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rationalisme

... L’étouffement de la contemplation représente la fin de la mystique, de la métaphysique, de l’esthétique qui sont le sommet et la floraison de la culture. La civilisation actuelle asservit la science et les arts en processus industriel et technique. Nous en voyons l’exemple dans la conception culturelle du communisme soviétique. C’est une crise culturelle profonde. L’avenir de l’homme dépend de son désir de se libérer, ne serait-ce que pour un instant, pour prendre conscience de soi et de sa vie, pour tourner ses regards vers le ciel. L’idée du travail et d’une société laborieuse est vraiment une grande idée parfaitement chrétienne. La contemplation aristocratique de l’élite privilégiée affranchie de la coopération au travail était trop souvent une fausse contemplation, et c’est pourquoi elle a peu de chance de reprendre sa place dans l’avenir. Mais chaque travailleur, chaque homme, en général, a ses moments de concentration intérieure, d’oraison et d’actions de grâce, de contemplation esthétique ou autre. Contemplation et action peuvent et doivent se rejoindre, seule leur union affirme et fortifie l’intégrité de la personne humaine. En se dépensant entièrement en action temporelle, l’homme se vide et la source d’énergie spirituelle en lui tarit. Dans son acceptation courante, l’activité n’est plus au service du prochain selon l’Évangile, mais plutôt au service des idoles. Le cycle liturgique de la vie religieuse représente l’alliance originale de la contemplation et de l’action, l’homme peut y puiser force et énergie.

Nous assistons à la transformation fatale de la personne, image de l’Être suprême, en un être absorbé par le collectif évoluant dans le temps et réclamant une activité accélérée. L’homme est un être créateur, mais la civilisation moderne lui demande une activité qui signifie une négation de sa nature humaine. L’acte créateur présuppose l’alliance de l’action et de la contemplation. Leur distinction même est relative, l’esprit étant essentiellement un élément actif et dynamique agissant encore dans la contemplation. Nous abordons ici le dernier problème de la situation spirituelle du monde contemporain, celui de l’homme en tant que problème religieux. La crise que nous traversons est celle de l’homme dont l’avenir est devenu problématique. Cette crise, il faut lui donner une interprétation spirituelle du dedans du christianisme. Ce n’est qu’ainsi qu’on saura comprendre la portée de ce qui se passe. La notion chrétienne de l’homme, que l’humanisme a gardée intacte, est ébranlée par la civilisation moderne. Le christianisme est fondé sur le mythe humano-divin théandrique, je n’use pas du mot mythe dans un sens qui l’opposerait à la réalité ; au contraire, le mythe correspond mieux à la réalité spirituelle que le concept, le mythe de Dieu et de l’homme, de la ressemblance divine dans l’homme, et de l’incarnation du Fils de Dieu. De là dérive la dignité de l’homme, mais l’homme déchu assimilait péniblement la révélation chrétienne dans sa plénitude et la doctrine humano-divine trop peu développée n’était pas assez actualisée dans la vie. C’est la raison pour laquelle un humanisme, à base chrétienne, fut inévitable. Une évolution commença fatalement, celle de la destruction du mythe chrétien intégral. On rejeta d’abord Dieu de ce mythe, restait toujours l’homme, son concept chrétien, comme nous le trouvons dans la pensée de L. Feuerbach. Il rejetait Dieu, mais gardait encore la ressemblance divine chez l’homme, en professant sa nature éternelle, comme tant d’autres humanistes. Mais la démolition du mythe théandrique allait son train, on atteignait maintenant le mythe de l’homme, l’apostasie touchait à l’homme et à Dieu. C’est l’homme qu’attaquèrent Marx et Nietzsche. Pour Marx, ce n’est plus l’homme, c’est le collectif social qui représente la valeur suprême. L’homme est évincé par la classe et le mythe nouveau du messianisme prolétarien. Marx et Nietzsche se rattachent à l’humanisme. Pour Nietzsche, l’homme doit être surmonté par le surhomme, une race plus haute. Ainsi l’homme – dernière valeur chrétienne jusque-là épargnée – est désavoué et les courants sociaux contemporains en témoignent. Après l’apostasie de Dieu, la civilisation moderne en est à la phase de l’apostasie de l’homme. Voilà l’essence de la crise contemporaine.

La technisation et la collectivisation de la personne se rattachent à cette crise. Toutes les hérésies et les défections de la vérité intégrale dans le christianisme historique posaient des problèmes importants qui n’ont pas encore trouvé de solution et qu’il faut résoudre du dedans du christianisme. Mais les hérésies contemporaines diffèrent des hérésies des premiers siècles chrétiens, elles ne sont pas théologiques, mais vitales. Elles prouvent l’urgence d’une réponse chrétienne aux problèmes existants de la technique, d’une juste organisation sociale, de la collectivisation par rapport à la valeur éternelle de la personne humaine, tous ces problèmes nécessitant la lumière de la vérité humano-divine. L’activité créatrice de l’homme dans le monde n’est pas sanctifiée. La crise mondiale rappelle aux chrétiens les tâches non accomplies, elle constitue donc un jugement non seulement sur le monde athée, mais aussi sur le christianisme lui-même. Le problème essentiel de nos jours n’est pas celui de Dieu, comme le croient beaucoup de chrétiens, qui invoquent l’urgence d’une renaissance religieuse. C’est avant tout le problème de l’homme qui importe aujourd’hui. Le problème de Dieu est éternel, c’est le premier et le dernier problème de tous les temps, mais celui de notre époque concerne le salut de la personne humaine qui se désagrège, sa vocation et sa mission, ainsi que les questions sociales et culturelles nécessitant une solution chrétienne. Ayant rejeté Dieu, on porte moins atteinte à la dignité de Dieu qu’à celle de l’homme qui, sans Dieu, ne peut se maintenir. Dieu est pour l’homme l’idée suprême et la réalité qui l’a formé. D’autre part, l’homme est l’idée suprême de Dieu. Ce n’est que le christianisme qui résout le problème des rapports de Dieu et de l’homme, ce n’est qu’en Christ que la race humaine peut être sauvée, seul l’esprit chrétien peut construire une société et une culture qui ne détruisent pas l’homme. Or, il faut que la vérité soit réalisée dans la vie...

Auteur: Berdiaev Nicolas

Info: De l’esprit bourgeois

[ consumérisme ] [ capitalisme ] [ antispiritualistes ]

 

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biochimie

La découverte d'une nouvelle activité électrique au sein des cellules pourrait modifier la façon dont les chercheurs envisagent la chimie biologique.

Le corps humain est fortement tributaire des charges électriques. Des impulsions d'énergie semblables à des éclairs traversent le cerveau et les nerfs, et la plupart des processus biologiques dépendent des ions électriques qui voyagent à travers les membranes de chaque cellule de notre corps.

Ces signaux électriques sont possibles, en partie, en raison d'un déséquilibre entre les charges électriques présentes de part et d'autre d'une membrane cellulaire. Jusqu'à récemment, les chercheurs pensaient que la membrane était un élément essentiel pour créer ce déséquilibre. Mais cette idée a été bouleversée lorsque des chercheurs de l'université de Stanford ont découvert qu'un déséquilibre similaire des charges électriques pouvait exister entre des microgouttelettes d'eau et d'air.

Aujourd'hui, des chercheurs de l'université Duke ont découvert que ces types de champs électriques existent également à l'intérieur et autour d'un autre type de structure cellulaire appelée condensats biologiques. Comme des gouttelettes d'huile flottant dans l'eau, ces structures existent en raison de différences de densité. Elles forment des compartiments à l'intérieur de la cellule sans avoir besoin de la limite physique d'une membrane.

Inspirés par des recherches antérieures démontrant que les microgouttelettes d'eau interagissant avec l'air ou des surfaces solides créent de minuscules déséquilibres électriques, les chercheurs ont décidé de voir s'il en était de même pour les petits condensats biologiques. Ils ont également voulu voir si ces déséquilibres déclenchaient des réactions d'oxygène réactif, "redox"*comme dans ces autres systèmes.

Publiée le 28 avril dans la revue Chem, leur découverte fondamentale pourrait changer la façon dont les chercheurs envisagent la chimie biologique. Elle pourrait également fournir un indice sur la manière dont les premières formes de vie sur Terre ont exploité l'énergie nécessaire à leur apparition.

"Dans un environnement prébiotique sans enzymes pour catalyser les réactions, d'où viendrait l'énergie ?" s'interroge Yifan Dai, chercheur postdoctoral à Duke travaillant dans le laboratoire d'Ashutosh Chilkoti, professeur émérite d'ingénierie biomédicale.

