment chez Dostoïevski et donne à l’expérience intérieure propre à ses romans cette intensité émotionnelle, ce pathos mystique si surprenants pour l’Occident. Il s’agit de saint Syméon le Nouveau Théologien (999-1022). [...] Saint Syméon comprend la Trinité comme une fusion des différences que sont les trois personnes, et l’énonce intensément à travers la métaphore de la lumière.

Lumière et hypostases, unité et apparition : telle est la logique de la Trinité byzantine. Elle trouve immédiatement, chez Syméon, son équivalent anthropologique : "Comme il est impossible qu’il existe un homme avec parole ou esprit sans âme, ainsi il est impossible de penser le Fils avec le Père sans le Saint-Esprit [...]. Car ton propre esprit, de même que ton âme, est dans ton intelligence, et toute ton intelligence est dans tout ton verbe, et tout ton verbe est dans tout ton esprit, sans séparation et sans confusion. C’est l’image de Dieu en nous." Dans cette voie, le croyant se défie en fusionnant avec le Fils et avec l’Esprit : "Je te rends grâce que sans confusion, sans changement, tu te sois fait un seul Esprit avec moi, bien que tu sois Dieu par-dessus tout, tu sois devenu pour moi tout en tout."

Nous touchons ici l’ "originalité de l’orthodoxie". Elle aboutira, à travers maintes controverses institutionnelles et politiques, au schisme accompli au XIe siècle et achevé avec la prise de Constantinople par les Latins en 1204. Sur le plan proprement théologique, c’est Syméon plus que Photius qui formule la doctrine orientale Per Filium opposée au Filioque des Latins. Insistant sur l’Esprit, il affirme l’identité de la vie dans l’Esprit et de la vie dans le Christ, cette pneutamologie puissante trouvant dans le Père son origine. Toutefois, une telle instance paternelle n’est pas simplement un principe d’autorité ou une cause mécanique simple : dans le Père, l’Esprit perd son immanence et s’identifie au royaume de Dieu défini à travers des métamorphoses germinales, florales, nutritives et érotiques qui connotent, par-delà l’énergétisme cosmique souvent considéré spécifique à l’Orient, la fusion ouvertement sexuelle avec la Chose aux limites du nommable.

Dans cette dynamique, l’Église elle-même apparaît comme un soma pneumatikon, un "mystère", plus qu’une institution à l’image des monarchies.

Cette identification extatique des trois hypostases entre elles et du croyant avec la Trinité ne conduit pas à la conception d’une autonomie du Fils (ou du croyant), mais à une appartenance pneumatologique de chacun aux autres, que traduit l’expression Per Filium (l’Esprit descend du Père par le Fils) opposée au Filioque (l’Esprit descend du Père et du Fils).

Il a été impossible, à l’époque, de trouver la rationalisation de ce mouvement mystique interne à la Trinité et à la foi, où, sans perdre sa valeur de personne, l’Esprit fusionne avec les deux autres pôles et, du même coup, leur confère, au-delà de leur valeur d’identité ou d’autorité distinctes, une profondeur abyssale, vertigineuse, certainement aussi sexuelle, dans laquelle se logera l’expérience psychologique de la perte et de l’extase. Le nœud borroméen que Lacan a utilisé comme métaphore de l’unité et de la différence entre le Réel, l’Imaginaire et le Symbolique permet peut-être de penser cette logique, si tant est qu’il soit nécessaire de la rationaliser. Or, précisément, tel ne semblait pas être le propos des théologiens byzantins du XI au XIIIe siècles, préoccupés de décrire une nouvelle subjectivité post-antique plutôt que de la soumettre à la raison existante. En revanche, les Pères de l’Église latine, plus logiciens, et qui venaient de découvrir Aristote (alors que l’Orient en était nourri et ne cherchait plus qu’à s’en différencier), ont logifié la Trinité en voyant en Dieu une essence intellectuelle simple articulable en dyades : le Père engendre le Fils ; le Père et le Fils en tant qu’ensemble font procéder l’Esprit. Développée par la syllogistique d’Anselme de Cantorbury au concile de Bari en 1098, cette argumentation du Filioque sera reprise et développée par Thomas d’Aquin. Elle aura l’avantage d’asseoir d’une part l’autorité politique et spirituelle de la papauté, d’autre part l’autonomie et la rationalité de la personne du croyant identifié à un Fils ayant pouvoir et prestige à égalité avec le Père. Ce qui est ainsi gagné en égalité et donc en performance et en historicité, est peut-être perdu au niveau de l’expérience de l’identification, au sens d’une instabilité permanente de l’identité.

Auteur: Kristeva Julia

Info: Dans "Soleil noir", éditions Gallimard, 1987, pages 218 à 222

[ influence ] [ psychanalyse ]

 
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covid-19

De façon concrète, dans nos vies, la "smart planet" sans contact - le monde-machine - a franchi des seuils en 2020 :

Bond en avant du commerce électronique et des livraisons à domicile. L’épidémie a augmenté de 183 milliards les dépenses dans l’e-commerce mondial. L’e-commerce représente désormais 13,4 % du commerce de détail en France, contre 9,8 % en 2019. Selon Romain Boisson, patron de Visa France, "l’e-commerce s’est ancré dans les habitudes de consommation des Français et s’impose désormais […] pour tous les commerçants, quelle que soit la taille de leur entreprise". Deliveroo vaut 7 milliards de dollars en bourse. Les grandes sociétés de transport/logistique (DHL, UPS, FedEx, etc.) ont réalisé un chiffre d’affaires de 300 milliards de dollars en 2020. Le chiffre d’affaires d’Amazon a augmenté de 38 % en 2020 pour atteindre 320 milliards d’euros. C’est à l’"Amazon academy" que l’État français, via la Banque publique d’investissement, confie la formation des PME pour leur mettre le pied à l’Internet. Nom du programme : l’Accélérateur du numérique.

