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sublimation

Sur quelques-uns des problèmes qui se rattachent à l'art et aux artistes, l'examen psychanalytique donne des éclaircissements satisfaisants ; d'autres lui échappent complètement.

La psychanalyse reconnaît également dans la pratique de l'art une activité qui se propose l'apaisement de désirs inassouvis et à la vérité tout d'abord chez l'artiste créateur et en conséquence chez l'auditeur et le spectateur.

Les forces pulsionnelles à l'œuvre dans l'art sont les mêmes conflits qui poussent à la névrose d'autres individus, qui ont déterminé la société à ériger ses institutions.

D'où vient à l'artiste la capacité de créer, cela ne relève pas de la psychologie.

L'artiste aspire d'abord à une autolibération et fait partager celle-ci, par l'intermédiaire de son œuvre, aux autres hommes qui souffrent des mêmes désirs réfrénés.

Il représente sans doute ses fantasmes de désirs les plus personnels comme accomplis, mais ceux-ci ne deviennent œuvre d'art que par un changement de forme qui atténue le choquant de ceux-ci, en dissimule l'origine personnelle et offre aux autres hommes, par le respect de règles esthétiques, des primes de plaisir séduisantes.

Il n'est pas difficile à la psychanalyse de montrer, à côté de la participation manifeste au plaisir artistique, une participation latente, ô combien plus active, provenant de sources cachées de la libération des pulsions.

La relation entre les impressions psychiques et le cours de la vie de l'artiste et ses œuvres comme réactions à ces excitations appartient aux plus attrayants objets de l'examen psychanalytique.

Du reste, la plupart des questions de la création artistique et de la jouissance artistique attendent encore un traitement qui laisse tomber sur elles l'éclairage d'une connaissance analytique et assigne sa place dans l'édifice complexe des compensations des désirs de l'homme.

En tant que réalité acceptée conventionnellement et dans laquelle, par la vertu de l'illusion artistique, des symboles et des formations substitutives peuvent provoquer de véritables affects, l'art forme un royaume intermédiaire entre la réalité qui interdit le désir et le monde imaginaire qui réalise le désir, et dans lequel les aspirations de toute-puissance de l'humanité primitive sont restées pour ainsi dire en vigueur.

Auteur: Freud Sigmund

Info: L'intérêt de la psychanalyse, 1913

[ activité transitionnelle ] [ signification ] [ planche de salut ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-hommes

J'ai découvert qu'il existe d'énormes différences entre l'érotisme joyeux, le culte du corps, en Grèce, et l'érotisme de plus en plus effrayé, de plus en plus fasciné, du monde romain. (...) En reprenant les textes, je me suis aperçu que le mot phallus n'est jamais employé en latin. Les Romains appelaient fascinus ce que les Grecs nommaient phallos. Du sexe masculin dressé, c'est-à-dire du fascinus, dérive le mot de fascination, c'est-à-dire la pétrification qui s'empare des animaux et des hommes devant une angoisse insoutenable. Les fascia désignent le bandeau qui entourait les seins des femmes. Les fascies sont les faisceaux de soldats qui précédaient les Triomphes des imperator. De là découle également le mot fascisme, qui traduit cette esthétique de l'effroi et de la fascination. (...) fascination qu'on retrouve également dans beaucoup de fresques romaines qui sont des peintures de l'instant qui précède la mort. Par exemple, il en existe une, petite, qui représente deux enfants et une femme tenant une épée : c'est l'instant où Médée va tuer ses deux enfants, qui jouent avec des osselets, c'est-à-dire les ossements qu'ils vont devenir. Ensuite, les textes racontent qu'elle va non seulement les mettre à mort, mais qu'ensuite, avec son épée, elle va fouiller son propre sexe pour détruire tout reste possible d'une génération éventuelle de l'homme qu'elle a aimé et qui l'a trompée. Tout cela est lié à la religion romaine primitive, qui est un culte de la mise à mort, et à l'horreur de la passivité sexuelle. Tout ce qui est actif, tout ce qui fait lever le fascinus, est hautement noble. Tout ce qui est passif est puni de mort. Je me suis aperçu, parce qu'on n'a jamais cessé d'étudier le latin, de l'enseigner aux enfants, qu'on a donc expurgé tout ce qui était licencieux. D'où cette confusion durable entre monde grec et monde romain. Il s'agit donc d'une découverte à laquelle je ne m'attendais pas. Je croyais les Romains rudes, brusques, mais je ne les aurais jamais imaginés aussi inventeurs de mélancolie, de dégoût, d'horreur et de puritanisme. Les pères en robe noire du christianisme n'ont fait que saisir le relais que leur tendaient les pères en robe blanche du sénat.

