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exil

Qu'on ne se contente pas trop facilement des explications les plus simples - un hasard, le mécénat, les commandes - quand il s'agit de cette question qui me paraît essentielle : pourquoi un peintre a-t-il changé de pays, laissant pour d'autres horizons, d'autres couleurs, et toujours une autre lumière, le lieu où il a vécu, où il a déjà travaillé ? Puisque sa grande page immobile peut s'ouvrir aux mouvements les plus rapides du ciel, aux indices les plus furtifs du passage de la journée ou du siècle, puisque son regard peut suivre sur un visage le cours paisible ou tragique de l'existence, puisque son rêve - si c'est cela qu'il préfère - peut s'évader de ce monde par simplement la contemplation d'un peu de pierre qui brille ou d'un bateau qui quitte le port, pourquoi fallait-il qu'il se dédidât à partir, et quelquefois pour si loin, comme s'il se lançait dans une poursuite, et cédait donc à une inquiétude ? Que peut espérer découvrir, là où il n'est pas arrivé encore, celui qui accède à tout, déjà, ou presque à tout, en chaque endroit où il passe ? Que semble promettre l'ailleurs à ceux qui savent l'ici du monde ?

Auteur: Bonnefoy Yves

Info: Début de "Le peintre dont l'ombre est le voyageur", in "Rue Traversière, et autres récits en rêve", éd. Poésie-Gallimard, p. 159-160

[ interrogation ] [ voyage ] [ quête ] [ beaux-arts ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

philosophie

De fait, l’expérience de la lecture des Méditations peut largement être décrite comme celle d’un certain théâtre intellectuel, ce qui suppose à la fois que le décor soit soigneusement planté, et que l’on sache à peu près ce qu’on va y voir.

[…] Et sur ce théâtre, le lecteur cultivé appréhendera le Cogito lui-même moins comme une découverte que comme une scène rejouée, dans un déroulement inédit, mais qu’on peut comparer avec des modèles augustiniens. […]

Dans ce théâtre intellectuel, le sujet des Méditations peut faire un moment comme s’il était seul au monde, et il le peut parce que la certitude d’être au monde avec d’autres hommes est en fait fondée sur des raisons complexes et difficiles à préciser. Mais lorsqu’il formule ses pensées, il sait fort bien qu’elles ne sont pas purement à son propre usage, et qu’elles ont des destinataires. Le point essentiel, c’est peut-être ici que ces destinataires ne sont pas et n’ont jamais été des objets – entendons : de cette catégorie d’objets qu’il y a un sens à mettre en doute. […] Mais qu’autrui ne soit pas un objet veut dire aussi qu’il n’est pas un objet pour la métaphysique (dont les objets sont, d’une part, moi-même ou mon esprit, Dieu et le corps, et de l’autre, les formes de la connaissance et les conditions de la certitude). Aussi ne fallait-il pas s’étonner de ne pas l’y trouver.

Auteur: Kambouchner Denis

Info: La question Descartes, éditions Gallimard, 2023, pages 95-96

[ explication ] [ clé de lecture ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

sorciers

Et pourquoi fallait-il aller de l'autre côté du monde pour voir un chaman, nom de Dieu : Pourquoi était-ce si farfelu, si exotique pour nous, Occidentaux ? Après tout, autrefois, nous avions aussi des chamans.
Mais nous les avions anéantis. Ou fait de notre mieux pour les anéantir. Les Romains, d'abord, avaient écrasé les druides de Gaule et de Grande-Bretagne. Puis l'Eglise catholique, entre 1400 et 1700, avait fait son possible pour en éradiquer les derniers vestiges. C'est-à -dire essentiellement, en Europe de l'Ouest, des sages, de vieilles villageoises qui connaissaient les plantes, dont des générations entières étaient mortes sur le bûcher. Il y avait toujours des chamans d'un ancien type, antérieur aux Romains, aux confins de l'Europe - parmi les Lapons, ou Samis (eux aussi éleveurs de rennes), du nord de la Scandinavie, les tribus de la Baltique et quelques ermites païens dans des endroits comme la Cornouaille, le pays de Galles, l'Ecosse, la Bretagne et la Pays Basque. Mais même ces zones reculées furent agressivement christianisées, et beaucoup de chamans qui se raccrochaient à leurs traditions le payèrent de leur vie. L'église, tant protestante que catholique, fit son possible pour les brûler tous.
Au XVIIIeme siècle, quand les bûchers finirent par s'éteindre, les physiciens et les apothicaires des Lumières durent tout réapprendre : l'anatomie, les sciences naturelles, la phytothérapie - toute la base et la science de la médecine moderne. Mais le fondamentalisme et le fanatisme et le fanatisme n'étaient pas morts, eux. Ils s'étaient divisés en deux branches parallèles, une pour la religion, l'autre pour la science. Tel était, semblait-il, notre héritage.

Auteur: Isaacson Rupert

Info: L'enfant cheval, la quête d'un père pour guérir son fils autiste

[ rationnel ] [ paranormal ]

 

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protestantisme

La guerre des paysans : le grand reniement de Martin Luther. Ainsi le veut la tradition. Peut-être oui, peut-être non ?

