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boomers vs wokes

Kompromat à la française - Pour avoir réussi un coup de maître – faire signer 50 artistes pour défendre Gérard Depardieu – Yannis Ezziadi est à son tour lynché. Cette affaire restera un cas d’école de la mécanique de la Terreur qui veut en finir avec toute singularité.



Pouvez-vous expliquer ces blagues ? Dans le brouhaha malveillant orchestré autour de la tribune de 50 artistes et assimilés pour Depardieu et de son auteur, notre ami Yannis Ezziadi, cette question que lui a adressée Marine Turchi dit la vérité la plus profonde de toute cette affaire (et de pas mal d’autres).



Dans le monde rêvé des néo-féministes en particulier et des wokistes en général, tout passe au hachoir de l’esprit de sérieux : l’art, la littérature, le sexe (abaissé à un ennuyeux pacte contractuel) et l’humour lui-même, prié de participer à la rééducation des masses boomeuses et dépravées.



Pour bien faire comprendre la dangerosité du gars, il me faut reproduire quelques-unes de ces plaisanteries citées à comparaître. Pour vous, c’est cadeau. D’abord, il y a cette citation de Courteline, postée en 2013 (les fouilleurs de poubelles numériques sont consciencieux):  L’homme est le seul mâle qui batte sa femelle. Il est donc le plus brutal des mâles, à moins que, de toutes les femelles, la femme soit la plus insupportable. Le petit malin (il avait 22 ans), avait assorti la citation de ce commentaire :  Je vais me faire lyncher, mais c’est tellement drôle.  Plus grave, car sortie du cerveau malade de l’auteur, cette blague de février 2021 : Pour les accusations de violences sexuelles, heureusement, ce ne sera pas comme pour le Covid. Une fois que la majorité des hommes aura été accusée de viol et d’inceste, ils seront peut-être protégés par l’immunité collective. C’est le seul espoir… Espoir fortement déçu. Si ça vous a fait marrer, votre compte est bon : vous êtes un défenseur des violences sexistes-et-sexuelles et un amateur de violences conjugales. Ou le contraire.



Vous avez le droit de rire, à condition que ce rire ne soit jamais traversé de mauvaises pensées. J’aimerais bien savoir à quoi sert l’humour s’il n’est pas le sauf-conduit de nos mauvaises pensées, le refuge du négatif. Si ça se trouve, nos mangeuses d’hommes n’ont jamais de mauvaises pensées. Les pauvres. Et pauvres de nous. Le règne de la positivité, du premier degré, de la transparence est ce qui s’apparente le plus au meilleur des mondes. C’est-à-dire à l’enfer.



Mais je reviens à mes moutons, en l’occurrence au bouc. Pour ceux qui l’ignorent, Marine Turchi, qui officie à Mediapart, est à la nouvelle terreur féministe ce que Vychinski était au stalinisme. Procureur implacable, elle est capable d’écouter des dizaines d’heure du Masque et la plume , pour révéler qu’on y a dit 32 fois salope ou entendu 41 blagues sexistes (les chiffres sont fantaisistes). Il faut lui reconnaître  une certaine conscience professionnelle. Turchi monte ses dossiers. Et bien sûr, elle donne la parole à l’accusé, parole qui se retrouve généralement noyée entre les témoignages accusatoires. Turchi exerce sa charge avec une certaine froideur, alors qu’Ariane Chemin, qui requiert au Monde, semble animée par la passion de nuire. Mais les deux, formées à l’école Plenel, ont le même talent pour construire et imposer un récit totalement fantasmé des faits qu’elles évoquent. En l’occurrence, elles ont réussi à faire passer l’initiative d’un franc-tireur baroque et flamboyant pour une opération d’extrême droite, orchestrée par "la galaxie Bolloré " pour faire main basse sur le monde de la culture – galaxie, ça vous a un petit air Guerre des étoiles, bien contre mal etc. Ces affabulations complotistes ont suffi à déclencher une chasse à l’homme.



Pour les historiens qui étudieront le totalitarisme sans goulag (analysé par Mathieu Bock-Côté dans son dernier livre) et se demanderont comment des peuples cultivés ont pu se laisser déposséder de leurs libertés sans la moindre contrainte militaire ou physique, l’affaire de la pétition Depardieu sera un cas d’école. Un modèle d’efficacité de la mécanique de la terreur.



Premier acte : panique au quartier général.



Cinquante-six artistes et producteurs dénoncent le lynchage de Depardieu. Un bras d’honneur à la loi du Milieu. Un artiste peut à la limite se taire (bien que cela soit parfois suspect). Mais s’il l’ouvre, il n’a qu’un droit : celui d’énoncer les poncifs du progressisme prêchi-prêcheur, en commençant par quelques génuflexions devant la révolution #metoo. S’il veut cocher toutes les cases, il peut lutter contre la loi scélérate sur les retraites (Bosser jusqu’à 63 ans, jamais !), dénoncer les crimes climatiques des riches et des ploucs, manifester (dans son salon) pour l’accueil des migrants. Cependant, s’il n’a pas le temps de dispenser sa compassion à tout-va, une cause contient toutes les autres, la lutte contre l’extrême droite. C’est la formule magique, la carte du Parti. Qui, en plus d’offrir à son détenteur la considération de France Inter lui permet de bosser.



Sans la sortie d’Emmanuel Macron, qui a déclaré quelques jours plus tôt que Depardieu faisait la fierté de la France, l’affaire en serait peut-être restée là. Du reste, sans l’encouragement présidentiel, les signataires auraient certainement été moins nombreux et moins titrés. Cette fois, il ne s’agit pas des sans-grades de l’intermittence du spectacle, ni de réacs estampillés, mais de stars. Certaines sont sur le retour ou en fin de carrière (ce qui permettra à d’élégants plumitifs de calculer l’âge moyen des signataires), d’autres sont inconnus, mais il y a aussi des comédiens bankables, dont les noms aident à monter un film.



C’est bien ce qui enrage le clergé médiatico-culturel, habitué à voir ses excommunications et proscriptions appliquées sans protestations. La volaille qui fait l’opinion sent le danger : sous peine de voir son pouvoir d’intimidation ébranlé, il lui faut frapper fort. On peut compter sur la police politique.



Acte II. On discrédite le message.



C’est simple : il n’y a qu’à saucissonner le texte en lui faisant dire ce qu’il ne dit pas – que Depardieu a tous les droits, y compris de cuissage. Peut-être y a-t-il des maladresses de rédaction, le texte n’établissant pas assez clairement la différence entre des accusations de viol et des blagues obscènes. Reste que 55 personnes l’ont signé en connaissance de cause – le seul à avoir longuement essayé d’introduire des modifications a été Yvan Attal qui, malgré ces désaccords, a maintenu sa signature. Des agents, des avocats l’ont lu, beaucoup ont dissuadé leurs clients de signer, d’autres ont approuvé des deux mains.



A lire aussi, Dominique Labarrière: Affaire Depardieu: la bourgeoisie de farces et attrapes dans tous ses états



Que ce texte choque, c’est naturel, mais pas pour les raisons invoquées par les milices vigilantes qui sévissent dans les égouts numériques. Le scandale c’est que des artistes puissent adopter le point de vue de l’art plutôt que celui de la morale. Qu’ils affirment clairement que le génie de l’artiste leur importe plus que les agissements de l’homme – cela ne signifie pas que l’un excuse les autres. L’histoire retiendra-t-elle de Picasso qu’il a mal traité ses femmes ou été un artiste de génie ? La réponse à cette question dépendra de l’issue de la guerre idéologique entre les déconstructeurs et les héritiers. En attendant, ce ne sont pas des hommes déconstruits qui ont fait l’histoire de l’art. Ni l’histoire tout court.



Les maîtresses d’école[1] qui surveillent le débat public n’entendent rien à cette grammaire qui échappe aux cadres rigides structurant leur pensée. Elles se contentent de distribuer froncements de sourcils et coups de règles aux signataires. Ils n’ont pas un mot pour les victimes (qui sont en réalité des plaignantes), preuve qu’ils sont solidaires des agresseurs, violeurs et autres pédophiles. Ces premières sommations entraînent déjà quelques défections, sur le mode " J’avais mal lu " voire " J’ai signé sans lire ". Mais croyez-le bien je pense tous les jours aux violences contre les femmes.



Acte III. On brûle le messager.



Là, on ne rigole plus. La hauteur de l’affront exige une victime expiatoire. Après les préliminaires, se met en branle une mécanique proprement totalitaire, de celles qui broient les individus pour la bonne cause. Dans les sacristies médiatiques, on découvre avec fureur que le diablus ex machina de cette sorcellerie est un quasi inconnu (sauf pour les heureux lecteurs de Causeur et les afficionados). Voilà un type qui prétend avoir, avec ses petits bras, convaincu des vedettes comme Bertrand Blier, Carole Bouquet ou Pierre Richard de prendre la défense d’un homme que Le Monde et Mediapart ont pourtant condamné à la mort sociale.



Il faut lui donner une leçon, à lui et à tous ceux qui l’ont suivi. Leur faire passer l’envie de récidiver. On s’intéresse donc à sa personne, débitée en tranches avec encore plus de malveillance que son texte. De ce point de vue, l’article d’Ariane Chemin mérite la médaille d’or de la dégueulasserie journalistique. Avec quelques micro-bouts de vérité, elle dresse un portrait totalement mensonger intitulé : À la source de la tribune pour Depardieu, un comédien proche des sphères identitaires et réactionnaires. Non seulement il écrit dans Causeur, mensuel dépeint, selon les médias ou les jours, comme d’extrême droite, conservateur, ultra-conservateur ou réactionnaire, mais Chemin souligne qu’il est ami avec Sarah Knafo et Eric Zemmour et qu’il fait la fête avec votre servante. À l’évidence, pour Chemin, l’amitié ne saurait tolérer la divergence. Quant à nos fêtes, elle doit s’imaginer qu’on y récite des horreurs racistes et sexistes affublés de chapeaux pointus. Nous passons en effet d’excellentes soirées à rire, nous disputer, boire, manger, danser, chanter et rire encore. Tout ce rire, c’est suspect, chef. Surtout entre gens qui ne pensent pas la même chose.



