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totalitarismes

Apparemment enhardi par ses propres formulations, Jung s’aventure avec confiance sur la glace fragile des généralisations et des pronostics politiques. Tout d’abord, il exprime sa foi en la démocratie : "En qualité de Suisse, je suis un démocrate invétéré, et cependant je reconnais que la nature est aristocratique, et de plus, ésotérique." S’étant ainsi absous lui-même, il poursuit : "Les grands actes libérateurs de l’histoire universelle ont été accomplis par des personnalités dominantes, jamais par la masse inerte qui est en tout temps secondaire et dépend du démagogue si elle doit éventuellement bouger." Le péan de la nation italienne, ajoute-t-il, est dédié à la personnalité du Duce, et les chants funèbres des autres nations lamentent l’absence de grands chefs. Au cas où nous pourrions encore douter de la nature de ces grands chefs, Jung ajoute une note marginale qui mérite d’être citée en entier : Ce chapitre a été originellement donné sous forme de conférence sous le titre de Die Stimme des Innern au Kulturbund, à Vienne, en novembre 1932. Depuis lors, l’Allemagne aussi a trouvé son chef.

Que cette note ait été plus qu’un commentaire impersonnel est corroboré par un certain nombre de faits. Lorsqu’il fut critiqué par le Dr G. Bailly pour avoir accepté de devenir l’éditeur de la Zentrablatt für Psychotherapie, Jung soutint qu’en accomplissant cette démarche, il s’était exposé aux malentendus "auxquels personne ne peut échapper, lorsque mû par une nécessité supérieure, il est parvenu à s’entendre avec les pouvoirs qui existent en Allemagne" [Neue Zürcher Zeitung, 13 mars 1934]. […]

En 1936, alors qu’il développait son "analyse psycho-politique" conformément à la tendance aristocratique de la nature, Jung déclare explicitement : "La démocratie communiste ou socialiste est le soulèvement des inadaptés contre les efforts de l’ordre." Et encore : "Les hommes SS sont en pleine transformation et vont devenir une caste de chevaliers à la tête de 60 millions d’indigènes." "Il existe deux types de dictateurs, le type du chef et le type du medecine-man. Hitler appartient à ce dernier type. Il est le porte-parole des anciens dieux… la Sybille… l’oracle delphique." Dès le début de 1939 il avertit les chefs d’Etats occidentaux "de ne pas toucher à l’Allemagne dans son humeur présente. Elle est beaucoup trop dangereuse… Laissez-la pénétrer en Russie. Il y a là assez de territoires – un sixième de la surface de la terre" [Cosmopolitan Interview, janvier 1939]. […]

Après l’événement, Jung fit preuve d’une sagesse rétrospective comme l’eut fait à sa place tout autre mage politique qui se serait rendu coupable d’une semblable énormité. […] Après la défaite de 1945, son portrait de Hitler subit une transformation remarquable. La figure hermaphrodique du medecine-man "religieux" cum Sybille, le "demi-dieu" qu’il nous avait présenté en 1936 fait place à "cet épouvantail à moineaux psychique (avec pour bras un manche à balai)", un hystérique, souffrant de pseudologia phantastica, un psychopathe entraînant des millions d’êtres à une psychose collective, qui, incidemment cessait d’être – comme en un temps aux yeux de Jung – particulière à l’URSS. 

Auteur: Glover Edward

Info: Dans "Freud ou Jung ?", trad. Lucy Jones, P.U.F., Paris, 1954, pages 118-120

[ nazisme ] [ caution extérieure ] [ volte-face ] [ vingtième-siècle ] [ ambivalence ] [ adaptation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

suicide intellectuel

Ce dont nous souffrons aujourd’hui, c’est d’un déplacement vicieux de l’humilité. La modestie a cessé tout rapport avec l’ambition pour entrer en contact intime avec la conviction, ce qui n’aurait jamais du se produire. Un homme peut douter de lui-même, mais non de la vérité, et c’est exactement le contraire qui s’est produit. Aujourd’hui, ce qu’un homme affirme, c’est exactement ce qu’il ne doit pas affirmer, c’est-à-dire lui-même ! Ce dont il doute est précisément ce dont il ne doit pas douter : la Raison Divine. (…)

Le nouveau sceptique est si humble qu’il doute de pouvoir apprendre. Ainsi nous aurions tort de nous presser de dire qu’il n’y a pas d’humilité propre à notre époque. Le vérité est qu’il en existe une, très réelle, mais pratiquement plus morbide que les farouches humiliations de l’ascète. L’ancienne humilité était un aiguillon qui empêchait l’homme de s’arrêter et non pas un clou dans la chaussure qui l’empêche d’avancer, car l’ancienne humilité faisait qu’un homme doutait de son effort et cela le poussait à travailler avec encore plus d’ardeur. Mais la nouvelle humilité fait que l’homme doute de son but, ce qui l’arrête tout à fait. (…)

Le péril, c’est que l’intelligence humaine est libre de se détruire elle-même. De même qu’une génération pourrait empêcher l’existence même de la génération suivante, si tous ceux qui la composent entraient au couvent ou se jetaient dans la mer, ainsi, un petit nombre de penseurs peut, jusqu’à un certain point, faire obstacle à la pensée dans l’avenir en enseignant à la génération suivante qu’il n’y a rien de valide dans aucune pensée humaine.

