Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 55
Temps de recherche: 0.0466s

rendement financier

L'argent travaille lui aussi, comme tout le monde. Et quand il ne travaille plus, converti en biens immobiliers et revenus locatifs, il garantit l'avenir, sans quoi on nage dans l'incertitude comme les parents de Pierre. Et comme eux on sera réduit à la conjurer dans la bouffe, l'alcool, le Xanax et les crédits revolving, merci bien. On parle de Pierre comme s'il était là, c'est parfaitement désobligeant, oui. L'équilibre de Pierre, pour ne pas dire sa félicité, repose sur la prévision. Entre autres petits placements sans risque dans de jeunes entreprises du big data, ils disposent avec Reine de deux studettes dans le arrondissement louées sans risque à des locataires eux-mêmes entretenus par leurs propriétaires de parents. Ajoutés à cela, deux appartements à Saint-Jean-CapFerrat, loi Pinel, assureront des revenus locatifs en cas non pas de licenciement mais de réflexion, envie de liberté, nécessité d'émigration. La France pourrait devenir insupportable, décevante au moins, l'histoire l'a montré. Enfin, un compte est approvisionné dans le cas plus que probable où la mère de Pierre, fantasque retraitée de l'enseignement primaire, témoignerait d'une soudaine perte d'autonomie et voudrait vivre chez son fils. Pierre a évalué le coût de six ans de pension complète en maison de repos. Il a placé le total à taux fixe et depuis il respire. Ils ne partent pas en vacances tous les quatre matins, inutile. Pierre est suffisamment détendu à l'idée que sa mère ne viendra pas tacher le chesterfield.

Auteur: Pourchet Maria

Info: Les impatients, Page 50, Gallimard, 2019

[ obsession ] [ fric ] [ calcul ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

élitiste

L'homme intelligent aspirera avant tout à fuir toute douleur, toute tracasserie et à trouver le repos et les loisirs; il recherchera donc une vie tranquille, modeste, abritée autant que possible contre les importuns; après avoir entretenu pendant quelque temps des relations avec ce que l'on appelle les hommes, il préférera une existence retirée, et , si c'est un esprit tout à fait supérieur, il choisira la solitude. Car plus un homme possède en lui-même, moins il a besoin du monde extérieur et moins les autres peuvent lui être utiles. Aussi la supériorité de l'intelligence conduit-elle à l'insociabilité. Ah! si la qualité de la société pouvait être remplacée par la quantité, cela vaudrait alors la peine de vivre même dans le grand monde: mais, hélas! cent fous mis en un tas ne font pas encore un homme raisonnable. - L'individu placé à l'extrême opposé, dès que le besoin lui donne le temps de reprendre haleine, cherchera à tout prix des passe-temps et de la société; il s'accommodera de tout, ne fuyant rien tant que lui-même. C'est dans la solitude, là où chacun est réduit à ses propres ressources, que se montre ce qu'il a par lui-même; là, l'imbécile, sous la pourpre, soupire écrasé par le fardeau éternel de sa misérable individualité, pendant que l'homme hautement doué, peuple et anime des ses pensées la contrée la plus déserte. Sénèque (Ep. 9) a dit avec raison : " La sottise se déplaît à elle-même " ; de même Jésus, fils de Sirach " La vie du fou est pire que la mort." Aussi voit-on en somme que tout individu est d'autant plus sociable qu'il est plus pauvre d'esprit et, en général, plus vulgaire. Car dans le monde on n'a guère le choix qu'entre l'isolement et la communauté.

Auteur: Schopenhauer Arthur

Info: Aphorismes sur la sagesse de la vie

[ misanthrope ] [ isolement ] [ égoïsme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

hyperfestivité

La société de l'autonomie individuelle sécrète des solitaires dépressifs. Le processus est multiforme. L'individu, plus que jamais confronté à l'obligation de faire des choix en permanence, se sent pleinement responsable de ses échecs. Ce n'est évidemment pas un hasard si l'existentialisme s'est développé au moment de la révolution de l'autonomie : l'homme s'éprouve comme pure liberté, comme existant, élaborant son essence dans l'angoisse. L'individu a en outre le devoir de "s'accomplir". Dans une société où tout est affaire de séduction, il faut savoir se vendre, faire preuve de motivation, de dynamisme, donner une image positive de soi. Le culte du look et du corps, la hantise des signes de vieillissement et des traits disgracieux sont une obsession supplémentaire. Il faut à la fois être différent et reconnu de ses pairs. Et toutes ces obligations sont beaucoup plus pesantes que ne l'étaient les règles sociales d'autrefois, qui ne requéraient qu'obéissance et conformisme.

