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audiovisuel

Le multimédia n'est pas un simple média, mais l'utilisation de divers types de médias (et de médias hybrides) pour ce qu'ils offrent chacun afin de faire avancer le récit.

Auteur: Ritchin Fred

Info:

[ dixième art ] [ définition ] [ mélange ] [ syncrétisme ]

 

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vieillesse

Avoir trois dixièmes de balourdise, et un brin de stupidité; être un peu dur d'oreille, et muet par moments, tout cela, c'est le fonds d'une longue vie: telle est la formule magique de l'harmonie de l'âme.

Auteur: Li Yu Li Liweng

Info: Les carnets secrets de Li Yu : Au gré d'humeurs oisives, un art du bonheur en Chine

[ sagesse ]

 

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sciences

Le monde sait trop peu combien toutes les pensées et théories qui ont traversé l'esprit d'un investigateur scientifique ont été triturées dans le silence et le secret de sa propres et grave critique et autres examens défavorables ; que dans les exemples les plus réussis pas un dixième des suggestions, des espoirs, des souhaits et des conclusions préliminaires ont été réalisés.

Auteur: Faraday Michael

Info: cité par W. I. B. Beveridge, l'art de la recherche scientifique, p. 79, 1957

[ quête ] [ labeur ] [ effort ]

 

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art pictural

Mille et mille nuances et reflets physionomiques hier encore insoupçonnés, mille et mille dixièmes de valeurs dans la progression des éclairages qui sculptent en la frôlant la mobilité de la forme, mille et mille espaces nouveaux qui soudain s’ouvrent, se développent lentement ou se ferment tout à coup, mille et mille lueurs qui fusent, s’éteignent, se transforment sans arrêt pour modifier, de mille et mille façons imprévues, les aspects du paysage, de l’homme, des foules, mille et mille frissons d’un monde dit inanimé qui naguère ne nous était pas perceptible, s’ajoutent à chaque seconde au tressaillement ininterrompu qui caractérise les passages entre les hommes et les choses pour les intelligences d’aujourd’hui.

Auteur: Faure Elie

Info: Introduction à la Mystique du Cinéma, op. cit., ici p. 79 et p. 80

[ septième art ] [ complexification ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sagesse antique

De la renaissance et de la règle du silence

Hermès à son fils Tat 
Tat : Dans les discours généraux, mon père, tu as parlé par énigme sur la divinité, et tu n'as pas révélé le sens de tes paroles quand tu as dit que nul ne pouvait être sauvé sans renaître. Je m'adressai à toi en suppliant après les paroles que tu m'avais dites dans le passage de la montagne, désirant apprendre la parole de la renaissance, qui m'est plus inconnue que tout le reste, et tu m'as dit que tu me la transmettrais quand je serais devenu étranger au monde; je me préparai donc à rendre ma pensée étrangère à l'illusion du monde. Conduis-moi maintenant selon ta promesse à l'initiation dernière de la renaissance, soit par la voix, soit par un chemin caché. J'ignore, Ô Trismégiste, de quelle matière, de quelle matrice, de quelle semence l'homme est né.

Hermès : Ô mon fils, la sagesse idéale est dans le silence, et la semence est le véritable bien.

Tat : Qui la sème, père, car j'ai besoin de tout apprendre ?

Hermès : La volonté de Dieu, mon fils.

Tat : Et d'où vient l'engendré, mon père ? Etant privé de l'essence intelligible qui est en moi, autre sera le Dieu engendré, le Fils de Dieu.

Hermès : Le tout dans le tout, composé de toutes les forces.

Tat : C'est une énigme, mon père, et tu ne me parles pas comme un père parle à son fils.

Hermès : Ce genre de vérité ne s'apprend pas, mon fils, on s'en souvient quand Dieu le veut.

Tat : Tes paroles sont impossibles et arrachées par la force, mon père; je veux te répondre à mon tour. Suis-je un étranger, le fils d'une autre race ? Ne me repousse pas, mon père, je suis ton véritable fils; explique-moi le mode de la renaissance.

Hermès : Que te dirais-je, mon fils ? Je n'ai rien à te dire que ceci : une vision ineffable s'est produite en moi. Par la miséricorde de Dieu, je suis sorti de moi-même, j'ai revêtu un corps immortel, je ne suis plus le même, je suis né en intelligence. Cela ne s'apprend pas par cet élément modelé à l'aide duquel on voit, et c'est pourquoi je ne m'inquiète plus de ma première forme composée, ni si je suis coloré, tangible et mesurable. Je suis étranger à tout cela. Tu me vois avec tes yeux et tu penses à un corps et à une forme visibles, ce n'est pas avec ces yeux-là que l'on me voit maintenant, mon fils.

