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troubles du comportement alimentaire

La personne anorexique n’a pas à se demander si elle plaît à tel autre : la réponse est, par défaut, connue. Tous les jugements particuliers lui deviennent indifférents en ce sens que le jugement général (social) lui est favorable. L’anorexique est ainsi un sujet exposant à un autre abstrait un soi non moins abstrait – ou genre de soi. C’est par le même mouvement que l’altérité et la subjectivité sont vidées de leur substance dans le développement du TCA. L’anorexie nous paraît ainsi située dans un au-delà de l’intersubjectivité, reposant sur un double vide de soi et de l’autre, ou faisant du jugement social "anonyme" l’arbitre et le médiateur des relations particulières. Quiconque fait l’expérience de la maigreur sait à quel point elle suscite une célébration permanente. Cette validation ne suffit pas à causer un trouble aussi complexe que l’anorexie mentale, ni à rendre compte des pratiques radicales de privation qui la caractérisent, mais elle figure parmi les "bénéfices" qui ont un rôle majeur dans sa perpétuation. C’est en raison de ces bénéfices que la fatigue générée par les comportements autodestructeurs est longtemps sous-estimée voire déréalisée – elle paraît un moindre mal à qui est "fatigué d’être soi". Le surmenage physique est supporté parce qu’il décharge le sujet de l’épuisement psychologique d’avoir à exister. C’est le contraste qui le rend tolérable. Que sont les troubles du corps au regard du sentiment d’invulnérabilité aux autres ? On comprend que le désir de rémission ne puisse apparaître que lorsque la fatigue physique devient invalidante et génère à son tour des sentiments dépressifs, la boucle étant bouclée.

Auteur: Merand Margaux

Info: http://www.implications-philosophiques.org/actualite/une/lanorexie-mentale-comme-production-alienee-de-soi-meme/

[ bénéfices secondaires ] [ question existentielle ]

 

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écrivain-sur-écrivains

- Vous vous appuyez sur Kundera pour dénoncer un autre aveuglement de l’époque, qui croit voir en chaque écrivain un "prophète" des temps futurs. Péguy prophète du règne de l’argent, Bernanos de celui de la technique, etc. C’est un travers que l’on peut retrouver dans PHILITT. Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement de Kundera ?  

- Kundera dit ça à propos de Kafka. Il essaye d’expliquer pourquoi il ne faut pas voir en Kafka le prophète du totalitarisme. Même si l’univers de Kafka fait penser à la Tchécoslovaquie des décennies suivantes. Pour Kundera, l’art du romancier consiste à identifier des possibilités de l’existence. Ces possibilités sont inhérentes à la vie quotidienne, relationnelle, individuelle de n’importe qui et sont détachées de la question de l’Histoire. On peut les insérer ou les relier à l’Histoire mais elles ont leur autonomie. Elles sont pour l’écrivain des questions éternelles. Quand Kafka découvre un certain type d’angoisse existentielle, il découvre, selon Kundera, quelque chose qui a toujours existé mais qui n’était pas encore formulé. Le génie de Kafka consiste dans cette découverte. C’est vrai que le totalitarisme, dans sa réalisation historique, active avec une particulière netteté ce domaine de l’existence qu’a découvert Kafka. Mais si cette réalisation totalitaire n’avait pas existé, cela ne changerait rien à la découverte de Kafka qui s’inscrit dans un univers plus autonome et profond. Je ne sais pas si le raisonnement Kundera s’applique à toute la littérature, mais il montre une direction qui permet de nuancer une tendance à laquelle beaucoup cèdent aujourd’hui. C’est tellement facile de voir la littérature comme ça.

