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suçon

La beauté est une des ruses que la nature emploie pour attirer les êtres les uns vers les autres et s'assurer leur appui. Elle l'emploie dans le plus grand désordre (...) le rythme de cette grande machine est un rythme cruel. Les amoureux les plus tendres y collaborent. Leur baiser n'est que l'affaiblissement de la succion du vampire (...). Ce désir du sang d'autrui s'exprime encore d'avantage lorsque les lèvres sucent la peau au point de former ventouse, d'y attirer le sang et d'y marquer un bleu, tache qui ajoute l'exhibitionnisme au vampirisme. Cette tache proclame que la personne qui la porte, d'habitude au cou, est la proie d'un être qui l'aime au point de vouloir lui arracher son essence pour la mêler à la sienne.

Auteur: Cocteau jean

Info:

[ strige ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

art contemporain

...nous nous étions rencontrés dans des circonstances inoubliables, une exposition d'art moderne dans une galerie réputée. Nous avions fait la queue, les Inrocks avaient parlé de l'expo. Même si l'espace était immense, seules vingt-quatre personnes pouvaient entrer en même temps pour que l'expérience soit intime.....Les oeuvres n'avaient pas d'unité entre elles. Dans une section, un performeur nu s'était enfermé dans un sac poubelle transparent et respirait grâce à un roseau qui dépassait. Un autre lisait à voix haute l'annuaire de la ville de Limoges. Il en était à la lettre D. Quelques amas de kalachnikov. Une série de photos de l'artiste d'origine sud-africaine, Steven Cohen. Ce grand artiste s'était fait un nom en dansant au Trocadéro avec un coq attaché à son pénis. "Avec cette performance, Steven Cohen voulait évoquer sa situation, partagé entre deux pays, l'Afrique du Sud, son pays natal, et la France, où il vit actuellement", avait expliqué son avocate lors de son procès pour exhibitionnisme. Elle avait rajouté "la France embastille les artistes"

Auteur: Gaubil Jacques

Info: L'homme de Grand Soleil

[ humour ] [ branchés ]

 

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art pictural

Le laid n'est peut-être pas le mort, mais la mort paraît toujours présente quand l'artiste entre en lutte contre le beau, l'harmonieux qui implique toujours un accord entre le monde et le moi. Egon Schiele, dont le Saturne a une étonnante force agressive, enlaidissante, me semble un extraordinaire artiste du laid. Bien entendu, son oeuvre a subi la dérive de beaucoup d'autres oeuvres dérangeantes, scandaleuses, destructrices du beau ; de sorte que le scandale s'amenuise, l'oeuvre scandaleuse se muséifie, le laid devient beau. Mais, regardée avec naïveté, l'oeuvre de Schiele est un surprenant mélange de beau et de laid. Beau des couleurs précieuses, presque empruntées, comme celles de Klimt, à la symbolique des gemmes et pierres précieuses, mais laideur des déformations, angulosités, tortures, nudité crue du corps masculin ou féminin comme désossé devant nous, faces grimaçantes qui sont presque des masques de cadavres. En pratiquant l'autoportrait nu, y compris l'exhibition de la masturbation, Schiele n'a pas en vue de choquer pour choquer, mais de pousser la représentation de l'humain vers une décomposition du corps à l'opposé du beau antique. Il s'est intéressé à l'hystérie, et le "désossement " de ses autoportraits semble parfois pousser la laideur vers les photos d'hystériques du temps de Charcot. Impudeur (mais sans le moindre exhibitionnisme) et laideur sont des éléments d'une esthétique du laid qui, après lui, va envahir l'univers de l'expressionnisme. Le laid, le laid voulu, est une sorte de scandale et de cri, comme le fameux Cri de Munch.

