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non

Je viens de surfer sur Internet avec comme objet les interventions de Frédéric Lordon. Vif, touche-à-tout, avec la distance calculée d'un humour pesé au grès de l'interlocuteur, Lordon démolit avec aisance le libéralisme et ses excès, maintenant bien connus depuis - au moins - les années 2008. Ses arguments ont le mérite de la clarté et tapent souvent au bon endroit. Par exemple lorsqu'il dit qu'il faudrait interdire purement et simplement la spéculation - merci Jorion ? - comme ce fut le cas au 19e siècle. Ce qui me frappe à chaque fois au sortir ce genre d'intervention c'est le paradoxe, rarement soulevé je trouve - de l'arroseur arrosé.

Le système capitalistique mondial est comme disait frère Schütz de Taizé (si j'ai bonne mémoire) à l'image de l'homme : avide, conquérant, égoïste, stupide, etc... Pour dissiper toute ambigüité sachez que je n'intègre pas nécessairement "femme" dans cette "image de l'homme". D'autant que les structures de pouvoir des strates sociétales accumulées de l'histoire du monde ne sont pas, loin s'en faut, marquée par un matriarcat dominant. La force bête et brutale restant, de nos jours encore - voyez les USA avec leur armée et le NSA -, le fond ultime de toute discussion.

Cet égoïsme des mâles, se matérialise sous la forme du pouvoir, ou ses homonymes : l'argent et les armes. Deux outils pas si stupides puisque leur domination s'opère sous des aspects moins triviaux, c'est à dire par le soft power, terme qui condense, de manière dominante dans les médias : influence, maitrise du langage, préjugés non discutables, définitions du bon et du méchant, et tutti quanti.

Bref, pour en arriver à cette position "où on les écoute" dans la sphère médiatique, des gens comme Lordon ou Jorion, portent avec eux, beaucoup plus profondément qu'ils ne le croient, l'ADN d'un système qu'ils prétendent corriger ou améliorer. Issus de ses structures pédagogiques, pilotées par ce même pouvoir-argent-influence, ils en ont accepté le jeu, ont passés des examens, ils ont démontré, sans le vouloir et le savoir, une forme de compromission.

NB : L'adoubement final de ce système "programmeur" éducatif de base est souvent marqué par un doctorat. Je ne nie pas la bonne volonté de ces gens, intellectuels imprégnés au plus profond par la culture dominante séculaire, celle d'un pouvoir qui, se complexifiant, parait de moins en moins identifié (l'argent virtualisé en étant le symptôme actuel). Ils ne font que le renforcer. Ils en sont les lieutenants.

Tenez : en Argentine, on a voulu alphabétiser les gauchos au motif : "Ainsi tu ne te feras plus enfumer". Les gauchos refusèrent, disant : - si tu m'alphabétises tu me domines. Ils avaient compris, avant Michel Foucauld, que si tu acquiers le savoir du maître, sans t'en rendre compte, tu avales sa structure de pouvoir.

L'instinct du refus primal est de loin le meilleur, plus proche d'une conscientisation de l'homme via l'acceptation de son potentiel/défauts propre et transcendant. J'existe donc je refuse... Je sais que le chaînon manquant entre le singe et l'homme, c'est moi (Lorenz). Laissez-moi donc trouver ma voie ascendante personnelle ! Rassurez-vous, au-delà de cette attitude, je ne suis guère différent. Blanc occidental je ne puis que certifier n'avoir aucun papier ou diplôme à agiter. Ce système et ses concepts de réussite n'ont aucun intérêt. Je les ai, d'aussi loin que je me souvienne, toujours refusés.

Auteur: Mg

Info: 24 aout 2013

[ éducation ] [ formation ] [ réflexion déni ] [ réfléchir négation ] [ femmes-hommes ]

 

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démocratie

La protodémocratie athénienne (bien connue en grande partie grâce à Aristote) reposait sur un principe intangible, qu'illustre parfaitement la formule de Lincoln : "le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ". Le peuple était toujours à la manoeuvre et ne déléguait à l'exécutif que les tâches qu'il ne pouvait effectuer lui-même. Ce principe était garanti par l'isonomia, l'égalité devant la loi, l'isokratia, l'égalité des pouvoirs, et l'isêgoria, l'égalité de la parole. Était citoyen tout homme libre âgé de plus de vingt ans.
On estime le nombre des citoyens à 30.000, 60.000 au pic de peuplement. Les femmes, les enfants, les métèques et les esclaves étaient exclus de l'activité politique. Cette quadruple exclusive est à replacer dans son contexte historique.
L'Ekklesia, l'assemblée démocratique, exigeait un quorum de 6.000 citoyens, mais ils pouvaient être plus nombreux. Elle se réunissait tous les neuf jours en moyenne (la fréquence des séances augmentait en cas de crise) sur la colline du Pnyx, où l'on avait aménagé une tribune semi-circulaire. L'Ekklesia n'était pas une pétaudière. Elle suivait un ordre du jour strict élaboré par le Conseil des Cinq-cents (la Boulê), mais elle pouvait obliger celui-ci à insérer une affaire particulière dans l'ordre du jour de la séance suivante. Tout citoyen, quel que fût son rang, avait droit à la parole et était écouté attentivement. Le vote s'effectuait à main levée, un homme, une voix. La mission de la Boulê ne se bornait pas à encadrer les séances de l'Ekklesia et à en établir l'ordre du jour. Elle rédigeait aussi les propositions de décret ou de loi, et contrôlait étroitement le travail des autres magistrats civils et militaires (droit d'inventaire).
Les cinq cent bouleutes, cinquante par tribu, étaient tirés au sort à l'aide d'une machine, le klêrôtêrion, parmi les citoyens volontaires. Un comité vérifiait les aptitudes (procédure de la docimasie) de ces derniers. Les recalés pouvaient faire appel de la décision auprès du tribunal du peuple. Le bouleute était nommé pour un an. Un citoyen ne pouvait être mandaté plus de deux fois et jamais deux années consécutives. Pendant son temps de service, le bouleute était rémunéré (rien de mirobolant) et nourri aux dépens du contribuable.
Il y avait une présidence de l'État athénien, qui durait vingt-quatre heures. Le président ou épistate était tiré au sort parmi les cinquante prytanes du groupe tribal entré en fonction (un groupe relayait l'autre tous les trente-six jours). Chaque citoyen était susceptible de devenir un jour président. Les membres du tribunal du peuple, l'Héliée, se recrutaient également par tirage au sort, toujours parmi des volontaires.
Les trois pouvoirs, le pouvoir législatif (l'Ekklesia), le pouvoir exécutif (la Boulê) et le pouvoir judiciaire (l'Héliée), étaient séparés. Montesquieu s'en est souvenu dans L'Esprit des lois (1748). La cooptation de l'un à l'autre était rendue impossible par le tirage au sort. Les Athéniens étaient des hommes pragmatiques. Ils ne croyaient pas à la bonté naturelle de l'homme. Ils avaient compris qu'un type qui se sent la " vocation " de gouverner est précisément la dernière personne à qui l'on devrait confier le pouvoir. Même les plus vertueux succombent à son attrait. Ils inventèrent donc, pour les pouvoirs exécutif et judiciaire, un système de sélection procédurier, basé sur des examens préalables et, à certains niveaux, le hasard contrôlé (stochocratie partielle), et l'assortirent d'une clause de non-cumul et de non-renouvellement des mandats.
La démocratie athénienne encourageait l'amateurisme et se donnait les moyens de le conserver. La procédure de l'ostracisme était lancée dès lors qu'un citoyen soupçonnait un autre citoyen riche et charismatique de vouloir tirer avantage de sa position pour tenter un coup de force. La formule combine plusieurs modes de fonctionnement, mais ne les multiplie pas non plus à l'excès. Elle est relativement bien balancée. Il serait intéressant de la réévaluer à l'aune des expériences de la démocratie associative.