"Cette découverte fournit une explication plausible de l'origine de l'énergie de réaction, tout comme l'énergie potentielle communiquée à une charge ponctuelle placée dans un champ électrique", a déclaré M. Dai.

Lorsque des charges électriques passent d'un matériau à un autre, elles peuvent produire des fragments moléculaires qui peuvent s'apparier et former des radicaux hydroxyles, dont la formule chimique est OH. Ceux-ci peuvent ensuite s'apparier à nouveau pour former du peroxyde d'hydrogène (H2O2) en quantités infimes mais détectables.

"Mais les interfaces ont rarement été étudiées dans des régimes biologiques autres que la membrane cellulaire, qui est l'une des parties les plus essentielles de la biologie", a déclaré M. Dai. "Nous nous sommes donc demandé ce qui pouvait se passer à l'interface des condensats biologiques, c'est-à-dire s'il s'agissait également d'un système asymétrique.

Les cellules peuvent construire des condensats biologiques pour séparer ou piéger certaines protéines et molécules, afin d'entraver ou de favoriser leur activité. Les chercheurs commencent à peine à comprendre comment fonctionnent les condensats** et à quoi ils pourraient servir.

Le laboratoire de Chilkoti étant spécialisé dans la création de versions synthétiques de condensats biologiques naturels, les chercheurs ont pu facilement créer un banc d'essai pour leur théorie. Après avoir combiné la bonne formule d'éléments constitutifs pour créer des condensats minuscules, avec l'aide de Marco Messina, chercheur postdoctoral dans le groupe de Christopher J. Chang, les chercheurs ont pu créer un banc d'essai pour leur théorie. Christopher J. Chang à l'université de Californie-Berkeley, ils ont ajouté au système un colorant qui brille en présence d'espèces réactives de l'oxygène.

Leur intuition était la bonne. Lorsque les conditions environnementales étaient réunies, une lueur solide est apparue sur les bords des condensats, confirmant qu'un phénomène jusqu'alors inconnu était à l'œuvre. Dai s'est ensuite entretenu avec Richard Zare, professeur de chimie à Stanford (Marguerite Blake Wilbur), dont le groupe a établi le comportement électrique des gouttelettes d'eau. Zare a été enthousiasmé par le nouveau comportement des systèmes biologiques et a commencé à travailler avec le groupe sur le mécanisme sous-jacent.

"Inspirés par des travaux antérieurs sur les gouttelettes d'eau, mon étudiant diplômé, Christian Chamberlayne, et moi-même avons pensé que les mêmes principes physiques pourraient s'appliquer et favoriser la chimie redox, telle que la formation de molécules de peroxyde d'hydrogène", a déclaré M. Zare. "Ces résultats expliquent pourquoi les condensats sont si importants pour le fonctionnement des cellules.

"La plupart des travaux antérieurs sur les condensats biomoléculaires se sont concentrés sur leurs parties internes", a déclaré M. Chilkoti. "La découverte de Yifan, selon laquelle les condensats biomoléculaires semblent être universellement redox-actifs, suggère que les condensats n'ont pas simplement évolué pour remplir des fonctions biologiques spécifiques, comme on le pense généralement, mais qu'ils sont également dotés d'une fonction chimique essentielle pour les cellules.

Bien que les implications biologiques de cette réaction permanente au sein de nos cellules ne soient pas connues, Dai cite un exemple prébiotique pour illustrer la puissance de ses effets. Les centrales de nos cellules, appelées mitochondries, créent de l'énergie pour toutes les fonctions de notre vie grâce au même processus chimique de base. Mais avant que les mitochondries ou même les cellules les plus simples n'existent, il fallait que quelque chose fournisse de l'énergie pour que la toute première fonction de la vie puisse commencer à fonctionner.

Des chercheurs ont proposé que l'énergie soit fournie par des sources thermales dans les océans ou des sources d'eau chaude. D'autres ont suggéré que cette même réaction d'oxydoréduction qui se produit dans les microgouttelettes d'eau a été créée par les embruns des vagues de l'océan.

Mais pourquoi pas par des condensats ?

"La magie peut opérer lorsque les substances deviennent minuscules et que le volume interfacial devient énorme par rapport à leur volume", a déclaré M. Dai. "Je pense que les implications sont importantes pour de nombreux domaines.

Auteur: Internet

Info: https://phys.org/news/2023-04, from Ken Kingery, Université de Duke. *réactions d'oxydoréduction. **les condensats biomoléculaires sont des compartiments cellulaires qui ne sont pas délimités par une membrane, mais qui s'auto-assemblent et se maintiennent de façon dynamique dans le contexte cellulaire

[ biophysique ]

 

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biophysique

La photosynthèse des plantes utilise un tour de passe-passe quantique

Des chercheurs ont observé des similitudes étonnantes entre la photosynthèse des plantes vertes et le fameux "cinquième état de la matière" en mettant le doigt sur un curieux phénomène; ils ont trouvé des liens entre le processus de photosynthèse, qui permet aux végétaux d’exploiter la lumière du soleil, et les condensats de Bose-Einstein, des matériaux dans un état très particulier qui fait intervenir la physique quantique.

"Pour autant que je sache, ces deux disciplines n’ont jamais été connectées auparavant, donc ce résultat nous a semblé très intrigant et excitant", explique David Mazziotti, co-auteur de l’étude.

Son laboratoire est spécialisé dans la modélisation des interactions complexes de la matière. Ces derniers temps, son équipe s’est intéressée aux mécanismes de la photosynthèse à l’échelle des atomes et des molécules. Plus précisément, les chercheurs se sont penchés sur le siège de cette réaction : les chloroplastes, les petites structures chlorophylliennes qui donnent leur couleur aux plantes vertes.

Lorsqu’un photon vient frapper une structure bien précise à la surface de ces chloroplastes (le photosystème II, ou PSII), cela a pour effet d’arracher un électron — une particule élémentaire chargée négativement. Ce dernier devient alors l’acteur principal d’une réaction en chaîne complexe. Le mécanisme est déjà relativement bien connu. Il a été étudié en profondeur par des tas de spécialistes, et c’est aujourd’hui l’une des pierres angulaires de la biologie végétale.

Mais le départ de cet électron laisse aussi ce que les physiciens appellent un trou. Il ne s’agit pas d’une particule à proprement parler. Mais cette structure chargée positivement est aussi capable se déplacer au sein d’un système. Elle peut donc se comporter comme un vecteur d’énergie.

Ensemble, l’électron éjecté et le trou qu’il laisse derrière lui forment un couple dynamique appelé exciton. Et si le rôle du premier est bien documenté, le comportement du second dans le cadre de la photosynthèse n’a quasiment pas été étudié.

C’est quoi, un condensat de Bose-Einstein ?

Pour combler cette lacune, Mazziotti et ses collègues ont réalisé des modélisations informatiques du phénomène. Et en observant les allées et venues de ces excitons, ces spécialistes des interactions de la matière ont rapidement remarqué quelques motifs qui leur ont semblé familiers ; ils rappelaient fortement un concept proposé par Einstein en 1925.

Imaginez un gaz où des particules se déplacent aléatoirement les uns par rapport aux autres, animées par leur énergie interne. En le refroidissant (ce qui revient à retirer de l’énergie au système), on force les atomes à s’agglutiner ; le gaz passe à l’état liquide, puis solide dans certains cas.

Lorsqu’on le refroidit encore davantage pour s’approcher du zéro absolu, les atomes arrivent dans un état où ils n’ont quasiment plus d’énergie à disposition ; ils sont presque entièrement figés dans un état ultra-condensé, séparés par une distance si minuscule que la physique newtonienne traditionnelle ne suffit plus à l’expliquer.

Sans rentrer dans le détail, dans ces conditions, les atomes (ou plus précisément les bosons) qui composent certains matériaux deviennent quasiment indiscernables. Au niveau quantique, ils forment un système unique, une sorte de super-particule où chaque constituant est exactement dans le même état (voir la notion de dualité onde-corpuscule pour plus de détails). On appelle cela un condensat de Bose-Einstein.

Ces objets ne suivent pas les règles de la physique traditionnelle. Ils affichent des propriétés très particulières qui n’existent pas dans les gaz, les liquides, les solides ou le plasma. Pour cette raison, ces condensats sont parfois considérés comme les représentants du "cinquième état de la matière". (après le solide, le liquide, le gaz et le plasma)

De la biologie végétale à la physique quantique

La plus remarquable de ces propriétés, c’est que les condensats de Bose-Einstein sont de vraies autoroutes à particules. D’après la physicienne américaine Louise Lerner, l’énergie s’y déplace librement, sans la moindre résistance. Même si les mécanismes physiques sous-jacents sont différents, on se retrouve dans une situation comparable à ce que l’on trouve dans les supraconducteurs.