Tat : Tu me rends fou, tu me fais perdre la raison, mon père; je ne me vois plus moi-même maintenant.

Hermès : Puisses-tu, mon fils, sortir de toi-même sans dormir, comme on est en dormant transporté dans le rêve !

Tat : Dis-moi encore ceci : quel est le générateur de la renaissance ?

Hermès : Le Fils de Dieu, l'homme un, par la volonté de Dieu.

Tat : Maintenant, mon père, tu m'as rendu muet, je ne sais que penser, car je te vois toujours de la même grandeur et avec la même figure.

Hermès : Tu te trompes même en cela, car les choses mortelles changent d'aspect tous les jours, le temps les augmente ou les diminue, elles ne sont que mensonge.

Tat : Qu'est-ce donc qui est vrai, Ô Trismégiste ?

Hermès : Ce qui n'est pas troublé, mon fils, ce qui n'a ni limites, ni couleur, ni forme : l'immuable, le nu, le lumineux; ce qui se comprend soi-même; l'inaltérable, le bien, l'incorporel.

Tat : En vérité je perds l'esprit, mon père. Il me semblait que tu m'avais rendu sage, et cette pensée annule mes sensations.

Hermès : Il en est ainsi, mon fils; les sens perçoivent ce qui s'élève comme le feu, ce qui descend comme la terre, coule comme l'eau, souffle comme l'air; mais comment pourrais-tu saisir par les sens ce qui se conçoit seulement en puissance et en énergie. Pour comprendre la naissance en Dieu, il te faut l'intelligence seule.

Tat : J'en suis donc incapable, mon père ?

Hermès : Ne désespère pas, mon fils, ton désir s'accomplira, ta volonté aura son effet; endors les sensations corporelles, et tu naîtras en Dieu; purifie-toi des bourreaux aveugles de la matière.

Tat : J'ai donc des bourreaux en moi, mon père ?

Hermès : Ils ne sont pas en petit nombre, mon fils, ils sont redoutables et nombreux.

Tat : Je ne les connais pas, mon père ?

Hermès : Le premier est l'ignorance, le second est la tristesse, le troisième l'intempérance, Le quatrième la concupiscence, le cinquième l'injustice, le sixième l'avarice, le septième l'erreur, le huitième l'envie, le neuvième la ruse, le dixième la colère, le onzième la témérité, le douzième la méchanceté. Ils sont douze et en ont sous leurs ordres un plus grand nombre encore. Par la prison des sens, ils soumettent l'homme intérieur aux passions des sens. Ils s'éloignent peu à peu de celui que Dieu a pris en pitié, et voilà en quoi consistent le mode et la raison de la renaissance. Et maintenant, mon fils, silence et louange à Dieu, sa miséricorde ne nous abandonnera pas. Réjouis-toi maintenant, mon fils, purifié par les puissances de Dieu dans l'articulation de la parole. La connaissance de Dieu (Gnose) est entrée en nous, et aussitôt l'ignorance a disparu. La connaissance de la joie nous arrive, et devant elle, mon fils, la tristesse fuira vers ceux qui peuvent encore l'éprouver. La puissance que j'éprouve après la joie, c'est la tempérance; ö charmante vertu ! Hâtons-nous de l'accueillir, mon fils, son arrivée chasse l'intempérance. En quatrième lieu j'évoque la continence, la force opposée à la concupiscence. Ce degré, mon fils, est le siège de la justice; vois comme elle a chassé l'injustice sans combat. Nous sommes justifiés, mon fils, l'injustice est partie. J'évoque la sixième puissance, la communauté, qui vient en nous lutter contre l'avarice. Quand celle-ci est partie, j'évoque la vérité, l'erreur fuit et la réalité parait. Vois, mon fils, la plénitude de bien qui suit l'apparition de la vérité; car l'envie s'éloigne de nous, et par la vérité le bien nous arrive avec la vie et la lumière, et il ne reste plus en nous de bourreaux de ténébres, tous se retirent vaincus. Tu connais, mon fils, la voie de la régénération. Quand la décade est complètée, mon fils, la naissance idéale est accomplie, le douzième bourreau est chassé et nous naissons à la contemplation. Celui qui obtient de la miséricorde divine la naissance en Dieu, est affranchi des sensations corporelles, reconnaît les éléments divins qui le composent et jouit d'un bonheur parfait.