Auteur: Rouziès-Léonardi Bertrand

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[ historique ] [ Grèce antique ] [ société ]

 

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retour à la vie

Arrivé à Istanbul, je tombai gravement malade. On m’a dit par la suite que j’avais dû être empoisonné mais je ne trouve personne à accuser sinon moi-même qui, dans mon indifférence, pouvait manger ce qui restait dans les rues après un marché et boire des eaux qui ne coulaient pas toutes de source. Je mangeais si peu qu’à mon avis c’est dans les eaux sales du Bosphore qu’il faut chercher le microbe fatal.

On me trouva dans la rue sans connaissance. Voyant que j’étais européen, on me conduisit dans un hôpital où vivaient encore des médecins et des infirmiers français. Après les examens d’usage, dont un électro-encéphalogramme, on me déclara "mort". Je n’étais pas le premier de ces jeunes Européens qu’on retrouvait ainsi. Drogue, misère, empoisonnement, peu importe, on les déclarait vite morts et, s’ils n’avaient pas de papiers, ce qui était mon cas, on ne tardait pas à les enterrer, ce qui allait être mon cas. On décida néanmoins d’attendre un peu et de m’installer dans une chambre fraîche, à l’écart. Raconter ce que j’ai vécu alors me semble bien difficile ; d’abord parce que, avec un électro-encéphalogramme plat, on ne pense plus, ensuite parce que mon expérience n’a rien de très original lorsqu’on connaît les nombreux récits de near death experience dont on parle aujourd’hui. Je suis toujours étonné de l’abondance d’images et de lumière dont témoignent ces rescapés de la mort. Pour moi ce fut plutôt le vide. Rien, mais j’avoue n’avoir jamais connu un état de plénitude semblable à ce vide, à ce Rien. Je vais essayer d’être le plus honnête possible et te décrire avec des mots ce que je sais hors d’atteinte des mots. Les concepts en effet appartiennent à l’espace-temps, et font toujours référence à un "quelque chose" ou au monde. Or cette expérience ne s’est pas vécue dans notre espace-temps et demeure donc hors d’atteinte des instruments qui y sont forgés. D’abord, "je ne voulais pas mourir" ! J’avais souhaité la mort, je m’y étais préparé de toutes sortes de façons, conscientes et inconscientes, et, au moment où "cela" arrivait, je disais, non ! J’ai peur, et plus je dis non, plus je souffre… quelque chose d’intolérable, une révolte de tout mon corps, de tout mon psychisme, non ! Puis, devant l’inéluctable, l’intolérable surtout de la souffrance, quelque chose en moi craque, sombre, et en même temps acquiesce. À quoi bon lutter ? Oui. J’accepte… À l’instant même de ce "oui", toute douleur s’évanouit. Je ne sentais plus rien, ou quelque chose de très léger. Je comprenais le symbole de l’oiseau dont on se sert pour représenter l’âme. J’étais toujours dans ma petite boîte ou dans ma cage, mais l’oiseau déjà étendait ses ailes, prenait son vol. Sensation d’espace, "horizon non empêché", mais toujours conscience, extrêmement vive, lumineuse, que je percevais à la fois dans mon corps et hors de mon corps. Puis, pour reprendre l’image (inadéquate), "l’oiseau sortit de sa cage", sortit du corps et du monde qui l’entourait, mais l’oiseau avait encore sa conscience d’oiseau, autonome et bien différenciée de sa cage…L’"âme" existe bien en dehors du corps qu’elle informe ou qu’elle anime,cela a été rapporté par d’autres témoins. Puis… comment dire ? comme si le vol sortait de l’oiseau, un vol qui continue sans l’oiseau et qui s’unit à l’Espace… Il n’y eut plus de conscience, plus de "conscience de quelque chose", corps, âme ou oiseau : rien…Mais ce rien, ce no-thing (pas une chose, disent mieux les Anglais), c’était l’Espace qui contenait le vol, la cage et l’oiseau, cette vastitude contenait la conscience, l’âme et le corps, ce n’était rien de particulier, de déterminé, d’informé. Cela n’est Rien, cela Est… c’est tout ce que je peux dire. Pendant ce "temps-là", ou plutôt pendant cette "sortie de ce temps-là", on préparait mon enterrement…Que s’est-il passé ? Je me souviens seulement d’un homme qui a crié en français : "Il n’est pas mort !" et on entreprit alors des choses désagréables pour me réanimer. Le vol revint dans l’oiseau, l’oiseau redescendit dans sa cage, l’oiseau suffoquait, il n’arrivait pas à respirer, on lui mit dans les poumons "un air qui n’était pas le sien", on lui transfusa dans les veines toutes sortes de liquides qui n’étaient pas son sang…Quand il commença à gémir, tout le monde fut rassuré : "Il sort du coma.“

Auteur: Leloup Jean-Yves

Info: L'Absurde et la Grâce, éd. Albin Michel

[ mort imminente ]

 

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ascétisme absolu

L'histoire de Giri Bala (née en 1868) est racontée par Paramahansa Yogananda qui l'a rencontrée lorsqu'elle avait 68 ans, en 1936. À cette époque elle n'avait pas mangé ni but depuis 56 ans. Elle vivait simplement et humblement une vie de villageoise dans son village isolé de Biur.