Auteur: Vitry Alexandre de

Info: Interview sur PHILITT. par Matthieu Giroux, 11 octobre 2018

[ européens ] [ secondéités ] [ médium ]

 

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détresse existentielle

Quant au doute angoissant sur les apparences,

Quant à cette inquiétude, somme toute, que nous serions trompés,

Qu’espoir, confiance en soi ne seraient qu’hypothèses,

Qu’identité après la mort, une fable magnifique,

Que les choses que je vois, qui sait, animaux, hommes, arbres, montagnes, eaux vives et brillantes,

Ciel du jour, ciel nocturne, couleurs, densité, formes, ne sont (c’est d’ailleurs vrai) qu’apparitions, que le réel en soi est encore à connaître

(Je ne compte plus les fois où émanant d’elles-mêmes je suis trompé, je suis moqué par elles,

Le nombre de fois où je me prends à penser que moi ni aucun homme n’entendons rien à elles),

Que le réel donc ne me semble ce qu’il est (et c’est sans doute le cas) que du point de vue où je suis, et qu’il pourrait bien s’avérer (ce qui est assez vraisemblable) tout autre qu’il me semble, voire ne pas être du tout, si les points de vue étaient totalement différents ;

Ces doutes, ces soupçons, curieusement, dans mon cas, trouvent leur réponse chez mes amants, chez mes amis,

Comme lorsque l’ami que j’aime voyage à mon côté ou qu’il me tient la main,

Comme lorsque l’air subtil, insaisissable, au point que les mots ni la raison ne semblent plus tenir, nous berce, nous entoure,

Car alors je me sens lourd d’une inouïe et incommunicable sagesse, et je me tais, je ne demande rien,

Bien incapable de résoudre la question des apparences ou de l’identité après la mort,

Je suis indifférent, je suis satisfait, que je sois assis ou que je marche,

Celui qui a cure de ma main m’a pleinement assouvi.

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Calamus, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, page 63

[ remède ] [ amour ] [ évidence immédiate ]

 

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écrivain-sur-écrivain

Quant à Bonaparte, il apparaîtra encore plus d'une fois dans l'univers de la littérature russe, comme l'exemple même de cet anthropocentrisme conquérant, de cet homme absolutisé, l'ego qui voudrait personnaliser l'histoire, se confondre avec la marche du monde, avec la venue de l'humanité. Tel quel, il apparaît déjà dans les Frères Karamazov et avant dans les rêves de Raskolnikov, dans Crime et Châtiment. Raskolnikov est fasciné moins par la portée historique de cet homme-dieu, que par ce privilège que la divinité confère à tout un chacun. La possibilité de tuer quelqu'un lorsque la mort de la victime est justifiée par un but supérieur, but qui dépasse l'entendement des simples mortels que nous sommes. Rodio ? conceptualise ce droit à tuer dans un article - il publie d'ailleurs cet article- il manque et manque de chance et est contraint de tuer aussi la soeur - vous vous souvenez de cette situation - et c'est cette femme simple d'esprit, on pourrait dire que c'est une enfant, enfin c'est une enfant adulte, qui par sa mort gratuite détruit la théorie napoléonienne de Raskolnikov. Le héros de Dostoïevski trouve un absolu : la vie d'une inconnue, cette soeur. L'absolue singularité de cet être est l'absolue impossibilité de justifier sa mort. Si seulement il l'avait tuée par caprice alors peut-être il aurait pu aller jusqu'au bout de sa démarche existentielle. L'assassin, Raskolnikov, se rachète dans une suite de gestes presque religieux, presque rituels : confession publique, pénitence, bagne, lecture de l'Évangile. Mais la véritable réponse viendra déjà dans les Frères Karamazov. Dostoïevski enverra le manuscrit de son roman à l'éditeur et lui écrit cette lettre : "dans le texte que je viens de vous envoyer, je ne fais que montrer le caractère de l'un des principaux personnages qui exprime ses convictions fondamentales, ce que je considère comme la synthèse de l'anarchisme russe...."

Auteur: Makine Andrei

Info: Littérature: les avatars de l'absolu, lecture délivrée a Harvard University en Avril 2000

[ - ]