Il est vain de parler de l’antagonisme de la raison et de la foi. La raison est elle même un sujet de foi. C’est un acte de foi de prétendre que nos pensées ont une relation quelconque avec une réalité quelle qu’elle soit. Si vous êtes vraiment un sceptique, vous devrez tôt ou tard vous poser la question : "Pourquoi y aurait-il quelque chose d’exact, même l’observation et la déduction ? Pourquoi la bonne logique ne serait-elle pas aussi trompeuse que la mauvaise ? L’une et l’autre ne sont que des mouvements dans le cerveau d’un singe halluciné ?"

Le jeune sceptique dit : "J’ai le droit de penser par moi-même". Mais le vieux sceptique, le sceptique complet dit : "Je n’ai pas le droit de penser par moi-même. Je n’ai pas le droit de penser du tout."

Il y a une pensée qui arrête la pensée, et c’est à celle là qu’il faut faire obstacle. C’est le mal suprême contre lequel toute autorité religieuse a lutté. Ce mal n’apparaît qu’à la fin d’époques décadentes comme la notre…

Car nous pouvons entendre le scepticisme brisant le vieil anneau des autorités et voir au même moment la raison chanceler sur son trône. Si la religion s’en va, la raison s’en va en même temps. Car elles sont toutes les deux de la même espèce primitive et pleine d’autorité. Elles sont toutes les deux des méthodes de preuves qui ne peuvent elles-mêmes être prouvées.

Et en détruisant l’idée de l’autorité divine, nous avons presque entièrement détruit l’idée de cette autorité humaine par laquelle nous pouvons résoudre un problème de mathématiques. Avec une corde longue et résistante, nous avons essayé d’enlever sa mitre (la religion) à l’homme pontife et la tête (la raison) a suivi la mitre.

Auteur: Chesterton Gilbert Keith

Info: Orthodoxie

[ individualisme ] [ sans repères ] [ scientisme borgne ]

 
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taiseux

Plus tard, quand elle revint dans la pièce pour éplucher les pommes de terre à côté de son mari, elle le trouva installé à la table donc il avait enlevé le napperon. Il y avait étalé ses couteaux à sculpter, et déjà de petits copeaux jonchaient le sol tout autour de lui.

- Que fais-tu donc, Otto ? demanda-t-elle avec un étonnement sans bornes.

- C’est pour voir si je suis encore capable de sculpter, répondit-il.

Elle était un peu irritée. Otto avait beau ne pas être grand psychologue, il devait pourtant se douter de l’impatience avec laquelle il attendait les explications qu’il avait promis de lui donner. Et voilà qu’il avait exhumé ses couteaux à sculpter et qu’il tripotait ses petits morceaux de bois, tout à fait comme au début de leur mariage, lorsqu’il la mettait au désespoir par son éternel silence ! Alors, elle n’avait pas autant qu’aujourd’hui l’habitude de ce mutisme, qui pourtant aujourd’hui lui semblait encore plus intolérable... Justement aujourd’hui ! ... Sculpter du bois ! Grands dieux, voilà tout ce que cet homme trouvait à faire après de tels évènements ! Ce silence si âprement défendu, allait-il le rendre plus insupportable encore ? Y aurait-il de longues heures pendant lesquelles il sculpterait le bois sans prononcer une parole ? ... Pour elle, quelle nouvelle et cruelle désillusion ! ... Mais elle ne pourrait pas la supporter aussi passivement que toutes les autres.

Inquiète, au bord du désespoir, elle regardait pourtant avec une certaine curiosité le morceau de bois long et épais qu’il tournait pensivement dans ses grosses mains et dont il faisait sauter çà et là quelques copeaux.

- Qu’est-ce que ce sera, Otto ? demanda-t-elle, un peu malgré elle.

[...] A cette question presque involontaire, Otto parut d’abord ne vouloir répondre de nouveau que par un grognement. Mais il s’avisa peut-être que, ce matin, il avait exigé un peu trop d’Anna. Ou peut-être était-il tout simplement disposé à s’expliquer.

- Ce sera une tête, dit-il. Je veux voir si je suis encore capable de sculpter une tête... Jadis, j’ai sculpté beaucoup de têtes de pipes.

Et il se remit à travailler son morceau de bois.

- Des têtes de pipes ? ... Voyons, Otto, réfléchis ! ... Le monde s’écroule, et tu penses à des têtes de pipes ! ... Quand j’entends ça ! ...

Il ne semblait faire grand cas ni de sa colère ni de ses paroles.

- Naturellement, ce ne sera pas une tête de pipe… Je veux seulement voir si je suis capable de sculpter notre garçon tel qu'il était.

La mauvaise humeur d'Anna tourna court sur-le-champ. Ainsi, c'était au petit qu'il pensait ! Et s'il pensait au petit, et songeait à sculpter une image de lui, c'est qu'il pensait aussi à elle et qu'il voulait lui faire plaisir. Elle se leva de sa chaise, laissant là ses pommes de terre, et dit :

- Attends, Otto, je t'apporte les photos. Pour que tu saches comment notre petit était réellement…

Il eut un mouvement de refus :

- Je ne veux pas voir de photos. Je veux évoquer Otto par la sculpture, tel que je l'ai ici en moi.

Il se toucha le front. Après un silence, il ajouta encore :

- Si j'en suis capable !

Elle était tout émue. Leur fils vivait donc également en lui ; il avait en lui une image bien nette de leur fils.