Les articles d’Ezziadi sont passés à la même moulinette diffamatoire. Le texte magnifique dans lequel il démonte la mécanique complotiste qui lui a retourné le cerveau à l’âge de 18 ans devient une preuve à charge : le gars est un « dieudonniste repenti » (ce qui signifie dieudonniste toujours). Sa charge contre Jean-Paul Rouve qui joue Matzneff en monstre et se dit fier de ne rien comprendre à son personnage est présentée comme une défense de l’écrivain à nymphettes. Pour sa défense, Ezziadi cite Bruno Ganz qui, dans la Chute, campait un Hitler diablement humain et fut honoré pour cela. Certains en concluent sans doute qu’en prime, il est nazi. Son reportage sur l’islamisation rampante de Nangis, paisible ville de Seine et Marne fait de lui un adepte de " la théorie complotiste-extrême-droite du Grand remplacement " sans que quiconque se donne la peine de réfuter les faits qu’il décrit – et pour cause. Et quand il affirme, sur LCI, que les hommes ont peur, son interlocutrice, une péronnelle blonde à l’air méchant, le toise, semblant penser qu’ils ont bien raison d’avoir peur, toi le premier. Les ligues de vertu avaient fabriqué un monstre avec Depardieu. En une semaine, elles accouchent d’une nouvelle figure du mal et du mâle à abattre.



Acte IV. La litanie des autocritiques.



Pour nombre de signataires, la pression morale et financière est insupportable. Ils n’ont pas l’habitude des flots de haine et d’injures qui s’abattent sur eux. Leurs agents les engueulent, ils se font pourrir par leurs neveux woke lors des dîners de famille, des directeurs de théâtre, des producteurs, des diffuseurs, des réalisateurs menacent à mots couverts. Ils doivent lâcher l’ennemi du Parti sous peine d’être purgé avec lui. Certains, honteux de leur propre reculade, se retirent sur la pointe des pieds, parfois après avoir adressé en privé à Ezziadi un signe amical – je suis désolé mais je n’ai pas le choix. Jacques Weber pleurniche, écrivant curieusement que sa signature était un  " autre viol  " – son respect de la présomption d’innocence aura duré deux semaines. D’autres en rajoutent dans l’adoration de la Révolution, braillent comme des pourceaux, jurant qu’ils ont été trahis, manipulés, envoutés par un petit comploteur d’extrême droite. Puisque Le Monde le dit, il ne leur vient même pas à l’esprit de se poser une question. Comme me l’écrit Jonathan Siksou, " si Ariane Chemin ou BFM avait dit que Yannis était une table à roulettes ou un pélican, tout le monde le croirait ". Ils ont signé parce qu’ils croyaient que le vent avait tourné. Ils se replacent naturellement dans le sens du vent.



Le plus inquiétant est que la machine à détruire s’en prenne à un jeune homme qui n’a aucun pouvoir, sinon celui de son grand charme et du plaisir que ses amis prennent à sa compagnie. Contrairement aux consœurs qui peuvent encore briser des carrières et réduire des hommes au chômage sur la seule foi d’accusations (les femmes ne mentent jamais), Yannis Ezziadi ne peut nuire à personne. Il a effectivement monté son attentat contre la bienséance avec sa seule force de conviction. Il s’est pendu au téléphone, d’abord avec les amis, puis les amis d’amis, chacun des signataires a donné ses contacts, certains, dit « oui » puis « non » en fonction de leurs dîners de la veille.



Il n’est guère étonnant que ce dandy fantastiquement drôle qui peut pleurer de bonheur en écoutant un opéra ou en regardant une corrida enrage les vestales fanatiques de la religion des femmes et tous ceux qui, terrifiés, psalmodient derrière elles. Yannis Ezziadi possède quelque chose que ces esprits policiers haïssent parce qu’ils y ont renoncé. Cela s’appelle la liberté.



Epilogue. Le Parti a toujours raison.



Les tricoteuses féministes ont réduit au silence tous ceux qui auraient pu, qui auraient dû, se lever contre ce procès de Moscou. Beaucoup se taisent par peur d’être à leur tour soupçonnés, donc condamnés. On peut le comprendre mais ils ont tort. Pour peu qu’ils aient une sexualité vaguement débridée (quoique parfaitement légale), ils finiront, eux aussi, par être arrêtés un matin, même sans avoir jamais rien fait. Si toutes les stars de la tribune Depardieu avaient tenu bon et adressé un grand bras d’honneur aux maitres-chanteurs, le rapport de forces aurait changé. Un peu de courage ne nuit pas.



Oui, il y a des raisons d’avoir peur. L’inquisition a gagné une bataille. Si demain, plus personne n’ose sortir des clous de la bienséance, si nous acceptons docilement que Polanski, Depardieu et tant d’autres soient brûlés en place publique, que leurs œuvres soient bannies des écrans et des mémoires, elle règnera sur nos esprits. Quand on a peur de dire ce qu’on pense, on finit par avoir peur de penser.



[1] Des deux sexes mais le féminin pour tout le monde est ici parfaitement justifié

Auteur: Lévy Elisabeth

Info: Causeur, 4 janvier 2024

[ pouvoir sémantique ] [ Gaule ] [ parisianisme ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

consumérisme

La pornographie c’est ce à quoi ressemble la fin du monde
"Cinquante nuances de Grey", le livre comme le film, est une glorification du sadisme qui domine quasiment tous les aspects de la culture américaine et qui repose au coeur de la pornographie et du capitalisme mondial. Il célèbre la déshumanisation des femmes. Il se fait le champion d’un monde dépourvu de compassion, d’empathie et d’amour. Il érotise le pouvoir hypermasculin à l’origine de l’abus, de la dégradation, de l’humiliation et de la torture des femmes dont les personnalités ont été supprimées, dont le seul désir est de s’avilir au service de la luxure mâle. Le film, tout comme "American Sniper", accepte inconditionnellement un monde prédateur où le faible et le vulnérable sont les objets de l’exploitation tandis que les puissants sont des demi-dieu violents et narcissiques. Il bénit l’enfer capitaliste comme naturel et bon.

"La pornographie", écrit Robert Jensen, "c’est ce à quoi ressemble la fin du monde."

Nous sommes aveuglés par un fantasme auto-destructeur. Un éventail de divertissements et de spectacles, avec les émissions de télé "réalité", les grands évènements sportifs, les médias sociaux, le porno (qui engrange au moins le double de ce que génèrent les films hollywoodiens), les produits de luxe attirants, les drogues, l’alcool et ce Jésus magique, nous offre des issues de secours — échappatoires à la réalité — séduisantes. Nous rêvons d’être riches, puissants et célèbres. Et ceux que l’on doit écraser afin de construire nos pathétiques petits empires sont considérés comme méritants leurs sorts. Que la quasi-totalité d’entre nous n’atteindra jamais ces ambitions est emblématique de notre auto-illusionnement collectif et de l’efficacité de cette culture submergée par manipulations et mensonges.

Le porno cherche à érotiser le sadisme. Dans le porno les femmes sont payées pour répéter les mantras "Je suis une chatte. Je suis une salope. Je suis une pute. Je suis une putain. Baise moi violemment avec ta grosse bite." Elles demandent à être physiquement abusées. Le porno répond au besoin de stéréotypes racistes dégradants. Les hommes noirs sont des bêtes sexuelles puissantes harcelant les femmes blanches. Les femmes noires ont une soif de luxure brute, primitive. Les femmes latinos sont sensuelles et ont le sang chaud. Les femmes asiatiques sont des geishas dociles, sexuellement soumises. Dans le porno, les imperfections humaines n’existent pas. Les poitrines siliconées démesurées, les lèvres pulpeuses gonflées de gel, les corps sculptés par des chirurgiens plastiques, les érections médicalement assistées qui ne cessent jamais et les régions pubiennes rasées — qui correspondent à la pédophilie du porno — transforment les exécutants en morceaux de plastique. L’odeur, la transpiration, l’haleine, les battements du cœur et le toucher sont effacés tout comme la tendresse. Les femmes dans le porno sont des marchandises conditionnées. Elles sont des poupées de plaisir et des marionnettes sexuelles. Elles sont dénuées de leurs véritables émotions. Le porno n’a rien à voir avec le sexe, si on définit le sexe comme un acte mutuel entre deux partenaires, mais relève de la masturbation, une auto-excitation solitaire et privée d’intimité et d’amour. Le culte du moi — qui est l’essence du porno — est au cœur de la culture corporatiste. Le porno, comme le capitalisme mondial, c’est là où les êtres humains sont envoyés pour mourir.

Il y a quelques personnes à gauche qui saisissent l’immense danger de permettre à la pornographie de remplacer l’intimité, le sexe et l’amour. La majorité de la gauche pense que la pornographie relève de la liberté d’expression, comme s’il était inacceptable d’exploiter financièrement et d’abuser physiquement une femme dans une usine en Chine mais que le faire sur un lieu de tournage d’un film porno était acceptable, comme si la torture à Abu Ghraib — où des prisonniers furent humiliés sexuellement et abusés comme s’ils étaient dans un tournage porno — était intolérable, mais tolérable sur des sites de pornographies commerciaux.