La première fois que j'ai entendu parler de Giri Bala, témoigne Yogananda, c'était il y a plusieurs années auparavant par un homme érudit du nom de Sthiti Lal Nundy. Il est souvent venu chez nous à Garpar road pour éduquer mon frère Bishnu.
"Je connais bien Giri Bala m'a-t-il dit. Elle emploie une certaine technique yogique qui lui permet de vivre sans nourriture matérielle. J'ai été un de ses voisins proches à Nawabganj près d'Ichapur (nord Bengale). Je la voyais de très près. Je ne l'ai jamais vu manger ou boire.
Mon intérêt devint si fort, que j'ai été voir le Maharaja de Burdwan (H.H. Sir Bijay Chand Mahtab) et lui ai demandé de faire une enquête. Ébahi par cette histoire, il l'a invitée dans son palace. Elle a accepté le test et a vécu 2 mois enfermée dans petit coin de sa résidence. Plus tard elle est revenue pour un autre test de 20 jours, et une troisième et dernière fois pour le dernier test de 15 jours. Le Maharaja lui-même m'a confié que ces 3 rigoureux et minutieux examens l'avait convaincu sans aucun doute possible de son état de vie Pranique".

Elle a raconté à Yogananda comment, étant enfant, elle a avait eu un féroce appétit pour lequel elle avait souvent été moquée et/ou grondée. Fiancée à l'âge de 9 ans, elle alla vivre à l'age de 12 ans dans la maison familiale de son mari à Nawabganj. Un jour que sa belle-mère se moquait une fois de plus ouvertement de ses excès de nourriture, elle prit l'engagement prochain de ne plus rien manger de toute sa vie. Elle finit par s'enfuir de la maison de son époux, tourmentée en permanence par les moqueries de sa belle-mère.

Désespérée elle pria du plus profond de son âme et demanda l'aide du Divin en elle. Un Gourou ([Maître]) se manifesta alors et lui enseigna la voie d'un Kriya Yoga très spécifique qui l'aida à se libérer du besoin de nourriture matérielle.
Le gourou lui aurait dit : "très chère petite, je suis le gourou envoyé par Dieu pour répondre à ton urgente prière. Il a profondément été touché par son inhabituelle nature ! À partir d'aujourd'hui tu vas pouvoir vivre de Lumière Astrale, tes atomes corporels vont pouvoir se recharger dans l'Infini Courant".
Il l'a alors initié à une technique de kriya qui libère le corps de toute dépendance à la nourriture matérielle. Cette technique inclus l'utilisation d'un certain mantra et d'un exercice respiratoire difficile, tel que le commun des mortels ne peut le réaliser*.

C'était en 1880, elle avait 12 ans. Elle devint totalement pranique] ne mangeant plus ni ne buvant (isétie). De même elle ne produisit plus d'urine ni de selle. Et cela a duré jusqu'à son décès.

Yogananda l'interrogea sur plusieurs sujets qui, pensait'il, pourrait intéresser l'humanité dans son ensemble. Elle répondit sans problème à ses questions.
- "Je n'ai jamais eu d'enfant. Plusieurs années auparavant je suis devenue veuve. Je dors très peu, veille ou sommeil sont pareils pour moi. Je médite la nuit, et m'occupe de mes tâches domestiques dans la journée. Je n'ai jamais été malade ou subi d'affection d'aucune sorte. Je sens seulement de très légères peines lorsque je me blesse accidentellement. Je n'ai plus d'excrétion. Je peux contrôler les battements de mon cœur et ma respiration".
- "Mère, demandais-je, pourquoi n'enseignes tu pas à d'autres ta méthode pour vivre sans nourriture ?"
- "Non, dit'elle en secouant la tête. Il m'a été expressément demandé par mon gourou de ne pas divulguer mon secret. Ce n'était pas son souhait de fausser le drame de la création divine. Les fermiers ne m'auraient pas remercié d'enseigner à beaucoup trop de monde à vivre sans nourriture. Les succulents fruits auraient péri inutilement sur le sol. Il est clair que la misère, la famine, et les maladies sont l'ultime fouet qui pousse l'humanité à rechercher le pourquoi de la vie".
- "Mère ais-je dis doucement, à quoi peut bien servir d'avoir vécue sans manger ni boire toutes ces années ?"
- "À prouver que l'homme est Pur Esprit. À démontrer que par un cheminement Spirituel l'homme peut graduellement apprendre à se nourrir de l'éternelle Lumière Divine et non plus de nourriture matérielle".

Auteur: Anonyme

Info: Sur http://pranique.com/giribala.html. *Note : l'état pranique atteint pas Giri Bala est un pouvoir yogique (siddhi) mentionné dans les sutras de Patanjali (yoga sutra III:31). Elle a employé un certain exercice respiratoire qui affecte Vishuddha, le 5ème chakra, chakra de la gorge. Vishuddha chakra, contrôle le 5ème élément, l'akash ou éther, pénétrant l'espace intra-atomique des cellules physiques. Se concentrer sur ce chakra permettrait au dévot de vivre d'énergie éthérique.