Aux contraintes de la société du narcissisme s'ajoutent les contraintes et frustrations de la société de consommation qui, pour écouler une production de masse, a besoin de consommateurs isolés. Tous pareils et tous différents. Créer des besoins massifs en profondeur et encourager la personnalisation superficielle ; faire croire à chacun qu'il est unique, tout en le réduisant à l'état de clone indifférencié. Pour cela, créer un climat hédoniste, encourageant la satisfaction immédiate des besoins et abolissant les interdits, ce qui suppose la disparition des valeurs transcendantales et de toute idée d'un sens de l'existence ; instaurer la liberté de choix, privilégier l'initiative individuelle, la nécessité pour chacun de s'affirmer, de se faire une place.

L'atmosphère euphorique est entretenue par les fêtes, célébrations, jeux, animations, émissions centrés sur le narcissisme. Tous ces éléments combinés créent un climat propice à une prise de conscience de la solitude individuelle.

Auteur: Minois Georges

Info: Histoire de la solitude et des solitaires, XXe siècle

[ vingtième siècle ] [ psycho-sociologie ] [ individualisme ] [ développement personnel ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par miguel

antisémitisme

Le  Coran  contient  certains  passages particulièrement  choquants  dans  lesquels  Mahomet  stigmatise  les  Juifs comme des ennemis de l’islam et les décrit animés d’un esprit malveillant et rebelle. On trouve également des versets qui évoquent leur humiliation et leur misère justifiées, ‘‘encourant la colère divine’’ à cause de leur désobéissance.  Ils devaient être humiliés ‘‘parce qu’ils n’avaient pas cru aux signes de Dieu et avaient tué les prophètes injustement’’ (sourate 2, versets 61/68). Selon un autre verset (sourate 5, versets 78/82), ‘‘les incroyants parmi les Enfants d’Israël’’ furent maudits par David et par Jésus. À titre de châtiment pour avoir ignoré les signes de Dieu et les miracles accomplis par les prophètes, ils furent transformés en singes et en pourceaux ou en idolâtres (sourate 5, versets 60/65). Le  Coran  insiste  particulièrement  sur  le  fait  que  les  Juifs  rejetèrent Mahomet  (bien  que,  selon  des  sources  musulmanes,  ils  le  reconnurent comme un prophète) – par pure jalousie envers les Arabes et par ressentiment parce qu’il n’était pas juif.



De tels actes sont aujourd’hui présentés comme caractéristiques de la nature sournoise, perfide et intrigante des Juifs telle que la décrit le texte coranique. Pour des traits aussi négatifs, ils étaient voués à  ‘‘l’avilissement dans ce monde-ci’’ et à un ‘‘châtiment magistral’’ dans l’autre monde.



Une  série  de  versets  accuse  les  Juifs  de  ‘‘mensonges’’ (sourate  3, verset 71), d’altérations (sourate 4, verset 46), de lâcheté, d’avidité et de ‘‘corruption des textes sacrés’’.



Cette dernière accusation renvoie à une croyance bien ancrée selon laquelle les révélations des Ancien et Nouveau Testaments étaient authentiques, mais auraient été par la suite déformées par leurs indignes gardiens (Juifs et chrétiens). Le texte biblique devait donc être remplacé par le Coran, la parole littérale de Dieu transmise à son prophète Mahomet par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Cette version musulmane  substitutionniste  considère  Mahomet  comme  le  dernier prophète, celui qui a reçu l’ultime et complète révélation de Dieu sous la forme de l’islam.  



Le principal stéréotype antijuif entretenu par le Coran demeure l’accusation selon laquelle les Juifs ont obstinément et délibérément rejeté la vérité d’Allah. En outre, d’après le texte sacré, ils ont toujours persécuté ses  prophètes,  notamment  Mahomet  qui  dut  par  la  suite  expulser  deux grandes tribus juives de Médine et exterminer la troisième, les Qurayza. 

Auteur: Wistrich Robert

Info:

[ monothéismes ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

colonialisme

Emmanuel Macron ne se rendra pas à Kigali le 7 avril pour commémorer le génocide rwandais.