Une nouvelle vague de féministes, qui ont trahi l’ouvrage emblématique de radicales comme Andrea Dworkin, soutiennent que le porno est une forme de libération sexuelle et d’autonomisation. Ces "féministes", qui se basent sur Michel Foucault et Judith Butler, sont les produits attardés du néolibéralisme et du postmodernisme. Le féminisme, pour eux, ne relève plus de la libération de la femme opprimée; il se définit par une poignée de femmes qui ont du succès, sont riches et puissantes — où, comme c’est le cas dans "cinquante nuances de grey", capables d’accrocher un homme puissant et riche. C’est une femme qui a écrit le livre "Cinquante nuances", ainsi que le scénario du film. Une femme a réalisé le film. Une femme dirigeante d’un studio a acheté le film. Cette collusion des femmes fait partie de l’internalisation de l’oppression et de la violence sexuelle, qui s’ancre dans le porno. Dworkin l’avait compris. Elle avait écrit que "la nouvelle pornographie est un vaste cimetière où la Gauche est allée mourir. La Gauche ne peut avoir ses prostituées et leurs politiques."

J’ai rencontré Gail Dines, l’une des radicales les plus prééminentes du pays, dans un petit café à Boston mardi. Elle est l’auteur de "Pornland: Comment le porno a détourné notre sexualité" (“Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality”) et est professeure de sociologie et d’études féminines à l’université de Wheelock. Dines, ainsi qu’une poignée d’autres, dont Jensen, dénoncent courageusement une culture aussi dépravée que la Rome de Caligula.

"L’industrie du porno a détourné la sexualité d’une culture toute entière, et dévaste toute une génération de garçons", nous avertit elle. "Et quand vous ravagez une génération de garçons, vous ravagez une génération de filles."

"Quand vous combattez le porno vous combattez le capitalisme mondial", dit-elle. "Les capitaux-risqueurs, les banques, les compagnies de carte de crédit sont tous partie intégrante de cette chaine alimentaire. C’est pourquoi vous ne voyez jamais d’histoires anti-porno. Les médias sont impliqués. Ils sont financièrement mêlés à ces compagnies. Le porno fait partie de tout ceci. Le porno nous dit que nous n’avons plus rien d’humains — limite, intégrité, désir, créativité et authenticité. Les femmes sont réduites à trois orifices et deux mains. Le porno est niché dans la destruction corporatiste de l’intimité et de l’interdépendance, et cela inclut la dépendance à la Terre. Si nous étions une société d’être humains entiers et connectés en véritables communautés, nous ne supporterions pas de regarder du porno. Nous ne supporterions pas de regarder un autre être humain se faire torturer."

"Si vous comptez accumuler la vaste majorité des biens dans une petite poignée de mains, vous devez être sûr d’avoir un bon système idéologique en place qui légitimise la souffrance économique des autres", dit elle. "Et c’est ce que fait le porno. Le porno vous dit que l’inégalité matérielle entre femmes et hommes n’est pas le résultat d’un système économique. Que cela relève de la biologie. Et les femmes, n’étant que des putes et des salopes bonnes au sexe, ne méritent pas l’égalité complète. Le porno c’est le porte-voix idéologique qui légitimise notre système matériel d’inégalités. Le porno est au patriarcat ce que les médias sont au capitalisme."

Pour garder excités les légions de mâles facilement ennuyés, les réalisateurs de porno produisent des vidéos qui sont de plus en plus violentes et avilissantes. "Extreme Associates", qui se spécialise dans les scènes réalistes de viols, ainsi que JM Productions, mettent en avant les souffrances bien réelles endurées par les femmes sur leurs plateaux. JM Productions est un pionnier des vidéos de "baise orale agressive" ou de "baise faciale" comme les séries "étouffements en série", dans lesquelles les femmes s’étouffent et vomissent souvent. Cela s’accompagne de "tournoiements", dans lesquels le mâle enfonce la tête de la femme dans les toilettes puis tire la chasse, après le sexe. La compagnie promet, "toutes les putes subissent le traitement tournoyant. Baise la, puis tire la chasse". Des pénétrations anales répétées et violentes entrainent des prolapsus anaux, une pathologie qui fait s’effondrer les parois internes du rectum de la femme et dépassent de son anus. Cela s’appelle le "rosebudding". Certaines femmes, pénétrées à de multiples reprises par nombre d’hommes lors de tournages pornos, bien souvent après avoir avalé des poignées d’analgésiques, ont besoin de chirurgie reconstructrices anales et vaginales. Les femmes peuvent être affectées par des maladies sexuellement transmissibles et des troubles de stress post-traumatique (TSPT). Et avec la démocratisation du porno — certains participants à des vidéos pornographiques sont traités comme des célébrités dans des émissions comme celles d’Oprah et d’Howard Stern — le comportement promu par le porno, dont le strip-tease, la promiscuité, le sadomasochisme et l’exhibition, deviennent chic. Le porno définit aussi les standards de beauté et de comportements de la femme. Et cela a des conséquences terribles pour les filles.

"On dit aux femmes qu’elles ont deux choix dans notre société", me dit Gail Dines. "Elles sont soit baisables soit invisibles. Être baisable signifie se conformer à la culture du porno, avoir l’air sexy, être soumise et faire ce que veut l’homme. C’est la seule façon d’être visible. Vous ne pouvez pas demander aux filles adolescentes, qui aspirent plus que tout à se faire remarquer, de choisir l’invisibilité."

Rien de tout ça, souligne Dines, n’est un accident. Le porno a émergé de la culture de la marchandise, du besoin de vendre des produits qu’ont les capitalistes corporatistes.

"Dans l’Amérique d’après la seconde guerre mondiale, vous avez l’émergence d’une classe moyenne avec un revenu disponible", explique-t-elle. "Le seul problème c’est que ce groupe est né de parents qui ont connu la dépression et la guerre. Ils ne savaient pas comment dépenser. Ils ne savaient qu’économiser. Ce dont [les capitalistes] avaient besoin pour faire démarrer l’économie c’était de gens prêts à dépenser leur argent pour des choses dont ils n’avaient pas besoin. Pour les femmes ils ont créé les séries télévisées. Une des raisons pour lesquelles les maisons style-ranch furent développées, c’était parce que [les familles] n’avaient qu’une seule télévision. La télévision était dans le salon et les femmes passaient beaucoup de temps dans la cuisine. Il fallait donc diviser la maison de façon à ce qu’elles puissent regarder la télévision depuis la cuisine. Afin qu’elle puisse être éduquée". [Via la télévision]

"Mais qui apprenait aux hommes à dépenser leur argent?" continue-t-elle. "Ce fut Playboy [Magazine]. Ce fut le génie de Hugh Hefner. Il comprit qu’il ne suffisait pas de marchandiser la sexualité, mais qu’il fallait sexualiser les marchandises. Les promesses de Playboy n’étaient pas les filles où les femmes, c’était que si vous achetez autant, si vous consommez au niveau promu par Playboy, alors vous obtenez la récompense, qui sont les femmes. L’étape cruciale à l’obtention de la récompense était la consommation de marchandises. Il a incorporé le porno, qui sexualisait et marchandisait le corps des femmes, dans le manteau de la classe moyenne. Il lui a donné un vernis de respectabilité."

Le VCR, le DVD, et plus tard, Internet ont permis au porno de s’immiscer au sein des foyers. Les images satinées de Playboy, Penthouse et Hustler devinrent fades, voire pittoresques. L’Amérique, et la majeure partie du reste du monde, se pornifia. Les revenus de l’industrie du mondiale du porno sont estimés à 96 milliards de $, le marché des USA comptant pour environ 13 milliards. Il y a, écrit Dines, "420 millions de pages porno sur internet, 4.2 millions de sites Web porno, et 68 millions de requêtes porno dans les moteurs de recherches chaque jour."

Parallèlement à la croissance de la pornographie, il y a eu explosion des violences liées au sexe, y compris des abus domestiques, des viols et des viols en réunion. Un viol est signalé toutes les 6.2 minutes aux USA, mais le total estimé, qui prend en compte les assauts non-rapportés, est peut-être 5 fois plus élevé, comme le souligne Rebecca Solnit dans son livre "Les hommes m’expliquent des choses".

"Il y a tellement d’hommes qui assassinent leurs partenaires et anciennes partenaires, nous avons bien plus de 1000 homicides de ce type chaque année — ce qui signifie que tous les trois ans le nombre total de morts est la première cause d’homicides relevés par la police, bien que personne ne déclare la guerre contre cette forme particulière de terreur", écrit Solnit.

Pendant ce temps-là, le porno est de plus en plus accessible.

"Avec un téléphone mobile vous pouvez fournir du porno aux hommes qui vivent dans les zones densément peuplées du Brésil et de l’Inde", explique Dines. "Si vous avez un seul ordinateur portable dans la famille, l’homme ne peut pas s’assoir au milieu du salon et se masturber. Avec un téléphone, le porno devient portable. L’enfant moyen regarde son porno sur son téléphone mobile".

L’ancienne industrie du porno, qui engrangeait de l’argent grâce aux films, est morte. Les éléments de la production ne génèrent plus de profits. Les distributeurs de porno engrangent la monnaie. Et un distributeur, MindGeek, une compagnie mondiale d’informatique, domine la distribution du porno. Le porno gratuit est utilisé sur internet comme appât par MindGeek pour attirer les spectateurs vers des sites de pay-per-view (paye pour voir). La plupart des utilisateurs de ces sites sont des adolescents. C’est comme, explique Dines, "distribuer des cigarettes à la sortie du collège. Vous les rendez accrocs."