[ inédie ] [ hindouisme ]

 

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scepticisme

Les nouvelles disent que les derniers sondages confirment que la moitié des Américains croient que la vie extraterrestre existe. Plus étrange, une bonne partie pense qu'on visite la terre.
Plusieurs émissions de TV récentes en ont encore parlé, affirmant que de tels véhicules, atterriraient de temps en temps, assez longtemps pour permettre à leurs passagers d'entreprendre de bizarres expériences sur des citoyens malchanceux. Alors que ces visions impressionnantes suggèrent qu'on ira finalement au fond de la "discussion UFO" cela n'arrive jamais.
C'est parce que les preuves sont faibles. Lors d’un show récent auquel j'ai participé, les experts en la matière invités - qui ont longtemps étudié les UFOs - ont plaidé pour la présence extraterrestre en montrant des photographies de soucoupes putatives à de basses altitudes. Certains de ces objets apparaissant comme de simple lumières de feux à l’extérieur ; d'autres ressemblaient à des frisbees.
Comme c’est ambigu, ça demande davantage d'attention. Comment peut-on savoir si ce ne sont pas des projectiles jetés en l'air par un hoaxer utilisant un appareil-photo ? La réponse d'un expert : "ces photos sont un exemple". Une fois questionné sur le fait de savoir quel échantillon était maîtrisé, sa réponse fut "les effets atmosphériques nous donnent une indication sur la distance et des examens soigneux éliminent la supercherie photographique". Bien, c'est plus risqué, et ça se fonde sur une certaine prétention quant aux conditions atmosphériques (était-ce un jour brumeux sur San Francisco ?). Bref, ça ne prouve rien.
Un vrai projectile aéroporté exempt de supercherie photographique. La preuve additionnelle est "le témoignage des expert". Les pilotes, astronautes, et d'autres, tous ont prétendu avoir vu d'étranges choses se promenant dans l'air. Il est raisonnable de dire que ces témoins ont vu quelque chose. Mais ce n'est pas parce que tu ne reconnais pas un phénomène aérien que ça signifie que c'est un visiteur extraterrestre. Tout ceci exige une preuve additionnelle qui, jusqu'ici, n'est pas convaincante.
Que diriez-vous de ces gens qui prétendent avoir été enlevés ? Lors d'un programme TV, des experts en matière d'UFO ont montrés des photos de marques sur les bras et les jambes de sujets humains en déclarant que ces défigurations mineures étaient dues à une malversation alien. Ici aussi, hormis la question embarrassante du pourquoi des êtres de mondes éloignés viendraient faire de telles choses, cette preuve est à nouveau ambiguë. Ces marques pourraient être provoquées par des ET’s, mais elles pourraient aussi être des brûlures de cigarette. Et lorsque poussés à dire s'il y a une preuve évidente de visite extraterrestre ces experts disent "Nous ne savons pas d'où ils viennent. Mais quelque chose se passe sans aucun doute." Cette dernière affirmation étant à peine controversée. La question maladroite même. Si les soucoupes ne sont pas d'un espace extra-atmosphérique, d'où sont-elles ? De Belgique ?
Le fond de tout cela est qu’une certaine démonstration ou preuve de visiteurs extraterrestres n'a pas convaincu beaucoup de scientifiques. Très peu d'universitaires ont pondu des papiers pour journaux "avec referee" avec pour sujet des véhicule ET’s ou leurs occupants. Confrontés avec ce fait inconfortable, les experts ufologues prennent refuge dans deux explications :
1. Le matériel qui donnerait preuve a été rassemblé et caché par les autorités. Argument de l'ignorance, qui implique nécessairement que certains gouvernements de la planète dissimulent efficacement tous les meilleurs objets manufacturés aliens.
2. Les scientifiques refusent d'étudier le phénomène. En d'autres termes, les scientifiques devraient s’auto blâmer du fait que cette hypothèse de visite ne les branche pas. C'est non seulement injuste, mais surtout mal orienté. Bien sûrs, peu de chercheurs ont tamisé eux-mêmes toutes ces histoires, vidéos et autres photos étranges qui montreraient l'évidence d'une présence étrangère. Mais ce n’est pas leur boulot. C'est comme si on disait aux critiques de film que les films seraient meilleurs si seulement ils mettaient eux-mêmes en scène.
La charge d’apporter la preuve repose sur ceux qui font ces assertions, pas sur ceux qui trouvent ces données douteuses. S'il y a des investigateurs qui sont convaincus que des véhicules d'autres mondes bourdonnent dans le nôtre, ils devraient alors présenter leurs meilleures preuves et arguments, et ne pas recourir aux explications qui font appel à de mystérieux censeurs ou au manque d'ouverture d'esprit des autres. Les avocats des UFOs nous demandent de croire quelque chose de très important. Après tout, il ne pourrait guère y avoir découverte plus dramatique que la visite d’êtres d'autres mondes.
Si on pouvait montrer que des aliens sont ici, je serais aussi intimidé que n'importe qui. Mais j'attends toujours une preuve, de niveau A.

Auteur: Shostak Seth

Info: Fortean Times, The Guardian, Jeudi 18 Août 2005

[ réalisme ] [ Ovnis ]

 

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mourir

Paticha s'appelait Patricia, mais à cinq ans, le monde est aussi petit que les mots. À chaque fois que nous traversions la rivière pendant les mois de pluie, il nous fallait faire appel à l'aide d'un compagnon milicien. A cet endroit dont je vous parle, celui qui nous faisait traverser était un jeune sergent de milice : Artemio. Artemio était le père de Paticha et il arrivait avec elle à notre rencontre pour convenir de la manière et de l'heure de notre traversée. En général, Paticha apportait une petite casserole de café et quelques assiettes creuses. Tandis que nous discutions avec Artemio, Paticha regardait fixement la fumée qui sortait de ma pipe. J'avais déjà appris l'art difficile qui consiste à fumer, mordiller la pipe tout en conversant. Les premières fois, Paticha restait prudemment à l'abri des jambes de son père, d'où elle observait la pipe et les volutes de fumée qui, de temps en temps, s'en échappaient. Après quelques rencontres qui la mirent en confiance, Paticha s'approcha timidement mais pas trop. Elle attendit le moment où elle me supposait le plus occupé à discuter avec son père et - enfin ! - s'assit à côté de moi sans quitter du regard la fumée qui m'entourait. Elle finit par approcher sa Petite main droite et tenta de toucher le foyer de la pipe... elle se brûla bien sûr, mais resta assise à côté de moi. Dans sa langue maternelle je lui demandai son nom : - "Paticha", répondit-elle, et son père de s'empresser de préciser que c'était "Patricia", mais qu'elle ne savait encore pas bien parler.
Bon. Paticha voulait être zapatiste quand elle serait grande. Cette date probable était, pour Paticha, très proche puisque, d'après ses calculs, à six ans on est assez grand pour traverser la frontière de la rivière et partir avec ces hommes et ces femmes qui marchent la nuit, transportant des armes et des nuages pour protéger leur chemin.
Un après-midi, alors que nous tentions seuls la traversée de la rivière parce que personne n'était venu nous aider, Artemio apparut les yeux embués de larmes. Paticha était malade et la fièvre commençait à l'emporter loin de nous. Nous renonçâmes à cette traversée hasardeuse et nous rendîmes à la cabane d'Artemio. Paticha brûlait de tremblements fiévreux. Ses yeux brillants trouvèrent à nouveau la pipe entre mes lèvres, et elle y risqua de nouveau sa petite main. Cette fois, la chaleur du foyer ne la brûla pas puisqu'elle était déjà brûlante des derniers tremblements. Je lâchai la pipe dans sa main qui reposa le long de son corps. Nous fîmes tout ce qui était possible sur place, sans médicaments, sans docteur, sans rien, et la nuit tombée, les chiffons mouillés sur le corps de Paticha séchaient rapidement ; nous la baignâmes plusieurs fois tout habillée et la pipe dans la main. En quatre heures, elle avait quitté nos mains et la vie... Elle cessa de trembler, ferma les yeux et, finalement, se mit à refroidir, refroidir... La fièvre l'abandonnait en même temps que la vie. Sa petite main resta accrochée à la pipe, et c'est avec elle que nous l'enterrions le lendemain.
Paticha n'a jamais existé aux yeux de ce pays, elle n'est jamais morte parce que sa naissance n'a été inscrite sur aucun registre. "Non nato", c'est-à-dire "non né", telle serait plus tard la mention sur un document perdu parmi tant de bureaux et de fonctionnaires.
Je me suis trouvé une autre pipe, mais le petit morceau de coeur qui s'est enfui avec Paticha, je n'ai pu le remplacer d'aucune façon.
Il est douloureux de savoir que l'histoire de Paticha n'est pas une fable, que c'est une réalité courante dans notre Patrie. Mais ça n'est pas le plus terrible : ce qui est sinistre, c'est que nous soyons obligés de prendre les armes contre le Gouvernement suprême pour que vous, enfants d'autres terres, connaissiez cette histoire et constatiez que ce qu'il se passe n'est pas juste. Les "Patichas"qui ne naissent jamais et meurent toujours, pullulent sous les cieux du Mexique. Je vous demande si nous pouvons continuer de connaître ces injustices et faire comme si de rien n'était, comme si personne n'était né et personne n'était mort. Je vous demande si, sachant cela, nous devons nous contenter de la montagne de promesses avec laquelle le mauvais gouvernement compte nous arracher nos armes et notre dignité. Je vous demande si, avec ce gros poids sur la poitrine, nous devons nous rendre. Je suis sûr que non. Ne l'oubliez pas, ne nous oubliez pas. Salut et bonne chance pour vos examens. Appliquez-vous en histoire, sans elle tout est inutile et dépourvu de sens. Voilà.

Auteur: Subcomandante Marcos Paco Ignacio Taibo II

Info: Montagnes du Sud-Est mexicain, 1998. Sous le pseudo de Subcomandante Marcos

[ enfant ] [ d'une petite fille ]

 
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Gaule

Ville de province. Dans son discours inaugural d’un festival littéraire, une élue municipale dit à un groupe d’enfants : "Quelle chance vous avez, d’apprendre notre si belle langue !" et mon sang ne fait qu’un tour. Comme je dois prendre la parole ensuite, j’en profite pour dire aux enfants que certes, le français est une belle langue mais qu’on peut en dire autant de toutes les langues ; que disposer d’une belle langue ne suffit pas, encore faut-il s’en servir pour dire des choses intelligentes ; qu’il est tout à fait possible de se servir d’une belle langue pour dire des choses débiles ; et que, plus on connaît de langues, plus on est susceptible de dire des choses intelligentes. Maurice Druon, feu le secrétaire perpétuel de l’Académie française : "Prenez un traité rédigé en français : à condition que le français en soit correct, ce traité est clair, et finalement il est bref, il est compréhensible de tous, et son interprétation ne donne pas lieu à des contestations. Il n’en va pas de même de l’anglais." M. Druon parlait-il ­l’anglais ? Cela m’étonnerait. Il n’y a bien sûr pas une mais d’innombrables langues françaises : vocabulaire, syntaxe, prononciation et débit varient selon le pays (180 millions de locuteurs à l’étranger, contre seulement 60 dans l’Hexagone), le quartier, la région, l’origine, le milieu social des locuteurs. Ici je ne parlerai que de celle qui se diffuse bruyamment dans l’air de la France métropolitaine, le français politico-médiatico-culturel, car il me semble que s’y préservent et s’y perpétuent, de façon subtile mais tenace, les violences et injustices de l’Histoire française. Cette langue-là est une reine : belle, puissante et intarissable. Pas moyen d’en placer une. Elle est fière d’elle-même, de ses prouesses, ses tournures et ses atours, et valorise la brillance au détriment du sens et de l’émotion vraie. Cette tendance, surprenante pour qui n’a jamais vécu en monarchie, est très présente dans les médias français encore aujourd’hui. Cela va avec les ors de la République, les sabres de la Garde républicaine, le luxe des dîners à l’Élysée. "Parfait", soupire versaillamment, dans une pub télé récente, un père à propos d’un camembert quelconque. "Parfaitement parfait", approuve son gamin, avec le même air d’aristo snobinard. Ils sont blancs, blonds, riches, c’est un gag mais ce n’est pas un gag, it makes me gag, ça me reste en travers de la gorge, je n’achèterai pas ce camembert-là. Mme de Staël trouvait nulles les soirées mondaines à Berlin, car en allemand il faut attendre la fin de la phrase pour en connaître le verbe : pas moyen de couper la parole à son interlocuteur, vous imaginez, cher, comme on s’ennuie ! Les Français "parlent comme un livre" et, des années durant, j’ai été portée, transportée par leur passion du verbe. Aujourd’hui leur prolixité m’épuise. Tant d’arrogance, tant d’agressivité ! Comment font-ils pour ne pas entendre leur propre morgue ? Regardez ceux qui, derrière les guichets des mairies, postes et administrations, accueillent les citoyens : c’était bien la peine de faire la Révolution pour se voir encore traité ainsi de haut ! Véritablement elle est guindée, cette langue française, et induit des attitudes guindées. À vingt ans, venue à Paris pour un an, j’écoute le professeur expliquer à la classe l’usage du subjonctif. Ouh, que c’est subtil ! Dès lors que plane sur un verbe le moindre doute, on le frappe d’un subjonctif. Bang ! Faut que tu fasses. Aurait fallu que tu viennes. Mais ensuite on s’empêtre dans des temps du verbe théoriques, indicibles, ridicules, n’existant que pour le plaisir de recaler les gosses aux examens : aurait fallu qu’il visse, n’eût pas fallu qu’il vinsse, Alphonse Allais s’en est moqué dans sa Complainte amoureuse : "Fallait-il que je vous aimasse […] Pour que vous m’assassinassiez ?" Jamais pu supporter la fausseté de ces temps morts, faits pour aider les prétendus Immortels à passer le temps. Jamais même pu supporter, moi, pour ma propre écriture, le passé simple. Je n’y crois pas, c’est tout. Il entra. Elle ferma. La marquise sortit à cinq heures. Non, je n’y arrive pas, ne veux pas y arriver. Quand je traduis vers le français mes propres textes ou ceux des autres, le prétérit anglais (identique dans la langue quotidienne et la littérature la plus splendide) me manque. Pour la plupart des verbes anglais, il suffit d’un mini-claquement de langue contre le palais, petit d par lequel on ­signifie que l’incident est clos. "He entered. She closed". Parfois c’est un peu plus compliqué, The marquess non pas "leaved" mais "left the house at five". À mon goût, il y a trop de marquises dans le passé simple, et dans Proust. J’intègre la langue française post-Seconde Guerre, post-Nouveau Roman, sautant à pieds joints dans Sarraute, Duras, Beckett, Camus (quatre auteurs ayant grandi loin de l’Hexagone, entourés d’une langue autre que la française). "Je vais le leur arranger, leur charabia", promet Beckett dans L’Innommable... et il tient largement sa promesse. Le mieux qui puisse arriver à la langue française aujourd’hui, c’est qu’elle se laisse irriguer, assouplir, "arranger" par des rythmes et syntaxes venus d’ailleurs, qu’elle cesse de se comporter en reine agacée et se mette à l’écoute de ses peuples.