Le 7 avril, les Rwandais commémoreront le génocide des Tutsis (et le massacre des Hutus pacifistes). Près d’un million de morts en trois mois, entre avril et juin 1994. Dans les premiers jours, le massacre atteignait dix mille morts toutes les 20 minutes. Emmanuel Macron a fait savoir qu’il ne se rendrait pas à Kigali. On croyait avoir décelé ces derniers mois des signes de réchauffement diplomatique entre nos deux pays. Las. Ni le chef du gouvernement, ni le ministre des Affaires étrangères, ni même un secrétaire d’État n’iront. De la façon la plus maladroite qui soit, l’Élysée annonce être représenté par… un député… originaire du Rwanda. Double faute.

Mais l’essentiel réside sans doute ailleurs. Le pouvoir français continue en effet, en notre nom, de cultiver le déni de sa responsabilité dans l’un des plus grands génocides de l’histoire. On peut discuter longtemps de savoir si elle est directe ou non, et ce bien que les preuves s’accumulent, que les documents d’archives sont exhumés ou encore que des témoins – y compris des militaires français – rompent l’omerta. Mais responsabilité il y a : l’armée et des instructeurs français ont armé et formé le pouvoir génocidaire. Avant, pendant et après. Certes, les Français n’ont pas transmis les techniques de mort à la machette. Mais les services et les responsables politiques français savaient qu’un génocide se préparait. Ni en amont ni quand il s’est déclenché, le pouvoir français ne s’est donné véritablement les moyens de l’empêcher puis de l’arrêter, quoi qu’en disent les défenseurs de l’opération Turquoise.

Il est un autre aspect de ce génocide mis sous le tapis : celui qui a présidé à sa construction mentale, à sa justification raciste. Hutus et Tutsis n’ont en réalité aucune différence : même langue, même culture, même zones de nomadisme et de sédentarisation… Même histoire. Ce sont, à l’instar des Anglais et des Français, les colonisateurs belges qui ont créé et entretenu une distinction artificielle destinée à affermir leur pouvoir. Ce qui est frappant dans ce déni profond est ce qu’il dit de la France. De son incapacité à assumer autant que de son refus systématique de s’excuser de ce que d’autres ont fait avant. Ah ! la repentance, ce vilain mot qui déshonore. La Belgique et même le Vatican ont reconnu leur part ? Peu importe. Un président français ne s’excuse pas.

Auteur: Pouria Amirshahi

Info: https://www.politis.fr, 27 mars 2019

[ nord-sud ] [ machiavélisme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

végétaux

Stéphane Perraud : Dans quel état se trouvent les forêts primaires aujourd'hui ?

Francis Hallé : Il n'y en a quasiment plus ! Les forêts sont dites primaires quand elles n'ont jamais subi la moindre destruction humaine. Il y a quarante ans on en trouvait encore beaucoup à la surface du globe. Aujourd'hui, il n'en subsiste que des lambeaux, dans la boucle du fleuve Congo, en Australie, dans le Grand Nord canadien, en Sibérie... Seuls le climat très difficile ou l'absence totale d'accès les protègent encore de la folie destructrice des hommes. En Amazonie, c'est trop tard. On rase les arbres pour les remplacer par du soja transgénique et de l'élevage.

- Pourquoi est-ce si inquiétant ?

- La forêt joue un rôle déterminant pour la survie de l'humanité. Les arbres purifient l'atmosphère en absorbant du gaz carbonique et en rejetant de l'oxygène . Couper un arbre revient à détruire une usine d'épuration naturelle. Les arbres attirent la pluie. Leur feuillage et leur système racinaire filtrent l'eau. Ils jouent également un rôle de stabilisateurs pour les sols. Et bien sûr, ils abritent une flore et une faune exceptionnelle. Ce sont nos alliés, nos protecteurs. La disparition des forêts primaires n'est pas irréversible, mais pour passer d'une forêt secondaire (qui a repoussé après exploitation) à une forêt primaire, il faudrait la laisser tranquille pendant sept siècles !

- On entend souvent qu'une forêt a besoin d'être entretenue pour rester en bonne santé...

- C'est une hérésie ! Les forêts existent depuis plus de 350 millions d'années, elles se portaient très bien avant l'arrivée de l'homme. Elles ont su se reconstituer après chaque évolution climatique majeure. Plus on intervient dans une forêt, plus on la fragilise. Il faut au contraire laisser faire la nature. Le bois mort au sol par exemple préserve les micro-organismes. Une forêt détruite par un incendie repoussera mieux si on n'intervient pas. Sa capacité de régénération est incroyable. Saviez-vous que lorsqu'on coupe une branche, on favorise l'arrivée des maladies ? Au Jardin des Plantes à Paris, on trouve des arbres tricentenaires qui n'ont jamais été taillés. Ils se portent très bien et ne sont pas dangereux pour les visiteurs.