Auteur: Fallada Hans

Info: Dans "Seul dans Berlin", traduit de l’allemand par A. Virelle et A. Vandevoorde, éditions Denoël, 2002, pages 156 à 158

[ père-fils ] [ père-par-mère ] [ couple ]

 
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réminiscence

Déjà-vu ? Les scientifiques ont la réponse La plupart d'entre nous a éprouvé le "déjà-vu" au moins une fois. Sentiment inconfortable qu'on a été ici dans un endroit, dans une situation auparavant. Habituellement la sensation dure pendant un moment et est rapidement suivie de la réalisation qu'on a en fait pas éprouvé cette situation actuelle dans le passé, et qu'on ne peut simplement pas connaître cet endroit. Néanmoins, il y a le sentiment que quelque chose était là dans notre mémoire, en partie ou en entier.
La sensation de "déjà-vu", a été nommée ainsi au 19ème siècle, mais ce phénomène mental a fasciné et effrayé ceux qui l'éprouvent. depuis bien plus longtemps.
La Science eut peu à offrir comme explication, ajoutant au mystère.
Il y eut des tentatives pour éclaircir le phénomène, certains y voyant une évidence qu'après la mort l'âme passe à un autre corps, humain ou animal.
Un des point de départ pour les chercheurs est qu'une expérience de "déjà vu" est peut-être liée à l'expérience d'un rêve qui a été à demi ou totalement oublié.
Les auteurs français Marc Tadié et son frère Jean Yves, l'un directeur de faculté de neurochirurgie, l'autre professeur de littérature, pointent ceci dans en leur livre "Le sens de la mémoire ".
Il est caractéristique de l'expérience qu'on est sûr pendant un moment d'avoir vécu cette expérience auparavant mais qu'on ne peut simplement pas se rappeler ou dans le temps.
La description des rêves dans la littérature pourrait indiquer une manière pour comprendre ces expériences de "déjà-vu".
"Dans un rêve la conscience peut bouger librement dans un espace sans limites, où passé et futur se mélangent" disent les deux Tadié au sujet de descriptions de cette sorte.
Dans une contribution l'année dernière au magasine allemand "Gehirn und Geist" (cerveau et esprit, édités par Heidelberg référence est faite de recherches au sein des processus de mémoire conduits par John D.E. Gabrieli et son équipe à l'université de Stanford en Californie.
Leurs études indiquent que les structures cervicales de l'hippocampe et du cortex parahippocampien jouent des rôles différents dans ce processus.
Tandis que l'hippocampe permet sujet à se rappeler les événements consciemment, le cortex parahipppocampien peut faire la distinction entre des impulsions accoutumées ou inhabituelles, il fait ceci sans même se rapporter à une expérience concrète.
Josef Spatt de l'institut de Ludwig-Ludwig-Boltzmann à Vienne a basé son hypothèse sur cette idée, proposant que le "déjà vu" se produit quand le Parahippocampe, sans que l'hippocampe soit impliqué, émet un signal "accoutumé à", ou "confortable" lié avec telle ou telle sensation.
Ainsi une expérience peut-être considérée comme bien connue, quoiqu'elle ne puisse pas être placée à temps.
Comme Spatt, Uwe Wolfradt, qui fait des recherches sur la self aliénation et les phénomènes de mémoire à l'institut de psychologie de l'université de Halle-Wittenberg dit qu'il y a probablement beaucoup de régions du cerveau impliquées dans la sensations de "déjà vu".
"Les sentiments intensifs de self-aliénation et d'irréalité, couplés avec un sentiment du temps modifié, semblent indiquer une série complexe d'événements dans la conscience," dit-il.
Tandis que la personne éprouvant le "déjà vu" peut commencer à douter de sa prise sur la réalité pendant un moment, les neurologistes croient que cette "petite erreur" commise par notre conscience leur ouvre une fenêtre inhabituelle sur les processus de la conscience.
"Peut-être que la recherche à venir induite par le "déjà vu" expliquera non seulement comment les erreurs de mémoire se produisent, mais également comment le cerveau peut établir une image continue de le réalité " indique Wolfradt.

Auteur: Nouvelles allemandes

Info: Hambourg 14 février 2005

[ paramnésie ]

 

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transhumanisme

Les robots "surhumains" seront en mesure de dépasser les capacités de l'humanité d'ici un demi-siècle, avertit un expert en intelligence artificielle, soulignant qu'il est vital d'introduire des garanties afin d'éviter que l'humanité soit "remplacée".

Luca De Ambroggi, responsable de la recherche et de l'analyse des solutions d'IA au sein de l'équipe Transformative Technology d'IHS Markit, fournisseur mondial d'informations basé à Londres, a déclaré à Express.co.uk : "Dans 50 ans, il est raisonnable de penser que les robots seront capables de "soutenir" et de remplacer l'être humain dans plusieurs activités. Déjà, les appareils électromécaniques surpassent les humains en sensibilité et en temps de réaction." Compte tenu des progrès technologiques considérables réalisés au cours de la dernière décennie, M. Ambroggi a déclaré que 50 ans étaient "suffisants" pour combler plusieurs fossés avec l'être humain.

Et d'ajouter : – Même si notre cerveau aura encore des avantages et que les êtres humains resteront plus dynamiques et polyvalents, l'électronique pourra surpasser les humains dans plusieurs fonctions spécifiques. Comme elle le fait déjà aujourd'hui, de la vision industrielle, à la reconnaissance audio et vocale.

- La question à long terme est de savoir si les "personnes remplacées" pourront être requalifiées et continuer à apporter de la valeur ajoutée dans notre société. Il continue : "L'intelligence artificielle est là, et elle est là pour le long terme.