Auteur: Huston Nancy

Info: La morgue de la reine, https://le1hebdo.fr, février 2018

[ idiome ] [ seconde langue ] [ langue française ] [ spécificité ] [ gaulois ]

 

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visionnaire

Initiateur de l'astronautique, Constantin Tsiolkolvski était un grand rêveur. Un peu fou, un peu naïf, il s'est souvent égaré et a commis beaucoup d'erreurs. Mais il a eu le courage de rêver à ce à quoi d'autres n'auraient même pas osé penser. Qui, au temps de la Première Guerre mondiale, aurait pu rêver à des vols sur la Lune, au génie génétique, à la résurrection des morts ? Un seul, Tsiolkovski.

Sa vie débuta dans la tragédie. Encore jeune enfant, Tsiolkovski fut atteint de la scarlatine. Sa maladie fut suivie de complication et il devint sourd. C'est la raison pour laquelle il n'a pas reçu d'éducation traditionnelle. Le grand savant fut autodidacte. Il apprit très tôt à lire. Plus que tout au monde, il aimait lire et inventer. Il pouvait lire et inventer des jours entiers. Tour à charioter, petites maisons, horloges à pendant, automobiles miniatures…

En dépit de sa surdité, il ne se considérait en aucune façon diminué. Au contraire. Quand Tsiolkovski est tombé amoureux pour la première fois, il écrivit à la jeune fille en question la lettre suivante : "Je suis un grand homme qu'il n'y avait pas encore eu et qu'il n'y aura plus ". Pour ce qui est de l'opinion qu'il avait de lui-même, il n'avait pas de problème.

A 16 ans, il partit étudier à Moscou. Il passait des heures dans les bibliothèques, ne mangeait pas. Il vivait avec 10 roubles pour le mois. Enfin il passa avec succès ses examens pour être professeur d’arithmétique. Il ne cessa pourtant pas d'inventer. Il travaillait sur des quantités innombrables de théories et les envoyait à des magazines. Au début, il inventa une étrange théorie de "zéro agité" qui prouvait l'inutilité de la vie humaine.

Puis il travailla sur une théorie des gaz et l'envoya à Mendeleev. Celui-ci félicita le jeune savant mais lui écrivit qu'en réalité, la théorie des gaz avait déjà été découverte 25 ans auparavant.

Cinq idées de Constantin Tsiolkovski qui anticipèrent la conquête spatiale

Il travaillait à ses inventions presque quotidiennement. Dans un court laps de temps, il inventa : l'aérostat, les échasses, la signalisation interplanétaire, le chauffage solaire, un rafraîchisseur de chambre, la machine à écrire, son propre système de mesures et même un alphabet commun à tous. Il parvint même a déposer un brevet pour quelques unes de ces inventions, mais Tsiolkovski ne perçut jamais d'argent. Une fois quelqu'un voulut le payer 500 roubles mais le facteur ne put trouver son adresse. On ne l'a donc pas payé. A 30 ans, Tsiolkovski devint, à sa grande surprise, écrivain. Il se mit à écrire un récit de science-fiction à propos de la Lune. Avec des détails tels qu'on croirait qu'il y était allé. Gagarine racontera plus tard que ce qu'il a vu dans le cosmos ressemblait beaucoup aux descriptions de Tsiolkovski. Il a aussi décrit avec force détails l'apesanteur dans ses livres. Mais d'où a-t-il bien pu le tenir ?

Personne ne le prenait au sérieux. On le prenait pour un citadin fou. Et lui-même se comportait comme un original. Il dépensait tout son salaire dans les livres et les réactifs. Avec les enfants il faisait voler des serpents en papier, faisait du patin avec un parapluie. Avec celui-ci, il prenait de la vitesse avec le vent arrière. Les chevaux de ferme fuyaient ses parapluies, les paysans juraient. Mais Tsiolkovski n'en avait cure. Il était sourd et n'entendait pas les jurons.

Tsiolkovski croyait que la matière inanimée avait une âme. Le vivant et le non-vivant, c'est une chose. Il n'y a pas de mort, il n'y a qu'un seul univers, il n'y a pas de frontière entre les mondes... La philosophie étonnante de Tsiolkovski frôle quelques fois le délire et quelques fois est proche d'une vison géniale. Par exemple, il découvrit que la forme géométrique idéale pour l'homme est la sphère. C'est pourquoi tout le monde aura, dans l'avenir, la forme d'une sphère. Il croyait aussi au clonage. Le génie vers le génie, le talent vers le talent, c'est comme cela que l'on peut améliorer la race humaine.