Auteur: Quignard Pascal

Info: interview à l'occasion de la parution du, Sexe et l'effroi

[ historique ] [ verge ]

 

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littérature

Miguel Hernández était cet écrivain sorti de la nature comme une pierre intacte, à la virginité sauvage et à l'irrésistible force vitale.
Il racontait combien c'était impressionnant de poser ses oreilles sur le ventre des chèvres endormies. On pouvait ainsi entendre le bruit du lait qui arrivait aux mamelles, cette rumeur secrète que personne n'a pu écouter hormis ce poète des chèvres.
A d'autres reprises il me parlait du chant des rossignols.
Le Levant espagnol d'où il provenait, était chargé d'orangers en fleurs et de rossignols. Comme cet oiseau n'existe pas dans mon pays, ce sublime chanteur, ce fou de Miguel voulait me donner la plus vive expression esthétique de sa puissance. Il grimpait à un arbre dans la rue, et depuis les plus hautes branches, il sifflait comme chantent ses chers oiseaux au pays natal.
Comme il n'avait pas de quoi à vivre, je lui cherchais un travail.
C'était difficile pour un poète de trouver du travail en Espagne.
Finalement un Vicomte, haut fonctionnaire des Relations, s'intéressa à son cas et me répondit que oui, qu'il était d'accord, qu'il avait lu les vers de Miguel, qu'il l'admirait, et que celui-ci veuille bien indiquer quel type de poste il souhaitait pour rédiger sa nomination.
Rempli de joie, je dis au poète:
- Miguel Hernández, tu as enfin un destin. Le Vicomte t'embauche.
Tu seras un haut employé. Dis-moi quel travail tu désires effectuer pour que l'on procède à ton engagement.
Miguel demeura songeur. Son visage aux grandes rides prématurées se couvrit d'un voile méditatif. Des heures passèrent et il fallut attendre l'après-midi pour qu'il me réponde. Avec les yeux brillants de quelqu'un qui aurait trouvé la solution de sa vie, il me dit:
- Le Vicomte pourrait-il me confier un troupeau de chèvres par ici, près de Madrid ?
Le souvenir de Miguel ne peut s'échapper des racines de mon coeur. Le chant des rossignols levantins, ses tours sonores érigées entre l'obscurité et les fleurs d'orangers, dont la présence l'obsédait, étaient une des composantes de son sang, de sa poésie terrestre et sylvestre dans laquelle se réunissaient tous les excès de la couleur, du parfum et de la voix du Levant espagnol, avec l'abondance et la fragrance d'une puissante et virile jeunesse.

Auteur: Neruda Pablo

Info: Confieso que he vivido 1974

 