Nous n’avons pas à dire ce que fut le soulèvement de 1524-1525, ni comment d’autres révoltes l’avaient précédé, ni quels hommes, d’origines et de tendances très diverses y prirent part, soit comme chefs, soit comme exécutants. Mais que, dès le début, Martin Luther ait été mis en cause et par les deux partis à la fois, il faudrait être naïf pour en marquer quelque surprise. Aux yeux des uns, il était tout naturellement le père et l’auteur de la sédition ; ses doctrines, ses prédications, son exemple funeste l’avaient provoquée ; et si l’on devait réprimer les mutins, encore plus fallait-il châtier le suppôt de Satan qui, ayant semé le vent sur la paisible Allemagne récoltait la tempête. Les autres, non moins naturellement, saluaient en Luther l’avocat d’office de tous les opprimés, le patron-né de tous les révoltés, l’adversaire obligé de toutes les tyrannies. Et d’ailleurs, n’étaient-ils pas, eux les paysans, les véritables champions de l’Évangile contre les Princes ? En tête de leurs articles, ne revendiquaient-ils pas le droit d’élire des pasteurs   qui, traduisant clairement la Sainte Parole et la prêchant sans adultération, leur donnassent occasion de prier, d’entretenir en eux la véritable foi ? Ne soyons pas surpris qu’à la fin d’avril 1525, Luther, intervenant enfin, ait publié sa fameuse Exhortation à la paix à propos des douze articles des paysans de Souabe, et aussi, contre l’esprit de meurtre et de brigandage des autres paysans ameutés.

Le plan est net, la thèse simple. Une courte introduction ; puis, deux discussions séparées, l’une, avec les princes, l’autre, beaucoup plus longue, avec les paysans ; pour conclure, quelques phrases d’exhortation aux deux partis. Or, que veut Luther ? Examiner ce qu’ont de juste, ou d’injuste, les demandes des paysans ? Arbitrer un différend politico-social ? En aucune façon. Traiter un point de religion, oui.

Les paysans articulent : "Nous ne sommes ni des rebelles, ni des révoltés, mais les porte-parole de l’Évangile. Ce que nous réclamons, l’Évangile nous justifie de le réclamer." Voilà la prétention contre laquelle Luther s’élève uniquement, mais avec une violence, une passion, une fougue incomparables. Aux Princes, il dit peu de choses, et vagues : que ceux d’entre eux ont tort, qui défendent de prêcher l’Évangile ; tort aussi, ceux qui accablent leurs peuples de fardeaux trop pesants. Ils devraient reculer devant la colère qu’ils déchaînent, traiter les paysans "comme l’homme sensé traite les gens ivres ou hors de leur bon sens". Ce serait prudence ; justice aussi, au sens humain du mot ; l’autorité n’est pas instituée pour faire servir les sujets à l’assouvissement des caprices du maître. Mais une fois ce pâle discours au conditionnel terminé, quelle voix claire et sonore retrouve Martin Luther, sitôt qu’il harangue, qu’il accable les paysans ! Pour eux, avec eux, l’Évangile ? Quelle monstrueuse sottise ! Qu’on le brûle, lui, Luther, qu’on le torture, qu’on le mette en morceaux — tant qu’il lui restera un souffle, il clamera la vérité : l’Évangile ne justifie pas, mais condamne la révolte. Toute révolte.

Ils disent, les paysans : "Nous avons raison, ils ont tort. Nous sommes opprimés et ils sont injustes." Il se peut. Luther va plus loin. Il dit : je le crois. Et puis après ? "Ni la méchanceté, ni l’injustice n’excusent la révolte." L’Évangile enseigne : "Ne résistez pas à celui qui vous fait du mal ; si quelqu’un te frappe à la joue droite, tends l’autre. " Luther a-t-il jamais tiré l’épée ? prêché la révolte ? Non, mais l’obéissance. Et c’est pour cela, précisément, qu’en dépit du pape et des tyrans, Dieu a protégé sa vie et favorisé les progrès de son Évangile. Ceux qui "veulent suivre la nature et ne pas supporter le mal", ce sont les païens. Les chrétiens, eux, ne combattent pas avec l’épée ou l’arquebuse. Leurs armes sont la croix et la patience. Et si l’autorité qui les opprime est réellement injuste, ils peuvent être sans crainte : Dieu lui fera expier durement son injustice. En attendant, qu’ils se courbent, obéissent et souffrent, en silence.

Voilà la doctrine de l’Exhortation à la paix. Et certes, il est facile d’ironiser, facile de souligner le contraste et son énorme comique : ici tumulte, hurlements de haine, campagnes remplies de cris de rage et de lueurs d’incendie ; et là, le Dr Martin Luther, les yeux au ciel, jouant de toute son âme et de ses joues gonflées, comme s’il ne voyait et n’entendait que lui, son petit air de flageolet chrétien. Il est facile. Mais il y a une chose qu’on n’a pas le droit de dire : c’est que Luther en mauvaise passe invente sur-le-champ, en 1525, des arguments pharisaïques.

Sa doctrine ? Elle ne naît pas, comme un expédient, de la révolte paysanne. N’inspire-t-elle pas, déjà, la lettre à Frédéric  du 5 mars 1522 ? "Celui-là seul qui l’a instituée de ses mains peut détruire et ruiner l’Autorité : autrement, c’est la révolte, c’est contre Dieu !" N’anime-t-elle pas, d’un bout à l’autre, le traité de 1523 sur l’Autorité séculière : royaume du Christ, royaume du monde, et dans ce royaume, à ses rois l’obéissance absolue, même si l’ordre est injuste ? Car le proverbe dit vrai : qui rend les coups a tort ; et nul ne doit juger sa propre cause. Non, en vérité, Luther n’invente rien en 1525, lorsqu’il crie aux serfs de se résigner, aux paysans de s’incliner. Et quand il ajoute : la seule liberté dont vous deviez vous soucier, c’est la liberté intérieure ; les seuls droits que vous puissiez légitimement revendiquer, ce sont ceux de votre spiritualité — ces formules, brandies sur la tête de rustres poussés à bout et qui se battent comme des bêtes pour leur vie, peuvent bien sembler énormes de dérision. Luther, en s’y tenant avec obstination est logique avec lui-même : Luther, le vrai Luther, celui de Leipzig, de Worms, de la Wartbourg.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 160 à 162

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