Auteur: Nivat Georges

Info: Les trois âges russes

[ historique ] [ Europe ]

 

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écrivain-sur-écrivain

...Bounine, prix Nobel en 1933, n'aimait pas du tout Dostoïevski. Il y a une espèce d'opposition extra-textuelle entre ces deux personnages, il n'a pas du tout apprécié Crime et Châtiment, ni les Frères Karamazov, il trouvait que c'était trop russe, qu'il y avait trop d'émotions, trop d'exhibitionnisme psychologique, etc. Ça se discute, entre nous soit dit. Mais je voudrais vous citer juste un passage où ils s'opposent d'une façon claire. C'est un exemple assez intéressant d'un affrontement indirect entre deux grands de la littérature. Tolstoï et Dostoïevski ne se sont jamais affrontés de cette façon-là; Bounine et Dostoïevski, si. Il dit cela en substance. Tout se passe, l'action se passe avant la première guerre mondiale, les tranchées sont remplies de cadavres, les villes bombardées, ça c'est un peu le contexte extérieur de la nouvelle : " Et vous, pleurez-vous lorsque vous lisez que les Turcs ont égorgé cent mille Arméniens, que les Allemands ont infecté les puits avec le bacille de la peste, que les cadavres putréfiés sont entassés dans les tranchées, que les aviateurs ont lâché les bombes, des bombes sur Nazareth? N'importe quelle ville, Paris ou Londres, se lamente-t-elle d'avoir été construite sur des squelettes humains et d'avoir prospéré dans la barbarie la plus féroce et la plus banale envers ce qui est convenu d'appeler son prochain? En fin de compte, il n'y eut qu'un seul Raskolnikov pour se torturer, et cela en raison de sa lâcheté personnelle, voulu par son néfaste créateur, lui qui fourre le Christ dans tous ses romans de boulevard". C'est terrible ce qu'il dit de Dostoïevski, "les romans de boulevard". D'ailleurs ce n'était pas si faux : il donnait la forme, à ses romans (Dostoïevski), une forme de romans de boulevard, mais le contenu dépassait allègrement ce projet initial.

Auteur: Andrei Makine

Info: Littérature: les avatars de l'absolu, lecture délivrée a Harvard University en Avril 2000

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auto-analyse littéraire

Je ne parle jamais de l'Homo festivus mais d'Homo festivus parce que j'en ai fait un personnage conceptuel, quelque chose d'intermédiaire entre le concept et l'être romanesque, ce qui me permet sans cesse de l'aborder par deux côtés, par les idées et par la vie, par la pensée comme par les événements concrets, par l'entendement comme par le mouvement.

Philosophe ou sociologue, je parlerais en effet de l'Homo festivus, mais c'est bien ce dont je me garde comme de la peste car alors il me serait impossible de faire ce que j'ai entrepris, et qui seul compte à mes yeux, à savoir le portrait du temps, la recréation de l'époque ; ce qui ne se peut envisager qu'à partir des méthodes et avec les instruments variés (du sérieux à la farce) de l'art. Maintenant, pour en revenir à cette solitude sexuelle d'Homo festivus, qui contient tous les autres traits que vous énumérez, elle ne peut être comprise que comme l'aboutissement de la prétendue libération sexuelle d'il y a trente ans, laquelle n'a servi qu'à faire monter en puissance le pouvoir féminin et à révéler ce que personne au fond n'ignorait (notamment grâce aux romans du passé), à savoir que les femmes ne voulaient pas du sexuel, n'en avaient jamais voulu, mais qu'elles en voulaient dès lors que le sexuel devenait objet d'exhibition, donc de social, donc d'anti-sexuel. Nous en sommes à ce stade. Dans une société maternifiée à mort (et où, pour être bien vu, il faut toujours continuer à radoter que le féminin n'a pas sa place, est persécuté, écrasé, etc.), l'exhibitionnisme, où triomphent les jouissances prégénitales, devient l'arme fatale employée contre le sexuel, je veux dire le sexuel en tant que division ou différence des sexes (qualifiée de source d'inégalités ou d'asymétries), et en tant que vie privée. L'exhibitionnisme est la forme sexuelle que prend aujourd'hui l'approbation des conditions actuelles d'existence.

C'est pour cela que je peux diagnostiquer, à partir des avalanches de parties de jambes en l'air qu'on nous montre ou qu'on nous raconte dans des livres, à la fois un désir forcené d'intégration sociale (par l'exhibition que réclame et même qu'exige cette société-ci) et une volonté plus forcenée encore de mort du sexuel adulte. Il n'y a aucune contradiction entre la pornographie de caserne qui s'étale partout et l'étranglement des dernières libertés par des "lois antisexistes" ou réprimant l'"homophobie"comme il nous en pend au nez et qui seront, lorsqu'elles seront promulguées, de brillantes victoires de la Police moderne de la Pensée. 