Beauté... Mesurable ? Il serait temps que tu comprennes que vous n'êtes que des principes d'action programmés pour survivre dans un milieu hostile, non prévu. Pour tenter de durer. Par conséquent la notion de beauté est tout à fait relative. Il y a éventuellement accoutumance à quelque chose de rassurant mais "Beauté mesurable", c'est comme si tu disais "vie passive".

Auteur: Hallé Francis

Info: 26 juin 2014

[ arbre ] [ nature ] [ équilibre ] [ écologie. éco-anxiété ]

 

Commentaires: 0

vingtième siècle

A la fin du siècle les hommes fumaient trois fois plus que les femmes et conduisaient plus fréquemment l'automobile et les Américains et les Allemands avaient le plus grand nombre d'automobiles par habitant et les Grecs fumaient le plus grand nombre de cigarettes. Les femmes vivaient plus longtemps que les hommes et se suicidaient moins souvent et prononçaient en moyenne trois fois plus de paroles par jour et les gens des villes pratiquaient des activités sportives et faisaient du vélo et de la course à pied tous les matins pour se rafraîchir les poumons. La course à pied pour rafraichir les poumons fut inventée par les Américains qui se procuraient à cette fin des shorts en matière luisante et des chaussures à suspension d'air pour éviter les déviations de la colonne vertébrale et en 1985 cent trente-cinq Américains sont mort d'un infarctus lors d'une course à pied matinale. A la fin du siècle les hommes voulaient rester jeunes et dynamiques mais en même temps politiquement et sexuellement corrects et ne plus séduire les femmes à la va-vite ni leur adresser des sourires lubriques etc. ni raconter des blagues sur les juifs et les Allemands et les homosexuels. Et certaines femmes déposaient plainte contre leur supérieur parce qu'il avait eu devant elles des paroles à connotation érotiques ou leur avait proposé de les raccompagner chez elles avec un air salace et en 1997 un avocat américain dut payer quatre millions de dollars américains de dommages et intérêts à sa secrétaire pour lui avoir jeté des bonbons à la menthe dans le décolleté. Et en 1998 certains Américains voulaient destituer leur président pour avoir entretenu des relations incorrectes avec une stagiaire et lui avoir touché les seins et enfoncé un cigare cubain dans le vagin et lui avoir fait pratiquer des fellations pendant qu'il téléphonait avec le secrétaire à la défense et entre-temps les américains bombardaient l'Irak et les Irakiens que c'était pour détourner l'attention du comportement sexuellement incorrect de leur président. Les Européens aussi voulaient être politiquement corrects mais un peu moins sexuellement parce que surtout dans les pays latins la séduction était une tradition culturelle alors que l'Amérique était plutôt puritaine. L'espérance de vie dans les pays démocratiques était supérieure à celle des pays communistes parce que les gens allaient plus fréquemment chez le médecin et mangeaient des légumes frais etc. tandis que dans les pays communistes les gens fumaient davantage parce qu'ils ne comprenaient pas bien pourquoi ils devraient atteindre un âge avancé et l'espérance de vie la plus basse se trouvait dans les pays en voie de développement qu'on appelait pays du tiers-monde. Et à la fin du siècle l'espérance de vie était de 78 ans dans les pays développés et de 41 ans en Sierra Leone. Et les sociologues disaient que selon différents indicateurs la meilleure qualité de vie était au Canada et en France.

Auteur: Ourednik Patrik

Info: Europeana : Une brève histoire du XXe siècle, P105

[ femmes-hommes ] [ nord-sud ]

 

Commentaires: 0

écrivain-sur-écrivaine

" Je pouvais voir des enfants, des hommes et des jardins dans mes mains. " L B

Traitez-moi d'impatient, de paresseux, mais j'en ai marre de lire des histoires élaborées. Je veux que simplicité et efficacité – si j'ose – fassent le travail narratif. L'info-dump est, je pense, le meilleur moyen de rendre une histoire froide, c'est pourquoi je me tourne si souvent vers des auteurs qui écrivent des nouvelles extra-courtes ; pas nécessairement de la fiction flash, mais du genre de cinq pages bien abouties qui crépitent de vie et se déroulent presque entièrement dans le réel. Pensez à Denis Johnson et son Jesus' Son. Pensez à Lucia B.