- Nous sommes dans l'ère dite étroite ou faible, de l'IA. Elle est "plus faible" que l'humain ou égale ou supérieure pour quelques tâches et sens limités. Quelle que soit la façon dont elle perturbe la société et son évolution, cela aura des répercussions majeures sur la sécurité des données, le travail et l'éthique.

- Cette ère est celle de l'IA multimodale générique, comparable à une intelligence humaine appliquée dans tous les sens et travaillant puissamment en parallèle. Par exemple, pour ce qui est de l'électronique de détection et du support des semi-conducteurs, pour les capacités de vision, d'écoute, de toucher, ainsi que d'odorat et de goût avec les dernières technologies MEMS.

- Nous devons revenir à l'éthique. Il est communément admis que l'intelligence artificielle et ses dispositifs/robots vont accroître le business et la richesse dans le monde entier. C'est encore une fois aux régulateurs et aux administrateurs de s'assurer que tous les humains en bénéficieront et pas quelques sociétés seulement.

Regardant plus loin, M. Ambroggi considère l'idée que les robots seront un jour considérés comme ayant une conscience, et donc comme des formes de vie indépendantes. Il explique : "Il est tout à fait possible que ce soit aussi une réalité, peut-être pas dans les 50 prochaines années, mais la technologie évolue si rapidement que je peux difficilement en douter."

"Lorsque nous étudions la biologie, un 'être vivant' doit avoir au moins une unité 'cellulaire' vivante. Jusqu'à présent, ce n'est pas le cas, mais il est clair que cela pourra l'être à l'avenir. L'intelligence humaine peut être améliorée avec un implant à puce IA, mais alors nous entrons dans de nouveaux domaines et devrons définir ce qui est et ce qui n'est pas un humanoïde hybride ?"

"Nous devrions aussi mentionner la conscience. Nous pouvons affirmer que la conscience même vient de l'expérience, comme on le voit dans le comportement humain qui est extrêmement différencié suivant les différentes parties du monde. Si c'est le cas, l'IA peut le faire et le fera, car l'expérience est reproductible."

- Le surhomme est la dernière étape, et j'ai peur d'utiliser ce mot "dernier". Mais c'est ce qui conduit la recherche pour l'avenir.

"Peu importe qui ou quoi sera au-dessus des capacités humaines. Avant cela, nous ferions mieux de nous assurer d'avoir en place de bonnes réglementations, méthodologies et processus éthiques afin de nous assurer de tirer profit du côté positif de la technologie."

Auteur: McGrath Ciaran

Info: Sun, 3 février 2019

[ prospective ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

punition

Toutes ces déportations aux travaux forcés qui s’accompagnaient autrefois de châtiments corporels, n’amendent personne et surtout n’effraient aucun criminel ; non seulement le nombre de crimes ne diminue pas mais, au contraire, il augmente de plus en plus. Vous devez en convenir. Il en résulte que la société n’est nullement protégée, car bien qu’on ampute mécaniquement le membre contaminé, qu’on l’exile au loin, hors de la vue, un autre criminel vient aussitôt prendre sa place, et peut-être même deux. S’il y a quelque chose qui protège la société, même de nos jours, et qui amende le criminel en faisant de lui un autre homme, ce n’est encore une fois que la loi du Crist qui se manifeste dans l’aveu de sa propre conscience. Ce n’est qu’après avoir compris sa faute en tant que fils de la société du Christ, c’est-à-dire de l’Église, qu’il comprendra aussi sa faute envers la société, c’est-à-dire envers l’Église. Ainsi, ce n’est que devant la seule Église que le criminel actuel est capable de reconnaître sa faute, et non pas devant l’État. [...] Qu’adviendrait-il du criminel, oh, Seigneur, si la société chrétienne, c’est-à-dire l’Église, le rejetait à la façon dont le rejette et le retranche la loi civile ? Qu’adviendrait-il si, aussitôt et chaque fois, l’Église de son côté le châtiait par l’excommunication à la suite du châtiment infligé par la loi de l’État ? Il ne saurait y avoir de plus grand désespoir, du moins pour le criminel russe, car les criminels russes ont encore la foi. D’ailleurs, qui sait, peut-être arriverait-il alors une chose terrible : la perte de la foi dans le cœur désespéré du criminel, et alors ? Mais l’Église, telle une mère tendre et aimante, renonce elle-même au châtiment effectif car, même sans son châtiment, le coupable n’est que trop durement puni par la justice de l’État, et il faut bien que quelqu’un ait pitié de lui. Elle y renonce surtout parce que la justice de l’Église est la seule qui renferme la vérité et qu’en conséquence, elle ne peut ni essentiellement, ni moralement se solidariser avec aucune autre justice, même à titre de compromis provisoire. Le criminel étranger se repent rarement, dit-on, car les doctrines les plus modernes elles-mêmes le confirment dans l’idée que son crime n’en est pas un, mais une simple révolte contre la force qui l’opprime injustement. La société le retranche d’elle-même par la force qui triomphe de lui d’une manière toute mécanique, et elle accompagne ce bannissement de haine (c’est ainsi du moins qu’ils le racontent d’eux-mêmes en Europe), de haine et d’une indifférence, d’un oubli absolus quant à son sort ultérieur, à lui, son frère. Ainsi tout se passe sans la moindre pitié de la part de l’Église, car dans beaucoup de cas il n’y a même déjà plus d’Église là-bas ; il ne reste que des ecclésiastiques et de magnifiques édifices religieux, tandis que les Églises elles-mêmes tendent depuis longtemps à passer de la condition inférieure d’Église à la condition supérieure d’État, pour s’y fondre complètement. Il semble, du moins, en être ainsi dans les pays protestants. A Rome, il y a déjà mille ans que l’État a été proclamé à la place de l’Église. C’est pourquoi le criminel lui-même n’a plus conscience d’être un membre de l’Église et que, une fois excommunié, il est la proie du désespoir. [...] si la justice de l’Église était réellement instaurée, et cela dans toute sa puissance, c’est-à-dire si la société se changeait en Église, non seulement la justice de l’Église influerait sur l’amendement du criminel bien plus efficacement qu’elle ne le fait actuellement, mais peut-être les crimes eux-mêmes diminueraient-ils en effet en nombre dans des proportions incroyables. Au surplus, l’Église elle-même comprendrait à n’en pas douter le futur criminel et le futur crime tout autrement qu’elle ne le fait aujourd’hui et elle saurait ramener l’excommunié, prévenir le crime projeté et régénérer le déchu.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 81 à 83