"Autour des âges de 12 à 15 ans vous développez vos modèles sexuels", explique-t-elle. "Vous attrapez [les garçons] quand ils construisent leurs identités sexuelles. Vous les marquez à vie. Si vous commencez par vous masturber devant du porno cruel et violent, alors vous n’allez pas rechercher intimité et connectivité. Les études montrent que les garçons perdent de l’intérêt pour le sexe avec de véritables femmes. Ils ne peuvent maintenir des érections avec des vraies femmes. Dans le porno il n’y a pas de "faire l’amour". Il s’agit de "faire la haine". Il la méprise. Elle le dégoute et le révolte. Si vous amputez l’amour vous devez utiliser quelque chose pour remplir le trou afin de garder le tout intéressant. Ils remplissent ça par la violence, la dégradation, la cruauté et la haine. Et ça aussi ça finit par être ennuyeux. Il faut sans cesse surenchérir. Les hommes jouissent du porno lorsque les femmes sont soumises. Qui est plus soumis que les enfants? La voie du porno mène inévitablement au porno infantile. Et c’est pourquoi des organisations qui combattent le porno infantile sans combattre le porno adulte font une grave erreur."

L’abus inhérent à la pornographie n’est pas remis en question par la majorité des hommes et des femmes. Regardez les entrées du film "cinquante nuances de grey", qui est sorti la veille de la saint valentin et qui prévoit d’engranger plus de 90 millions de $ sur ce week-end de quatre jours (avec la journée du président de ce lundi).

"La pornographie a socialisé une génération d’hommes au visionnage de tortures sexuelles’, explique Dines. Vous n’êtes pas né avec cette capacité. Vous devez être conditionné pour cela. Tout comme vous conditionnez des soldats afin qu’ils tuent. Si vous voulez être violent envers un groupe, vous devez d’abord le déshumaniser. C’est une vieille méthode. Les juifs deviennent des youpins. Les noirs des nègres. Les femmes des salopes. Et personne ne change les femmes en salope mieux que le porno."

Auteur: Hedges Christopher Lynn

Info: truthdig.com, 15 février 2015

[ vingt-et-unième siècle ]

 

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psychosomatique

Nous avons 2 cerveaux.

On se demande souvent pourquoi les gens ont des "boules" dans l'estomac avant d'aller sur scène ? Ou pourquoi un entretien d'emploi imminent peut causer des crampes intestinales ? Ainsi que : pourquoi les antidépresseur qui visent le cerveau causent la nausée ou un bouleversement abdominal chez des millions de personnes qui prennent de telles drogues ?

Les scientifiques disent que la raison de ces réactions est que notre corps a deux cerveaux : le familier, dans le crâne et, moins connus, mais extrêmement importants un autre dans l'intestin humain- Tout comme des jumeaux siamois, les deux cerveaux sont reliés ensemble ; quand l'un est affecté, l'autre aussi. Le cerveau de l'intestin, connu sous le nom de système nerveux entérique, est situé dans les gaines du tissu qui tapissent l'oesophage, l'estomac, le petit intestin et le colon. Si on le considère comme une simple entité, c'est un réseau de neurones, de neurotransmetteurs et de protéines qui zappent des messages entre eux, soutiennent des cellules comme celles du cerveau proprement dit et offrent des circuits complexes qui lui permettent d'agir indépendamment, d'apprendre, de se rappeler et, selon le dicton, de produire des sensations dans les intestins.

Le cerveau de l'intestin joue un rôle important dans le bonheur et la misère humains. Mais peu de gens savent qu'il existe indique le Dr. Michael Gershon, professeur d'anatomie et de biologie des cellules au centre médical presbytérien de Colombia à New York. Pendant des années, on a dit aux gens qui ont des ulcères, des problèmes pour avaler ou des douleurs abdominales chroniques que leurs problèmes étaient imaginaires ou, émotifs, c'est à dire simplement dans leurs têtes. Ces gens ont donc faits la navette entre divers psychiatres pour le traitement. Les médecins avaient raison en attribuant ces problèmes au cerveau dit le DR. Gershon, mais ils blâment le faux. Beaucoup de désordres gastro-intestinaux, comme le syndrome d'entrailles irritable proviennent des problèmes dans le propre cerveau de l'intestin, affirme-t'il. Les symptômes provenant des deux cerveaux - tendent à être confus : " Comme le cerveau peut déranger l'intestin, l'intestin peut également déranger le cerveau... si tu es enchaîné aux toilette avec un serre joint, tu seras aussi affecté."

Les détails de la façon dont le système nerveux entérique reflète le système nerveux central ont émergé ces dernières années, dit le Dr. Gershon, et c'est considéré comme un nouveau champ d'investigation appelé neuro-gastro-enterologie par la médecine. Ainsi, presque chaque substance qui aide à faire fonctionner et à commander le cerveau a donné des résultat dans l'intestin, dit Gershon. Les neurotransmetteurs principaux comme la sérotonine, dopamine, glutamate, nopépinéphrine et l'oxyde nitrique sont là. Deux douzaine de petites protéines cervicales, appelées les neuropeptides, sont dans l'intestin, comme les cellules principales du système immunitaire. Les Enkephalins, une classe d'opiacés normaux du corps, sont dans l'intestin et, constatation qui laisse les chercheurs perplexe, l'intestin est une riche source de benzodiazépines - la famille des produits chimiques psycho-actifs qui inclut des drogues toujours populaires telles que le Valium et le Xanax.

En termes évolutionnistes, il est assez clair que le corps a deux cerveaux, dit le Dr. David Wingate, professeur de science gastro-intestinale à l'université de Londres et conseiller à l'hôpital royal de Londres. Les premiers systèmes nerveux étaient des animaux non tubulaires qui collaient aux roches et attendaient le passage de nourriture. Le système limbique est souvent désignée sous le nom de "cerveau reptilien". Alors que la vie évoluait, les animaux ont eu besoin d'un cerveau plus complexe pour trouver la nourriture et un partenaire sexuel et ainsi ont développé un système nerveux central. Mais le système nerveux de l'intestin était trop important pour l'intégrer à cette nouvelle tête, même avec de longs raccordements sur tout le corps. Un rejeton à toujours besoin de manger et digérer de la nourriture à la naissance. Par conséquent, la nature semble avoir préservé le système nerveux entérique en tant que circuit indépendant.

Chez de plus grands animaux, il est simplement relié de manière vague au système nerveux central et peut la plupart du temps fonctionner seul, sans instructions de l'extérieur. C'est en effet l'image vue par les biologistes développementalistes. Une motte de tissus appelée la "crête neurale" se forme tôt dans l'embryogenese dit le DR.Gershon. Une section se transforme en système nerveux central. Un autre morceau émigre pour devenir le système nerveux entérique. Et postérieurieurement seulement les deux systèmes nerveux seront relié par l'intermédiaire d'une sorte de câble appelé le nerf "vagus". Jusque à relativement récemment, les gens ont pensé que les muscles et les nerfs sensoriels de l'intestin étaient câblés directement au cerveau et que le cerveau commandait l'intestin par deux voies qui augmentaient ou diminuaient les taux de l'activité. L'intestin étant un simple tube avec des réflexes. L'ennui est que personne ne pris la peine de compter les fibres de nerf dans l'intestin. Quand on l'a fait on fut étonné de constater que l'intestin contient 100 millions de neurones - plus que la moelle épinière.

Pourtant le conduit vagus n'envoie qu'environ deux mille fibres de nerf vers l'intestin. Le cerveau envoie des signaux à l'intestin en parlant à un nombre restreint de'"neurones de commande", qui envoient à leur tour des signaux aux neurones internes de l'intestin qui diffusent les messages. Les neurones et les inter neurones de commande sont dispersées dans deux couches de tissu intestinal appelées le plexus myenteric et le plexus subrmuscosal. ("le plexus solaire" est en fait un terme de boxe qui se réfère simplement aux nerfs de l'abdomen.) Ces neurones commandent et contrôlent le modèle de l'activité de l'intestin. Le nerf vagus modifie seulement le volume en changeant le taux de mise à feu. Les plexus contiennent également les cellules gliales qui nourrissent les neurones, les cellules pylônes impliquées dans des immuno-réactions, et "une barrière de sang cervical " qui maintient ces substances nocives loin des neurones importants. Ils ont des sondes pour les protéines de sucre, d'acidité et d'autres facteurs chimiques qui pourraient aider à surveiller le progrès de la digestion, déterminant comment l'intestin mélange et propulse son contenu. "Ce n'est pas une voie simple", Y sont employés des circuits intégrés complexes, pas différents du cerveau." Le cerveau de l'intestin et le cerveau de la tête agissent de la même manière quand ils sont privés d'informations venant du monde extérieur.

Pendant le sommeil, le cerveau de la tête produit des cycles de 90-minutes de sommeil lent, ponctué par des périodes de sommeil avec des mouvement d'oeil rapide (REM) où les rêves se produisent. Pendant la nuit, quand il n'a aucune nourriture, le cerveau de l'intestin produit des cycles 90-minute de lentes vagues de contractions des muscles, ponctuées par de courts gerbes de mouvements rapides des muscles, dit le Dr. Wingate. Les deux cerveaux peuvent donc s'influencer dans cet état. On a trouvé des patients présentant des problèmes d'entrailles ayant un sommeil REM anormal. Ce qui n'est pas contradictoire avec la sagesse folklorique qui voudrait que l'indigestion pousse au cauchemar. Alors que la lumière se fait sur les connexions entre les deux cerveaux, les chercheurs commencent à comprendre pourquoi les gens agissent et se sentent de telle manière.

Quand le cerveau central rencontre une situation effrayante, il libère les hormones d'effort qui préparent le corps combattre ou à se sauver dit le DR.Gershon. L'estomac contient beaucoup de nerfs sensoriels qui sont stimulés par cette montée chimique subite - ainsi surviennent les ballonnements. Sur le champ de bataille, le cerveau de la tête indique au cerveau d'intestin arrêter dit le DR.Gershon " Effrayé un animal en train de courir ne cesse pas de déféquer ". La crainte fait aussi que le nerf vagus au "monte le volume" des circuits de sérotonine dans l'intestin. Ainsi, trop stimulé, l'intestin impulse des vitesse élevés et, souvent, de la diarrhée. De même, des gens s'étouffent avec l'émotion. Quand des nerfs dans l'oesophage sont fortement stimulés, les gens peuvent éprouver des problèmes d'ingestion. Même le prétendu " Moment de Maalox " d'efficacité publicitaire peut être expliqué par les deux cerveaux agissant en interaction, dit le Dr. Jackie D. Wood, président du département de physiologie à l'université de l'Etat de l'Ohio à Columbus. Les signaux d'effort du cerveau de la tête peuvent changer la fonction de nerf entre l'estomac et l'oesophage, ayant pour résultat la brûlure d'estomac.

Dans les cas d'efforts extrême. le cerveau dominant semble protéger l'intestin en envoyant des signaux aux cellules pylônes immunologiques dans le plexus. Les cellules pylônes sécrètent l'histamine, la prostaglandine et d'autres agents qui aident à produire l'inflammation. "C'est protecteur. Si un animal est en danger et sujet au trauma, la substance sale dans les intestins est seulement à quelques cellules du reste du corps. En enflammant l'intestin, le cerveau amorce l'intestin pour la surveillance. Si la barrière se casse, l'intestin est prêt à faire les réparations ". Dit le DR. Wood. Malheureusement, ces produits chimiques libérés causent également la diarrhée et les crampes. Ceci explique également beaucoup d'interactions.."quand tu prends une drogue pour avoir des effets psychiques sur le cerveau, il est très probable que tu auras aussi des effets sur l'intestin. Réciproquement, les drogues développées pour le cerveau ont des utilisations pour l'intestin.

Par exemple, l'intestin est chargé avec la sérotonine des neurotransmetteur. Quand des récepteurs de pression de la doublure de l'intestin sont stimulés, la sérotonine est libérée et commence le mouvement réflexe du péristaltisme. Maintenant un quart des personnes prenant du Prozac ou des antidépresseur semblables ont des problèmes gastro- intestinaux comme la nausée, diarrhée et constipation. Ces drogues agissent sur la sérotonine, empêchant sa prise par les cellules cible de sorte qu'elle demeure plus abondante dans le système nerveux central. Dans une étude le DR.Gershon et ses collègues expliquent les effets secondaires du Prozac sur l'intestin. Ils ont monté une section de colon du cobaye sur un stand et ont mis un petit granule à l'extrémité de la "bouche". Le colon isolé fouette le granule vers le bas vers l'extrémité "anale" de la colonne, juste comme il le ferai à l'intérieur de l'animal. Quand les chercheurs ont mis un peu de Prozac dans le colon, le granule " y est entré dans la haute vitesse". La drogue a doublé la vitesse à laquelle le granule a traversé le colon, ce qui expliqueraient pourquoi certains ont la diarrhée. Le Prozac a été parfois utilisé à petites doses pour traiter la constipation chronique, a il ajouté. Mais quand les chercheurs ont augmenté la quantité de Prozac dans le colon du cobaye, le granule a cessé de se déplacer. Le DR Gershon dit que c'est pourquoi certains deviennent constipé avec cette drogue. Et parce que les nerfs sensoriels stimulés par Prozac peuvent également causer la nausée. Certains antibiotiques comme la crythromycine agissent sur des récepteurs d'intestin et produisent des oscillations. Certaines ont alors des crampes et des nausées. Des drogues comme la morphine et l'héroïne s'attachent aux récepteurs des opiacé de l'intestin, produisant la constipation. En effet, les deux cerveaux peuvent être intoxiqués aux opiacés. Les victimes des maladies d'Alzheimer et de Parkinson souffrent de constipation. Les nerfs dans leur intestin sont aussi malades que les cellules de nerf dans leurs cerveaux. Juste comme le cerveau central affecte l'intestin, le cerveau de l'intestin peut parler à la tête. La plupart des sensations d'intestin qui entrent dans la part consciente sont des choses négatives comme la douleur et le ballonnement.

Les gens ne s'attendent pas à sentir "du bon" venant de l'intestin... mais cela ne signifie pas que de tels signaux sont absents. Par conséquent, il y a la question intrigante : pourquoi l'intestin produit-il de la benzodiazépine ? Le cerveau humain contient des récepteurs pour la benzodiazépine, une drogue qui soulage l'inquiétude, suggérant que le corps produise sa propre source interne de la drogue, dit le Dr. Anthony Basile, neurochimiste au laboratoire de neurologie aux instituts nationaux de la santé a Bethesda. Il y a plusieurs années, dit-il, un scientifique italien a fait une découverte plus effrayante. Les patients présentant un disfonctionnement du foie tombèrent dans un coma profond. Le coma put être renversé, en quelques minutes, en donnant aux patients une drogue qui bloque la benzodiazépine. Quand le foie s'arrête, les substances habituellement neutralisées par le foie vont au cerveau. Certaines sont mauvaises, comme l'ammoniaque et les mercaptans, qui sont "les composés puants que les putois pulvérisent pour se défendre ". Mais une série de composés est également identique à la benzodiazépine. " Nous ne savons pas s'ils viennent de l'intestin lui-même, de bactéries dans l'intestin ou de la nourriture". dit. Le Dr Basile. Mais quand le foie s'arrête la benzodiazépine de l'intestin va directement au cerveau, mettant le patient dans le coma.

L'intérêt pour de telles interactions entre le cerveau d'intestin et celui de tête est énorme... Par exemple, beaucoup de personnes sont allergiques à certaines nourritures, comme les mollusques et les crustacés. C'est parce que les cellules pylônes dans l'intestin deviennent mystérieusement sensibilisées aux antigènes de la nourriture. La prochaine fois que l'antigène apparaît dans l'intestin ; les cellules pylônes appellent un programme, libérant des modulateurs chimiques, qui essaye d'éliminer la menace. La personne allergique se retrouve donc avec de la diarrhée et des crampes. Beaucoup de maladies auto-immunes comme la maladie de Krohn et les colites ulcérative peuvent impliquer le cerveau de l'intestin. Les conséquences peuvent être horribles, comme dans la maladie de Chagas, qui est provoquée par un parasite trouvé en Amérique du sud. Les infectés développent une réponse auto-immune des neurones de leur intestin. Leurs systèmes immunitaires détruit alors lentement leurs propres neurones intestinales. Quand assez de neurones sont mortes, les intestins éclatent littéralement.

Restent ces questions : Est ce que le cerveau de l'intestin apprend ? Pense - il pour lui-même ? L'intestin humain a été longtemps vu comme le réceptacle des bons et des mauvais sentiments. Des états peut-être émotifs du cerveau de la tête sont reflétés dans le cerveau de l'intestin, ou sont-ils ressentis que par ceux qui prêtent l'attention à elles. Le cerveau de l'intestin prend la forme de deux réseaux de raccordements neuraux dans la doublure de l'appareil gastro-intestinal, appelée le plexus myenteric et le plexus subrnucosal. Les nerfs sont fortement reliés ensemble et ont une influence directe sur des choses comme la vitesse de la digestion, le mouvement et des sécrétions de la muqueuses "comme-des-doigts" qui ligne les intestins et les contractions des différents genres de muscle dans les parois de l'intestin. Autoroute cerveau intestin à 2 voies : RUE Bidirectionnelle : L'intestin a son propre esprit, le système nerveux entérique. Juste comme le cerveau dans la tête, disent les chercheurs. Ce système envoie et reçoit des impulsions, enregistre, fait des expériences et répond aux émotions. Ses cellules nerveuse sont baignées et influencées par les mêmes neurotransmetteurs. L'intestin peut déranger le cerveau juste comme le cerveau peut déranger l'intestin. Diagramme des parois du petit intestin : un plan de coupe montre deux réseaux de nerfs qui composent le système nerveux entérique, ou "cerveau dans l'intestin". Le premier réseau, appelé le plexus submucosal, est juste sous la doublure muqueuse. le second, le plexus myenteric, se trouve entre les deux manteaux de muscle.

Auteur: Blakeslee Sandra

Info: New York Times 23 Janvier 1996

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Chat GPT ou le perroquet grammairien

L’irruption des IA conversationnelles dans la sphère publique a conféré une pertinence supplémentaire aux débats sur le langage humain et sur ce qu’on appelle parler. Notamment, les IA redonnent naissance à un débat ancien sur la grammaire générative et sur l’innéisme des facultés langagières. Mais les grands modèles de langage et les IA neuronales nous offrent peut-être l’occasion d’étendre le domaine de la réflexion sur l’architecture des systèmes possibles de cognition, de communication et d’interaction, et considérant aussi la façon dont les animaux communiquent.

a capacité de ChatGPT à produire des textes en réponse à n’importe quelle requête a immédiatement attiré l’attention plus ou moins inquiète d’un grand nombre de personnes, les unes animées par une force de curiosité ou de fascination, et les autres, par un intérêt professionnel.

L’intérêt professionnel scientifique que les spécialistes du langage humain peuvent trouver aux Large Language Models ne date pas d’hier : à bien des égards, des outils de traduction automatique comme DeepL posaient déjà des questions fondamentales en des termes assez proches. Mais l’irruption des IA conversationnelles dans la sphère publique a conféré une pertinence supplémentaire aux débats sur ce que les Large Language Models sont susceptibles de nous dire sur le langage humain et sur ce qu’on appelle parler.

L’outil de traduction DeepL (ou les versions récentes de Google Translate) ainsi que les grands modèles de langage reposent sur des techniques d’" apprentissage profond " issues de l’approche " neuronale " de l’Intelligence Artificielle : on travaille ici sur des modèles d’IA qui organisent des entités d’information minimales en les connectant par réseaux ; ces réseaux de connexion sont entraînés sur des jeux de données considérables, permettant aux liaisons " neuronales " de se renforcer en proportion des probabilités de connexion observées dans le jeu de données réelles – c’est ce rôle crucial de l’entraînement sur un grand jeu de données qui vaut aux grands modèles de langage le sobriquet de " perroquets stochastiques ". Ces mécanismes probabilistes sont ce qui permet aussi à l’IA de gagner en fiabilité et en précision au fil de l’usage. Ce modèle est qualifié de " neuronal " car initialement inspiré du fonctionnement des réseaux synaptiques. Dans le cas de données langagières, à partir d’une requête elle-même formulée en langue naturelle, cette technique permet aux agents conversationnels ou aux traducteurs neuronaux de produire très rapidement des textes généralement idiomatiques, qui pour des humains attesteraient d’un bon apprentissage de la langue.

IA neuronales et acquisition du langage humain

Au-delà de l’analogie " neuronale ", ce mécanisme d’entraînement et les résultats qu’il produit reproduisent les théories de l’acquisition du langage fondées sur l’interaction avec le milieu. Selon ces modèles, généralement qualifiés de comportementalistes ou behavioristes car étroitement associés aux théories psychologiques du même nom, l’enfant acquiert le langage par l’exposition aux stimuli linguistiques environnants et par l’interaction (d’abord tâtonnante, puis assurée) avec les autres. Progressivement, la prononciation s’aligne sur la norme majoritaire dans l’environnement individuel de la personne apprenante ; le vocabulaire s’élargit en fonction des stimuli ; l’enfant s’approprie des structures grammaticales de plus en plus contextes ; et en milieu bilingue, les enfants apprennent peu à peu à discriminer les deux ou plusieurs systèmes auxquels ils sont exposés. Cette conception essentiellement probabiliste de l’acquisition va assez spontanément de pair avec des théories grammaticales prenant comme point de départ l’existence de patrons (" constructions ") dont la combinatoire constitue le système. Dans une telle perspective, il n’est pas pertinent qu’un outil comme ChatGPT ne soit pas capable de référer, ou plus exactement qu’il renvoie d’office à un monde possible stochastiquement moyen qui ne coïncide pas forcément avec le monde réel. Cela ne change rien au fait que ChatGPT, DeepL ou autres maîtrisent le langage et que leur production dans une langue puisse être qualifiée de langage : ChatGPT parle.

Mais ce point de vue repose en réalité sur un certain nombre de prémisses en théorie de l’acquisition, et fait intervenir un clivage lancinant au sein des sciences du langage. L’actualité de ces dernières années et surtout de ces derniers mois autour des IA neuronales et génératives redonne à ce clivage une acuité particulière, ainsi qu’une pertinence nouvelle pour l’appréhension de ces outils qui transforment notre rapport au texte et au discours. La polémique, comme souvent (trop souvent ?) quand il est question de théorie du langage et des langues, se cristallise – en partie abusivement – autour de la figure de Noam Chomsky et de la famille de pensée linguistique très hétérogène qui se revendique de son œuvre, généralement qualifiée de " grammaire générative " même si le pluriel (les grammaires génératives) serait plus approprié.

IA générative contre grammaire générative

Chomsky est à la fois l’enfant du structuralisme dans sa variante états-unienne et celui de la philosophie logique rationaliste d’inspiration allemande et autrichienne implantée sur les campus américains après 1933. Chomsky est attaché à une conception forte de la logique mathématisée, perçue comme un outil d’appréhension des lois universelles de la pensée humaine, que la science du langage doit contribuer à éclairer. Ce parti-pris que Chomsky qualifiera lui-même de " cartésien " le conduit à fonder sa linguistique sur quelques postulats psychologiques et philosophiques, dont le plus important est l’innéisme, avec son corollaire, l’universalisme. Selon Chomsky et les courants de la psychologie cognitive influencée par lui, la faculté de langage s’appuie sur un substrat génétique commun à toute l’espèce humaine, qui s’exprime à la fois par un " instinct de langage " mais aussi par l’existence d’invariants grammaticaux, identifiables (via un certain niveau d’abstraction) dans toutes les langues du monde.

La nature de ces universaux fluctue énormément selon quelle période et quelle école du " générativisme " on étudie, et ce double postulat radicalement innéiste et universaliste reste très disputé aujourd’hui. Ces controverses mettent notamment en jeu des conceptions très différentes de l’acquisition du langage et des langues. Le moment fondateur de la théorie chomskyste de l’acquisition dans son lien avec la définition même de la faculté de langage est un violent compte-rendu critique de Verbal Behavior, un ouvrage de synthèse des théories comportementalistes en acquisition du langage signé par le psychologue B.F. Skinner. Dans ce compte-rendu publié en 1959, Chomsky élabore des arguments qui restent structurants jusqu’à aujourd’hui et qui définissent le clivage entre l’innéisme radical et des théories fondées sur l’acquisition progressive du langage par exposition à des stimuli environnementaux. C’est ce clivage qui préside aux polémiques entre linguistes et psycholinguistes confrontés aux Large Language Models.

On comprend dès lors que Noam Chomsky et deux collègues issus de la tradition générativiste, Ian Roberts, professeur de linguistique à Cambridge, et Jeffrey Watumull, chercheur en intelligence artificielle, soient intervenus dans le New York Times dès le 8 mars 2023 pour exposer un point de vue extrêmement critique intitulée " La fausse promesse de ChatGPT ". En laissant ici de côté les arguments éthiques utilisés dans leur tribune, on retiendra surtout l’affirmation selon laquelle la production de ChatGPT en langue naturelle ne pourrait pas être qualifiée de " langage " ; ChatGPT, selon eux, ne parle pas, car ChatGPT ne peut pas avoir acquis la faculté de langage. La raison en est simple : si les Grands Modèles de Langage reposent intégralement sur un modèle behaviouriste de l’acquisition, dès lors que ce modèle, selon eux, est réfuté depuis soixante ans, alors ce que font les Grands Modèles de Langage ne peut être qualifié de " langage ".

Chomsky, trop têtu pour qu’on lui parle ?

Le point de vue de Chomsky, Roberts et Watumull a été instantanément tourné en ridicule du fait d’un choix d’exemple particulièrement malheureux : les trois auteurs avançaient en effet que certaines constructions syntaxiques complexes, impliquant (dans le cadre générativiste, du moins) un certain nombre d’opérations sur plusieurs niveaux, ne peuvent être acquises sur la base de l’exposition à des stimuli environnementaux, car la fréquence relativement faible de ces phénomènes échouerait à contrebalancer des analogies formelles superficielles avec d’autres tournures au sens radicalement différent. Dans la tribune au New York Times, l’exemple pris est l’anglais John is too stubborn to talk to, " John est trop entêté pour qu’on lui parle ", mais en anglais on a littéralement " trop têtu pour parler à " ; la préposition isolée (ou " échouée ") en position finale est le signe qu’un constituant a été supprimé et doit être reconstitué aux vues de la structure syntaxique d’ensemble. Ici, " John est trop têtu pour qu’on parle à [John] " : le complément supprimé en anglais l’a été parce qu’il est identique au sujet de la phrase.

Ce type d’opérations impliquant la reconstruction d’un complément d’objet supprimé car identique au sujet du verbe principal revient dans la plupart des articles de polémique de Chomsky contre la psychologie behaviouriste et contre Skinner dans les années 1950 et 1960. On retrouve même l’exemple exact de 2023 dans un texte du début des années 1980. C’est en réalité un exemple-type au service de l’argument selon lequel l’existence d’opérations minimales universelles prévues par les mécanismes cérébraux humains est nécessaire pour l’acquisition complète du langage. Il a presque valeur de shibboleth permettant de séparer les innéistes et les comportementalistes. Il est donc logique que Chomsky, Roberts et Watumull avancent un tel exemple pour énoncer que le modèle probabiliste de l’IA neuronale est voué à échouer à acquérir complètement le langage.

On l’aura deviné : il suffit de demander à ChatGPT de paraphraser cette phrase pour obtenir un résultat suggérant que l’agent conversationnel a parfaitement " compris " le stimulus. DeepL, quand on lui demande de traduire cette phrase en français, donne deux solutions : " John est trop têtu pour qu’on lui parle " en solution préférée et " John est trop têtu pour parler avec lui " en solution de remplacement. Hors contexte, donc sans qu’on sache qui est " lui ", cette seconde solution n’est guère satisfaisante. La première, en revanche, fait totalement l’affaire.

Le détour par DeepL nous montre toutefois la limite de ce petit test qui a pourtant réfuté Chomsky, Roberts et Watumull : comprendre, ici, ne veut rien dire d’autre que " fournir une paraphrase équivalente ", dans la même langue (dans le cas de l’objection qui a immédiatement été faite aux trois auteurs) ou dans une autre (avec DeepL), le problème étant que les deux équivalents fournis par DeepL ne sont justement pas équivalents entre eux, puisque l’un est non-ambigu référentiellement et correct, tandis que l’autre est potentiellement ambigu référentiellement, selon comment on comprend " lui ". Or l’argument de Chomsky, Roberts et Watumull est justement celui de l’opacité du complément d’objet… Les trois auteurs ont bien sûr été pris à défaut ; reste que le test employé, précisément parce qu’il est typiquement behaviouriste (observer extérieurement l’adéquation d’une réaction à un stimulus), laisse ouverte une question de taille et pourtant peu présente dans les discussions entre linguistes : y a-t-il une sémantique des énoncés produits par ChatGPT, et si oui, laquelle ? Chomsky et ses co-auteurs ne disent pas que ChatGPT " comprend " ou " ne comprend pas " le stimulus, mais qu’il en " prédit le sens " (bien ou mal). La question de la référence, présente dans la discussion philosophique sur ChatGPT mais peu mise en avant dans le débat linguistique, n’est pas si loin.

Syntaxe et sémantique de ChatGPT

ChatGPT a une syntaxe et une sémantique : sa syntaxe est homologue aux modèles proposés pour le langage naturel invoquant des patrons formels quantitativement observables. Dans ce champ des " grammaires de construction ", le recours aux données quantitatives est aujourd’hui standard, en particulier en utilisant les ressources fournies par les " grand corpus " de plusieurs dizaines de millions voire milliards de mots (quinze milliards de mots pour le corpus TenTen francophone, cinquante-deux milliards pour son équivalent anglophone). D’un certain point de vue, ChatGPT ne fait que répéter la démarche des modèles constructionalistes les plus radicaux, qui partent de co-occurrences statistiques dans les grands corpus pour isoler des patrons, et il la reproduit en sens inverse, en produisant des données à partir de ces patrons.

Corrélativement, ChatGPT a aussi une sémantique, puisque ces théories de la syntaxe sont majoritairement adossées à des modèles sémantiques dits " des cadres " (frame semantics), dont l’un des inspirateurs n’est autre que Marvin Minsky, pionnier de l’intelligence artificielle s’il en est : la circulation entre linguistique et intelligence artificielle s’inscrit donc sur le temps long et n’est pas unilatérale. Là encore, la question est plutôt celle de la référence : la sémantique en question est très largement notionnelle et ne permet de construire un énoncé susceptible d’être vrai ou faux qu’en l’actualisant par des opérations de repérage (ne serait-ce que temporel) impliquant de saturer grammaticalement ou contextuellement un certain nombre de variables " déictiques ", c’est-à-dire qui ne se chargent de sens que mises en relation à un moi-ici-maintenant dans le discours.

On touche ici à un problème transversal aux clivages dessinés précédemment : les modèles " constructionnalistes " sont plus enclins à ménager des places à la variation contextuelle, mais sous la forme de variables situationnelles dont l’intégration à la description ne fait pas consensus ; les grammaires génératives ont très longtemps évacué ces questions hors de leur sphère d’intérêt, mais les considérations pragmatiques y fleurissent depuis une vingtaine d’années, au prix d’une convocation croissante du moi-ici-maintenant dans l’analyse grammaticale, du moins dans certains courants. De ce fait, l’inscription ou non des enjeux référentiels et déictiques dans la définition même du langage comme faculté humaine représente un clivage en grande partie indépendant de celui qui prévaut en matière de théorie de l’acquisition.

À l’école du perroquet

La bonne question, en tout cas la plus féconde pour la comparaison entre les productions langagières humaines et les productions des grands modèles de langage, n’est sans doute pas de savoir si " ChatGPT parle " ni si les performances de l’IA neuronale valident ou invalident en bloc tel ou tel cadre théorique. Une piste plus intéressante, du point de vue de l’étude de la cognition et du langage humains, consiste à comparer ces productions sur plusieurs niveaux : les mécanismes d’acquisition ; les régularités sémantiques dans leur diversité, sans les réduire aux questions de référence et faisant par exemple intervenir la conceptualisation métaphorique des entités et situations désignées ; la capacité à naviguer entre les registres et les variétés d’une même langue, qui fait partie intégrante de la maîtrise d’un système ; l’adaptation à des ontologies spécifiques ou à des contraintes communicatives circonstancielles… La formule du " perroquet stochastique ", prise au pied de la lettre, indique un modèle de ce que peut être une comparaison scientifique du langage des IA et du langage humain.

Il existe en effet depuis plusieurs décennies maintenant une linguistique, une psycholinguistique et une pragmatique de la communication animale, qui inclut des recherches comparant l’humain et l’animal. Les progrès de l’étude de la communication animale ont permis d’affiner la compréhension de la faculté de langage, des modules qui la composent, de ses prérequis cognitifs et physiologiques. Ces travaux ne nous disent pas si " les animaux parlent ", pas plus qu’ils ne nous disent si la communication des corbeaux est plus proche de celle des humains que celle des perroquets. En revanche ils nous disent comment diverses caractéristiques éthologiques, génétiques et cognitives sont distribuées entre espèces et comment leur agencement produit des modes de communication spécifiques. Ces travaux nous renseignent, en nous offrant un terrain d’expérimentation inédit, sur ce qui fait toujours système et sur ce qui peut être disjoint dans la faculté de langage. Loin des " fausses promesses ", les grands modèles de langage et les IA neuronales nous offrent peut-être l’occasion d’étendre le domaine de la réflexion sur l’architecture des systèmes possibles de cognition, de communication et d’interaction. 



 

Auteur: Modicom Pierre-Yves

Info: https://aoc.media/ 14 nov 2023

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CAPACITÉS COGNITIVES DU DAUPHIN

Au-delà de leur physiologie cérébrale, les dauphins font preuve de capacités extrêmement rares dans le domaine animal. Comme les humains, les dauphins peuvent imiter, aussi bien sur le mode gestuel que sur le mode vocal, ce qui est soi est déjà exceptionnel. Si certains oiseaux peuvent imiter la voix, ils n’imitent pas les attitudes. Les singes, de leur côté, imitent les gestes et non les mots. Le dauphin est capable des deux. Les dauphins chassent les poissons et se nourrissent d’invertébrés, mais ils usent pour ce faire de techniques complexes et variables, acquises durant l’enfance grâce à l’éducation. L’usage des outils ne leur est pas inconnu : un exemple frappant de cette capacité est la façon dont deux dauphins captifs s’y sont pris pour extraire une murène cachée dans le creux d’un rocher à l’intérieur de leur bassin. L’un d’eux a d’abord attrapé un petit poisson scorpion très épineux, qui passait dans le secteur, et l’ayant saisi dans son rostre, s’en est servi comme d’un outil pour extraire la murène de sa cachette. S’exprimant à propos de leur intelligence, le Dr Louis M.Herman, Directeur du Kewalo Basin Marine Mammal Laboratory de l’Université d’Hawaii, note que les dauphins gardent en mémoire des événements totalement arbitraires, sans le moindre rapport avec leur environnement naturel et sans aucune incidence biologique quant à leur existence.

Recherches sur le langage des dauphins

Beaucoup d’humains trouvent intrigante l’idée de communiquer avec d’autres espèces. A cet égard, le dauphin constitue un sujet attractif, particulièrement dans le domaine du langage animal, du fait de ses capacités cognitives et de son haut degré de socialisation. Dès le début des années soixante, c’est le neurologue John Lilly qui, le premier, s’est intéressé aux vocalisations des cétacés. Les recherches de Lilly se poursuivirent durant toute une décennie, tout en devenant de moins en moins conventionnelles. Le savant alla même jusqu’à tester les effets du L.S.D. sur les émissions sonores des dauphins et dut finalement interrompre ses recherches en 1969, lorsque cinq de ses dauphins se suicidèrent en moins de deux semaines. Malheureusement, nombre de découvertes ou de déclarations de John Lilly sont franchement peu crédibles et ont jeté le discrédit sur l’ensemble des recherches dans le domaine du langage animal. De ce fait, ces recherches sont aujourd’hui rigoureusement contrôlées et très méticuleuses, de sorte que les assertions des scientifiques impliquées dans ce secteur restent désormais extrêmement réservées.

Louis Herman est sans doute l’un des plus importants chercheurs à mener des études sur la communication et les capacités cognitives des dauphins. Son instrument de travail privilégié est la création de langues artificielles, c’est-à-dire de langages simples crées pour l’expérience, permettant d’entamer des échanges avec les dauphins. Louis Herman a surtout concentré ses travaux sur le phénomène de la "compréhension" du langage bien plus que sur la "production" de langage, arguant que la compréhension est le premier signe d’une compétence linguistique chez les jeunes enfants et qu’elle peut être testée de façon rigoureuse. En outre, la structure grammaticale qui fonde les langages enseignés s’inspire le plus souvent de celle de l’anglais. Certains chercheurs ont noté qu’il aurait été mieux venu de s’inspirer davantage de langues à tons ou à flexions, comme le chinois, dont la logique aurait parue plus familière aux cétacés. Dans les travaux d’Herman, on a appris à deux dauphins, respectivement nommés Akeakamai (Ake) et Phoenix, deux langues artificielles. Phoenix a reçu l’enseignement d’un langage acoustique produit par un générateur de sons électroniques. Akeakamai, en revanche, a du apprendre un langage gestuel (version simplifiée du langage des sourds-muets), c’est-à-dire visuel. Les signaux de ces langues artificiels représentent des objets, des modificateurs d’objet (proche, loin, gros, petit, etc.) ou encore des actions. Ni les gestes ni les sons ne sont sensés représenter de façon analogique les objets ou les termes relationnels auxquels ils se réfèrent. Ces langages utilisent également une syntaxe, c’est-à-dire des règles de grammaire simples, ce qui signifie que l’ordre des mots influe sur le sens de la phrase. Phoenix a appris une grammaire classique, enchaînant les termes de gauche à droite (sujet-verbe-complément) alors que la grammaire enseignée à Ake allait dans l’autre sens et exigeait de sa part qu’elle voit l’ensemble du message avant d’en comprendre le sens correctement. Par exemple, dans le langage gestuel de Ake, la séquence des signaux PIPE-SURFBOARD-FETCH ("tuyau – planche à surf – apporter") indiquait l’ordre d’amener la planche de surf jusqu’au tuyau, alors que SURFBOARD-PIPE-FETCH ("planche-tuyau- rapporter") signifiait qu’il fallait, au contraire, amener le tuyau jusqu’ à la planche de surf. Phoenix et Ake ont ainsi appris environ 50 mots, lesquels, permutés l’un avec l’autre au sein de séquences courtes, leur permirent bientôt de se servir couramment de plus de mille phrases, chacune produisant une réponse neuve et non apprise.