Tat : Fortifié par Dieu, mon père, je comtemple, non par les yeux, mais par l'énergie intellectuelle des puissances. Je suis dans le ciel, sur la terre, dans l'eau, dans l'air; je suis dans les animaux, dans les plantes, dans l'utérus, avant l'utérus, après l'utérus, partout. Mais, dites-moi encore ceci : comment les bourreaux des ténèbres, qui sont au nombre de douze, sont-ils chassés par les dix puissances ? Quel est le mode, ö Trismégiste ?

Hermès : Cette tente que nous avons traversée, mon fils, est formée par le cercle zodiacal, qui se compose de signes au nombre de douze, d'une seule nature et de toutes sortes de formes. Il existe là des couples destinés à égarer l'homme et qui se confondent dans leur action. La témérité est inséparable de la colère, elles ne peuvent être distinguées. Il est donc naturel et conforme à la droite raison qu'elles disparaissent ensemble, chassées par les dix puissances, c'est à dire par la décade; car la décade, mon fils, est génératrice de l'âme. La vie et la lumière sont unies là où nait l'unité de l'esprit. L'unité contient donc rationnellement la décade, et la décade contient l'unité.

Tat : Mon père, je vois l'univers et moi-même dans l'intelligence.

Hermès : Voilà la renaissance, mon fils, détourner sa pensée du corps aux trois dimensions, selon ce discours sur la renaissance, que j'ai commenté, afin que nous ne soyons pas des diables (ennemis) de l'univers pour la foule à qui Dieu ne veut pas le révéler.

Tat : Dis-moi, mon père, ce corps composé de puissances se décompose-t-il jamais ?

Hermès : Ne dis pas cela, mon fils, ne dis pas de choses impossibles, ce serait une erreur et une impiété de l'oeil de ton intelligence. Le corps sensible de la nature est loin de la génération essentielle. L'un est décomposable, l'autre ne l'est pas; l'un est mortel, l'autre immortel. Ignores-tu que tu es devenu Dieu et fils de l'Un ainsi que moi ? (...)

Auteur: Hermès Trismégiste

Info: Sermon secret sur la montagne (extrait)

[ religion ] [ spiritualité ] [ père-fils ] [ corps-esprit ]

 
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Ajouté à la BD par Neshouma

autodétermination

Le (non-)rôle de la conscience
Le biologiste François Jacob a utilisé à propos de notre cerveau, une image admirable : le cerveau humain est conçu, dit-il, comme une brouette sur laquelle aurait été greffé un moteur à réaction. Par cette image frappante, il attirait notre attention sur le fait que notre cerveau n’est pas constitué comme une machine d’une seule pièce. Il y a en son centre, le cerveau reptilien, appelé ainsi parce qu’il possède déjà la même structure chez le reptile, et le cerveau des mammifères s’est construit comme une couche additionnelle, absolument distincte : le cortex est d’une autre nature que le cerveau reptilien. Lequel est celui des sens, de la réaction immédiate, celui du réflexe, de l’affect, comme s’expriment les psychologues.

Le cortex s’est spécialisé dans le raisonnement, dans la réflexion rationnelle, l’enchaînement des arguments, le calcul mathématique, tout ce qui est de l’ordre des symboles, et il est greffé sur ce cerveau reptilien qui est lui d’une nature purement instinctive, ce qui fait que nous réagirons par l’enthousiasme ou par la peur devant ce que notre cerveau-cortex aura déterminé de faire. Les plus beaux exemples dans ce domaine, ce sont bien sûrs les traders qui nous les proposent. Ceux d’entre mes lecteurs qui connaissent des traders savent que le jour où ils ont gagné beaucoup d’argent ils sont dans les restaurants et les bars des beaux quartiers, ils fument de gros cigares et boivent beaucoup, alors que les jours où ils ont perdu des sommes impressionnantes, on les voit beaucoup moins : ils sont à la maison, ils essaient de dormir et ont pris des cachets pour tenter d’y parvenir.

Une autre caractéristique de notre cerveau, c’est que la conscience que nous avons de ce que nous faisons, cette conscience n’a pas véritablement été conçue comme un instrument qui nous permette de prendre des décisions. Quand les psychologues sont allés expérimenter, dans les années 1960, autour de la question de la volonté, ils ont fait la découverte sidérante que la volonté apparaît dans le cerveau après qu’a été réalisé l’acte qu’elle est censée avoir déterminé. La représentation de la volonté que nous allons poser un acte, n’intervient en fait qu’une demi-seconde après que l’acte a été posé, alors que l’acte lui-même a pu être réalisé un dixième de seconde seulement après l’événement qui en a été le véritable déclencheur.

Le psychologue qui a découvert cela est Américain et son nom est Benjamin Libet (1916-2007). La première hypothèse qu’il a émise, quand les faits lui sont apparus dans toute leur clarté, a été d’imaginer qu’il existait un mécanisme dans le cerveau qui permet à une information de remonter le temps. Son explication première n’a pas été que "volonté" est un mot dénotant un processus illusoire, une mésinterprétation de notre propre fonctionnement, mais que la volonté devait bien – comme nous l’imaginons spontanément parce que les mots de la langue nous le suggèrent fermement – décider des choses que nous allons accomplir, et que la seule explication possible était que la volonté remonte dans le temps pour poser les actes que nous supposons qu’elle détermine, seule manière de rendre compte du décalage d’une demi-seconde observé.

Il n’y a donc pas comme nous l’imaginions avant la découverte de l’inconscient, une conscience décidant de tous nos actes, à l’exception des actes réflexes. Il n’y a pas non plus, comme Freud l’avait imaginé, deux types d’actes : les uns déterminés par la conscience et les autres par l’inconscient, il n’y a – du point de vue décisionnel – qu’un seul type d’actes, déterminés par l’inconscient, la seule différence étant que certains apparaissent dans le "regard" de la conscience (avec une demi-seconde de retard sur l’acte posé), et certains non.

Dans l’article où je proposais pour la première fois une théorie complète de la conscience tenant compte des découvertes de Libet, j’écrivais : "la conscience est un cul-de-sac auquel des informations parviennent sans doute, mais sans qu’il existe un effet en retour de type décisionnel. C’est au niveau de l’affect, et de lui seul, que l’information affichée dans le regard de la conscience produit une rétroaction mais de nature "involontaire", automatique" (Jorion 1999 : 179). Je suggérais alors de remplacer, pour souligner les implications de la nouvelle représentation, le mot "conscience" par "imagination", et le mot "inconscient", par "corps", pour conclure alors que toutes nos décisions sont en réalité prises par notre corps mais que certaines d’entre elles (celles que nous avions l’habitude d’attribuer à notre "volonté") apparaissent à notre imagination : "En réalité, la prise de décision, la volonté, a été confiée au corps et non à l’imagination" (ibid. 185).

Il restait à comprendre pourquoi le regard de la "conscience" est apparu dans l’évolution biologique. L’explication – en parfait accord avec les observations de Libet – est qu’il s’agit d’un mécanisme nécessaire pour que nous puissions nous constituer une mémoire (adaptative) en associant à nos percepts, les affects qu’ils provoquent en nous, et ceci en dépit du fait que les sensations en provenance de nos divers organes des sens (nos "capteurs"), parviennent au cerveau à des vitesses différentes (ibid. 183-185).

Les observations de Libet, et la nouvelle représentation de nos prises de décision qui en découle, ont d’importantes conséquences pour nous, et en particulier quand nous voulons reconstruire sur un nouveau mode la manière dont nous vivons. Il faut que nous tenions compte du fait que notre conscience arrive en réalité toujours quelque temps après la bataille.

Il y a des gens heureux : ceux dont la conscience constate avec délice les actes qui ont été posés par eux. Il n’y a pas chez eux de dissonance, il n’y a pas de contradiction : nous sommes satisfaits de constater notre comportement tel qu’il a eu lieu. Et c’est pour cela que l’affect n’est pas trop déçu de ce qu’il observe. L’affect réagit bien entendu : soit il cautionne ce qu’il peut observer comme étant à l’œuvre, soit il est déçu quand il constate le résultat. On peut être honteux de ce qu’on a fait. Nous pouvons nous retrouver parfaitement humiliés par les actes qui ont été posés par nous : par ce que la conscience constate après la bataille. En voici un exemple : je me trouve dans le studio de FR 3, pour l’émission "Ce soir (ou jamais !)", et la personne invitée pour la partie musicale en fin d’émission, c’est Dick Rivers, et je lui dis : "C’est formidable, cette époque où vous chantiez avec Les chaussettes noires !", et il me répond : "En réalité, le nom de mon groupe, c’était Les chats sauvages". J’étais tellement humilié d’avoir commis une pareille bévue ! Il s’agit là d’un exemple excellent de dissonance, et ma conscience qui intervenait avec une demi-seconde de retard était extrêmement gênée de devoir être confrontée au triste sire que j’étais.

Bien sûr, nous sommes devenus très forts dans notre manière de vivre avec une telle dissonance : nous réalisons des miracles en termes d’explications après-coup de notre propre comportement. J’écoute parfois, comme la plupart d’entre nous, des conversations dans le métro ou dans le bus où une dame explique à l’une de ses amies à quel point elle était maître des événements : "Elle m’a dit ceci, et tu me connais, je lui ai répondu du tac-au-tac cela, et tu aurais dû voir sa tête…". Nous sommes très forts à produire des récits autobiographiques où nous intégrons l’ensemble des éléments qui font sens dans une situation, après coup. Plusieurs concepts de la psychanalyse renvoient aux différentes modalités de nos "rattrapages après la bataille", quand la conscience constate les dégâts que nous avons occasionnés par nos actes et tente de "faire avec" : la psychanalyse parle alors d’élaboration secondaire, de rationalisation, de déni, de dénégation, etc.

Pourquoi est-ce important d’attirer l’attention sur ces choses ? Parce que nous contrôlons beaucoup moins de manière immédiate ce que nous faisons que nous ne le laissons supposer dans les représentations que nous en avons. Dans celles-ci, nos comportements sont fortement calqués sur ce qu’Aristote appelait la cause finale : les buts que nous nous assignons. Bien sûr, quand nous construisons une maison, nous définissons les différentes étapes qui devront être atteintes successivement et nous procédons de la manière qui a été établie. Nous avons la capacité de suivre un plan et un échéancier, de manière systématique, mais la raison n’est pas, comme nous le supposons, parce que nous procédons pas à pas, d’étape en étape, mais plutôt parce que nous avons posé la réalisation de la tâche comme un "souci" projeté dans l’avenir, souci dont l’élimination nous délivrera et nous permettra… de nous en assigner de nouveaux. Encore une fois, c’est l’inconscient ou, si l’on préfère, le corps, qui s’en charge. J’écrivais dans le même article : "Wittgenstein s’est souvent interrogé quant à la nature de l’intention. Il se demande par exemple, "‘J’ai l’intention de partir demain’ – Quand as-tu cette intention ? Tout le temps : ou de manière intermittente ?" (Wittgenstein 1967 : 10). La réponse à sa question est en réalité "tout le temps dans le corps et de manière intermittente dans l’imagination"" (ibid. 189).

Mais dans nos actes quotidiens, dans la façon dont nous réagissons aux autres autour de nous, parce que nous vivons dans un univers entièrement social, il faut que nous prenions conscience du fait que nous avons beaucoup moins de maîtrise immédiate sur ce que nous faisons que nous ne l’imaginons le plus souvent, une maîtrise beaucoup plus faible que ce que nous reconstruisons par la suite dans ces discours autobiographiques que nous tenons : dans ces discours de rationalisation, d’autojustification faudrait-il dire, que nous produisons à l’intention des autres. Il faut bien dire que, sachant comment eux-mêmes fonctionnent, ils n’y croient pas en général. Et nous en sommes les seules dupes.

Auteur: Jorion Paul

Info: 7 avril 2012, dans Notre cerveau : conscience et volonté, "Le secret de la chambre chinoise", L’Homme 150, avril-juin 1999 : 177-202, Wittgenstein, Ludwig, Zettel, Oxford, Basil Blackwell, 1967

[ illusion ]

 

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nanomonde

Les particules quantiques ne tournent pas. Alors d'où vient leur spin ?

Le fait que les électrons possèdent la propriété quantique du spin est essentiel pour notre monde tel que nous le connaissons. Pourtant, les physiciens ne pensent pas que ces particules tournent réellement. 

Les électrons sont des petits magiciens compétents. Ils semblent voltiger autour d'un atome sans suivre de chemin particulier, ils semblent souvent être à deux endroits à la fois, et leur comportement dans les micropuces en silicium alimente l'infrastructure informatique du monde moderne. Mais l'un de leurs tours les plus impressionnants est faussement simple, comme toute bonne magie. Les électrons semblent toujours tourner. Tous les électrons jamais observés, qu'ils se déplacent sur un atome de carbone dans votre ongle ou qu'ils se déplacent à toute vitesse dans un accélérateur de particules, ont l'air de faire constamment de petites pirouettes en se déplaçant dans le monde. Sa rotation ne semble jamais ralentir ou accélérer. Peu importe comment un électron est bousculé ou frappé, il semble toujours tourner à la même vitesse. Il possède même un petit champ magnétique, comme devrait le faire un objet en rotation doté d'une charge électrique. Naturellement, les physiciens appellent ce comportement "spin".

Mais malgré les apparences, les électrons ne tournent pas. Ils ne peuvent pas tourner. Prouver qu'il est impossible que les électrons tournent est un problème standard dans tout cours d'introduction à la physique quantique. Si les électrons tournaient suffisamment vite pour expliquer tout le comportement de rotation qu'ils affichent, leurs surfaces se déplaceraient beaucoup plus vite que la vitesse de la lumière (si tant est qu'ils aient des surfaces). Ce qui est encore plus surprenant, c'est que pendant près d'un siècle, cette contradiction apparente a été ignorée par la plupart des physiciens comme étant une autre caractéristique étrange du monde quantique, qui ne mérite pas qu'on s'y attarde.

Pourtant, le spin est profondément important. Si les électrons ne semblaient pas tourner, votre chaise s'effondrerait pour ne plus représenter qu'une fraction minuscule de sa taille. Vous vous effondreriez aussi - et ce serait le moindre de vos problèmes. Sans le spin, c'est tout le tableau périodique des éléments qui s'effondrerait, et toute la chimie avec. En fait, il n'y aurait pas de molécules du tout. Le spin n'est donc pas seulement l'un des meilleurs tours de magie des électrons, c'est aussi l'un des plus importants. Et comme tout bon magicien, les électrons n'ont jamais dit à personne comment ils faisaient ce tour. Mais aujourd'hui, une nouvelle explication du spin est peut-être en train de se profiler à l'horizon, une explication qui tire le rideau et montre comment la magie opère.

UNE DÉCOUVERTE VERTIGINEUSE

La rotation a toujours été une source de confusion. Même les premières personnes qui ont développé l'idée du spin pensaient qu'elle devait être fausse. En 1925, deux jeunes physiciens hollandais, Samuel Goudsmit et George Uhlenbeck, s'interrogeaient sur les derniers travaux du célèbre (et célèbre) physicien Wolfgang Pauli. Pauli, dans une tentative d'expliquer la structure des spectres atomiques et du tableau périodique, avait récemment postulé que les électrons avaient une "double valeur non descriptible classiquement". Mais Pauli n'avait pas dit à quelle propriété physique de l'électron sa nouvelle valeur correspondait, et Goudsmit et Uhlenbeck se demandaient ce que cela pouvait être.

Tout ce qu'ils savaient - tout le monde le savait à l'époque - c'est que la nouvelle valeur de Pauli était associée à des unités discrètes d'une propriété bien connue de la physique newtonienne classique, appelée moment angulaire. Le moment angulaire est simplement la tendance d'un objet en rotation à continuer de tourner. C'est ce qui fait que les toupies tournent et que les bicyclettes restent droites. Plus un objet tourne vite, plus il a de moment cinétique, mais la forme et la masse de l'objet ont aussi leur importance. Un objet plus lourd a plus de moment cinétique qu'un objet plus léger qui tourne aussi vite, et un objet qui tourne avec plus de masse sur les bords a plus de moment cinétique que si sa masse était concentrée en son centre.

Les objets peuvent avoir un moment angulaire sans tourner. Tout objet qui tourne autour d'un autre objet, comme la Terre qui tourne autour du soleil ou un trousseau de clés qui se balance autour de votre doigt sur un cordon, a un certain moment angulaire. Mais Goudsmit et Uhlenbeck savaient que ce type de moment angulaire ne pouvait pas être la source du nouveau nombre de Pauli. Les électrons semblent effectivement se déplacer autour du noyau atomique, retenus par l'attraction entre leur charge électrique négative et l'attraction positive des protons du noyau. Mais le moment angulaire que ce mouvement leur confère était déjà bien pris en compte et ne pouvait pas être le nouveau nombre de Pauli. Les physiciens savaient également qu'il existait déjà trois nombres associés à l'électron, qui correspondaient aux trois dimensions de l'espace dans lesquelles il pouvait se déplacer. Un quatrième nombre signifiait une quatrième façon dont l'électron pouvait se déplacer. Les deux jeunes physiciens pensaient que la seule possibilité était que l'électron lui-même tourne, comme la Terre qui tourne sur son axe autour du soleil. Si les électrons pouvaient tourner dans l'une des deux directions - dans le sens des aiguilles d'une montre ou dans le sens inverse - cela expliquerait la "bivalence" de Pauli.

Excités, Goudsmit et Uhlenbeck rédigent leur nouvelle idée et la montrent à leur mentor, Paul Ehrenfest. Ehrenfest, un ami proche d'Einstein et un formidable physicien à part entière, trouve l'idée intrigante. Tout en la considérant, il dit aux deux jeunes hommes enthousiastes d'aller consulter quelqu'un de plus âgé et de plus sage : Hendrik Antoon Lorentz, le grand manitou de la physique néerlandaise, qui avait anticipé une grande partie du développement de la relativité restreinte deux décennies plus tôt et qu'Einstein lui-même tenait en très haute estime.