[ orthodoxie ] [ orient-occident ] [ exemplarité ] [ interruption de la logique circulaire du rééquilibrage ] [ intériorisation ] [ éternel-temporel ]

 
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dictateur

Mes parents avaient des opinions très arrêtées sur Adolf Hitler. Pour avoir tous deux vécu la guerre - outre que le frère de mon père a été tué dans les convois de l'Atlantique -, ils pensaient qu'il était l'incarnation du Mal. Mais je me rappelle m'être demandé, alors que je n'étais pourtant encore qu'un enfant, comment, si Hitler était le Démon dans un corps d'homme, il avait pu obtenir de tant de personnes qu'elles obéissent à ses ordres. C'est d'une certaine façon une question à laquelle je n'ai cessé de penser depuis, et c'est à elle que je tâche de répondre dans cet ouvrage.
Adolf Hitler était, à première vue, le dirigeant le plus improbable pour un État sophistiqué au coeur de l'Europe. Il était incapable d'entretenir des relations amicales normales ou d'accepter un débat intellectuel : rempli de haine et de préjugés, dépourvu de toute aptitude à aimer, c'était avant tout un homme "seul". Il était, indubitablement, "en tant qu'être humain, lamentable". Et pourtant, il joua un rôle déterminant dans trois des décisions les plus dévastatrices jamais prises : celle d'envahir la Pologne - qui conduisit à la Seconde Guerre mondiale -, celle d'envahir l'Union soviétique et enfin celle d'assassiner les Juifs.
Cependant Hitler ne fut pas à lui seul l'auteur de toute cette horreur, et à côté de ses nombreuses insuffisances personnelles, il possédait à n'en point douter de grands pouvoirs de persuasion. "Toute ma vie, dit-il en 1942 en une formule marquante, se résume dans mes efforts incessants pour persuader autrui." Et j'ai pour ma part rencontré bien des personnes ayant vécu cette période qui m'ont confirmé ce jugement. Quand je les pressais de me dire ce qu'elles trouvaient de si convaincant dans une personnalité tellement étrange, elles me citaient une myriade d'éléments tels que les circonstances de l'époque, leurs peurs, leurs espoirs, etc. Mais elles étaient également nombreuses à évoquer simplement le puissant attrait qu'Hitler exerçait sur elles - un phénomène qui fut bien souvent imputé à son "charisme".
Mais qu'est-ce exactement que le "charisme" ? Le terme provient d'une racine grecque signifiant une grâce ou une faveur octroyée par une divinité, mais le "charisme", dans l'acception que nous donnons aujourd'hui à ce mot, n'est pas un don "divin", il est "axiologiquement neutre" - bons et méchants peuvent le posséder à la même enseigne. La signification originaire implique également que le charisme est une qualité absolue qui existe - ou n'existe pas - dans un individu spécifique. Mais la séduction charismatique d'Hitler n'était pas universelle. Elle n'existait que dans l'espace entre lui et les sentiments de son auditoire. Quand deux personnes rencontraient Hitler en même temps, il pouvait arriver que l'une le trouve charismatique, mais que la seconde le prenne pour un fou.
Notre compréhension moderne du concept de "charisme" commence avec les travaux du sociologue allemand Max Weber qui écrivit des pages célèbres sur la "domination charismatique" au tournant du siècle dernier. Sans doute le fit-il bien avant qu'Hitler ne devienne chancelier du Reich, mais ses réflexions sont toujours très pertinentes pour quiconque s'intéresse à l'étude du nazisme en général et d'Hitler en particulier. Là où la contribution de Weber est capitale, c'est en ce qu'il examine la "domination charismatique" comme un type particulier d'exercice du pouvoir - plutôt que comme une qualité personnelle qu'une pop-star peut posséder au même titre qu'un homme politique. Pour Weber, le chef "charismatique" doit posséder un fort élément "missionnaire" et il est plus proche d'une figure quasi religieuse que d'un homme d'État démocratique ordinaire. Les partisans d'un tel chef recherchent autre chose qu'une amélioration matérielle de leur sort - bénéficier d'impôts moins élevés ou d'un meilleur système de santé -, car ils poursuivent un but plus général, presque spirituel, de rédemption et de salut. Il est difficile, dans des structures bureaucratiques normales, de voir émerger un chef "charismatique", poussé en avant par le sens qu'il a de sa destinée personnelle. Hitler, selon cette définition, est l'archétype du "chef charismatique".