Or, d’après les modèles informatiques créés par Mazziotti et ses collègues, les excitons générés par la photosynthèse peuvent parfois se lier comme dans les condensats de Bose-Einstein. C’est une observation particulièrement surprenante, car jusqu’à présent, cela n’a été documenté qu’à des températures proches du zéro absolu. Selon Louise Lerner, c’est aussi étonnant que de voir "des glaçons se former spontanément dans une tasse de café chaud".

Le phénomène n’est pas aussi marqué chez les plantes que dans les vrais condensats de Bose-Einstein. Mais d’après les auteurs de l’étude, cela aurait quand même pour effet de doubler l’efficacité des transferts énergétiques indispensables à la photosynthèse.

De la recherche fondamentale aux applications pratiques

Les implications de cette découverte ne sont pas encore parfaitement claires. Mais il y en a une qui met déjà l’eau à la bouche des chercheurs : ces travaux pourraient enfin permettre d’utiliser les formidables propriétés des condensats de Bose-Einstein dans des applications concrètes.

En effet, même si ces matériaux sont très intéressants sur le papier, le fait de devoir atteindre une température proche du zéro absolu limite grandement leur intérêt pratique. Aujourd’hui, ils sont utilisés exclusivement en recherche fondamentale. Mais puisqu’un phénomène comparable a désormais été modélisé à température ambiante, les chercheurs vont pouvoir essayer d’utiliser ces mécanismes pour concevoir de nouveaux matériaux aux propriétés très intéressantes.

"Un condensat d’excitons parfait est très sensible et nécessite des conditions très spécifiques", précise Mazziotti. "Mais pour les applications réalistes, c’est très excitant de voir que ce phénomène qui augmente l’efficacité du système peut survenir à température ambiante", se réjouit-il.

A long terme, cette découverte va sans doute contribuer à la recherche fondamentale, en biologie végétale mais aussi en physique quantique pure. Cela pourrait aussi faire émerger une nouvelle génération de composants électroniques très performants. Il sera donc très intéressant de suivre les retombées de ces travaux encore balbutiants, mais exceptionnellement prometteurs.

Auteur: Internet

Info: https://www.journaldugeek.com/, Antoine Gautherie le 05 mai 2023

[ recherche fondamentale ]

 

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univers sons

Le son est-il le système nerveux du cosmos ?
Il existe un moyen de rendre les sons visibles. On appelle "cymatique" cette science énigmatique, qui puise ses racines dans l'histoire de l'univers. Quelle est la nature de l'onde sonore? Que sait-on vraiment de son pouvoir sur nous?
Allemagne, 18ème siècle. Ernst Chladni est un mathématicien doué et discret. L'homme est aussi musicien et sa passion pour le violon va le conduire à une découverte extraordinaire. Saupoudrant de sable un disque de cuivre, il en frotta le bord avec son archet. La plaque se mit à vibrer et le sable à se déplacer, dessinant d'authentiques formes géométriques. "Qu'on juge de mon étonnement voyant ce que personne n'avait encore vu", dira plus tard son ami et philosophe Lichtenberg, auteur de travaux sur l'électricité statique.
Dans les années soixante, le physicien Hans Jenny sera le premier à révéler ce phénomène oublié. Grâce à l'évolution de l'électronique, il prolonge les recherches et fait varier les supports. Il invente le tonoscope, petit appareil tubulaire assorti d'une membrane sur laquelle on aura versé de la poudre, qui permet de créer des formes étonnantes avec le son de sa voix. Plus d'un siècle après les premières expériences, Jenny livre des observations d'une grande précision sur la nature du son, et invente une nouvelle science : la cymatique. Du grec 'vague', la cymatique étudie l'interaction du son et de la matière. Les outils de mesure acoustique modernes ont permis d'étudier ces modulations spontanées : dans l'eau par exemple, un son grave produit un cercle entouré d'anneaux ; un son aïgu accroît le nombre d'anneaux concentriques. Soumise au rythme des oscillations, la variété de formes générées semble sans limite. Hans Jenny parlera de "modèle dynamique mais ordonné" Quel pouvoir autonome renferme l'onde sonore ?
Toute activité produit du bruit. Du plus retentissant au plus subtil, il est trace du mouvement. Christian Hugonnet, ingénieur acousticien et fondateur de la Semaine du Son, décrit un enchaînement simple : "l'action entraîne la vibration de l'air qui va déplacer des molécules, se choquant les unes aux autres comme pour se transmettre un message". Avant d'être une manifestation audible, le son se caractérise par un changement moléculaire, sur une surface donnée et en un temps donné. Dans cette équation, nul besoin d'oreille pour considérer qu'il y a dynamique sonore. C'est la fréquence de l'onde qui va diriger toute l'énergie. "Dans l'expérience avec le sable, les grains s'agglutinent là où la fréquence est haute", détaille le spécialiste. La propriété d'un corps à entrer en résonance avec le flux d'énergie va créer la forme. La matière prend la forme de l'énergie qui lui est adressée.
Le son primordial
Spirales, polygones, stries... ces marques sont souvent analogues à celles déjà présentes dans la nature. "J'ai constaté qu'une plaque elliptique soumise à des vibrations sonores reproduit les figures qu'on trouve sur la carapace d'une tortue", constate le photographe Alexander Lauterwasser. Une morphogenèse fondée sur la transmission de codes génétiques nécessaires à la formation des masses et à leur différenciation, et qui révèle un processus harmonieux dans l'ADN terrestre. Dès lors, est-il possible que les formes animales et végétales qui nous entourent – et la matière vivante dans son ensemble – soient elles-mêmes le résultat de vibrations, comme le rapportent de nombreuses traditions ?
Bien avant ces découvertes scientifiques, les cultures traditionnelles du monde entier ont développé leur récit mythologique de la création de l'univers. La voix et le souffle y sont féconds. "Au commencement était le verbe, dit l'Evangile. Les textes celtes sacrés évoquent Trois Cris qui firent éclater l'Oeuf du Monde", rapporte le Docteur Alain Boudet, enseignant et conférencier. "Chez les hindous et les bouddhistes, le principe structurant du chaos d'origine est le mantra Om et les Mayas parlent du chant des Dieux comme du système nerveux de l'univers". Une cosmogonie universelle, portée par des figures archétypales semblables aux formations cymatiques, telles que les mandalas. Ces mystérieuses corrélations entre figures naturelles et symboliques renverraient à une intuition de la forme, perdue avec le temps : "Cette géométrie originelle est en nous. Nous l'avons oubliée à mesure que le mental s'est imposé", raconte Alain Boudet. Dans son ouvrage Cymatics, le pionnier Hans Jenny conclut à la puissance fondamentale et génératrice de la vibration. Sa périodicité soutient la bipolarité de la vie : le mouvement et la forme. La vibration comme source de toute chose : un constat, mais aussi une opportunité de reconsidérer le monde dans lequel nous évoluons.
Echos d'avenir
Pythagore disait : "L'homme possède toutes les valeurs du cosmos". L'auteur du célèbre théorème de géométrie a développé le principe de microcosme, reliant l'organisme humain à l'organisation de l'univers. L'influence du son invite désormais à une nouvelle écoute du vivant. "La biorésonance nous renseigne sur la fréquence optimale de nos organes", explique Andreas Freund, physicien quantique. Au Tibet, les bols chantants sont reconnus pour leurs vertus. Leurs tonalités spécifiques communiquent avec la matière cristalline de notre corps : les os, les tissus et l'eau qui nous compose à 70%. Plus le son est grave, plus l'on travaillera la zone racine du corps. Comme la cymatique, notre résonance cellulaire trace un chemin pour la vibration, réharmonisant notre énergie interne. Un processus identique aux diapasons thérapeutiques employés depuis des siècles en Europe, dont les fréquences en hertz sont réglées pour des actions cibles. Mais pour masser nos entrailles, quel meilleur instrument que la voix ? Le chant harmonique des traditions chamaniques, aussi appelé chant diphonique dans nos conservatoires de musique, est une technique vocale sur deux notes simultanées, par un positionnement de la langue et des lèvres. Curiosité ou évidence biologique, ce son très apaisant ressemble à celui des vents solaires.
La vague de l'action contient à la fois l'intention et son empreinte. "Le son in-forme. Il est porteur d'information", nous dit Andreas Freund. Une attention portée aux messages de la nature, qui permet aujourd'hui de décrypter jusqu'au langage par ultrasons des dauphins ou la sensibilité des plantes. La dimension vibratoire du son sert de modèle dans une recherche de cohérence et d'alignement. Ses explorations scientifiques, artistiques et spirituelles offrent les clés d'une autre conscience de l'homme et de son environnement, vers une nouvelle signature écologique.