 
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illusion universelle

L’incompréhension, de la part des théologiens, de l’émanationnisme platonicien ou oriental vient du fait que le monothéisme met entre parenthèses la notion, essentielle métaphysiquement, de la Relativité divine ou de Mâyâ ; c’est cette parenthèse, et en fait cette ignorance, qui empêche de comprendre qu’il n’y a aucune incompatibilité entre I’"Absolu absolu", le Sur-Être, et l’"Absolu relatif", l’Être créateur, et que cette distinction est même cruciale. La divine Mâyâ, la Relativité, est la conséquence nécessaire de l’infinité même du Principe : c’est parce que Dieu est infini qu’il comporte la dimension de relativité, et c’est parce qu’il comporte cette dimension qu’il manifeste le monde. Nous ajouterons : c’est parce que le monde est manifestation et non Principe que la relativité, qui d’abord n’était que détermination, limitation et manifestation, donne lieu à cette modalité particulière qu’est le mal ; ce n’est pas dans l’existence des choses mauvaises qu’est le mal, ni dans leurs propriétés existentielles, ni dans leurs facultés de sensation et d’action s’il s’agit d’êtres animés, ni même dans l’acte en tant que manifestation d’une puissance ; le mal n’est que dans ce qui est privatif ou négatif par rapport au bien, et sa fonction est de manifester, dans le monde, l’éloignement par rapport au principe, et de concourir à un équilibre et à un rythme exigé par l’économie de l’univers créé. Ainsi le mal, tout mal qu’il est quand on le regarde isolement, s’insère dans un bien - et se dissout en tant que mal - quand on le regarde dans son contexte cosmique et dans sa fonction universelle.

Les Platoniciens n’éprouvent aucun besoin de "combler la lacune" qui se situerait entre l’Absolu pur et l’Absolu déterminé et créateur ; c’est précisément parce qu’ils ont conscience de la relativité in divinis, et de la cause divine de cette relativité, qu’ils sont émanationnistes ; autrement dit, les Hellénistes, s’ils n’avaient pas le mot, avaient pourtant à leur manière la notion de Mâyâ, et c’est leur doctrine de l’émanation qui le prouve.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 90-91

[ puissance productrice ] [ jeu ] [ privatio boni ]

 

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traumatisme transgénérationnel

Lors de cette expérience*, des souris venant de mettre bas ont été aléatoirement séparées de leur progéniture chaque jour durant trois heures consécutives au cours desquelles elles étaient soumises à diverses maltraitances. Elles étaient ensuite rendues à leurs souriceaux jusqu’au lendemain, où le protocole reprenait, mais à un horaire imprévisible et chaque jour différent. Il a été constaté chez les souriceaux des mères ainsi traumatisées une profonde modification des comportements sociaux se manifestant par des altérations des fonctions cognitives impliquant la mémoire, une inaptitude manifeste aux interactions avec leurs congénères et une tendance dépressive marquée, repérable par une perte de vitalité et de réactivité face à des situations de stress provoquées. Les mâles de ce premier groupe d’individus ont été ensuite mis en contact avec un groupe de femelles élevées dans des conditions normales non traumatiques, avec lesquelles ils ont engendré une deuxième génération, élevée elle aussi normalement, à distance des géniteurs traumatisés. Or les mêmes troubles comportementaux ont été observés, non seulement chez les individus de la deuxième génération, mais également jusqu’à la troisième génération au moins. Isabelle Mansuy et son équipe ont mis en évidence au sein des cellules cérébrales des souris soumises au protocole expérimental des altérations épigénétiques induites par le stress traumatique subi qui se retrouvaient également dans les cellules germinales (l’étude a porté uniquement sur des spermatozoïdes pour des raisons d’ordre pratique). Ils ont établi que l’exposition à un environnement traumatisant conduit à une modification de la méthylation de l’ADN, à une perturbation de la structure des protéines histones et à la prolifération de fragments d’ARN non codant dans de nombreuses cellules du cerveau, trois facteurs qui auraient pour conséquence de modifier l’expression et l’activité de certains gènes. Leur étude a établi que si ces gènes sont impliqués dans le contrôle du comportement, par exemple dans le contrôle des émotions, la présence de ces facteurs inhibants provoquerait une perturbation de ces émotions.Il est fondamental de considérer ici que la cause des perturbations comportementales observées s’accompagnant d’une signature épigénétique incontestable est une expérience existentielle vécue et qu’il n’y a pas à proprement parler d’inversion de la chaîne causale mais de prolongement de sa destructivité aux générations suivantes

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme, pages 46-47, * expérience menée ces dernières années par Isabelle Mansuy, neurogénéticienne et son équipe de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich

[ expérimentation scientifique ]

 