Auteur: Rees Laurence

Info: Adolf Hitler, la séduction du diable

[ charme ] [ autorité ]

 

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querelle religieuse

[…] je vis Monsieur N., docteur de Navarre, qui demeure près de chez moi et qui est, comme vous le savez, des plus zélés contre les Jansénistes ; et comme ma curiosité me rendait presque aussi ardent que lui, je lui demandai s’ils ne décideraient pas formellement que la grâce est donnée à tous, afin qu’on n’agitât plus ce doute. Mais il me rebuta rudement et me dit que ce n’était pas là le point ; qu’il y en avait de ceux de son côté qui tenaient que la grâce n’est pas donnée à tous, que les examinateurs mêmes avaient dit en pleine Sorbonne que cette opinion est problématique, et qu’il était lui-même dans ce sentiment : ce qu’il me confirma par ce passage, qu’il dit être célèbre, de Saint Augustin : Nous savons que la grâce n’est pas donnée à tous les hommes.

Je lui fis excuse d’avoir mal pris son sentiment, et le priai de me dire s’ils ne condamneraient donc pas au moins cette autre opinion des Jansénistes qui fait tant de bruit, que la grâce est efficace, et qu’elle détermine notre volonté à faire le bien. Mais je ne fus pas plus heureux en cette seconde question. Vous n’y entendez rien, me dit-il, ce n’est pas là une hérésie ; c’est une opinion orthodoxe : tous les Thomistes la tiennent, et moi-même je l’ai soutenue dans ma Sorbonique.

Je n’osai plus lui proposer mes doutes ; et même je ne savais plus où était la difficulté, quand, pour m’en éclaircir, je le suppliai de me dire en quoi consistait donc l’hérésie de la proposition de M. Arnauld. C’est, me dit-il, en ce qu’il ne reconnaît pas que les justes aient le pouvoir d’accomplir les commandements de Dieu en la manière que nous l’entendons.

Je le quittai après cette instruction ; et, bien glorieux de savoir le nœud de l’affaire, je fus trouver Monsieur N., qui se porte de mieux en mieux, et qui eut assez de santé pour me conduire chez son beau-frère qui est janséniste s’il y en eut jamais, et pourtant fort bon homme. Pour en être mieux reçu, je feignis d’être fort des siens, et lui dis : Serait-il bien possible que la Sorbonne introduisît dans l’Eglise cette erreur, que tous les justes ont toujours le pouvoir d’accomplir les commandements ? Comment parlez-vous ? me dit mon docteur. Appelez-vous erreur un sentiment si catholique, et que les seuls Luthériens et Calvinistes combattent ? Eh quoi ! lui dis-je, n’est-ce pas votre opinion ? Non, me dit-il ; nous l’anathématisons comme hérétique et impie. Surpris de cette réponse, je connus bien que j’avais trop fait le janséniste, comme j’avais l’autre fois été trop moliniste ; mais ne pouvant m’assurer de sa réponse, je le priai de me dire confidemment s’il tenait que les justes eussent toujours un pouvoir véritable d’observer les préceptes. Mon homme s’échauffa là-dessus, mais d’un zèle dévot, et dit qu’il ne déguiserait jamais ses sentiments pour quoi que ce fût, que c’était sa créance et que lui et tous les siens la défendraient jusqu’à la mort, comme étant la pure doctrine de saint Thomas et de saint Augustin, leur maître.

Il m’en parla si sérieusement, que je n’en pus douter ; et sur cette assurance, je retournai chez mon premier docteur, et lui dis, bien satisfait, que j’étais sûr que la paix serait bientôt en Sorbonne ; que les Jansénistes étaient d’accord du pouvoir qu’ont les justes d’accomplir les préceptes ; que j’en était garant, et que je [le] leur ferais signer de leur sang. Tout beau ! me dit-il ; il faut être théologien pour en voir le fin. La différence qui est entre nous est si subtile, qu’à peine pouvons-nous la marquer nous-mêmes ; vous auriez trop de difficulté à l’entendre. Contentez-vous donc de savoir que les Jansénistes vous diront bien que tous les justes ont toujours le pouvoir d’accomplir les commandements : ce n’est pas de quoi nous disputons ; mais ils ne vous diront pas que ce pouvoir soit prochain ; c’est là le point. 

Ce mot me fut nouveau et inconnu. Jusque-là j’avais entendu les affaires, mais ce terme me jeta dans l’obscurité, et je crois qu’il n’a été inventé que pour brouiller. Je lui en demandai donc l’explication ; mais il m’en fit un mystère et me renvoya, sans autre satisfaction, pour demander aux Jansénistes s’ils admettaient ce pouvoir prochain.

Auteur: Pascal Blaise

Info: Les " Provinciales ", Première lettre, éditions Gallimard, 1987, pages 44-45

[ jésuites ] [ jansénisme ] [ désaccord ]

 

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perception

"Je dois traduire les couleurs" : découverte d'un cas unique de synesthésie en France

À Reims, une personne s’est rendue à une consultation de neuropsychologie dans le cadre d’un bilan destiné à changer de voie professionnelle sans se douter qu’elle deviendrait le premier cas de synesthésie décrit dans l’Hexagone. Explications.

Un cas unique de synesthésie vient d'être découvert : une personne qui déchiffre le langage grâce aux couleurs que les syllabes lui évoquent.

La synesthésie peut prendre diverses formes. Certaines personnes entendent les couleurs, d'autres associent une couleur à une lettre de l'alphabet. Ce phénomène neurologique, qui n'est pas une maladie, associe deux sens ou plus. Environ 3% de la population serait capable de percevoir l'une des nombreuses facettes de la synesthésie. Toutefois, jusqu'à présent, aucun cas de synesthésie associant une couleur à un phonème, un élément sonore du langage parlé, n'avait été décrit. Un premier cas vient d'être reporté par l'Université de Toulouse et décrit dans la revue Consciousness and cognition.