Auteur: De La Reberdiere Lucile

Info: https://www.inrees.com/articles/cymatique-son-systeme-nerveux-cosmos/

[ ondes ] [ proportions ] [ archétypes ]

 
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polypeptides

Les biologistes dévoilent les formes moléculaires de la vie

On vous décrit la quête visant à comprendre comment les protéines se plient rapidement et élégamment pour prendre des formes qui leur permettent d'effectuer des tâches uniques.

Pour le hula hoop, vous vous levez et faites pivoter vos hanches vers la droite et vers la gauche. Pour faire du vélo, on s'accroupit, on tend les bras et on pédale sur les jambes. Pour plonger dans une piscine, vous étendez les bras, rentrez le menton et vous penchez en avant. Ces formes corporelles nous permettent d’entreprendre certaines actions – ou, comme pourrait le dire un biologiste, notre structure détermine notre fonction.

Cela est également vrai au niveau moléculaire. Chaque tâche imaginable effectuée par une cellule possède une protéine conçue pour l'exécuter. Selon certaines estimations, il existe 20 000 types différents de protéines dans le corps humain : certaines protéines des cellules sanguines sont parfaitement conçues pour capter les molécules d'oxygène et de fer, certaines protéines des cellules cutanées fournissent un soutien structurel, etc. Chacun a une forme adaptée à son métier. 

Cependant, si une protéine se replie mal, elle ne peut plus fonctionner, ce qui peut entraîner un dysfonctionnement et une maladie. En comprenant comment les protéines se replient, les biologistes gagneraient non seulement une compréhension plus approfondie des protéines elles-mêmes, mais pourraient également débloquer de nouvelles façons de cibler les protéines liées à la maladie avec de nouveaux médicaments.

Cela s’est avéré être un formidable défi scientifique. Chaque protéine commence par une chaîne de molécules plus petites liées appelées acides aminés. Lorsque les acides aminés s'alignent dans l'ordre dicté par un gène, ils se plient et prennent la forme appropriée de la protéine en quelques microsecondes – un phénomène qui a stupéfié les scientifiques du XXe siècle lorsqu'ils l'ont découvert. 

Dans les années 1950, le biochimiste Christian Anfinsen a émis l’hypothèse qu’il devait y avoir un code interne intégré à la chaîne d’acides aminés qui détermine la manière dont une protéine doit se replier. Si tel était le cas, pensait-il, il devrait exister un moyen de prédire la structure finale d'une protéine à partir de sa séquence d'acides aminés. Faire cette prédiction est devenu connu sous le nom de problème de repliement des protéines. Depuis, certains scientifiques ont redéfini le problème en trois questions liées : Qu'est-ce que le code de pliage ? Quel est le mécanisme de pliage ? Pouvez-vous prédire la structure d’une protéine simplement en regardant sa séquence d’acides aminés ? 

Les biologistes ont passé des décennies à tenter de répondre à ces questions. Ils ont expérimenté des protéines individuelles pour comprendre leurs structures et construit des programmes informatiques pour déduire des modèles de repliement des protéines. Ils ont étudié la physique et la chimie des molécules d’acides aminés jusqu’au niveau atomique pour découvrir les règles du repliement des protéines. Malgré cela, les biologistes n'ont fait que des progrès hésitants dans la compréhension des règles de repliement internes d'une protéine depuis qu'Anfinsen a exposé le problème.

Il y a quelques années, ils ont réalisé une avancée décisive lorsque de nouveaux outils d’intelligence artificielle ont permis de résoudre une partie du problème. Les outils, notamment AlphaFold de Google DeepMind, ne peuvent pas expliquer comment une protéine se replie à partir d'une chaîne d'acides aminés. Mais étant donné une séquence d’acides aminés, ils peuvent souvent prédire la forme finale dans laquelle elle se replie. 

Ce n’est que dans les décennies à venir qu’il deviendra clair si cette distinction – savoir comment une protéine se replie par rapport à ce en quoi elle se replie – fera une différence dans des applications telles que le développement de médicaments. Le magicien doit-il révéler le tour de magie ?

Quoi de neuf et remarquable

Début mai, Google DeepMind a annoncé la dernière itération de son algorithme de prédiction des protéines, appelé AlphaFold3, qui prédit les structures non seulement de protéines individuelles, mais également de protéines liées les unes aux autres et d'autres biomolécules comme l'ADN et l'ARN. Comme je l’ai signalé pour Quanta, cette annonce est intervenue quelques mois seulement après qu’un algorithme concurrent de prédiction des protéines – RosettaFold All-Atom, développé par le biochimiste David Baker de la faculté de médecine de l’Université de Washington et son équipe – a annoncé une mise à niveau similaire. " Vous découvrez désormais toutes les interactions complexes qui comptent en biologie ", m'a dit Brenda Rubenstein, professeure agrégée de chimie et de physique à l'Université Brown. Il reste néanmoins un long chemin à parcourir avant que ces algorithmes puissent déterminer les structures dynamiques des protéines lors de leur déplacement dans les cellules. 

Parfois, les protéines agissent de manière imprévisible, ce qui ajoute une autre difficulté au problème du repliement. La plupart des protéines se replient en une seule forme stable. Mais comme Quanta l’a rapporté en 2021, certaines protéines peuvent se replier sous plusieurs formes pour remplir plusieurs fonctions. Ces protéines à commutation de plis ne sont pas bien étudiées et personne ne sait quelle est leur abondance. Mais grâce aux progrès technologiques tels que la cryomicroscopie électronique et la résonance magnétique nucléaire à l’état solide, les chercheurs y voient plus clairement. De plus, certaines protéines possèdent des régions qui ne se plient pas selon une forme discrète mais qui bougent de manière dynamique. Comme Quanta l'a rapporté en février, ces protéines intrinsèquement désordonnées peuvent avoir des fonctions importantes, comme l'amélioration de l'activité des enzymes, la classe de protéines qui provoquent des réactions chimiques. 

Lorsque les protéines se replient mal, elles peuvent se regrouper et causer des ravages dans l’organisme. Les agrégats de protéines sont caractéristiques des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer, dans lesquelles des agrégats de protéines potentiellement toxiques appelés plaques amyloïdes s'accumulent entre les neurones et compromettent la signalisation du cerveau. Comme Quanta l’a rapporté en 2022 , l’agrégation des protéines pourrait être répandue dans les cellules vieillissantes ; comprendre pourquoi les protéines se replient mal et s’accumulent pourrait aider au développement de traitements pour les problèmes liés au vieillissement. Parfois, des protéines mal repliées peuvent également favoriser le mauvais repliement et l’agrégation d’autres protéines, déclenchant une cascade d’effets néfastes qui illustrent à quel point il est essentiel qu’une protéine se plie pour prendre sa forme appropriée.



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ mai 2024, Mme Yasemin Saplakoglu

[ tridimensionnelles ] [ conformation protéique ]

 