Dans son " Angel's Laundromat ", par exemple, la narratrice est assise sur une chaise en plastique alors que son linge tourne dans une machine à laver publique. Elle remarque dans le miroir un homme – également assis dans la laverie automatique – qui étudie ses mains à elle. Soudain, elle se voit elle-même à nouveau et nous fait part d'une double conscience qui frappe : " Je pouvais voir des enfants, des hommes et des jardins dans mes mains. " Cette auto-caractérisation sobre et détournée est l’élément vital de l’histoire. Sans se plonger dans des flashbacks ou des anecdotes superflues, Berlin fait remonter à la surface l'histoire personnelle de son personnage, et elle le fait d'une manière reconnaissable à la fois humaine et complexe. Non seulement nous apprenons que cette femme a des enfants, a eu de nombreux amants, a entretenu des fleurs toute sa vie, mais on commence également à comprendre quelque chose de son processus psychologique : nous avons là un personnage très attentif qui utilise de petits détails pour construire un plus grand sentiment. Mosaïque d'une  compréhension de soi. On pourrait même pressentir une pointe de névrose, une hypersensibilité à l’existence ordinaire. Les prétendues cicatrices, rides et imperfections de ses mains lui reviennent – ​​et nous arrivent – ​​chargées de sens. Elle disent quelque chose.

Bien sûr, cette phrase présente une énigme si l’on considère le mantra classique de l’écriture créative, ne le dis pas. Berlin montre-t-elle ou raconte-t-elle ? Dans un sens, elle ne fait que raconter. Sans vraiment contextualiser quoi que ce soit, elle livre au lecteur une petite fiche : on sait désormais quelques trucs sur la vie amoureuse et familiale de ce personnage, son statut de mère. Nous ne voyons pas un bébé qui fait ses dents se mordre la main. Nous ne la voyons pas se tordre les mains alors qu'elle veille tard en attendant un amant indiscipliné. On ne la voit pas travailler dans un jardin. Au lieu de cela, nous la voyons – sans plus – contempler ses mains et se plonger de manière plutôt abstraite dans un processus de métonymie existentielle.

Et pourtant, la phrase est suffisamment évocatrice pour montrer effectivement ces choses. Peut-être que nous ne voyons pas – ne regardons pas – la protagoniste de Berlin accroupie dans un jardin, mais nous ressentons certainement l'histoire cachée de l'action. Le pouvoir réside dans la syntaxe ; " Je pouvais voir des enfants, des hommes et des jardins entre mes mains. " Pouvait voir. Le choix des mots est à la fois lointain et proche, volontairement. Il y a cette notion d'aptitude, l'idée que la mémoire est là pour être lue si seulement le protagoniste veut s'y adonner. Son histoire est donc disponible pour inspection même si elle n’envahit pas nécessairement le moment présent sous la forme d’une scène secondaire. Et, si d'un autre côté la protagoniste déclarait qu'elle voyait ces choses entre ses mains, le choix de Berlin de ne pas se lancer dans un flash-back semblerait trompeur car nous, en tant que lecteurs, serions mis à l'écart. Ce serait révélateur d'une dissimulation, le personnage arpentant finalement un monde caché et inaccessible. Au lieu de cela, Berlin intègre cette histoire – toute cette vie mystérieuse – dans le tissu du présent. Elle est à la fois précise et approximative, et les détails de la vie du protagoniste reviennent au premier plan de l'action présente sans détours historiques.

Pourtant, pour certains, cela peut sembler une phrase superficielle et jetable. L’histoire, après tout, se concentre principalement sur l’homme qui regarde. Dès la première phrase, le lecteur est orienté de manière laconique et fragmentaire vers le sujet présumé de l'histoire : " Un grand et vieil Indien en Levi's décoloré avec une fine ceinture Zuni. " Nous voilà ainsi encouragés à nous concentrer sur lui. Mais c'est vraiment cette présence – celle du narrateur – qui conduit l'histoire, pour s'éloigner vers certaines périphéries jusqu'à ce que elle fasse disparaitre facilement cet homme en disant : " Je ne sais plus quand j'ai réalisé que je ne reverrais jamais ce vieil Indien". Le lecteur doit alors réaliser qu'il a traqué le mauvais personnage. Et la seule chose qui reste à faire est de revenir aux mains du conteur et reconnaître qu’elles détiennent la véritable histoire.