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rationalité

Le croyant est en effet placé entre deux impossibilités : impossibilité de croire au Dieu de la Révélation traditionnelle, impossibilité de croire au "Dieu des philosophes et des savants". Car, et c'est là la première et la plus définitive victoire du rationalisme physiciste, le croyant lui-même adhère suffisamment à la philosophie nouvelle pour se convaincre que le Dieu anthropomorphe ou cosmique de la lettre des Écritures n'est plus recevable en sa créance. Pour l'admettre, il lui faudrait précisément une autre philosophie, une métaphysique des degrés de réalité, à laquelle il a justement renoncé. Désormais la philosophie, c'est-à-dire la connaissance intelligible et synthétique, a définitivement déserté l'ordre du sacré et du religieux, et il doit être suffisamment évident que ce divorce ne peut être que mortel, mortel sans doute pour le religieux, mortel aussi pour le philosophe, nous le montrerons. Mais le croyant peut-il pour autant adhérer au "Dieu des philosophes et des savants" ? Certainement pas. Non pas, comme on le dit trop souvent, parce que sa foi exclurait la science : la foi abrahamique, juive, chrétienne, islamique, s'est parfaitement accommodée du Dieu de Platon et d'Aristote, pendant de nombreux siècles. Mais le "Dieu des philosophes et des savants", c'est le Dieu construit par une certaine philosophie et une certaine science, contre le Dieu des Écritures, dont la raison scientifique a montré l'impossibilité. La philosophie naturelle de Galilée ayant ruiné le fondement ontologique du symbolisme traditionnel, il ne lui reste plus qu'à élaborer, en lieu et place, un autre Dieu du cosmos : Dieu-Horloger, Mécanicien céleste que l'on réduit à la condition de cause première. Ce théisme abstrait n'est pas contraire à la raison. Il se présente même à elle comme la seule solution possible. Mais sa négation ou sa réfutation s'accorde également, quoique d'une autre manière, avec les exigences de la logique. La foi ne peut donc y trouver l'absolu dont elle a besoin. C'est pourquoi elle se sent profondément étrangère à ce Dieu rationnel et se réclame d'un autre Dieu, celui d'Abraham, d'Isaac, et de Jacob. Ce faisant, elle renonce à l'intellectualité sacrée, elle entérine le partage du champ théologique que la nouvelle philosophie religieuse a établi, et paraît même revendiquer pour elle l'obscurité de son engagement. Car le Dieu d'Abraham, c'est celui qui s'adresse à notre personne, Dieu de notre existence et de notre vie, qui parle, non pour enseigner la nature des choses, mais pour susciter notre liberté. Le Dieu du cosmos est rejeté, soit dans l'imaginaire d'une mythologie à jamais disparue, soit dans l'aliénation théoricienne d'une mensongère conceptualisation du divin. Penser Dieu, c'est le soumettre aux catégories de l'entendement, c'est nier son irréductible présence existentielle.

Auteur: Borella Jean

Info: La crise du symbolisme religieux, 1re partie, ch. II, art. 3, sect. 4, pp. 114-115, éd. L'Âge d'Homme, 1990

[ modernité ] [ intuition intellectuelle ]

 
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penseurs

Question : Gómez Dávila entretenait une méfiance vis-à-vis de la philosophie qu’il réduisait volontiers à une simple rhétorique. Pourquoi cette critique de la philosophie chez lui sachant que son œuvre n’est pas seulement un exercice littéraire mais bien la défense de vues proprement philosophiques ?

Réponse : En paphrasant Pascal, je dirai que se méfier de la philosophie, c’est vraiment philosopher. Cette méfiance, en dehors de son aspect proprement méthodologique, tient certainement à la fois à son scepticisme et à son fidéisme. Méfiant par tempérament des nouveautés philosophiques et des systèmes totalisants de la modernité ou post-modernité. Il s’agit là de la même défiance que l’on trouvait chez certains, dont il est l’héritier, à l’égard de ceux que l’on appelait les "Philosophes" au XVIIIe.