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sociologie

La tyrannie de l’apparence
A l’école, à la fac, au travail… Avant même nos compétences, c’est notre physique qui est jugé. Une dictature du beau dénoncée, preuves à l’appui, par le sociologue Jean-François Amadieu.
Depuis l’Antiquité grecque, nous sommes victimes et vecteurs du même présupposé : ce qui est beau est bon. Aujourd’hui encore, tout le monde le pressent et personne ne veut y croire : notre vie tout entière est soumise à la tyrannie des apparences.
Pour la première fois en France, un livre, Le Poids des apparences (Odile Jacob, 2002), en apporte la démonstration. Professeur de sociologie, Jean-François Amadieu a recensé trente ans d’études américaines et européennes sur le sujet et en tire une conclusion effarante : toute notre vie, dans tous les domaines, en amour comme au travail, notre apparence conditionnera nos relations aux autres.
Poussant son analyse, le sociologue démontre combien la beauté est un formidable outil de discrimination sociale que les élites imposent aux classes les plus basses. Dans le monde entier, les canons de la beauté ne sont-ils pas ceux des Blancs américains diffusés par la télévision et le cinéma : blondeur, minceur, jeunesse. Que l’on s’y résolve ou que l’on se révolte, nous n’en sommes pas moins, dès la naissance, soumis à la première des injustices : celle des apparences.
Au berceau déjà
Les regards qui se portent sur le nourrisson dans son berceau ne sont pas neutres. Un bébé beau attirera force sourires et risettes alors qu’un enfant moins séduisant créera une certaine gêne chez les adultes. Même infime – oreilles décollées, tache de naissance, dissymétrie des traits –, la différence physique sera vécue par les parents comme un handicap futur. Et suscitera des comportements différents à l’égard du nourrisson.
" On ne peut pas dire qu’une mère ou un père préfèrera un enfant plus beau que ses frères et sœurs, explique Jean-François Amadieu. En revanche, les études ont prouvé que les activités seront différentes selon que l’enfant est beau ou laid. Par exemple, une mère jouera beaucoup avec son nourrisson s’il est beau, tandis qu’elle focalisera sur les apprentissages s’il est disgracieux. Et parce qu’elle sait qu’il risque de se heurter, plus tard, aux regards des autres, elle s’en occupera plus. Il est d’ailleurs prouvé que ces enfants réussiront mieux à l’école que la moyenne. On peut ici parler d’un effet de compensation à la laideur."
A l’école du favoritisme
A la maternelle déjà, les enfants beaux sont privilégiés. Les enseignants ont une meilleure opinion d’eux, leur accordent davantage d’attention, les évaluent plus chaleureusement - in Modèles du corps et psychologie esthétique de Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer (PUF, 1981). Cette bienveillance engendre une confiance chez l’enfant qui l’accompagnera toute sa vie. D’autant qu’elle va mettre en place une dynamique du succès qui se poursuivra à l’âge adulte. Ensuite, au collège et au lycée, une note peut varier de 20 à 40 % selon la beauté de l’élève. Les études prouvent qu’une étudiante laide mais de bon niveau est peu défavorisée par rapport à une étudiante belle de même niveau. En revanche, si la plus jolie est mauvaise élève, ses notes seront nettement surévaluées par les examinateurs, expliquent Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer dans Le Corps et la Beauté (PUF, 1999).
"Beaucoup plus que l’enfant beau, l’enfant laid est jugé responsable de ses échecs scolaires autant que de ses fautes, remarque Jean-François Amadieu. D’abord par les instituteurs, puis par les professeurs et enfin par les recruteurs. La beauté est un statut qui vaut diplôme : elle enrichit, comme la laideur altère, nos compétences."
La tête de l’emploi
Diplôme en poche, vous pensiez être délivré de la dictature des apparences ? Erreur. "Une apparence avenante est cruciale au moment de l’embauche, mais également pour une bonne intégration au sein de l’entreprise, explique Jean-François Amadieu. Elle permet une meilleure évaluation des performances et favorise un bon déroulement de carrière." Le candidat sera jugé d’abord sur des critères extérieurs : soin apporté à sa personne, poids, beauté physique, etc. 50 % des employeurs jugent qu’un physique séduisant est un critère important de recrutement (Multicity Study of Urban Inequality de H. Holzer, Michigan State University, 1993). Les critères négatifs : poids excessif, petite taille, nez trop long, grandes oreilles, visage disgracieux, mains moites…
"Les beaux sont jugés plus intelligents, plus ambitieux, plus chaleureux, plus sociables, plus équilibrés et moins agressifs", assure encore le sociologue. Ainsi, de nombreux spécialistes du recrutement estiment, consciemment ou pas, qu’une personnalité équilibrée se voit. Pire, les études prouvent qu’à diplôme équivalent un candidat au physique peu avenant sera recruté à un salaire moindre. Une situation qui n’ira pas en se résorbant : une étude anglaise, conduite sur onze mille salariés britanniques (Beauty, Statute and the Labour Market de B. Harper, 2000), prouve que si les plus beaux gagnent un peu plus que la moyenne nationale, les plus laids perçoivent des salaires de 11 à 15 % inférieurs.
"La beauté permet non seulement d’échapper au chômage, mais en plus elle se transforme en prime salariale, résume Jean-François Amadieu. La beauté est un capital humain que le marché du travail reconnaît financièrement." Ainsi démontrée, la dictature que nous imposent les apparences, comme la tyrannie médiatique et sociale que nous subissons, nous apparaissent dans ce qu’elles ont de fondamentalement injustes. "Bien sûr, nous préférerions que ce soient les mérites de chacun qui déterminent l’obtention des diplômes, l’accès aux emplois, etc., plutôt qu’un critère arbitraire et primitif, admet Jean-François Amadieu. Mais c’est en disant la vérité sur cette discrimination qu’on peut élaborer des stratégies visant à limiter, sinon contrer, l’emprise des apparences. Bien connue et bien utilisée par tous, elle peut aussi permettre de bousculer l’ordre imposé."
Des chercheurs américains (Physical Attractivities and Evaluation of Children’s Transgressions de K. K. Dion, 1972) ont demandé à des adultes de juger des enfants de 7 ans accusés d’avoir blessé un camarade avec une boule de neige. Dans un premier temps, les personnes interrogées se sont montrées beaucoup plus tolérantes envers les enfants les plus beaux : la faute était jugée plus légèrement lorsque le fautif était séduisant. Dans un second temps, elles se sont dit convaincues que les enfants beaux récidiveraient moins que les autres. Commentaires du sociologue Jean-François Amadieu : "Non seulement le “laid” est jugé plus responsable de sa faute que le “beau”, mais, de surcroît, cette faute apparaissant comme inscrite dans sa nature profonde, elle est susceptible d’être répétée."

Auteur: Gelly Violaine

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[ inégalités ] [ injustice ] [ allure ]

 

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âme

Panpsychisme, l'esprit des pierres La plupart pense que tous les humains sont conscients, ainsi que beaucoup d'animaux. Certains, comme les grands singes, semblent même être timides comme nous. D'autres, comme les chiens et les chats, les porcs, manquent d'un sens de l'ego mais ils semblent éprouver les états intérieurs de plaisir, etc... Pour les créatures plus petites, comme des moustiques, nous ne sommes pas aussi sûrs et n'avons pas de scrupules pour les massacrer. Quant aux plantes, elles n'ont évidemment pas d'esprit, excepté dans des contes de fées. Et encore moins les choses non vivantes comme les tables et les pierres. Les Atomes Mentaux "Si l'évolution fonctionne en douceur, une certaines forme de conscience doit être présente à l'origine même des choses. On constate que les philosophes évolutionnistes commencent à en poser le principe. Chaque atome de la galaxie, supposent-ils, doit avoir eu un atome original de conscience lié avec lui. Les atomes mentaux... sont alors fondu en de plus grandes consciences : nous-mêmes et peut-être chez nos camarade-animaux." James William, Principes de Psychologie 1890 Tout paraît de bon sens. Mais le bon sens n'a pas toujours été un si bon guide pour comprendre le monde et sa partie la plus récalcitrante à notre compréhension à l'heure actuelle est bien la conscience elle-même. Comment les processus électrochimiques de notre cerveau, peuvent-ils exister et donner ce jeu en technicolor de la conscience, avec ses transports de joie, ses coups d'angoisse et autres moments de contentement doux alternant avec l'ennui ?... Voici peut-être une des dernières frontières des sciences. Elle nourrit les énergies intellectuelles de la communauté scientifique, les psychologues, philosophes, physiciens, informaticiens et aussi, de temps en temps, le Dalai Lama. Ceci amène certains à une hypothèse un peu folle. Peut-être, disent-ils, que l'esprit n'est pas limité aux cerveaux de quelques animaux. Peut-être est-il partout, présent dans chaque atome, des électrons et neutrinos jusqu'aux galaxies, sans exclure les choses de taille moyenne comme un verre de l'eau ou une plante en pot. Il n'aurait donc pas soudainement surgi quand quelques particules physiques sur une certaine planète se sont retrouvées, après évolution, dans la bonne configuration. Mais plutôt : il y a une conscience dans le cosmos depuis toujours. Cette doctrine que la substance du monde est fondamentalement esprit s'appelle panpsychisme. Il y a quelques décennies, le philosophe américain Thomas Nagel a montré que c'était une conséquence logique de quelques faits raisonnables. D'abord, nos cerveaux se composent de particules matérielles. Ensuite ces particules, dans certains arrangements, produisent des pensées et des sentiments subjectifs. Troisièmement, les propriétés physiques ne peuvent expliquer en elles-mêmes la subjectivité. (Comment l'ineffable expérience qui consiste à goûter une fraise pourrait-elle résulter en équations physiques ?) Nagel a donc théorisé que les propriétés d'un système complexe comme le cerveau ne surgissent pas simplement dans l'existence à partir de nulle part. Elles doivent dériver des propriétés des constituants de ce système. Ces constituants doivent par conséquent avoir eux-mêmes des propriétés subjectives - propriétés qui, dans les bonnes combinaisons, s'ajoutent jusqu'à donner nos pensées et sentiments intérieurs. Et comme les électrons, les protons et les neutrons constituant nos cerveaux ne sont pas différent de ceux qui constituent le reste du cosmos l'univers entier doit donc se composer d'infimes morceaux de conscience. Nagel n'est pas allé jusqu'au panpsychisme, mais aujourd'hui il peut constater quelque qui ressemble à une mode. Le philosophe australien David Chalmers et le physicien Roger Penrose d'Oxford ont parlé de lui. Dans le livre récent "La conscience et sa place dans la nature," le philosophe britannique Galen Strawson défend le panpsychisme contre de nombreuses critiques. Comment se pourrait-il, demandent les sceptiques, que des morceaux d'esprit poussière, avec des états mentaux vraisemblablement simples, se combinent-ils pour former le genres d'expériences mentales compliquées que nous autres humains vivons ? Après tout, quand on rassemble un groupe de personnes dans une salle, leurs différents esprits ne forment pas un esprit collectif simple. (Quoique!) Ensuite il y a le fait incommode qu'on ne peut pas scientifiquement tester cette affirmation qui, par exemple, dirait que la lune a un fonctionnement mental. (Et cela s'applique aussi aux gens - comment pourrez-vous démontrer que vos camarades de bureau de ne sont pas des robots sans connaissance, comme le commandant Data sur "Star Trek" ?) Il y a aussi cette idée un peu pernicieuse : si quelque chose comme un photon peut avoir des proto-émotions, proto-croyances et proto-désirs. Que pourrait alors être le contenu du désir d'un photon?.. Devenir un quark, ironise un anti panpsychisme. Il est plus facile de parodier le Panpsychisme que le réfuter. Mais même si cette recherche de compréhension de la conscience s'avère être un cul-de-sac, cela pourra éventuellement nous aider à nous élever au-dessus de nos pensées conventionnelles de la perspective cosmique. Nous sommes des êtres biologiques. Nous existons parce que nous sommes des autos réplications de nous-mêmes. Nous détectons et agissons sur l'information de notre environnement de sorte que nos réplications continuent. En tant que sous-produits, nous avons développé des cerveaux qui, nous voulons voir comme les choses les plus complexes de l'univers. Mais pensons à la matière brute. Prenez un rocher. Il ne semble pas faire grand-chose, en tout cas pour ce qui est d'animer nos perceptions. Mais à un nano niveau il se compose d'un nombre inimaginable d'atomes reliés par des liaisons chimiques flexibles, ondoyantes et s'agitant ensembles à des cadences que même notre ordinateur géant le plus rapide pourra envier pour encore longtemps. Et ils ne 'agitent pas au hasard. Les intestins du rocher "voient" l'univers entier au moyen de signaux gravitationnels et électromagnétiques qu'ils reçoivent sans interruption. Un tel système pourrait être regardé comme un processeur polyvalent d'informations, dont la dynamique intérieure pourrait refléter n'importe quelle séquence des états mentaux que nos cerveaux traversent. Et là où il y a de l'information, dit le panpsychisme, il y a de la conscience. Ainsi le slogan de David Chalmers, "l'expérience est information de l'intérieur; la physique est information de l'extérieur." Mais le rocher ne se démène pas lui-même comme résultat de toute cette "réflexion". Pourquoi le devrait-il ? Son existence, à la différence de la nôtre, ne dépend pas d'une lutte pour la survie et la reproduction. Il est indifférent à la perspective d'être pulvérisé. Etant poète on pourrait voir le rocher comme un être purement contemplatif. Et on pourrait dessiner cette morale que l'univers est, et a toujours été, saturé d'esprit. Même si nous autres snobs darwiniens reproducteurs retardataires sommes trop fermés pour le réaliser.