Auteur: Lannamann Taylor

Info: https://tinhouse.com/ 11 janvier 2017, sur Lucia Berlin

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

post-darwinisme

Internet et l’informatique en général ont joué un rôle permanent dans l’histoire de la mémétique, par exemple en faisant accepter l’idée que des codes non biologiques (typiquement, les virus informatiques) puissent avoir une reproduction autonome. La résolution de problèmes industriels a rebaptisé mémétiques les algorithmes génétiques. Mais surtout, le tissu social de l’internet, plus maillé de jour en jour, constitue une deuxième couche de lien social, d’interactions et de contenu. Il prend une telle épaisseur qu’il abrite sa propre faune. Des contenus – humoristiques, effrayants ou engagés – prolifèrent à une vitesse telle qu’on ne pourrait plus les contrôler sans "fermer" Internet. On appelle cela Internet memes parce que, depuis le début, la mémétique et la web culture sont consanguines. Le court-circuit linguistique ne s’est pas fait attendre, bien que personne ne l’ait anticipé : les "mèmes Internet" sont devenus mèmes par la grâce simplificatrice des médias grand public. Le nom sans objet a fusionné avec l’objet sans nom. Malheureusement, on se polarise trop sur les contenus sémantiques d’Internet, alors que l’on devrait aussi s’intéresser à la structure procédurale qui les sous-tend, en étudiant par exemple les puissants mèmes aux implications politiques et sociétales lourdes que sont Share (partagez du contenu), Like (dites que vous aimez) et Report (signaler un abus) !

Au fil des années, la communauté des méméticiens avait commencé à "tuer le père" en se détachant progressivement de Dawkins, de son analogie trop simple, éloquemment nommée "camisole intellectuelle" (Wallace, 2013). Mais voici qu’au festival de Cannes 2013, le succès des Internet memes fait sortir du bois "l’athée le plus célèbre du monde", avec un vidéo-clip taillé selon les codes visuels de YouTube. La nouvelle "petite phrase" de Dawkins est un pied de nez à toute la science sérieuse : "L’idée même de mème a elle-même muté et évolué dans une nouvelle direction".

Le jeu de mot "mutations are designed not random" (les mutations sont créées, pas aléatoires) est délibérément contestable : il ouvre une conception nouvelle du rapport entretenu par les variantes culturelles avec le terrain humain. La créativité et l’intention de l’artiste y font partie des conditions de naissance de la solution créative, sont le générateur de hasard.

Si exaspérant soit-il, Dawkins joue son rôle de diva en "levant des fonds" : il utilise le modèle économique de demain, celui qui convertit l’attention captée en revenus. Grâce aux Internet memes, il fait d’une pierre trois coups. Car pour une nouvelle science, il ne faut pas seulement de nouvelles lunettes et beaucoup de temps de cerveau, mais aussi un nouveau champ de données, une espèce inconnue, un nouveau continent. Autrement, on se heurte au reproche classique : "mais pourquoi aurait-on besoin de vos nouvelles lunettes, alors que celles que nous fabriquons déjà fonctionnent très bien ?" L’ennui, c’est que les vieilles lunettes ne voient pas bien ce qui est en train de se passer parce que cela va trop vite.

Une autre forme de science est nécessaire pour demain

On sait dire aujourd’hui "à quelle question la mémétique apporte une réponse". Les questions apparaissent chaque jour un peu plus clairement : pourquoi les phénomènes de société échappent-ils à toute prévision et plus encore à tout contrôle ? Pourquoi même les bonnes nouvelles sont-elles surprenantes ? Qu’est-ce qui influence les influenceurs ? Jusqu’où tel bouleversement va-t-il se propager ? Est-il normal que les objets nous utilisent et communiquent entre eux ? Aujourd’hui, la difficulté de prévoir, l’irruption permanente et encouragée de la nouveauté, voire de la disruption, ainsi que l’explosion des données massives (big data) appellent les compétences sociocognitives des "tendanceurs". Pensée rapide, échanges en réseau, erreur autorisée, remise en cause permanente et preuve par l’action. La mémétique rejoint cet arsenal des chasseurs de tendances parce qu’elle voit le monde avec d’autres lunettes, des lunettes qui savent que l’on regarde du vivant autoorganisé et non plus du "construit par l’homme selon des plans". Du coup ces lunettes nous rendent davantage capables de voir ce qui change rapidement et d’en percevoir les évolutions possibles. Aujourd’hui, la mouvance de l’économie collaborative se propose de mettre en partage le "code source" d’innovations citoyennes directement prêtes à être  expérimentées. 