Mais qui se serait souvenu de Tsiolkovski s'il n'avait consacré son temps qu'à ses folies et à sa philosophie de chambre ? Il a donné naissance à plusieurs idées réellement fondamentales. Le satellite artificiel de la Terre, la fusée multiple, le moteur nucléaire... Étonnamment, tout cela fut fait avec désintéressement. Aucune base scientifique, aucun espoir de réaliser ces idées... Les premiers avions se sont écrasés les uns après les autres, et il écrivit : "je suis sûr que les voyages interplanétaires deviendront réalité. Les héros et les braves poseront les premières routes aériennes : la Terre est l'orbite de la lune, la Terre est l'orbite de Mars et pour aller plus loin, Moscou est la Lune et Kalouga est Mars..."

Tsiolkovski a avoué une fois à ses élèves qu'il conversait avec les anges. Les anges, selon sa conception, sont des êtres raisonnables supérieurs, bien plus parfaits que les gens. Les gens , dans l'avenir, devront se transformer en anges. Viendra le jour où l'humanité s'unira au cosmos, deviendra immortelle et se transformera en énergie cosmique.

Il marchait dans les rues de Kalouga avec un air attristé. De temps en temps il s'asseyait par terre et réfléchissait longuement, le dos contre le tronc d'un arbre … De l'extérieur, il ressemblait à un messager d'autres mondes. Ou bien à un homme venu du futur qui se serait retrouvé par erreur dans la Russie des années 1920.

Après sa mort, on commença à l'appeler père de l'aéronautique soviétique. Le grand constructeur Sergueï Korolev s'empara de ses idées et les développa. Bien sûr, il s'en serait sorti même sans l'aide de Tsiolkovski. Tous les calculs furent vérifiés par des savants. Mais ce n'étaient des savants, alors que lui était un rêveur. Sans lui ils ne seraient arrivés à rien. Il existe beaucoup de savants, mais il n'y a que très peu de rêveurs géniaux. De gens capables de converser avec les anges dans leur propre langue.

Auteur: Shenkman Yan

Info: Tsiolkovski : le savant qui conversait avec les anges, 4 avril 2014

[ personnage ] [ surdité ]

 

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homme-machine

Un philosophe sur la mort de la romance, les robots ChatGPT vulgaires et le sexe virtuel

Je m'inquiète des développements du web et de l'intelligence artificielle. Quelques exemples au sujet desquels il faut se poser des questions..

L'explosion des nouveaux médias (Facebook, Google, Instagram, TikTok, etc.) dans l'Occident "démocratique" a radicalement modifié le rapport entre espace public et espace privé : un nouveau tiers espace a émergé qui efface le clivage entre public et privé.

Ce nouvel espace est public, accessible dans le monde entier, mais il fonctionne en même temps pour les échanges de messages privés. C'est tout sauf incontrôlé : il existe des algorithmes qui non seulement le censurent et empêchent certains messages de s'y infiltrer, mais manipulent également la façon dont les messages attirent notre attention.

Les plateformes technologiques font face à de nouveaux défis

Il s'agit ici de dépasser l'alternative "Chine ou Elon Musk" : ou le contrôle opaque de l'État, ou la "liberté" de faire ce qu'on veut, tout ceci pareillement manipulé par des algorithmes opaques. Ce que la Chine et Musk ont ​​en commun, c'est un contrôle algorithmique opaque.

Une équipe d'entrepreneurs israéliens dont le nom de code est "Team Jorge" "affirme avoir truqué plus de 30 élections dans le monde par le piratage, le sabotage et la désinformation automatisée sur les réseaux sociaux. La "Team Jorge" est dirigée par Tal Hanan, 50 ans, ancien commandant des opérations spéciales israéliennes. Les méthodes et techniques décrites par "Team Jorge" posent de nouveaux défis aux grandes plateformes technologiques qui luttent depuis des années pour empêcher les acteurs néfastes de répandre des mensonges ou de violer la sécurité de leurs plateformes. L'existence d'un marché privé mondial pour la désinformation ciblée sur les élections sonnera également l'alarme dans les démocraties du monde entier.

Tout cela est plus ou moins de notoriété publique maintenant, du moins depuis le scandale de Cambridge Analytica (dont l'implication dans les élections américaines de 2016 a joué un rôle déterminant dans la victoire de Trump). Pour aggraver les choses, la gamme de nouveaux algorithmes devrait également inclure l'explosion de programmes qui rendent l'échange de visages et d'autres techniques de deepfake facilement accessibles.

Bien sûr, les plus populaires sont les algorithmes qui permutent les visages des célébrités sur les corps des actrices porno dans les films pour adultes : Les outils nécessaires pour créer ces vidéos porno "maison" mettant en vedette les actrices et pop stars préférées d'Hollywood sont facilement disponibles et simples à utiliser. Cela signifie que même ceux qui n'ont aucune compétence en informatique et peu de connaissances techniques peuvent créer ces films.

Les films porno Deepfake sont faciles à créer. La s(t)imulation sexuelle parfaite.

Les visages des actrices hardcore peuvent être échangés non seulement par des stars de la pop, mais aussi par leurs proches - le processus est impressionnant de par sa simplicité : "Vous pouvez transformer n'importe qui en star du porno en utilisant la technologie deepfake pour remplacer le visage de la personne échangé contre une vidéo adulte. Il suffit de l'image et d'appuyer sur un bouton". Malheureusement, la plupart du temps, les deepfakes sont utilisés pour créer de la pornographie mettant en scène des femmes, pour qui cela a un effet dévastateur. "Entre 90 et 95 % de toutes les vidéos deepfake en ligne sont de la pornographie non consensuelle, et environ 90 % d'entre elles sont des femmes."

Et si vous voulez que les voix correspondent également aux visages échangés, utilisez la voix Voice AI pour créer "des recréations hyperréalistes qui ressemblent à la vraie personne". Bien sûr, le raccourci incestueux ultime ici serait d'échanger mon propre visage et celui de ma femme ou de mon partenaire dans une vidéo pour adultes et d'ajouter nos clones de voix aux enregistrements afin que nous puissions simplement nous asseoir confortablement, boire un verre et regarder notre sexe passionné.