Auteur: Holt Jim

Info: Fortean Times 18 Nov. 2007

[ matière ] [ monade ] [ minéral ] [ métaphysique ] [ chiasme ]

 

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compromission

En mai 68 mai et dans le sillage de l’événement sont apparus de nouveaux thèmes portant sur la sexualité, l’éducation des enfants, la psychiatrie, la culture, qui sont venus interpeller les schémas de la lutte des classes et les idéologies de l’extrême gauche traditionnelle. Le gauchisme culturel naît précisément dans ce cadre et c’est lui qui va le premier déplacer l’axe central de la contestation vers les questions sociétales, à la manière de l’époque, c’est-à-dire de façon radicale et délibérément provocatrice. Il est ainsi devenu le vecteur d’une révolution culturelle qui a mis à mal l’orthodoxie des groupuscules d’extrême-gauche, avant de concerner l’ensemble de la gauche et de se répandre dans la société. Quand on étudie la littérature gauchiste de l’immédiat après-Mai, on est frappé de retrouver nombre de thèmes du gauchisme culturel d’aujourd’hui, mais, en même temps, ces derniers semblent bien mièvres et presque banalisés en regard de la rage dont faisaient preuve les révolutionnaires de l’époque. Leur remise en question radicale a concerné bien des domaines dont nous ne pouvons rendre compte dans le cadre limité de cet article 34. Mais il suffit d’évoquer ce qu’il en fut en matière de mœurs et de sexualité au début des années 1970 pour mieux cerner le fossé qui nous sépare du présent. Le désir était alors brandi comme une arme de subversion de l’ordre établi qui devait faire sauter tous les interdits, les tabous et les barrières. Il s’agissait de faire tomber tous les masques, en pourchassant les justifications et les refoulements au cœur même des discours les plus rationnels et les plus savants. Être "authentique", c’était oser, si l’on peut dire, regarder le désir en face et ne plus craindre d’exprimer en toute liberté le chaos que l’on porte en soi. C’est sans doute pour cette raison que sur le front du désir la classe ouvrière a pu apparaître muette à beaucoup.

Les religions juives et chrétiennes, la "morale bourgeoise", l’idéologie, le capitalisme réprimaient le désir, il s’agissait alors ouvertement de tout mettre à bas pour le libérer. Le mariage et la famille n’échappaient pas à un pareil traitement. Ils étaient considérés comme un dispositif central dans ce vaste système de répression, la cellule de base du système visant à castrer et à domestiquer le désir en le ramenant dans les credo de la normalité. Les lesbiennes et les gays revendiquaient clairement leur différence en n’épargnant pas les " hétéro-flics", la "virilité fasciste", le patriarcat. Il était alors totalement exclu de se marier et de rentrer dans le rang.

On peut mesurer les différences et le chemin parcouru depuis lors. Nous sommes passés d’une dynamique de transgression à une banalisation paradoxale qui entend jouer sur tous les plans à la fois: celui de la figure du contestataire de l’ordre établi, celui de la minorité opprimée, celui de la victime ayant des droits et exigeant de l’État qu’il satisfasse au plus vite ses revendications, celui du Républicain qui défend la valeur d’égalité, celui du bon père et de la bonne mère de famille…

Mais, en même temps, force est de constater que nombre de thèmes de l’époque font écho aux postures d’aujourd’hui. Il en est ainsi du culte des sentiments développé particulièrement au sein du MLF. Renversant la perspective du militantisme traditionnel, il s’agissait déjà de partir de soi, de son "vécu quotidien", de partager ce vécu avec d’autres et de le faire connaître publiquement. On soulignait déjà l’importance d’une parole au plus près des affects et des sentiments. Alors que l’éducation voulait apprendre à les dominer, il fallait au contraire ne plus craindre de se laisser porter par eux. Ils exprimaient une révolte à l’état brut et une vérité bien plus forte que celle qui s’exprime à travers la prédominance accordée à la raison. À l’inverse de l’idée selon laquelle il ne fallait pas mêler les sentiments personnels et la politique, il s’agissait tout au contraire de faire de la politique à partir des sentiments. Trois préceptes du MLF nous paraissent condenser le renversement qui s’opère dès cette période: "Le personnel est politique et le politique est personnel";  "Nous avons été dupés par l’idéologie dominante qui fait comme si “la vie publique” était gouvernée par d’autres principes que la vie privée”; "Dans nos groupes, partageons nos sentiments et rassemblons-les et voyons où ils nous mèneront. Ils nous mèneront aux idées puis à l’action". Ces préceptes condensent une nouvelle façon de faire de la "politique" qui fera de nombreux adeptes.

Resterait à tracer la genèse de ce curieux destin du gauchisme culturel jusqu’à aujourd’hui, la perpétuation de certains de ses thèmes et leur transformation. L’analyse de l’ensemble du parcours reste à faire, mais cette dernière implique à notre sens la prise en compte du croisement qui s’est opéré entre ce gauchisme de première génération avec au moins trois grands courants: le christianisme de gauche, l’écologie politique et les droits de l’homme. C’est dans la rencontre avec ces courants que le gauchisme culturel s’est pacifié, pris un côté boy-scout et faussement gentillet, et qu’il s’est mis à revendiquer des droits. Mais c’est surtout dans les années 1980 que le gauchisme culturel va recevoir sa consécration définitive dans le champ politique, plus précisément au tournant des années 1983-1984, au moment où la gauche change de politique économique sans le dire clairement et entame la "modernisation " Le gauchisme culturel va alors servir de substitut à la crise de sa doctrine et masquer un changement de politique économique mal assumé. À partir de ce moment, la gauche au pouvoir va intégrer l’héritage impossible de mai 68, faire du surf sur les évolutions dans tous les domaines, et apparaître clairement aux yeux de l’opinion comme étant à l’avant-garde dans le bouleversement des mœurs et de la "culture". Nous ne sommes pas sortis de cette situation.