Il devient impossible de penser seul ou en petits groupes centrés sur l’allégeance à un seul paradigme. Les sujets d’études offerts aux sciences de l’homme par le monde contemporain affolent par leur nombre, leur diversité et leur vitesse de renouvellement. De même, la connaissance se fabrique partout en même temps, dans un tissu ouvert constitué de personnes et de machines. La conscience même du sujet connecté n’est plus la même que celle du sujet isolé. La mémétique peut fournir un ensemble de métaphores agissant à la manière de passerelles interdisciplinaires, telles que la vision des solutions comme chemins entre états instables, celle du stockage partiel des souvenirs dans les objets, ou celle de l’ADN organisationnel comme fonctionnement implicite partagé des collectifs.

Une première condition est le recentrage indispensable de l’observation, du mème abstrait vers la solution concrète que l’on voit se reproduire et évoluer.

Une autre serait de mettre en lien souplement, autour de ce concept général de solutions, toutes les observations et réflexions – sans aucune contrainte disciplinaire – sur la manière dont nos actions s’inspirent et se déclenchent à partir des corps, des lieux et des objets, se répètent, sont bien ou mal vécues en commun, sont mémorisées, fabriquent des structures, produisent des récits…

Mais avant tout, la plus importante est de reconnaître la mémétique pour ce qu’elle est : un projet collaboratif, spontané, a-disciplinaire, mondial, qui nous équipe d’un regard neuf sur ce que la vie humaine est en train de devenir… un regard qui change jusqu’à notre conception de nous-mêmes. La mémétique ne mourra pas tant que ce travail restera à faire. Elle ne s’effacera pas, si ce n’est dans un projet plus grand qui réponde aux mêmes nécessités et partage la même ouverture.

Auteur: Jouxtel Pascal

Info: In Cairn infos, reprenant Hermès, La Revue 2013/3 (n° 67), pages 50 à 56

[ distanciation ] [ recul épistémologique ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

biochimie

La découverte d'une nouvelle activité électrique au sein des cellules pourrait modifier la façon dont les chercheurs envisagent la chimie biologique.

Le corps humain est fortement tributaire des charges électriques. Des impulsions d'énergie semblables à des éclairs traversent le cerveau et les nerfs, et la plupart des processus biologiques dépendent des ions électriques qui voyagent à travers les membranes de chaque cellule de notre corps.

Ces signaux électriques sont possibles, en partie, en raison d'un déséquilibre entre les charges électriques présentes de part et d'autre d'une membrane cellulaire. Jusqu'à récemment, les chercheurs pensaient que la membrane était un élément essentiel pour créer ce déséquilibre. Mais cette idée a été bouleversée lorsque des chercheurs de l'université de Stanford ont découvert qu'un déséquilibre similaire des charges électriques pouvait exister entre des microgouttelettes d'eau et d'air.

Aujourd'hui, des chercheurs de l'université Duke ont découvert que ces types de champs électriques existent également à l'intérieur et autour d'un autre type de structure cellulaire appelée condensats biologiques. Comme des gouttelettes d'huile flottant dans l'eau, ces structures existent en raison de différences de densité. Elles forment des compartiments à l'intérieur de la cellule sans avoir besoin de la limite physique d'une membrane.

Inspirés par des recherches antérieures démontrant que les microgouttelettes d'eau interagissant avec l'air ou des surfaces solides créent de minuscules déséquilibres électriques, les chercheurs ont décidé de voir s'il en était de même pour les petits condensats biologiques. Ils ont également voulu voir si ces déséquilibres déclenchaient des réactions d'oxygène réactif, "redox"*comme dans ces autres systèmes.

Publiée le 28 avril dans la revue Chem, leur découverte fondamentale pourrait changer la façon dont les chercheurs envisagent la chimie biologique. Elle pourrait également fournir un indice sur la manière dont les premières formes de vie sur Terre ont exploité l'énergie nécessaire à leur apparition.

"Dans un environnement prébiotique sans enzymes pour catalyser les réactions, d'où viendrait l'énergie ?" s'interroge Yifan Dai, chercheur postdoctoral à Duke travaillant dans le laboratoire d'Ashutosh Chilkoti, professeur émérite d'ingénierie biomédicale.

"Cette découverte fournit une explication plausible de l'origine de l'énergie de réaction, tout comme l'énergie potentielle communiquée à une charge ponctuelle placée dans un champ électrique", a déclaré M. Dai.