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beaux-arts

Contre-Intelligence Culturelle
Les Opérations Psychologiques font désormais partie de la large gamme des activités politiques, militaires, économiques et idéologiques qui visent à sécuriser les objectifs nationaux et les intérêts privés. Les Professionnels de l'Intelligence insistent sur l'efficacité des méthodes de manipulation : " Par l'application de techniques sonores PSYOP, dans la communication directe ou dans les communications utilisant les médias, il a été démontré maintes et maintes fois que la séduction de l'intelligence, de la raison et des émotions du public-cible le conduira à penser et à agir comme désiré."
L'Intelligence est le substitut virtuel à la violence dans la Société de l'Information. La Contre-Intelligence (CI) requiert l'investigation, l'examen systématique et détaillé, et concerne l'identification et la neutralisation de manipulations de l'intelligence par des services, des organisations ou des individus. Cibler l'environnement informationnel inclut l'influence sur la culture, l'industrie cognitive et le domaine artistique, ceci afin de manipuler l'émergence de formes esthétiques et gestuelles symboliques. Dans un conflit de résistance à la culture zombie, il est compréhensible que l'art traditionnel ne puisse plus longtemps se justifier comme une activité à laquelle un individu pourrait se consacrer en solitaire de manière honorable et utile. La morbidité croissante de ce champ de bataille culturel amplifiera l'importance de la ruse, de la mobilité, de la dispersion et de la poursuite d'un tempo opérationnel plus élevé. L'artiste en tant que hacker de la réalité est un opérateur d'intelligence et de contre-intelligence culturelle pour qui devraient être plus appropriées les définitions de cultures cachées ou parallèles que les termes communs de " marginalité " ou " d'underground ". Dans un monde où la propagande proclame son existence, les méthodes d'Intelligence Culturelle contre la monopolisation de la perception et l'homogénéisation des modèles culturels ont développé une grande variété de techniques. Des éléments préexistants dans la société peuvent être utilisés pour provoquer une signification qui ne leur était pas originelle ; et leur transformation débouche sur un message entièrement nouveau qui révèle l'absurdité sous-jacente du spectacle. La pratique de la subversion, mais également le brouillage culturel, le contre-terrorisme sémiotique, les fantômes collectifs, l'invasion des médias, l'exploration spatiale indépendante, et tous les moyens d'expression artistiques connus ont besoin de converger vers un mouvement général de contre-propagande qui doit englober tous les aspects perpétuellement interagissant de la réalité sociale.

Auteur: Becker Konrad

Info:

[ contre-pouvoir ]

 

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transcendance

La perspective théologique de la participation sauve en fait les apparences en les dépassant. Elle reconnaît que le matérialisme et le spiritualisme sont de fausses alternatives, puisque s'il n'y a que de la matière finie, il n'y a même pas cela, et que pour que les phénomènes soient vraiment là, il faut qu'ils soient plus que là. Par conséquent, en faisant appel à une source éternelle pour les corps, leur art, leur langage, leur union sexuelle et politique, on ne s'éloigne pas éthériquement de leur densité. Au contraire, on insiste sur le fait que derrière cette densité réside une densité encore plus grande - au-delà de tous les contrastes de densité et de légèreté (comme au-delà de tous les contrastes de définition et d'illimitation). C'est dire que tout ce qui est n'est que parce qu'il est plus que ce qu'il est. (...)

Cette perspective devrait, à bien des égards, être considérée comme mettant à mal certains des contrastes entre libéraux et conservateurs théologiques. Les premiers ont tendance à valider ce qu'ils considèrent comme l'acceptation moderne de notre finitude - en tant que langage, en tant que corps érotiques et esthétiquement agréables, etc. Les conservateurs, en revanche, semblent encore adopter une sorte de distanciation éthérée nominale par rapport à ces réalités et un dédain à leur égard. L'orthodoxie radicale, en revanche, voit la racine historique de la célébration de ces choses dans la philosophie participative et la théologie de l'incarnation, même si elle peut reconnaître que la tradition prémoderne n'a jamais poussé cette célébration assez loin. L'apparente adhésion moderne au fini lui semble, à l'examen, illusoire, car pour empêcher le fini de disparaître, la modernité doit l'interpréter comme un édifice spatial lié par des lois, des règles et des maillages clairs. Si, au contraire, suivant les options postmodernes, elle embrasse le flux des choses, ce flux vide cache et révèle à la fois un vide ultime. Ainsi, la modernité oscille entre le puritanisme (sexuel ou autre) et un érotisme totalement pervers, amoureux de la mort, qui veut donc la mort de l'érotisme, et qui ne préserve pas l'érotisme jusqu'à une consommation éternelle. Bizarrement, il semble que la modernité ne veuille pas vraiment ce qu'elle croit vouloir, mais d'un autre côté, pour avoir ce qu'elle croit vouloir, il faudrait qu'elle récupère le théologique. Ainsi, bien sûr, elle découvrirait également que ce qu'elle désire est tout à fait autre que ce qu'elle a supposé.

Auteur: Milbank John

Info: Radical Orthodoxy : A New Theology

[ christianisme ] [ Dieu ] [ laïcité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

totalitarisme

Quand la société impose à l'homme des sacrifices supérieurs aux services qu'elle lui rend, on a le droit de dire qu'elle cesse d'être humaine, qu'elle n'est plus faite pour l'homme, mais contre l'homme. Dans ces conditions, s'il arrive qu'elle se maintienne, ce ne peut être qu'aux dépens des citoyens ou de leur liberté! Imbéciles, ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige en effet de vous une discipline chaque jour plus stricte?

Elle exige au nom du Progrès, c'est à dire au nom d'une conception nouvelle de la vie, imposée aux esprits par son énorme machinerie de propagande et de publicité. Imbéciles! [...]

Avez vous jamais imaginé que dans une une société où les dépendances naturelles ont pris le caractère rigoureux, implacable, des rapports mathématiques, vous pourrez aller et venir, acheter ou vendre, travailler ou ne pas travailler, avec la même tranquille bonhomie que vos ancêtres? Politique d'abord disait Maurras. La Civilisation des Machines a aussi sa devise: "Technique d'abord! technique partout! Imbéciles! [...]

Dans un monde tout entier voué à l'Efficience, au Rendement, n'importe-t-il pas que chaque citoyen, dès sa naissance, soit consacré aux mêmes dieux? La Technique ne peut être discutée, les solutions qu'elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n'est pas esthétique ou morale. Imbéciles!

La Technique ne se reconnaît-elle pas déjà le droit, par exemple, d'orienter les jeunes enfants vers telle ou telle profession? N'attendez pas qu'elle se contente toujours de les orienter, elle les désignera. Ainsi à l'idée morale, et même surnaturelle de la vocation s'oppose peu à peu celle d'une simple disposition physique et mentale, facilement contrôlable par les Techniciens.

Croyez-vous, imbéciles, qu'un tel système, et si rigoureux, puisse subsister par le simple consentement? Pour l'accepter comme il veut qu'on l'accepte, il faut y croire, il faut y conformer entièrement non seulement ses actes, mais sa conscience. [...]

Il n'y a rien de plus mélancolique que d'entendre les imbéciles donner encore au mot de Démocratie son ancien sens. Imbéciles! Comment diable pouvez-vous espérer que la Technique tolère un régime ou le téchnicien serait désigné par le moyen du vote, c'est-à-dire non pas selon son expérience technique garantie par des diplomes, mais selon le degré de sympathie qu'il est capable d'inspirer à l'électeur? La société moderne est désormais un ensemble de problèmes techniques à résoudre. Quelle place le politicien roublard, comme d'ailleurs l'électeur idéaliste peuvent-ils avoir là-dedans? Imbéciles!

Auteur: Bernanos Georges

Info: Dans "La France contre les robots"

[ asservissement ] [ déshumanisation ] [ anti-technologie ] [ question ] [ coup de gueule ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

industrie du divertissement

Ce sont des Juifs qui ont imaginé la technique perverse des burlesque shows, l'exploitation systématique d'un érotisme que l'on exacerbe avec de diaboliques raffinements sans jamais lui permettre de se satisfaire. Ce sont eux qui ont inventé les taxi girls, cette forme de la traite des blanches plus avilissante que la prostitution. Ce sont eux qui ont multiplié à travers New-York ces gigantesques salles de spectacle dont la monstruosité est la honte de notre époque. À Paris, le Rex de M.Jacques Haïk, avec son plafond badigeonné au bleu d'outremer et piqué d'étoiles, avec ses nymphes de plâtre, ses minarets, ses balcons gothiques et ses pergolas, nous offre un assez bel exemple de ce que peut réaliser Israël lorsqu'il a les coudées franches. Les Juifs de New-York ne sont ni moins ni plus barbares que M.Jacques Haïk, mais comme ils sont beaucoup plus puissants que leurs compatriotes du ghetto de Paris, leur mauvais goût s'étale et s'impose avec plus d'insolence encore. C'est une débauche de colonnades corinthiennes et de gargouilles, d'ornements massifs outrageusement dorés, et de lambris aux couleurs criardes, l'accumulation forcenée de tout ce qu'il ne faut pas faire, de tout ce qu'il faut éviter. Le voyageur qui a visité le Paramount de New-York, ou le Roxy, ou l'Hippodrome, se hâte de conclure que les Américains ne conçoivent que des monstruosités. Ce qui est très injuste. Je ne prétends certes point que les Américains ont dans l'ensemble le goût très sûr. (Ils ont cependant créé en Nouvelle-Angleterre et dans les États du Sud un "style colonial" qui ne manque pas de charme). Mais les fautes de goût les plus visibles, les plus affligeantes que l'on note à New-York et ailleurs (je pense aux castels médiévaux des ploutocrates d'Hollywood) sont d'abord la manifestation de l'esthétique juive triomphante. Les vrais Américains — en ceci comme pour bien d'autres choses — supportent les conséquences de leur méconnaissance du problème juif. Ils se sont laissé asservir et on les tient pour responsables des attentats auxquels se livrent leurs conquérants. On dit également chez nous, pour flétrir l'immonde Paris-Soir des distingués industriels Beghin et Prouvost, qu'il a introduit dans notre presse les mœurs américaines. Américaines ? Allons donc... Il n'y a pas de journaux américains à New-York. Il n'y a que des journaux juifs. Et ceux qui ne le sont pas complètement ont bien été forcés de suivre le mouvement, de copier la formule qui réussit si merveilleusement, de tout sacrifier au scandale, au sensationnel, de fignoler des présentations tapageuses, d'élever à la hauteur d'un art le mépris du lecteur.

Auteur: Cousteau Pierre-Antoine

Info: l'Amérique Juive (1942, 100 p.)

[ laideur ] [ antisémitisme ] [ nouveau monde ] [ presse ] [ colonisation ] [ noyautage ] [ capitalisme ] [ cosmopolitisme ]

 

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pataphysique

Quel original que mon ami Paul Masson (...), auditeur au Collège de France, auteur de l'Esthétique des peintres aveugles, du Catalogue raisonné des poètes morts de faim et de la fameuse brochure antinaturaliste, qui fermera les portes de l'Institut au père des Rougon-Macquart, les Zolacismes d'un candidat perpétuel à l'Académie ! Il ne fait rien comme les autres !
Il assiste aux messes de mariages, en noir des pieds à la tête, un crêpe au chapeau, pleure comme un jeune parent du Boeuf gras, et, à l'issue de la cérémonie, supplie les nouveaux époux, avec des serrements de mains émus, d'agréer l'expression de ses sincères condoléances. Aux enterrements, il s'illustre de vestons aux nuances printanières, "cuisse de président ému" ou "gorge de demi-vierge surprise", d'une adorable fantaisie ; une fleur à la boutonnière, l'air radieux d'un épicier promu officier d'académie, il risque des mots plaisants, sourit au Dies irae, se tord pendant l'absoute, et va congratuler ensuite chaleureusement les parents du défunt. Au théâtre ou au restaurant, il s'affuble d'une livrée de larbin, afin, dit-il, de n'être pas confondu avec les employés du contrôle ou les maîtres d'hôtel, qui sont en habit - ce pourquoi il les appelle des fractotum. - il ne fait rien comme les autres ! (...)
S'il dîne en ville, Paul Masson terrorise ses hôtes par mille inconvenances inédites. Lui fait-on observer qu'il prend le pain de son voisin de droite et boit le vin de son voisin de gauche ? Il se confond en excuses et, pour réparer ses torts, engloutit le pain du voisin de gauche et vide d'un trait le verre du voisin de droite. Si, par imprudence, on l'a placé auprès d'une dame un peu maigre, il demande à opérer des fouilles dans le corsage de celle-ci, certain, affirme-t-il, d'y trouver deux salières. A la fin du repas, quand on apporte les rince-bouche, il interpelle les domestiques et réclame du savon avec insistance. - Il ne fait rien comme les autres !
Dans la rue, Paul Masson à jeun affecte volontiers les allures d'un homme ivre ; mais si, d'aventure, il est réellement éméché, il marche avec la rigidité d'un automate. Bien entendu, il sort sans plus de manteau que le pudibond Joseph par des temps froids comme le jeu de M. Dupont-Vernon, se couvre d'une épaisse pelisse par une température aussi chaude que la patronne du Cochon Bleu (un établissement que je recommande à tous les pères de famille : éducation anglaise, sévérité, discrétion), s'arme d'une canne s'il pleut à verse et porte un parapluie grand ouvert si le ciel est bleu...

Auteur: Willy Henry Gauthier-Villars

Info:

[ anticonformiste ] [ inversion ] [ humour ]

 

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fictions

Lorsque les gens parlent de fantasy - qu'il s'agisse de lecteurs grand public ou de lecteurs de SF - ils parlent presque toujours d'un sous-genre de la littérature fantastique. Ils parlent de Tolkien, et de ses innombrables héritiers. Qu'on l'appelle "épopée", ou "de genre", c'est ce que fantasy a fini par signifier. Ce qui est à la fois trompeur et malheureux.

Tolkien est la bête de somme de la littérature fantastique. Son œuvre est massive et contagieuse - on ne peut l'ignorer, alors n'essayez même pas. Le mieux que vous puissiez faire est d'essayer d'enlever ce furoncle avec précaution. Et il y a beaucoup de choses à détester : sa pompe wagnérienne, son côté "garçon aventurier" qui se glorifie dans la guerre, son amour étroit et réactionnaire pour le statu quo hiérarchique, sa croyance en une moralité absolue qui brouille la complexité morale et politique. Les clichés de Tolkien - les elfes, les nains et les anneaux magiques - se sont répandus comme des virus. Il a écrit que la fonction de la fantaisie était "de consoler", faisant ainsi de l'écrivain de fantaisie un principe de base d'une politique destinée à dorloter le lecteur.

C'est une idée révoltante, et heureusement, beaucoup de fantaisistes l'ont ignorée. Des surréalistes aux pulps - en passant par Mervyn Peake, Mikhael Boulgakov, Stefan Grabiński, Bruno Schulz, Michael Moorcock, M. John Harrison et j'en passe - les meilleurs écrivains ont utilisé l'esthétique fantastique précisément pour défier, aliéner, subvertir et saper les attentes.

Bien sûr, je ne dis pas qu'un fan de Tolkien ne peut faire parei de mes amis - cela réduirait considérablement mon cercle social. Je ne prétends pas non plus qu'il est impossible d'écrire un bon livre de fantasy contenant des elfes et des nains - le superbe Iron Dragon's Daughter de Michael Swanwick dément cette affirmation. Mais puisque le plaisir de la fantasy est censé résider dans sa créativité illimitée, pourquoi ne pas essayer de trouver des thèmes différents, ainsi que des monstres non conventionnels ? Pourquoi ne pas utiliser la fantasy pour remettre en question les mensonges sociaux et esthétiques ?

Heureusement, la tradition alternative de la fantasy n'est jamais morte. Et elle ne cesse de se renforcer. Chris Wooding, Michael Swanwick, Mary Gentle, Paul di Filippo, Jeff VanderMeer, et bien d'autres, produisent tous des œuvres qui s'articulent sur le radicalisme de la fantasy. Alors que la fantasy traditionnelle était rurale et bucolique, celle-ci est souvent urbaine et souvent brutale. Les personnages sont plus que des silhouettes en carton, et ils ne sont pas définis par la race ou le sexe. Les choses sont sordides et délicates, comme dans la vie réelle. La fantaisie n'est pas un aliment réconfortant, mais un défi.

Le critique Gabe Chouinard a déclaré que nous entrons dans une nouvelle période, une renaissance du radicalisme créatif de la fantasy qui n'a pas été vue depuis la nouvelle vague des années 60 et 70, et qu'il a baptisée la prochaine vague. Je ne sais s'il a raison, mais je suis enthousiaste. C'est une littérature radicale. C'est la littérature que nous méritons le plus.

Auteur: Mieville China Tom

Info:

[ styles littéraires ] [ ouverture ] [ vingtième siècle ] [ mondes imaginaires ] [ merveilleux ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

emplacement

La configuration du mobilier est une image fidèle des structures familiales et sociales d'une époque. L'intérieur bourgeois type est d'ordre patriarcal : c'est l'ensemble salle à manger chambre à coucher. Les meubles, divers dans leur fonction, mais fortement intégrés, gravitent autour du buffet ou du lit de milieu. Il y a tendance à l'accumulation et à l'occupation de l'espace, à sa clôture. Unifonctionnalité, inamovibilité, présence imposante et étiquette hiérarchique. Chaque pièce a une destination stricte qui correspond aux diverses fonctions de la cellule familiale, et plus loin renvoie à une conception de la personne comme d'un assemblage équilibré de facultés distinctes. Les meubles se regardent, se gênent, s'impliquent dans une unité qui est moins spatiale que d'ordre moral. Ils s'ordonnent autour d'un axe qui assure la chronologie régulière des conduites : la présence toujours symbolisée de la famille à elle-même. Dans cet espace privé, chaque meuble, chaque pièce à son tour intériorise sa fonction et en revêt la dignité symbolique, la maison entière parachevant l'intégration des relations personnelles dans le groupe semi-clos de la famille. Tout ceci compose un organisme dont la structure est la relation patriarcale de tradition et d'autorité, et dont le cœur est la relation affective complexe qui lie tous ses membres. Ce foyer est un espace spécifique qui tient peu compte d'un aménagement objectif, car les meubles et les objets y ont d’abord pour fonction de personnifier les relations humaines, de peupler l’espace qu’ils partagent et d’avoir une âme. La dimension réelle où ils vivent est captive de la dimension morale qu’ils ont à signifier. Ils ont aussi peu d’autonomie dans cet espace que les divers membres de la famille en ont que les divers membres de la famille en ont dans la société. Êtres et objets sont d’ailleurs liés, les objets prenant dans cette collusion une densité, une valeur affective qu’on est convenu d’appeler leur "présence". Ce qui fait la profondeur des maisons d’enfance, leur prégnance dans le souvenir, est évidemment cette structure complexe d’intériorité où les objets dépeignent à nos yeux les bornes d'une configuration symbolique appelée demeure. La césure entre intérieur et extérieur, leur opposition formelle sous le signe social de la propriété et sous le signe psychologique de l’immanence de la famille fait de cet espace traditionnel une transcendance close. Anthropomorphiques, ces dieux lares que sont les objets se font, incarnant dans l’espace les liens affectifs et la permanence, du groupe, doucement immortel, jusqu’à ce qu’une génération moderne les relègue ou les disperse ou parfois les réinstaure dans une actualité nostalgique de vieux objets. Comme les dieux souvent, les meubles aussi ont parfois la chance d’une existence seconde, passant de l’usage naïf au baroque culturel. L’ordre de la salle à manger et de la chambre à coucher, cette structure mobilière liée à la structure immobilière de la maison est encore celle que propage la publicité dans un vaste public. Lévitan et les galeries Barbès proposent toujours au goût collectif les normes de l’ensemble "décoratif", même si les lignes se sont "stylisées", même si le décor a perdu de son affection. Si ces meubles se vendent, ce n’est pas qu’ils soient moins chers, c’est qu’ils soient moins chers, c’est qu’ils portent en eux la certitude officielle du groupe et la sanction bourgeoise. C’est aussi que ces meubles monuments (buffet, lit, armoire) et leur agencement réciproque répondant à une persistance des structures familiales traditionnelles dans de très larges couches de la société moderne.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p., p.21, 22, 23)

[ formes ] [ signes ] [ évolution ] [ esthétique ]

 
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