Auteur: Muray Philippe

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Ajouté à la BD par miguel

recherche extrême

Si le déni du signifiant chez le dépressif rappelle le mécanisme de la perversion, deux remarques s’imposent.

D’abord, dans la dépression, le déni est d’une puissance supérieure à celle du déni pervers, qui atteint l’identité subjective elle-même et non seulement l’identité sexuelle mise en cause par l’inversion (homosexualité) ou la perversion (fétichisme, exhibitionnisme, etc.). Le déni annihile jusqu’aux introjections du dépressif et lui laisse le sentiment d’être sans valeur, "vide". En se dépréciant et en se détruisant, il consume toute possibilité d’objet, ce qui est aussi un moyen détourné de le préserver... ailleurs, intouchable. Les seules traces d’objectalité que conserve le dépressif sont les affects. [...] Aussi l’affect dépressif – et sa verbalisation dans les cures, mais aussi dans les œuvres d’art – est-il la panoplie perverse du dépressif, sa source de plaisir ambiguë qui comble le vide et évince la mort, préservant le sujet aussi bien du suicide que de l’accès psychotique.

Parallèlement, les diverses perversions apparaissent, dans cette optique, comme l’autre face du déni dépressif. [...] Ces actes et relations avec des objets partiels préservent le sujet et son objet d’une destruction totale et procurent, avec l’homéostase narcissique, une vitalité qui contrecarre Thanatos. La dépression est ainsi mise entre parenthèses, mais au prix d’une dépendance souvent vécue comme atroce vis-à-vis du théâtre pervers où se déploient les objets et les relations omnipotentes qui évitent l’affrontement à la castration et font écran à la douleur de la séparation pré-œdipienne. La faiblesse du fantasme qui est évincé par le passage à l’acte témoigne de la permanence du déni du signifiant au niveau du fonctionnement mental dans les perversions. Ce trait rejoint l’inconsistance du symbolique vécue par le dépressif ainsi que l’excitation maniaque par des actes qui ne deviennent effrénés qu’à condition d’être considérés insignifiants.

[...] Le déni dépressif [...] atteint jusqu’aux possibilités de représentation d’une cohérence narcissique et prive, par conséquent, le sujet de sa jubilation auto-érotique, de son "assomption jubilatoire". Seule demeure alors la domination masochique des replis narcissiques par un surmoi sans médiation qui condamne l’affect à rester sans objet, fût-il partiel, et à ne se représenter à la conscience que comme veuf, endeuillé, douloureux. Cette douleur affective, résultante du déni, est un sens sans signification, mais elle est utilisée comme écran contre la mort. Lorsque cet écran cède aussi, il ne reste comme seul enchaînement ou acte possible que l’acte de rupture, de dés-enchaînement, imposant le non-sens de la mort : défi pour les autres ainsi retrouvés au titre de rejetés, ou bien consolidation narcissique du sujet qui se fait reconnaître, par un passage à l’acte fatal, comme ayant toujours été hors du pacte symbolique parental, c’est-à-dire là où le déni (parental ou le sien propre) l’avait bloqué.

Auteur: Kristeva Julia

Info: Dans "Soleil noir", éditions Gallimard, 1987, pages 60-61

[ conjonction impossible ] [ absurde ] [ suicide ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

Internet

Les effets psychiques du world wide web

Certains chercheurs comparent le "changement cérébral" induit par l'usage des outils informatiques avec le changement climatique. Si les enfants ont gagné des aptitudes en termes de vitesse et d'automatisme, c'est parfois au détriment du raisonnement et de la maîtrise de soi.

De plus en plus de personnes sont rivées à l'écran de leur smartphone ou occupées à photographier tout ce qu'elles croisent... Face à cet usage déferlant de nouveaux outils technologiques, de nombreux chercheurs s'attachent déjà à étudier les modifications éventuellement cérébrales et cognitives susceptibles d'émerger, spécialement chez les plus jeunes. Mieux, ils nous alertent sur ces phénomènes.

C'est le cas notamment, en France, du Pr Olivier Houdé, directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant du CNRS-La Sorbonne, et auteur du livre "Apprendre à résister" (éd. Le Pommier).