Lorsque des charges électriques passent d'un matériau à un autre, elles peuvent produire des fragments moléculaires qui peuvent s'apparier et former des radicaux hydroxyles, dont la formule chimique est OH. Ceux-ci peuvent ensuite s'apparier à nouveau pour former du peroxyde d'hydrogène (H2O2) en quantités infimes mais détectables.

"Mais les interfaces ont rarement été étudiées dans des régimes biologiques autres que la membrane cellulaire, qui est l'une des parties les plus essentielles de la biologie", a déclaré M. Dai. "Nous nous sommes donc demandé ce qui pouvait se passer à l'interface des condensats biologiques, c'est-à-dire s'il s'agissait également d'un système asymétrique.

Les cellules peuvent construire des condensats biologiques pour séparer ou piéger certaines protéines et molécules, afin d'entraver ou de favoriser leur activité. Les chercheurs commencent à peine à comprendre comment fonctionnent les condensats** et à quoi ils pourraient servir.

Le laboratoire de Chilkoti étant spécialisé dans la création de versions synthétiques de condensats biologiques naturels, les chercheurs ont pu facilement créer un banc d'essai pour leur théorie. Après avoir combiné la bonne formule d'éléments constitutifs pour créer des condensats minuscules, avec l'aide de Marco Messina, chercheur postdoctoral dans le groupe de Christopher J. Chang, les chercheurs ont pu créer un banc d'essai pour leur théorie. Christopher J. Chang à l'université de Californie-Berkeley, ils ont ajouté au système un colorant qui brille en présence d'espèces réactives de l'oxygène.

Leur intuition était la bonne. Lorsque les conditions environnementales étaient réunies, une lueur solide est apparue sur les bords des condensats, confirmant qu'un phénomène jusqu'alors inconnu était à l'œuvre. Dai s'est ensuite entretenu avec Richard Zare, professeur de chimie à Stanford (Marguerite Blake Wilbur), dont le groupe a établi le comportement électrique des gouttelettes d'eau. Zare a été enthousiasmé par le nouveau comportement des systèmes biologiques et a commencé à travailler avec le groupe sur le mécanisme sous-jacent.

"Inspirés par des travaux antérieurs sur les gouttelettes d'eau, mon étudiant diplômé, Christian Chamberlayne, et moi-même avons pensé que les mêmes principes physiques pourraient s'appliquer et favoriser la chimie redox, telle que la formation de molécules de peroxyde d'hydrogène", a déclaré M. Zare. "Ces résultats expliquent pourquoi les condensats sont si importants pour le fonctionnement des cellules.

"La plupart des travaux antérieurs sur les condensats biomoléculaires se sont concentrés sur leurs parties internes", a déclaré M. Chilkoti. "La découverte de Yifan, selon laquelle les condensats biomoléculaires semblent être universellement redox-actifs, suggère que les condensats n'ont pas simplement évolué pour remplir des fonctions biologiques spécifiques, comme on le pense généralement, mais qu'ils sont également dotés d'une fonction chimique essentielle pour les cellules.

Bien que les implications biologiques de cette réaction permanente au sein de nos cellules ne soient pas connues, Dai cite un exemple prébiotique pour illustrer la puissance de ses effets. Les centrales de nos cellules, appelées mitochondries, créent de l'énergie pour toutes les fonctions de notre vie grâce au même processus chimique de base. Mais avant que les mitochondries ou même les cellules les plus simples n'existent, il fallait que quelque chose fournisse de l'énergie pour que la toute première fonction de la vie puisse commencer à fonctionner.

Des chercheurs ont proposé que l'énergie soit fournie par des sources thermales dans les océans ou des sources d'eau chaude. D'autres ont suggéré que cette même réaction d'oxydoréduction qui se produit dans les microgouttelettes d'eau a été créée par les embruns des vagues de l'océan.

Mais pourquoi pas par des condensats ?

"La magie peut opérer lorsque les substances deviennent minuscules et que le volume interfacial devient énorme par rapport à leur volume", a déclaré M. Dai. "Je pense que les implications sont importantes pour de nombreux domaines.

Auteur: Internet

Info: https://phys.org/news/2023-04, from Ken Kingery, Université de Duke. *réactions d'oxydoréduction. **les condensats biomoléculaires sont des compartiments cellulaires qui ne sont pas délimités par une membrane, mais qui s'auto-assemblent et se maintiennent de façon dynamique dans le contexte cellulaire

[ biophysique ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel