positiver
Pendant l'insomnie, je me dis, en guise de consolation, que ces heures dont je prend conscience, je les arrache au néant, et que si je les dormais, elles ne m'auraient jamais appartenu, elles n'auraient jamais existé.
Auteur:
Cioran Emil Michel
Années: 1911 - 1995
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France - Roumanie
Info:
[
angoisse
]
onirisme
Je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, sachant que j'étais éveillé, jusqu'au moment où, me réveillant, je me rappelai que je dormais. Naturellement, je ne me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, m'endormant, je me rappelai que je venais de me réveiller d'un sommeil où je rêvais que je dormais. Naturellement, je en me laissais pas prendre, jusqu'au moment où, perdant toute foi, je me mis à me mordre les doigts de rage, me demandant malgré la souffrance grandissante si je me mordais réellement les doigts ou si seulement je rêvais que je me mordais les doigts de ne pas avoir si j'étais éveillé ou endormi et rêvant que j'étais désespéré de ne pas savoir si je dormais, ou si seulement je... et me demandant si... Et ainsi d'insomnies en inutiles sommeils, je poursuis sans m'abandonner jamais un repos qui n'est pas un repos, dans un éveil n'est pas un éveil, indéfiniment au guet, sans pouvoir franchir la passerelle quoique mettant le pied sur mille, dans une nuit aveugle et longue comme un siècle, dans une nuit qui coule sans montrer de fin.
Auteur:
Michaux Henri
Années: 1899 - 1984
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Face aux verrous
[
littérature
]
[
poésie
]
[
absurde
]
frangine
Ma soeur,
une nuée toujours ombrait
tes paupières.
Accoudée au balcon
- une enfant encore -
tu regardais la mer
dérouler le rêve
de la solitude sans fin.
Tu alimentais ton coeur
des feuilles de l'automne
La mère reflétait
l'énigme de son ombre
dans le fond de tes yeux.
La pâle lueur de ton visage
errait sur le plancher
de notre demeure.
Nous ne te vîmes jamais pleurer.
Là seulement sur tes tempes
les veines ténues
pareilles à des filons de lumière bleue
battaient la fièvre
de tes lèvres recluses.
(Combien de fois,
aux heures où tu dormais,
je me penchais sur elles pour y lire
ton secret.)
Remplie d'amour et de pitié
tu pansais nos blessures
et te taisais.
Ton silence avisait de tout.
Par les soirs d'hiver
tu avançais seule dans la forêt
pour soigner
les moineaux nus,
pour réchauffer
les insectes transis.
Grain à grain tu amassais en toi
les larmes des pauvres, des humbles.
Et quand s'effondra notre maison
ce fut toi encore qui resta droite
- ombre de la Sainte Vierge -
afin de me montrer les étoiles
au travers des trouées du toit.
Désormais ton silence s'est brisé
et dans le petit coquillage que tu cachais
j'ai écouté les clameurs de l'océan.
Ma soeur, il ne m'est resté
pas même une pierre où m'étendre.
Auteur:
Yannis Ritsos
Années: 1919 - 1990
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - Grèce
Info:
Le chant de ma soeur : Edition bilingue français-grec.
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eulogie
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poème
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