Le chatbot génère des textes incroyablement clairs et nuancés

Mais pourquoi devrions-nous nous limiter au sexe ? Que diriez-vous d'embarrasser nos ennemis avec des vidéos d'échange de visage d'eux faisant quelque chose de grossier ou de criminel ? Et pour ne rien arranger, on peut ajouter à tout ceci des chatbots (programmes informatiques capables d'avoir une conversation avec un utilisateur en langage naturel, de comprendre ses intentions et de répondre en fonction de règles et de données prédéterminées). Récemment, leurs performances ont explosé.

Quand Antony Aumann, professeur de philosophie à la Northern Michigan University, a évalué des essais pour son cours sur les religions du monde le mois dernier, il a lu un essai qui, selon lui, était de loin "le meilleur de la classe". Il a examiné la moralité de l'interdiction de la burqa avec des paragraphes clairs, des exemples appropriés et des arguments solides. Aumann a demandé à son élève s'il avait écrit lui-même l'essai; l'étudiant a admis utiliser ChatGPT, un chatbot qui fournit des informations, explique des concepts et génère des idées dans des phrases simples - de fait dans ce cas a écrit l'essai.

Toutes choses qui font partie de l'arrivée en temps réel d' une nouvelle vague de technologie connue sous le nom d'intelligence artificielle générative. ChatGPT, sorti en novembre 2022 par la société OpenAI, est à la pointe de ce développement. Générant un texte incroyablement clair et nuancé en réponse à de courtes invites, ce chatbot est utilisé par les gens pour écrire des lettres d'amour, de la poésie, de la fanfiction - et des travaux scolaires.

L'intelligence artificielle peut se montrer effrayante

Pas étonnant que les universités et les lycées réagissent dans la panique et n'autorisent dans certains cas que les examens oraux. Entre autres questions, il en est une qui mérite attention : comment un chatbot doit-il réagir lorsque l'interlocuteur humain tient des propos sexistes et racistes agressifs, présente ses fantasmes sexuels dérangeants et utilise régulièrement un langage grossier ?

Microsoft a reconnu que certaines sessions de chat prolongées utilisant son nouvel outil de chat Bing peuvent fournir des réponses qui ne "correspondent pas à notre tonalité de message prévu". Microsoft a également déclaré que dans certains cas, la fonctionnalité de chat tente de "répondre ou de refléter le ton sur lequel il lui est demandé de répondre".

Bref, le problème se pose lorsque le diaogue humain avec un chatbot utilise un langage grossier ou tient des propos racistes et sexistes flagrants, et que le chatbot programmé pour être au même niveau que les questions qui lui sont adressées répond, sur le même ton. La réponse évidente est une forme de réglementation qui fixe des limites claires, c'est-à-dire la censure. Mais qui déterminera jusqu'où cette censure doit aller ? Faut-il également interdire les positions politiques que certains trouvent "offensantes" ? Est-ce que la solidarité avec les Palestiniens en Cisjordanie ou les affirmations selon lesquelles Israël est un État d'apartheid (comme Jimmy Carter l'a dit dans le titre de son livre) seront bloquées comme "antisémites" ?

La romance est presque morte    

En raison de ce clivage minimal, constitutif d'un sujet, le sujet est pour Lacan divisé ou "verrouillé". Dans la scène imaginée, je présente (ou plutôt mon double en tant que personne) à un professeur, via le zoom, un travail de séminaire rédigé par un chatbot, mais le professeur aussi n'est présent qu'en tant que personne, sa voix est générée artificiellement, et mon séminaire est noté par un algorithme. Il y a une dizaine d'années, The Guardian me demanda si le romantisme était mort aujourd'hui - voici ma réponse.

"Le romantisme n'est peut-être pas encore tout à fait mort, mais sa mort imminente se manifeste par des gadgets-objets qui promettent de fournir un plaisir excessif, mais qui ne font en fait que reproduire le manque lui-même. La dernière mode est le Stamina Training Unit, l'équivalent du vibromasseur : un appareil de masturbation qui ressemble à une lampe à piles ( afin que nous ne soyons pas gênés de le transporter avec nous). On insère son pénis en érection dans l'ouverture située à l'extrémité, on appuie sur le bouton et l'appareil vibre jusqu'à la satisfaction... Comment faire face à ce beau nouveau monde qui sape les fondements de notre vie intime ? La solution ultime serait bien sûr de mettre un vibromasseur dans cet appareil pour l'entraînement à l'endurance, de les allumer tous les deux et de laisser tout le plaisir à ce couple idéal, tandis que nous, les deux vrais partenaires humains, serions assis à une table à proximité, en train de boire du thé et de savourer tranquillement le fait d'avoir accompli notre devoir de jouissance sans trop d'efforts".

Ce qui reste de nous n'est qu'un cogito vide

Nous pouvons maintenant imaginer la même externalisation d'autres activités telles que les séminaires universitaires et les examens. Dans une scène idéale, tout le processus de rédaction de mon séminaire et des examens par le professeur se fait par interaction numérique, de sorte qu'à la fin, sans rien faire, nous ne faisons que valider les résultats.

Pendant ce temps, je fais l'amour avec ma maîtresse ... mais encore une fois un sexe délocalisé grâce à son vibromasseur qui pénètre dans mon appareil d'entraînement à l'endurance, alors que nous sommes tous les deux simplement assis à une table à proximité et, afin de nous amuser encore plus, nous voyons sur un écran de télévision un simulacre nous montrant tous les deux en train de faire l'amour ... et bien sûr, tout cela est contrôlé et réglé par l'équipe Jorge.

Ce qui reste de nous deux n'est qu'un cogito (du latin "je pense") vide, dominé par plusieurs versions de ce que Descartes appelait le "génie malin". Et c'est peut-être là notre dilemme actuel : nous sommes incapables de franchir l'étape suivante décrite par Descartes et de nous fier à une forme véridique et stable d'un grand Autre divin, nous sommes les "enfants d'un dieu moindre" (pour reprendre le titre d'une pièce de théâtre et d'un film), pris à jamais dans la multiplicité contradictoire d'esprits mauvais et trompeurs.

Auteur: Zizek Slavoj

Info: Résumé par le Berliner Zeitung ici : https://www.berliner-zeitung.de/kultur-vergnuegen/slavoj-zizek-ueber-den-tod-der-romantik-vulgaere-chatgpt-bots-und-unechten-sex-li.321649

[ dénaturation ]

 

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