Tout commence lors d'une consultation de neuropsychologie dans le cabinet du Dr Ehrlé au CHU de Reims. La personne consulte alors pour un bilan en vue d'une réorientation professionnelle. "Ce qui a surpris ma collègue, c'est que lorsque cette personne s'est présentée, elle a indiqué que son prénom était trop marron et qu'elle préférait qu'on l'appelle par un autre prénom plus violet. Cette personne avait également un diagnostic de schizophrénie du fait d'hallucinations et d'idées délirantes", raconte à Sciences et Avenir Lucie Bouvet, maîtresse de conférences en psychopathologie et co-aueure de l'article scientifique. Après une évaluation approfondie, la personne n'avait en réalité pas d'hallucinations mais elle éprouvait de la synesthésie. "Elle avait également un niveau intellectuel assez élevé et des capacités savantes en astrophysique, ce qui avait été d'abord diagnostiqué comme des idées délirantes."

Les mots seuls n'ont pas de sens

En temps normal, les personnes synesthètes ont tendance à associer un mot entier à une couleur. Mais très vite, l'équipe comprend que cette personne associe des couleurs à des sons. Et ce, à un degré tellement poussé qu'elle ne comprend pas le sens des mots en les entendant : elle a accès à la signification des phrases via les couleurs qu'elle perçoit.

"Nous avons testé systématiquement l'association entre un phonème et une couleur. D'abord avec des phonèmes seuls, puis des syllabes et enfin des mots. A chaque fois, que le phonème soit isolé ou présenté au sein d'une syllabe ou d'un mot, c'est la même couleur qui est associée. Par exemple, pour les sons /v/ /i/ /l/ qui constituent le mot 'ville', la personne donne les mêmes couleurs quand elle entend les sons isolés ou bien le mot." En parallèle, lors des entretiens menés avec l'individu, ce dernier indiquait devoir "traduire" les couleurs pour accéder au sens du mot. "La signification des mots est un travail de traduction dans ma tête. Et ce travail de traduction là, ça demande un effort beaucoup plus conséquent que de pouvoir regarder les couleurs. Je dois traduire les couleurs", explique-t-il à l'équipe médicale, qui nous a rapporté ses propos.

A tel point que les mots seuls n'ont pas de sens pour lui. "Je ne retiens pas les mots, je vois la signification de ce que l’on me dit : c’est plus qu’une image car il y a tous les cinq sens. Si je pense à un gâteau, je ne vais pas penser au mot gâteau. Je vais penser à toutes les sensations que j’ai quand je vois, je touche et mange le gâteau. Tous les sens s’activent d’un coup. Je pense en vidéo constamment, en image. Je ne pense pas en mots", étaye ce patient. Une pensée visuelle et multisensorielle, par opposition à la pensée verbale que nous connaissons.

La synesthésie n'est ni une faculté exceptionnelle, ni un pouvoir spécial

Ce traitement atypique de la parole constitue pour ce cas particulier une barrière dans la vie de tous les jours. "Cet effort de traduction des couleurs est très coûteux au niveau attentionnel. Cette personne explique elle-même avoir du mal à tenir une longue conversation. Ceci peut expliquer en partie les difficultés sociales qu'elle rapporte. Sa pensée visuelle a été également frein dans ses apprentissages car les méthodes d'apprentissage sont très verbales. Pour cette personne, passer par le phonème est un moyen d'activer ses représentations mentales sans passer par ce lexique mental. Cela va à l'encontre de la plupart des modèles psycholinguistiques qui considèrent que ce lexique mental est un passage obligé pour accéder à nos représentations", explique Lucie Bouvet.

La synesthésie n'est ni une faculté exceptionnelle, ni un pouvoir spécial. Elle reste une illustration de la façon dont on peut "fonctionner différemment dans notre tête", comme l'expliquait le spécialiste Jean-Michel Hupès dans un précédent article de Sciences et Avenir. "On ne sait pas, en tout cas pour l’instant, identifier dans la structure ou le fonctionnement du cerveau des différences correspondant à l’expérience des synesthésies." Mais ce cas particulier apporte non seulement une nouvelle facette à la synesthésie, mais nous permet également de mieux comprendre nos propres représentations mentales : on peut donc réfléchir autrement que par notre propre lexique.

Auteur: Internet

Info: Coralie Lemke le 10.07.2023

[ combinaisons ] [ teintes sonores ]

 

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homme-animal

"Voyageons un peu dans le passé et transportons-nous à Falaise, petite ville de Normandie, à la fin du mois de janvier 1386.

Une truie, maladroitement costumée en habits féminins, est rituellement conduite à l’échafaud, puis pendue et brûlée. Qu’avait-elle fait ? Renversé le berceau d’un nourrisson mal surveillé et commencé à lui dévorer le visage.

Capturée, emprisonnée, conduite au tribunal, défendue par un avocat peu efficace, elle est condamnée à mort par le juge-bailli de Falaise qui l’estime responsable de ses actes. Son propriétaire, en revanche, n’écope d’aucune peine ni amende.

Aujourd’hui, de telles pratiques nous font rire, de même que nous nous esclaffons devant les questions que l’on se pose à la même époque en milieu clérical ou universitaire : peut-on faire travailler les animaux le dimanche ? Doit-on leur imposer des jours de jeûne ? Où vont-ils après la mort ? En Enfer ou au Paradis ? Que de croyances absurdes ? Que de superstitions grotesques ! Quels ramassis d’imbéciles tous ces médiévaux !