Au terme de ce parcours qui rend compte des glissements opérés par la gauche et de l’influence du gauchisme culturel en son sein, il nous paraît possible de poser sans détour ce qui n’est plus tout à fait une hypothèse: nous assistons à la fin d’un cycle historique dont les origines remontent au XIXe siècle; la gauche a atteint son point avancé de décomposition, elle est passée à autre chose tout en continuant de faire semblant qu’il n’en est rien; il n’est pas sûr qu’elle puisse s’en remettre. Le gauchisme culturel, qui est devenu hégémonique à gauche et dans la société, a été un vecteur de cette décomposition et son antilibéralisme intellectuel, pour ne pas dire sa bêtise, est un des principaux freins à son renouvellement. La gauche est-elle capable de rompre clairement avec lui ? Rien n’est certain étant donné la prégnance de ses postures et de ses schémas de pensée.


Auteur: Le Goff Jean-Pierre

Info: "Du gauchisme culturel et de ses avatars" , Le Débat n° 176, septembre-octobre 2013, p.49-55.

[ hypocrisie ] [ détournement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

proto-biologie

Suzan Mazur : Donc, avec cette donation, vous allez tenter de déterminer les principes généraux de la vie. Comment définissez-vous la vie ?

C W : C'est le problème, nous ne pouvons pas. Nous n'avons pas encore répondu aux questions centrales sur l'origine de la vie. Nous devons encore obtenir des preuves plus directes de ce que j'appelle une condition pré-Darwinienne, une condition progénote de la vie. C'est l'une des choses sur lesquelles nous travaillons, en essayant d'obtenir autant de preuves directes que possible. Évidemment, comme il s'agit d'un stade de l'évolution qui s'est déroulé il y a trois milliards d'années ou plus, nous n'allons pas obtenir beaucoup de preuves directes. Nous pouvons obtenir des archives fossiles, mais elles ne sont pas fiables. Il faut déduire tout ce qu'on peut de l'analyse intelligente et perspicace des données de la séquence du génome.

SM : Que considérez-vous comme l'évolution ?

CW : L'évolution est en fait ce que la biologie devrait être. Qu'est-ce que la biologie ? Est-ce une description de formes sous le microscope ? Cela ne peut pas être cela. L'évolution est un processus. C'est le processus que nous appelons maintenant biologie, et  qui est très statique. L'évolution, en revanche, est dynamique. Et nous devons comprendre quelles sont les règles que suit cette dynamique.

Alfred North Whitehead disait qu'en biologie et dans d'autres domaines, nous n'avons pas affaire à une procession de formes (ce qui résume le point de vue de Lazcano), nous avons affaire à la forme ou aux formes du processus. C'est dans cette distinction que réside l'essence même de l'institut d'astrobiologie de l'Illinois. Nous allons réellement étudier l'origine évolutive de la vie. Toute personne ayant une intuition biologique peut sentir - que la vie est un processus évolutif. Comme je l'ai dit, ce n'est pas seulement une procession de formes.

SM : Avez-vous des inquiétudes concernant la création d'une protocellule ?

CW : Oh oui. Il y en a, comme vous le savez, Craig Venter bat le tambour sur ce sujet tout le temps, juste pour être à l'avant-garde. Le pouvoir.

SM : Il y a aussi les chercheurs de Harry Lonsdale, qui l'abordent de manière ascendante. David Deamer, scientifique à l'origine de la vie à l'Université de Santa Cruz, par exemple, dit qu'il prévoit de fabriquer une protocellule d'ici une dizaine d'années.

CW : Bonne chance.

SM : ça vous préoccupe, la protocellule ?

CW : Je suis préoccupé par les scientifiques qui pensent qu'ils sont Dieu quand il s'agit de biologie. Les scientifiques devraient essayer d'étudier les expériences que la nature a déjà faites sous la forme du processus d'évolution.

SM : Vous avez décrit la "déconnexion entre les darwinistes, qui avaient pris le contrôle de l'évolution, et les microbiologistes, qui ne trouvaient aucune utilité à la sélection naturelle darwinienne." Avez-vous quelque chose à dire sur la récente décision du Huffington Post de bloquer la publication de la réponse du microbiologiste James Shapiro au darwiniste Jerry Coyne suite à la récente attaque de Coyne sur la pensée de Shapiro concernant un rôle réduit de la sélection naturelle dans l'évolution ?

CW : Je pense que c'est immoral. La science doit être libre d'examiner ce qu'elle voit. Si vous dites que tout le monde doit suivre la ligne darwinienne, ce n'est pas de la science libre. Le Huffington Post est passé de droite/gauche à gauche/droite. Je ne sais pas où il est maintenant. Cela n'appartient pas à la science.

Je pense que Shapiro a le doigt sur l'avenir. Il voit que nous devrions étudier la régulation. L'épigénétique est très importante.

SM : Vous avez également remarqué que la pensée de Darwin sur la descendance commune est "principalement fondée sur l'analogie" et que l'évolution qui émerge maintenant ne découle pas de Darwin. Je vous cite "Il me semble qu'une biologie future ne peut être construite dans les superstructures conceptuelles du passé. L'ancienne superstructure doit être remplacée par une nouvelle pour que les problèmes holistiques puissent émerger comme le nouveau courant dominant de la biologie". Vous attendriez-vous à ce que Darwin suive la voie de Freud si la biologie entre dans le monde non linéaire et que l'évolution est redéfinie ?

CW : Cela pourrait bien être le cas. J'ai longtemps soutenu, jusqu'à la fin du XXe siècle, que le problème du processus d'évolution est un problème antérieur à son époque. Darwin a essayé d'obtenir un crédit personnel en faisant irruption avec ça à un certain moment. La pensée conceptuelle sur l'évolution a d'abord été établie par des gens comme Buffon et le propre grand-père de Darwin, Erasmus Darwin - que Darwin ne mentionne jamais dans l'Origine des espèces, sauf dans une note de bas de page lorsqu'il y fut contraint, dans la troisième édition, de l'ajouter au bas de la préface.

Il l'a nommé d'une manière dédaigneuse. Disant en gros, oh oui, beaucoup de gens ont pensé à cela et a nommé des gens comme Buffon et Lamarck. Mais il n'a pas nommé son propre grand-père, Erasmus Darwin, sauf pour dire que son grand-père avait les mêmes idées fausses que Lamarck et Goethe. Et il n'a pas dit quelles étaient ces idées ou ce qu'il leur reprochait. Il voulait se distancer de son grand-père autant qu'il le pouvait.

SM : J'ai été intrigué par l'interview que vous avez donné au magazine Wired il y a quelques années où vous avez parlé de "l'interaction distribuée" agissant au sein de diverses communautés en réseau de la vie précoce avant la cellule moderne. Et puis vous avez dit que cette dynamique pré-darwinienne se retrouve dans la société. Je me demandais si vous vouliez dire que nous continuons en quelque sorte à reconstituer notre ancien passé organisationnel ?

CW : Non, je ne pense pas que nous tournons dans les mêmes cercles. Il s'agit d'une spirale toujours plus grande, parce que c'est ainsi que l'on peut définir un système complexe dynamique.

SM : Nigel Goldenfeld a fait des conférences sur les "trois régimes dynamiques". Fait-il référence à ce que vous avez décrit dans votre article de 2006 - une faible évolution communautaire, une puissante évolution communautaire et une évolution individuelle ?

CW : Oui, je crois qu'il le fait. Je suis presque sûr que c'est le cas. Et dans un article que j'ai écrit sur les archées, je parle de l'évolution de l'individualité. Il y avait un stade communautaire au départ. C'est ce que j'appelle habituellement le progénote. J'utilise le terme "trois domaines". J'ai écrit quelque chose en 2004 pour Microbiology and Molecular Biology Review. Freeman Dyson a été séduit par ce texte et a demandé la permission de l'utiliser dans un article qu'il a écrit pour la New York Review of Books. Nigel essaie de définir pour les physiciens ce que sont ces trois domaines. C'est l'un des rares points sur lesquels je diffère de Nigel Goldenfeld. C'est un amicale différent dans nos dialogues.

SM : C'est merveilleux que vous fassiez ces percées sans rencontrer trop d'hostilité de la part de la communauté de la biologie classique.

CW : Mais je n'ai pas détrôné l'hégémonie de la culture de Darwin.

Auteur: Woese Carl

Info: interviewé par Suzan Mazur, 4 October 2012, https://www.scoop.co.nz/. Trad Mg

[ triade ] [ pré-mémétique ] [ apprentis sorciers ] [ changement de paradigme ] [ éthique ] [ prébiotique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

bio-mathématiques

C’est confirmé : vous êtes constitué de cristaux liquides

Une équipe de chercheurs a réussi à prouver l’existence d’une double symétrie dans les tissus organiques, qui permet de les appréhender comme des cristaux liquides. Cette découverte pourrait faire émerger une nouvelle façon d’étudier le fonctionnement du vivant, à la frontière de la biologie et de la mécanique des fluides.

Dans une étude parue dans le prestigieux journal Nature et repérée par Quanta Magazine, des chercheurs ont montré que les tissus épithéliaux, qui constituent la peau et les enveloppes des organes internes, ne sont pas que des amas de cellules réparties de façon aléatoire. Ils présentent en fait deux niveaux de symétrie bien définis qui leur donnent des propriétés fascinantes; fonctionnellement, on peut désormais les décrire comme des cristaux liquides. Une découverte qui pourrait avoir des retombées potentiellement très importantes en médecine.

Ces travaux tournent entièrement autour de la notion de cristal liquide. Comme leur nom l’indique, il s’agit de fluides; techniquement, ils peuvent donc s’écouler comme de l’eau – mais avec une différence importante. Contrairement aux liquides classiques, où les atomes se déplacent les uns par rapport aux autres de façon complètement chaotique, les constituants d’un cristal liquide présentent tout de même un certain degré d’organisation.

Il ne s’agit pas d’une vraie structure cristalline comme on en trouve dans presque tous les minéraux, par exemple. Les cristaux liquides ne sont pas arrangés selon un motif précis qui se répète dans l’espace. En revanche, ils ont tendance à s’aligner dans une direction bien spécifique lorsqu’ils sont soumis à certains facteurs, comme une température ou un champ électrique.

C’est cette directionnalité, appelée anisotropie, qui est à l’origine des propriétés des cristaux liquides. Par exemple, ceux qui sont utilisés dans les écrans LCD (pour Liquid Crystal Display) réfractent la lumière différemment en fonction de leur orientation. Cela permet d’afficher différentes couleurs en contrôlant localement l’orientation du matériau grâce à de petites impulsions électriques.

Du tissu biologique au cristal liquide

Mais les cristaux liquides n’existent pas seulement dans des objets électroniques. Ils sont aussi omniprésents dans la nature ! Par exemple, la double couche de lipides qui constitue la membrane de nos cellules peut être assimilée à un cristal liquide. Et il ne s’agit pas que d’une anecdote scientifique ; cette organisation est très importante pour maintenir à la fois l’intégrité structurelle et la flexibilité de ces briques fondamentales. En d’autres termes, la dynamique des cristaux liquides est tout simplement essentielle à la vie telle qu’on la connaît.

Pour cette raison, des chercheurs essaient d’explorer plus profondément le rôle biologique des cristaux liquides. Plus spécifiquement, cela fait quelques années que des chercheurs essaient de montrer que les tissus, ces ensembles de cellules organisées de façon à remplir une mission bien précise, peuvent aussi répondre à cette définition.

Vu de l’extérieur, l’intérêt de ces travaux est loin d’être évident. Mais il ne s’agit pas seulement d’un casse-tête très abstrait ; c’est une question qui regorge d’implications pratiques très concrètes. Car si l’on parvient à prouver que les tissus peuvent effectivement être assimilés à des cristaux liquides, cela débloquerait immédiatement un nouveau champ de recherche particulièrement vaste et fascinant. Les outils mathématiques que les physiciens utilisent pour prédire le comportement des cristaux pourraient soudainement être appliqués à la biologie cellulaire, avec des retombées considérables pour la recherche fondamentale et la médecine clinique.

Mais jusqu’à présent, personne n’a réussi à le prouver. Tous ces efforts se sont heurtés au même mur mathématique — ou plus précisément géométrique ; les théoriciens et les expérimentateurs ne sont jamais parvenus à se mettre d’accord sur la symétrie intrinsèque des tissus biologiques. Regrettable, sachant qu’il s’agit de LA caractéristique déterminante d’un cristal liquide.

Les deux concepts enfin réconciliés

Selon Quanta Magazine, certains chercheurs ont réussi à montrer grâce à des simulations informatiques que les groupes de cellules pouvaient présenter une symétrie dite " hexatique ". C’est ce que l’on appelle une symétrie d’ordre six, où les éléments sont arrangés par groupe de six. Mais lors des expériences en laboratoire, elles semblent plutôt adopter une symétrie dite " nématique* ". Pour reprendre l’analogie de Quanta, selon ce modèle, les cellules se comportent comme un fluide composé de particules en forme de barres, un peu comme des allumettes qui s’alignent spontanément dans leur boîte. Il s’agit alors d’une symétrie d’ordre deux. 

C’est là qu’interviennent les auteurs de ces travaux, affiliés à l’université néerlandaise de Leiden. Ils ont suggéré qu’il serait possible d’établir un lien solide entre les tissus biologiques et le modèle des cristaux liquides, à une condition : il faudrait prouver que les tissus présentent les deux symétries à la fois, à des échelles différentes. Plus spécifiquement, les cellules devraient être disposées selon une symétrie d’ordre deux à grande échelle, avec une symétrie d’ordre six cachée à l’intérieur de ce motif qui apparaît lorsque l’on zoome davantage.

L’équipe de recherche a donc commencé par cultiver des couches très fines de tissus dont les contours ont été mis en évidence grâce à un marqueur. Mais pas question d’analyser leur forme à l’œil nu ; la relation qu’ils cherchaient à établir devait impérativement être ancrée dans des données objectives, et pas seulement sur une impression visuelle. Selon Quanta, ils ont donc eu recours à un objet mathématique appelé tenseur de forme grâce auquel ils ont pu décrire mathématiquement la forme et l’orientation de chaque unité.

Grâce à cet outil analytique, ils ont pu observer expérimentalement cette fameuse double symétrie. À grande échelle, dans des groupes de quelques cellules, ils ont observé la symétrie nématique qui avait déjà été documentée auparavant. Et en regardant de plus près, c’est une symétrie hexatique qui ressortait — exactement comme dans les simulations informatiques. " C’était assez incroyable à quel point les données expérimentales et les simulations concordaient ", explique Julia Eckert, co-autrice de ces travaux citée par Quanta.

Une nouvelle manière d’appréhender le fonctionnement du vivant

C’est la première fois qu’une preuve solide de cette relation est établie, et il s’agit incontestablement d’un grand succès expérimental. On sait désormais que certains tissus peuvent être appréhendés comme des cristaux liquides. Et cette découverte pourrait ouvrir la voie à un tout nouveau champ de recherche en biologie.

Au niveau fonctionnel, les implications concrètes de cette relation ne sont pas encore parfaitement claires. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il sera désormais possible d’utiliser des équations de mécanique des fluides qui sont traditionnellement réservées aux cristaux liquides pour étudier la dynamique des cellules.

Et cette nouvelle façon de considérer les tissus pourrait avoir des implications profondes en médecine. Par exemple, cela permettra d’étudier la façon dont certaines cellules migrent à travers les tissus. Ces observations pourraient révéler des mécanismes importants sur les premières étapes du développement des organismes, sur la propagation des cellules cancéreuses qui génère des métastases, et ainsi de suite.

Mais il y a encore une autre perspective encore plus enthousiasmante qui se profile à l’horizon. Il est encore trop tôt pour l’affirmer, mais il est possible que cette découverte représente une petite révolution dans notre manière de comprendre la vie.

En conclusion de l’article de Quanta, un des auteurs de l’étude résume cette idée en expliquant l’une des notions les plus importantes de toute la biologie. On sait depuis belle lurette que l’architecture d’un tissu est à l’origine d’un certain nombre de forces qui définissent directement ses fonctions physiologiques. Dans ce contexte, cette double symétrie pourrait donc être une des clés de voûte de la complexité du vivant, et servir de base à des tas de mécanismes encore inconnus à ce jour ! Il conviendra donc de suivre attentivement les retombées de ces travaux, car ils sont susceptibles de transformer profondément la biophysique et la médecine.

 

Auteur: Internet

Info: Antoine Gautherie, 12 décembre 2023. *Se dit de l'état mésomorphe, plus voisin de l'état liquide que de l'état cristallisé, dans lequel les molécules, de forme allongée, peuvent se déplacer librement mais restent parallèles entre elles, formant ainsi un liquide biréfringent.

[ double dualité ] [ tétravalence ]

 

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Ajouté à la BD par miguel