L’ "anti-philosophie", ou la critique des "philosophes" est une caractéristique des penseurs contre-révolutionnaires et réactionnaires – à commencer par Joseph de Maistre – mais aussi des penseurs non-systématiques, existentiaux pour ne pas dire "existentialistes" (Pascal encore une fois, Kierkegaard, Nietzsche, Wittgenstein, etc.). Sa méfiance dans les pouvoirs de la raison, ou du rationalisme, de parvenir, seuls, à une quelconque vérité également. Ici, c’est l’héritier du romantisme, allemand mais pas seulement si l’on se souvient des critiques de Rousseau contre le culte de la science et de la raison de ses contemporains, autre facette des anti-Lumières. À l’instar d’un Pascal et d’un Rousseau ou Novalis, Gómez Dávila place la foi d’une part, puis le sentiment, la sensibilité ou l’intuition d’autre part, au-dessus de la raison et surtout de la ratiocination. Mais par ailleurs et paradoxalement, c’est également un héritier des Lumières et surtout de Voltaire par la dimension critique et même sarcastique de son œuvre, la liberté de sa pensée et le "grand style" de son écriture.

Pour finir, justement à propos de style, ce n’est pas tant la rhétorique qu’il méprise chez certains philosophes que le "jargon" c’est-à-dire, "l’impureté", voire l’absence, de style propre à l’expression technique du spécialiste (je renvoie sur ce sujet au paragraphe 101 du Gai savoir de Nietzsche dédié à Voltaire). Or selon Gómez Dávila, ainsi qu’il l’exprime à plusieurs reprises, la philosophie a besoin, pour sortir de sa routine académique et se revivifier, d’amateurs, de non-spécialistes ou "aficionados" tels que Socrate, Descartes, Hume, Kierkegaard, Nietzsche, etc. Pour lui, ainsi que j’ai essayé de le démontrer dans l’ouvrage en suivant l’interprétation de Pierre Hadot, la philosophie est plus une manière de vivre qu’une profession ; ou, si elle était un métier, ce serait un "métier de vivre" pour reprendre la belle formule de Pavese. Il y a incontestablement une dimension existentielle de la philosophie qui échappe, par définition, aux universitaires.

Auteur: Rabier Michaël

Info: https://philitt.fr/2021/03/05/

[ historique ]

 

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états limites

La réorientation de la psychologie des instincts vers le moi est en partie due au fait qu’il a bien fallu reconnaître que les malades qui se présentaient dans les années 1940 et 1950 "montraient très rarement les névroses classiques que Freud avait décrites si minutieusement". Au cours des vingt-cinq dernières années, le malade dont le cas est indéterminé, présentant non pas des symptômes bien définis, mais un mécontentement diffus, est devenu de plus en plus commun. Il ne souffre pas de fixations débilitantes, ni de phobies, ni d’une conversion d’énergie sexuelle réprimée en troubles nerveux ; il se plaint "d’une insatisfaction existentielle vague et diffuse" et sent que "sa vie, amorphe, est futile et sans but". Il décrit des "sentiments ténus mais tenaces de vide et de dépression", "des violentes oscillations dans son évaluation de lui-même", et "une incompétence générale à s’entendre avec autrui". "Il se rassure sur lui-même en s’attachant à des êtres forts, admirés ; il désire ardemment être accepté par eux, et ressent le besoin de recevoir leur aide." Bien qu’il puisse assumer ses responsabilités quotidiennes, et même parvenir à une certaine réussite, le bonheur lui échappe, et sa vie lui apparaît souvent comme ne valant pas la peine d’être vécue.

La psychanalyse, thérapie qui s’est développée dans la pratique, à partie de cas d’individus moralement rigides et sévèrement réprimés, ayant besoin de faire la paix avec un "censeur" interne rigoureux, se trouve aujourd’hui de plus en plus souvent confrontée à des "caractères chaotiques dominés par [leurs] pulsions". Elle a affaire à des malades donnant libre cours à leurs conflits, ne les réprimant ni ne les sublimant. Souvent engageants, ceux-ci cultivent pourtant une superficialité qui les protège dans les relations affectives. Ils sont incapables de pleurer, et l’intensité de leur rage contre les amours objectaux perdus, en particulier contre leurs parents, leur interdisent de revivre des moments heureux ou de les garder précieusement en mémoire. Ouverts plutôt que fermés aux aventures sexuelles, ces malades trouvent pourtant difficile de vivre pleinement la pulsion sexuelle ou d’en faire une expérience joyeuse. Ils évitent les engagements intimes qui pourraient les libérer de leurs intenses sentiments de rage. Leur personnalité n’est guère qu’un ensemble de défenses contre cette rage et contre les sentiments de privation orale nés au stade préœdipien du développement psychique.

Ces malades souffrent souvent d’hypocondrie et se plaignent d’éprouver une sensation de vide intérieur. Ils nourrissent, en même temps, des fantasmes d’omnipotence et sont profondément convaincus de leur droit d’exploiter les autres et de se faire plaisir. Les éléments archaïques, punitifs et sadiques prédominent dans le surmoi de ces malades, et s’ils se conforment aux règles sociales, c’est plus par peur d’être punis que sous l’emprise d’un sentiment de culpabilité. Ils ressentent leurs propres exigences et appétits, mêlés de rage, comme étant extrêmement dangereux, et ils élèvent des défenses aussi primitives que les désirs qu’ils cherchent à étouffer.

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, pages 71-72

[ portrait clinique ]

 

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astronomie

Très superstitieux, Kepler dressait de nombreux horoscopes tant pour les autres que pour lui-même ; c’est ainsi qu’il nous apprend qu’il fut conçu le 16 mai à 4 heures 47 du matin et que sa mère le mit au monde après une grossesse de 224 jours 9 heures et 53 minutes. Kepler se décrit lui-même comme "sans cesse en mouvement, furetant dans les sciences, la politique et les affaires privées, y compris les plus viles" ; il nous confie qu’il a horreur des bains, des parfums et des lotions et qu’il a "en toutes choses une nature canine" car son apparence est celle d’un petit chien : il aime ronger les os et les croûtons de pain et se donne pour si glouton qu’il prétend attraper tout ce qu’il voit.

On pourrait se demander, non sans motif, s’il ne faut pas chercher dans le goût de Kepler pour les sciences célestes une démarche de compensation visant à le consoler de sa myopie doublée d’un défaut de vision qui le condamnait à voir double ou même quadruple. Quoi qu’il en soit, il n’est nullement aberrant de penser que les études de Kepler ne sont que la projection existentielle d’un désir de se rapprocher des planètes et des étoiles, de voyager et de fuir ainsi le monde où il vivait, voire la nature qui était la sienne, en parcourant du regard et de la pensée les immenses espaces nocturnes, dont la contemplation pouvait lui donner l’illusion de triompher de lui-même et d’être transporté ailleurs. [...]

Fort significativement, Kepler compare lui-même le travail entrepris à un voyage animé de motifs métaphysiques et tout au long duquel il tient à faire le point : "Si non seulement nous pardonnons à Christophe Collomb, à Magellan, aux Portugais qui nous racontent leurs erreurs grâce auxquelles ils découvrirent celui-là l’Amérique, celui-ci la mer de Chine, cet autre la circumnavigation autour de l’Afrique et si nous ne voulons pas qu’ils en omettent puisque nous serions privés du grand plaisir de leur lecture, - par conséquent on ne me blâmera pas si, poussé à mon tour par la même bienveillance à l’égard du lecteur, je fais le récit de l’itinéraire que j’ai suivi" [Astronomia nova].

Kepler tient bien à préciser qu’il n’a pas entrepris un tel voyage par amour des mathématiques ou de la physique : "Je vous en supplie, mes amis, ne me condamnez pas entièrement à la meule des calculs mathématiques et laissez-moi du temps pour les spéculations philosophiques qui sont mes seules délices" [Lettre à Bianchi]. Ce que l’on trouve partout présent dans son œuvre, c’est une inspiration pythagoricienne et chrétienne à partir de laquelle il cherche à découvrir ces lois qu’il appelle "archétypales" selon lesquelles Dieu a créé le monde. Si une telle tâche n’est pas impossible, c’est justement parce que Dieu a fait l’homme à sa propre image ; savoir revient donc à retrouver le plan divin de la Création.

Celui dont on ne retiendra que les fameuses lois qui portent son nom, pense que le Soleil correspond au Père, la sphère des étoiles fixes au Fils et l’entre-deux, c’est-à-dire l’espace rempli de l’aura céleste, à l’Esprit Saint [...].

Auteur: Brun Jean

Info: "Les vagabonds de l'occident", Desclée, Paris, 1976, pages 43-44

[ biographie ] [ historique ] [ motivations ]

 

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