S'intéressant à la génération qui a grandi avec les jeux vidéo et les téléphones portables, il affirme que, si ces enfants ont gagné des aptitudes cérébrales en termes de vitesse et d'automatismes, c'est au détriment parfois du raisonnement et de la maîtrise de soi.

Éduquer le cerveau

"Le cerveau reste le même", déclarait-il récemment, "mais ce sont les circuits utilisés qui changent. Face aux écrans, et du coup dans la vie, les natifs du numérique ont une sorte de TGV cérébral, qui va de l'oeil jusqu'au pouce sur l'écran. Ils utilisent surtout une zone du cerveau, le cortex préfrontal, pour améliorer cette rapidité de décision, en lien avec les émotions. Mais cela se fait au détriment d'une autre fonction de cette zone, plus lente, de prise de recul, de synthèse personnelle et de résistance cognitive.

" Aussi le chercheur en appelle-t-il à une éducation qui apprendrait à nos enfants à résister : "Éduquer le cerveau, c'est lui apprendre à résister à sa propre déraison", affirme-t-il. "Un vrai défi pour les sciences cognitives et pour la société d'aujourd'hui."

Le virtuel est donc clairement suspecté de nous atteindre dans le fonctionnement le plus intime de notre être.

Un nouvel "opium du peuple"

Il suffit d'ailleurs d'observer autour de soi les modifications comportementales qu'il entraîne : incapacité de maintenir une conversation ou de rester concentré sur un document ; facilité "brutale" à se déconnecter d'un échange relationnel comme on se débranche d'une machine, etc.

Le philosophe et artiste Hervé Fischer, qui signe l'un des essais les plus intéressants du moment sur "La Pensée magique du Net" (éd. François Bourin), considère lui aussi que si les jeunes sont "les plus vulnérables" à l'aliénation rendue possible par le Net, car ils mesurent leur existence à leur occurrence sur les réseaux sociaux, cela concerne aussi les adultes : "On peut avoir le sentiment qu'on a une vie sociale parce qu'on a des centaines d'amis sur le Net, ou qu'on est très actif et entreprenant parce qu'on échange sans cesse des commentaires et des informations numériques", explique-t-il. "Le retour au réel est alors encore plus difficile. On vit une pseudo-réalisation de soi, virtuelle elle aussi, et la "descente" de ce nouvel "opium du peuple" peut faire très mal à ceux qui ont une existence déjà frustrante sur bien des points." Cette existence qui se mesure et s'expérimente désormais à travers un profil numérique alerte aussi, en Grande-Bretagne, la grande spécialiste de la maladie d'Alzheimer, le Pr Susan Greenfield, qui parle de "changement cérébral" comme on parle de "changement climatique".

Elle s'inquiète des modifications identitaires provoquées par un usage intensif d'internet : "C'est presque comme si un événement n'existe pas tant qu'il n'a pas été posté sur Facebook, Bebo ou YouTube", écrivait-elle récemment dans le Daily Mail. "Ajoutez à cela l'énorme quantité d'informations personnelles désormais consignées sur internet - dates de naissances, de mariages, numéros de téléphone, de comptes bancaires, photos de vacances - et il devient difficile de repérer avec précision les limites de notre individualité. Une seule chose est certaine : ces limites sont en train de s'affaiblir."

Être là

Mais on peut aussi se demander : pourquoi un tel impact ? Pour Hervé Fischer, si internet est aussi "addictif", c'est parce que la société "écranique" réveille nos plus grandes mythologies, dont le rêve de retourner en un seul clic à la matrice collective, et de se perdre alors dans le sentiment océanique d'appartenir à la communauté humaine. "Ce qui compte, c'est d'être là", explique le philosophe. "On poste un tweet et ça y est, on se sent exister." Versants positifs de cette "nouvelle religion" ? "24 heures sur 24, les individus de plus en plus solitaires peuvent, quand ils le veulent, se relier aux autres", observe Hervé Fischer. Et, tout aussi réjouissant, chacun peut gagner en "conscience augmentée", notamment en se promenant de liens en liens pour approfondir ses connaissances.