Nous avons tort de réagir ainsi. En jugeant le passé à l’aune des savoirs, des morales et des sensibilités du présent, nous montrons que nous n’avons rien compris à ce qu’était l’Histoire. En outre, nous oublions aussi que nos propres comportements sont tout aussi ridicules, qu’ils feront pareillement sourire nos successeurs dans quelques siècles, et qu’ils sont souvent plus atroces et beaucoup plus dangereux que ceux de nos ancêtres. Dangereux pour toutes les espèces vivantes, dangereux pour l’avenir de la planète.

Qui parmi nous a déjà visité une porcherie industrielle ? Je suis normand d’origine et breton de cœur, je n’ai aucune animosité envers les éleveurs de porcs, je ne milite dans aucune société protectrice des animaux ; je suis simplement historien, spécialiste des rapports entre l’homme et l’animal. Or l’honnêteté m’oblige à dire que ces porcheries industrielles sont des lieux abominables, constituant une sorte d’enfer sur terre pour les animaux qui s’y trouvent. Les truies sont enfermées par centaines dans des espaces qui leur interdisent de se déplacer. Leur vie durant, elles ne voient jamais la lumière du soleil, ne fouillent jamais le sol, sont nourries d’aliments chimiques, gavées d’antibiotiques, inséminées artificiellement. Elles doivent produire le maximum de porcelets en une seule portée, avoir le maximum de portées dans les quelques années de leur misérable vie, et lorsqu’elles ne sont plus fécondes, elles partent à l’abattoir. Les porcelets eux-mêmes doivent engraisser le plus vite possible, produire le maximum de viande, et tout cela, bien sûr, au moindre coût. Ces crétins du Moyen-Âge qui pensaient que les cochons étaient des êtres sensibles, qu’ils avaient une âme et qu’ils pouvaient comprendre ce qu’était le Bien et le Mal, n’avaient certainement jamais pensé à cela : martyriser des porcs pour gagner de l’argent !

Récemment, un directeur de porcherie industrielle située dans les Côtes d’Armor à qui je venais de faire part de mon indignation m’a répondu d’une manière sordide : "Mais, Cher Monsieur, pour les poulets c’est bien pire". De fait, dans des établissements carcéraux du même genre, les poulets ne peuvent pas poser leurs deux pattes au sol en même temps : il y circule un courant électrique qui les oblige, à longueur de vie, à poser au sol une patte après l’autre. Pourquoi un tel supplice ? Pour faire grossir leurs cuisses, bien sûr, et les vendre ainsi plus cher. La cupidité de l’être humain est devenue sans limite.

Où sont passés les cochons de nos campagnes ? Où peut-on encore les voir gambader autour de la ferme, jouer les uns avec les autres, se faire caresser par les enfants, partager la vie des paysans. Nulle part ! Nous avons oublié que les cochons – mais cela est vrai de tous les animaux de la ferme - étaient des êtres vivants et non pas des produits. Qui, dans la presse, évoque leur sort pitoyable, leur vie de prisonniers et de condamnés lorsque l’actualité parle du prix de la viande de porc et du mécontentement des éleveurs ? Qui a le courage de rappeler qu’avant d’être un produit de consommation le cochon était un animal vivant, intelligent, sensible, anatomiquement et physiologiquement cousin très proche de l’être humain ? A ma connaissance, personne. De même, à propos des débats autour des cantines scolaires, qui s’interroge sur les raisons qui font que certains peuples mangent du porc et d’autres non ? C’est pourtant un dossier passionnant, l’occasion de s’instruire et de rappeler les nombreuses hypothèses qui ont été avancées depuis le Moyen-Âge pour expliquer les rejets et les tabous qui entourent cet animal.

Les animaux domestiques n’ont plus d’histoire, plus de mythologie, plus de symbolique. Ils ne suscitent plus aucune curiosité, aucune interrogation, aucune nostalgie. Ils n’ont même plus droit à une vie simplement animale. Ce sont des produits ! Comme tels, ils doivent participer au "redressement productif" de notre pays (cette expression est en elle-même absolument répugnante) et générer du profit. Un profit ironiquement bien mince, voire inexistant pour les éleveurs de porcs, ce qui rend encore plus aberrante et intolérable l’existence de ces porcheries industrielles, inhumaines, "inanimales" même, si l’on peut oser un tel néologisme. Elles polluent l’air, la terre, les eaux des rivières et celles de la mer. Dans mon petit coin de Bretagne, des sangliers sont morts à cause du rejet dans la nature du lisier produit par l’élevage intensif de leurs cousins domestiques. Un comble ! À la cupidité s’ajoute l’absurdité.

L’être humain est devenu fou. Il tue non seulement ses semblables mais tout ce qui vit autour de lui. Il rêve même d’aller sur Mars ou ailleurs vérifier si la vie existe et, si c’est le cas, y semer la mort. Tout en donnant des leçons à l’univers entier et en paradant à la COP 21, 22, 23, 24.

Protéger la nature, défendre l’environnement, sauver la planète ? Certes. Mais pour quoi faire ? Pour sauver une humanité barbare et suicidaire, cruelle envers elle-même, ennemie de tous les êtres vivants ? Le mérite-t-elle vraiment ? Le souhaite-t-elle réellement ? Il est permis d’en douter."

Auteur: Pastoureau Michel

Info: France Inter, carte blanche du 21 oct 2019

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