Adoption du télétravail. Cinq millions de Français ont télétravaillé pendant le premier confinement et 60 % des salariés veulent continuer après la crise. Moins de locaux, plus de télécommunications. Le nombre d’abonnés à la fibre chez Orange a bondi de 50 % : "Jamais on n’a autant câblé les Français qu’en 2020". Boom des applications de visioconférence et autres "outils collaboratifs" en ligne. Microsoft Teams enregistre un record avec 44 millions d’utilisateurs quotidiens. Les ventes d’ordinateurs connaissent la plus forte croissance annuelle (+ 4,8 %) depuis dix ans dans le monde. Au tribunal administratif de Grenoble, "le tout numérique a amorti la baisse d’activité". De quoi tenir l’objectif des services publics "100 % dématérialisés" fixé par la plan "Action publique 2022".

Invasion du télé-enseignement. Invention des cours "en distanciel" y compris pour les apprentis, grâce au "learning management system". L’école de commerce de Grenoble organise ses "Portes ouvertes online" en janvier 2021. La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, voit dans l’épidémie "une opportunité de façonner l’université numérique de demain". Envol inespéré pour le "e-learning et les ed-tech", le plus profitable des "marchés porteurs" identifiés en février 2020 par le cabinet Roland Berger, avec 6000 milliards de dollars en 2018. Parmi les "verrous à lever", celui-ci déplorait "la complexité́ des processus d’accès au marché́ scolaire qui agit comme une barrière à l’entrée". Voilà un verrou forcé par le virus. Le moindre prétexte renvoie désormais les élèves derrière leur écran, comme l’ont constaté ceux des Yvelines, assignés "en distanciel" pour une chute de neige le 10 février 2021. #Restezchezvous est entré dans les mœurs.

Ruée sur les loisirs en ligne. 36 % de temps d’écran en plus par jour pour les Français, plus une heure de télé supplémentaire. Plus de 2,6 milliards de personnes utilisent quotidiennement Facebook, WhatsApp et Instagram, soit 15 % de plus que fin 201928. Netflix et le jeu vidéo, grands gagnants du confinement. Lequel a "accéléré le processus d’une culture de la sédentarité plus poussée, notamment la place des écrans", alerte David Thivel, membre du conseil scientifique de l’Observatoire national de l’activité́ physique et de la sédentarité́ (il y a des observatoires pour tout). Les Français ont pris en moyenne 3 kg en 2020.

Décollage de la télémédecine. 28 % de téléconsultations en avril 2020, contre 0,1 % avant la pandémie. 19 millions de téléconsultations remboursées par la Sécurité sociale en 2020. Les start up de la santé numérique (dites "healthtech") lèvent 8,2 milliards de dollars au premier trimestre 2020, un record30. Selon Stanislas Niox-Chateau, le patron de Doctolib, "une fois l’épidémie de coronavirus passée, entre 15 % et 20 % des consultations médicales se feront à distance en France".

[...]

Invasion de la monnaie virtuelle. Les Français délaissent le cash par peur de la contamination. Les retraits de liquide ont chuté de 50 % en volume pendant le premier confinement, au profit du paiement "sans contact" (dont l’Autorité bancaire européenne a relevé le plafond à 50 €), qui bondit de 65 %. Les réfractaires ont "sauté le pas, et il n’y aura pas de retour en arrière", selon Pierre-Antoine Vacheron, directeur général de Natixis Payments. Au fait, le nombre de distributeurs de billets diminue en France depuis 2015. Ça va s’accélérer. Avec l’e-commerce et le "click & collect", le consommateur paie désormais en ligne. "Les Français s’y habituent", constate le même expert. Ou plutôt, on y habitue les Français. On s’est vu refuser un chèque au motif qu’il faudrait toucher notre carte d’identité pour l’encaisser. [...]

Effet-cliquet : on ne revient pas en arrière quand les technologies ont imposé de nouvelles habitudes. L’offre a créé la demande. De réunions Zoom en concerts virtuels, de cours sur Internet en achats en ligne, de cyber-démarches administratives en téléconsultations médicales, nous devenons des Smartiens, cette espèce qui ne survit que connectée à la Machinerie générale. Voyez la gratitude des confinés connectés – "comment aurions-nous fait sans Internet ?" - révélant toute honte bue leur dépendance Si notre vie tient à un câble, la sélection technologique élimine ceux qui refusent ou n’ont pas accès à la connexion universelle. Seuls restent les adaptés, les connectés, vaccinés, livrés et monitorés par la Machine. Le petit commerce ne survit pas sans mise en ligne, c’est-à-dire sans supprimer ce qui fait le petit commerce. Il faut choisir : disparaître ou disparaître.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Le règne machinal", éditions Service compris, 2021, pages 65 à 70

[ transition technologique ] [ transformations ] [ conséquences ] [ accélération ]

 
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