Désormais, c'est certain, grâce à la Toile, on ne pourra plus dire "qu'on ne savait pas". Le Figaro Smartphone, tablette, etc.

Diminution de la matière grise

Selon les neuroscientifiques Kep Kee Loh et Dr. Ryota Kanai, de l'Université de Sussex, l'usage simultané de téléphones mobiles, ordinateurs et tablettes changerait la structure de nos cerveaux.

Les chercheurs ont constaté une diminution de la densité de la matière grise du cerveau parmi des personnes qui utilisent habituellement et simultanément plusieurs appareils par rapport à des personnes utilisant un seul appareil occasionnellement (publication : "Plos One", septembre 2014).

Interview de Michael Stora, psychologue et psychanalyste, fondateur de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH) et qui a notamment écrit "Les écrans, ça rend accro..." (Hachette Littératures).

- Selon vous, quel impact majeur ont les nouvelles technologies sur notre psychisme ?

- Je dirais tout ce qui relève du temps. Compressé par l'usage immédiat des smartphones et autres ordinateurs mobiles, celui-ci ne permet plus ni élaboration de la pensée ni digestion des événements. Et l'impatience s'en trouve exacerbée. Ainsi, nous recevons de plus en plus de patients qui demandent à être pris en charge "en urgence". Or, de par notre métier, nous avons appris qu'en réalité - et hors risque suicidaire - il n'y en a pas. Chacun est donc confronté à sa capacité à supporter le manque (quand arrivera la réponse à ce mail, ce texto ?) et se retrouve pris dans la problématique très régressive du nourrisson qui attend le sein.

- En quoi notre capacité de penser s'en trouve-t-elle affectée ?

- Les formats des contenus deviennent si courts, le flux d'informations si incessant que réfléchir devient impossible, car cela demande du temps. Regardez Twitter : son usager ne devient plus qu'un médiateur, il partage rapidement un lien, s'exprime au minimum, on est dans la violence du "sans transition"... Il est évident que l'être humain ne peut traiter tant d'informations, et l'on observe déjà que la dimension analytique s'efface au profit d'une dimension synthétique. Cela semble assez logique : la Toile a été créée par des ingénieurs adeptes d'une pensée binaire, structurée sur le 0 ou le 1 et sans autres ouvertures. Il faudrait vraiment que les sciences humaines soient invitées à participer davantage à ces entreprises, cela permettrait de sortir d'un fonctionnement en boucle où l'on vous repropose sans cesse le même type de produits à consommer par exemple.

- Mais beaucoup parviennent aussi à s'exprimer grâce à Internet ?

- C'est vrai, si l'on regarde Facebook par exemple, le nombre de personnes occupées à remplir leur jauge narcissique est très élevé. Mais il y a de moins en moins de créativité sur la Toile. Auparavant, un certain second degré, qui a pu donner naissance à des sites comme viedemerde.com par exemple, dont la dimension auto-thérapeutique est certaine, dominait. Mais aujourd'hui, la réelle création de soi a disparu. Il s'agit d'être sans arrêt dans la norme, ou dans une version fortement idéalisée de soi. À force de gommer "ce qui fâche", les mauvais côtés de la vie, les efforts ou les frustrations inévitables, on est alors dans un exhibitionnisme de soi très stérile et régressif qui révèle seulement l'immense besoin de chacun d'être valorisé. L'usager souhaite être "liké" (quelqu'un a répondu au message laissé sur Facebook) pour ce qu'il est, pas pour ce qu'il construit, comme le petit enfant à qui l'on répète "qu'il est beau !" sans même qu'il ait produit de dessin.

- Internet rend-il exhibitionniste ?

- Je pense que la Toile ne fait que révéler ce que nous sommes profondément. Regardez comme les internautes qui "commentent" en France sont critiques et râleurs, exactement comme on imagine les Français... Et c'est vrai, j'ai été surpris de constater cet exhibitionnisme fou dans notre pays. Avec les "blacklists", la violence de la désinhibition et des critiques qui laissent peu de possibilité d'échanger, une certaine froideur narcissique l'emporte. Ce que l'on observe, c'est qu'il y a plus d'humains enrôlés dans l'expérience du Web, mais moins d'humanité.

Auteur: Journaldujura.ch

Info: Keystone, 1er mai 2015

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