Mais Lorentz est moins impressionné par l'idée de spin qu'Ehrenfest. Comme il l'a fait remarquer à Uhlenbeck, on sait que l'électron est très petit, au moins 3 000 fois plus petit qu'un atome - et on sait déjà que les atomes ont un diamètre d'environ un dixième de nanomètre, soit un million de fois plus petit que l'épaisseur d'une feuille de papier. L'électron étant si petit, et sa masse encore plus petite - un milliardième de milliardième de milliardième de gramme - il était impossible qu'il tourne assez vite pour fournir le moment angulaire que Pauli et d'autres recherchaient. En fait, comme Lorentz l'a dit à Uhlenbeck, la surface de l'électron devrait se déplacer dix fois plus vite que la vitesse de la lumière, une impossibilité absolue.

Défait, Uhlenbeck retourne voir Ehrenfest et lui annonce la nouvelle. Il demande à Ehrenfest de supprimer l'article, mais on lui répond qu'il est trop tard, car son mentor a déjà envoyé l'article pour publication. "Vous êtes tous les deux assez jeunes pour pouvoir vous permettre une stupidité", a dit Ehrenfest. Et il avait raison. Malgré le fait que l'électron ne pouvait pas tourner, l'idée du spin était largement acceptée comme correcte, mais pas de la manière habituelle. Plutôt qu'un électron qui tourne réellement, ce qui est impossible, les physiciens ont interprété la découverte comme signifiant que l'électron portait en lui un certain moment angulaire intrinsèque, comme s'il tournait, même s'il ne pouvait pas le faire. Néanmoins, l'idée était toujours appelée "spin", et Goudsmit et Uhlenbeck ont été largement salués comme les géniteurs de cette idée.

Le spin s'est avéré crucial pour expliquer les propriétés fondamentales de la matière. Dans le même article où il avait proposé son nouveau nombre à deux valeurs, Pauli avait également suggéré un "principe d'exclusion", à savoir que deux électrons ne pouvaient pas occuper exactement le même état. S'ils le pouvaient, alors chaque électron d'un atome tomberait simplement dans l'état d'énergie le plus bas, et pratiquement tous les éléments se comporteraient presque exactement de la même manière les uns que les autres, détruisant la chimie telle que nous la connaissons. La vie n'existerait pas. L'eau n'existerait pas. L'univers serait simplement rempli d'étoiles et de gaz, dérivant dans un cosmos ennuyeux et indifférent sans rencontrer la moindre pierre. En fait, comme on l'a compris plus tard, toute matière solide, quelle qu'elle soit, serait instable. Bien que l'idée de Pauli soit clairement correcte, la raison pour laquelle les électrons ne pouvaient pas partager des états n'était pas claire. Comprendre l'origine du principe d'exclusion de Pauli permettrait d'expliquer tous ces faits profonds de la vie quotidienne.

La réponse à cette énigme se trouvait dans le spin. On découvrit bientôt que le spin était une propriété de base de toutes les particules fondamentales, et pas seulement des électrons, et qu'il était étroitement lié au comportement de ces particules en groupes. En 1940, Pauli et le physicien suisse Markus Fierz ont prouvé que lorsque la mécanique quantique et la relativité restreinte d'Einstein étaient combinées, cela conduisait inévitablement à un lien entre le spin et le comportement statistique des groupes. Le principe d'exclusion de Pauli n'était qu'un cas particulier de ce théorème de la statistique du spin, comme on l'a appelé. Ce théorème est un "fait puissant sur le monde", comme le dit le physicien Michael Berry. "Il est à la base de la chimie, de la supraconductivité, c'est un fait très fondamental". Et comme tant d'autres faits fondamentaux en physique, le spin s'est avéré utile sur le plan technologique également. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le spin a été exploité pour développer des lasers, expliquer le comportement des supraconducteurs et ouvrir la voie à la construction d'ordinateurs quantiques.

VOIR AU-DELÀ DU SPIN

Mais toutes ces fabuleuses découvertes, applications et explications laissent encore sur la table la question de Goudsmit et Uhlenbeck : qu'est-ce que le spin ? Si les électrons doivent avoir un spin, mais ne peuvent pas tourner, alors d'où vient ce moment angulaire ? La réponse standard est que ce moment est simplement inhérent aux particules subatomiques et ne correspond à aucune notion macroscopique de rotation.

Pourtant, cette réponse n'est pas satisfaisante pour tout le monde. "Je n'ai jamais aimé l'explication du spin donnée dans un cours de mécanique quantique", déclare Charles Sebens, philosophe de la physique à l'Institut de technologie de Californie. On vous le présente et vous vous dites : "C'est étrange. Ils agissent comme s'ils tournaient, mais ils ne tournent pas vraiment ? Je suppose que je peux apprendre à travailler avec ça". Mais c'est étrange."

Récemment, cependant, Sebens a eu une idée. "Dans le cadre de la mécanique quantique, il semble que l'électron ne tourne pas", dit-il. Mais, ajoute-t-il, "la mécanique quantique n'est pas notre meilleure théorie de la nature. La théorie des champs quantiques est une théorie plus profonde et plus précise."

La théorie quantique des champs est l'endroit où le monde quantique des particules subatomiques rencontre l'équation la plus célèbre du monde : E = mc2, qui résume la découverte d'Einstein selon laquelle la matière peut se transformer en énergie et vice versa. (La théorie quantique des champs est également à l'origine du théorème de la statistique du spin). C'est à partir de cette propriété que lorsque des particules subatomiques interagissent, de nouvelles particules sont souvent créées à partir de leur énergie, et les particules existantes peuvent se désintégrer en quelque chose d'autre. La théorie quantique des champs traite ce phénomène en décrivant les particules comme provenant de champs qui imprègnent tout l'espace-temps, même l'espace vide. Ces champs permettent aux particules d'apparaître et de disparaître, conformément aux règles strictes de la relativité restreinte d'Einstein et aux lois probabilistes du monde quantique.

Et ce sont ces champs, selon Sebens, qui pourraient contenir la solution à l'énigme du spin. "L'électron est habituellement considéré comme une particule", explique-t-il. "Mais dans la théorie quantique des champs, pour chaque particule, il existe une façon de la considérer comme un champ." En particulier, l'électron peut être considéré comme une excitation dans un champ quantique connu sous le nom de champ de Dirac, et ce champ pourrait être ce qui porte le spin de l'électron. "Il y a une véritable rotation de l'énergie et de la charge dans le champ de Dirac", dit Sebens. Si c'est là que réside le moment angulaire, le problème d'un électron tournant plus vite que la vitesse de la lumière disparaît ; la région du champ portant le spin de l'électron est bien plus grande que l'électron supposé ponctuel lui-même. Ainsi, selon Sebens, d'une certaine manière, Pauli et Lorentz avaient à moitié raison : il n'y a pas de particule qui tourne. Il y a un champ tournant, et c'est ce champ qui donne naissance aux particules.

UNE QUESTION SANS RÉPONSE ?

Jusqu'à présent, l'idée de Sebens a produit quelques remous, mais pas de vagues. Pour ce qui est de savoir si les électrons tournent, "je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question à laquelle on puisse répondre", déclare Mark Srednicki, physicien à l'université de Californie à Santa Barbara. "Nous prenons un concept qui trouve son origine dans le monde ordinaire et nous essayons de l'appliquer à un endroit où il ne s'applique plus vraiment. Je pense donc que ce n'est vraiment qu'une question de choix, de définition ou de goût pour dire que l'électron tourne vraiment." Hans Ohanian, physicien à l'université du Vermont qui a réalisé d'autres travaux sur le spin des électrons, souligne que la version originale de l'idée de Sebens ne fonctionne pas pour l'antimatière.

Mais tous les physiciens ne sont pas aussi dédaigneux. Selon Sean Carroll, physicien à l'université Johns Hopkins et à l'Institut Santa Fe, "la formulation conventionnelle de notre réflexion sur le spin laisse de côté un élément potentiellement important". "Sebens est tout à fait sur la bonne voie, ou du moins fait quelque chose de très, très utile dans le sens où il prend très au sérieux l'aspect champ de la théorie quantique des champs." Mais, souligne Carroll, "les physiciens sont, au fond, des pragmatiques..... Si Sebens a raison à 100 %, les physiciens vous diront : "D'accord, mais qu'est-ce que cela m'apporte ?"

Doreen Fraser, philosophe de la théorie des champs quantiques à l'université de Waterloo, au Canada, se fait l'écho de ce point de vue. "Je suis ouverte à ce projet que Sebens a de vouloir forer plus profondément pour avoir une sorte d'intuition physique pour aller avec le spin", dit-elle. "Vous avez cette belle représentation mathématique ; vous voulez avoir une image physique intuitive pour l'accompagner." En outre, une image physique pourrait également déboucher sur de nouvelles théories ou expériences qui n'ont jamais été réalisées auparavant. "Pour moi, ce serait le test pour savoir si c'est une bonne idée."

Il est trop tôt pour dire si les travaux de M. Sebens porteront ce genre de fruits. Et bien qu'il ait rédigé un article sur la manière de résoudre la préoccupation d'Ohanian concernant l'antimatière, d'autres questions connexes restent en suspens. "Il y a beaucoup de raisons d'aimer" l'idée du champ, dit Sebens. "Je prends cela plus comme un défi que comme un argument massue contre elle."

Auteur: Becker Adam

Info: Scientific American, November 22, 2022

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