Compte tenu de l’influence possible de la position dans l’espace des expérimentateurs sur l’expérimentation, les lieux d’apprentissage et les entraîneurs se voyaient changés de session en session. Dans le même temps, des observateurs "aveugles", qui ne connaissaient pas les ordres et ne voyaient pas les entraîneurs, notaient simplement le comportement des dauphins, afin de vérifier ensuite qu’il correspondait bien aux commandes annoncées. Les entraîneurs allaient jusqu’à porter des cagoules noires, afin de ne révéler aucune expression ou intention faciale et se tenaient immobiles, à l’exception des mains. Les dauphins se montrèrent capables de reconnaître les signaux du langage gestuels aussi bien lorsqu’il étaient filmés puis rediffusés sur un écran vidéo que lorsque ces mêmes signes étaient exécutés à l’air libre par l’entraîneur. Même le fait de ne montrer que des mains pâles sur un fond noir ou des taches de lumière blanche reproduisant la dynamique des mains, a largement suffi aux dauphins pour comprendre le message ! Il semble donc que les dauphins répondent davantage aux symboles abstraits du langage qu’à tout autre élément de la communication.

Par ailleurs, si les dauphins exécutent aisément les ordres qu’on leur donne par cette voie gestuelle, ils peuvent également répondre de façon correcte à la question de savoir si un objet précis est présent ou absent, en pressant le levier approprié (le clair pour PRESENT, le sombre pour ABSENT). Ceci démontre évidement leur faculté de "déplacement mental", qui consiste à manipuler l’image d’objets qui ne se trouvent pas dans les environs. Des expériences additionnelles ont conduit à préciser comment le dauphin conçoit l’étiquetage des objets, comment il les qualifie de son point de vue mental. "Nous avons constaté" nous apprend Louis Herman, "qu’au regard du dauphin, le signe CERCEAU n’est pas seulement le cerceau précis utilisé dans le cadre de cette expérience précise, c’est plutôt TOUT OBJET DE GRANDE TAILLE PERCE D’UN GRAND TROU AU MILIEU. Un seul concept général associe donc pour le dauphin les cerceaux ronds, carrés, grands et petits, flottants ou immergés, que l’on utilise généralement lors de la plupart des expériences". Parmi les choses que le Dr Herman estime n’avoir pu enseigner aux dauphins, il y a le concept du "non" en tant que modificateur logique. L’ordre de "sauter au-dessus d’une non-balle" indique en principe que le dauphin doit sauter au-dessus de n’importe quoi, sauf d’une balle ! Mais cela n’est pas compris, pas plus, affirme toujours Herman, que le concept de "grand" ou de "petit".

Communication naturelle chez les dauphins

On sait que les dauphins émettent de nombreux sifflements, de nature très diverse. La fonction de la plupart d’entre eux demeure toujours inconnue mais on peut affirmer aujourd’hui que la moitié d’entre eux au moins constitue des "signatures sifflées". Un tel signal se module dans une fourchette de 5 à 20 kilohertz et dure moins d’une seconde. Il se distingue des autres sifflements - et de la signature de tous les autres dauphins – par ses contours particuliers et ses variations de fréquences émises sur un temps donné, ainsi que le montrent les sonogrammes. Les jeunes développent leur propre signature sifflée entre l’âge de deux mois et d’un an. Ces sifflements resteront inchangés douze ans au moins et le plus souvent pour la durée entière de la vie de l’animal. Par ailleurs, au-delà de leur seule fonction nominative, certains des sifflements du dauphin apparaissent comme de fidèles reproductions de ceux de leurs compagnons et servent manifestement à interpeller les autres par leur nom. Lorsqu’ils sont encore très jeunes, les enfants mâles élaborent leur propre signature sifflée, qui ressemble fort à celle de leur mère. En revanche, les jeunes femelles doivent modifier les leurs, précisément pour se distinguer de leur mère.

Ces différences reflètent sans doute celles qui existent dans les modes de vie des femelles et des mâles. Puisque les filles élèvent leur propre enfant au sein du groupe maternel, un sifflement distinct est donc indispensable pour pouvoir distinguer la maman de la grand mère. La signature sifflée masculine, presque identique à celle de la mère, permet tout au contraire d’éviter l’inceste et la consanguinité. Le psychologue James Ralston et l’informaticien Humphrey Williams ont découvert que la signature sifflée pouvait véhiculer bien plus que la simple identité du dauphin qui l’émet. En comparant les sonogrammes des signatures sifflées durant les activités normales et lors de situations stressantes, ils découvrirent que la signature sifflée, tout en conservant sa configuration générale, pouvait changer en termes de tonalité et de durée et transmettre ainsi des informations sur l’état émotionnel de l’animal. Les modifications causé par cet état émotionnel sur les intonations de la signature varient en outre selon les individus. Les dauphins semblent donc utiliser les sifflement pour maintenir le contact lorsqu’ils se retrouvent entre eux ou lorsqu’ils rencontrent d’autres groupes, mais aussi, sans doute, pour coordonner leur activités collectives. Par exemple, des sifflements sont fréquemment entendus lorsque le groupe entier change de direction ou d’activité.

De son côté, Peter Tyack (Woods Hole Oceanographic Institute) a travaillé aux côtés de David Staelin, professeur d’ingénierie électronique au M.I.T., afin de développer un logiciel d’ordinateur capable de détecter les "matrices sonores" et les signaux répétitifs parmi le concert de couinements, piaulements et autres miaulements émis par les dauphins. Une recherche similaire est menée par l’Université de Singapore (Dolphin Study Group). Avec de tels outils, les chercheurs espèrent en apprendre davantage sur la fonction précise des sifflements.

Dauphins sociaux

Les observations menées sur des individus sauvages aussi bien qu’en captivité révèlent un très haut degré d’ordre social dans la société dauphin. Les femelles consacrent un an à leur grossesse et puis les trois années suivantes à élever leur enfant. Les jeunes s’éloignent en effet progressivement de leur mère dès leur troisième année, restant près d’elle jusqu’à six ou dix ans ! – et rejoignent alors un groupe mixte d’adolescents, au sein duquel ils demeurent plusieurs saisons. Parvenus à l’âge pleinement adulte, vers 15 ans en moyenne, les mâles ne reviennent plus que rarement au sein du "pod" natal. Cependant, à l’intérieur de ces groupes d’adolescents, des liens étroits se nouent entre garçons du même âge, qui peuvent persister la vie entière. Lorsque ces mâles vieillissent, ils ont tendance à s’associer à une bande de femelles afin d’y vivre une paisible retraite. Bien que les dauphins pratiquent bien volontiers la promiscuité sexuelle, les familles matriarcales constituent de fortes unités de base de la société dauphin. Lorsqu’une femelle donne naissance à son premier enfant, elle rejoint généralement le clan de sa propre mère et élève son delphineau en compagnie d’autres bébés, nés à la même saison. La naissance d’un nouveau-né donne d’ailleurs souvent lieu à des visites d’autres membres du groupe, mâles ou femelles, qui s’étaient séparés de leur mère depuis plusieurs années. Les chercheurs ont également observé des comportements de "baby-sitting", de vieilles femelles, des soeurs ou bien encore d’autres membres du groupe, voire même un ancien mâle prenant alors en charge la surveillance des petits. On a ainsi pu observer plusieurs dauphins en train de mettre en place une véritable "cour de récréation", les femelles se plaçant en U et les enfants jouant au milieu ! (D’après un texte du Dr Poorna Pal)

Moi, dauphin.

Mais qu’en est-il finalement de ce moi central au coeur de ce monde circulaire sans relief, sans couleurs constitué de pixels sonores ? C’est là que les difficultés deviennent insurmontables tant qu’un "contact" n’aura pas été vraiment établi par le dialogue car le "soi" lui-même, le "centre de la personne" est sans doute construit de façon profondément différente chez l’homme et chez le dauphin. H.Jerison parle carrément d’une "conscience collective". Les mouvements de groupe parfaitement coordonnés et quasi-simultanés, à l’image des bancs de poissons ou des troupeaux de gnous, que l’on observe régulièrement chez eux, suppose à l’évidence une pensée "homogène" au groupe, brusquement transformé en une "personne plurielle". On peut imaginer ce sentiment lors d’un concert de rock ou d’une manifestation, lorsqu’une foule entière se tend vers un même but mais ces attitudes-là sont grossières, globales, peu nuancées. Toute autre est la mise à l’unisson de deux, trois, cinq (les "gangs" de juvéniles mâles associés pour la vie) ou même de plusieurs centaines de dauphins ensemble (de formidables "lignes de front" pour la pêche, qui s’étendent sur des kilomètres) et là, bien sûr, nous avons un comportement qui traduit un contenu mental totalement inconnu de nous. On sait que lorsqu’un dauphin voit, tout le monde l’entend. En d’autres termes chaque fois qu’un membre du groupe focalise son faisceau de clicks sur une cible quelconque, l’écho lui revient mais également à tous ceux qui l’entourent. Imaginons que de la même manière, vous regardiez un beau paysage. La personne qui vous tournerait le dos et se tiendrait à l’arrière derrière vous pourrait le percevoir alors aussi bien que vous le faites. Cette vision commune, qui peut faire croire à de la télépathie, n’est pas sans conséquence sur le contenu mental de chaque dauphin du groupe, capable de fusionner son esprit à ceux des autres quand la nécessité s’en fait sentir. Ceci explique sans doute la formidable capacité d’empathie des dauphins mais aussi leur fidélité "jusqu’à la mort" quand il s’agit de suivre un compagnon qui s’échoue. Chez eux, on ne se sépare pas plus d’un ami en détresse qu’on ne se coupe le bras quand il est coincé dans une portière de métro ! En d’autres circonstances, bien sûr, le dauphin voyage seul et il "rassemble" alors sa conscience en un soi individualisé, qui porte un nom, fait des choix et s’intègre dans une lignée. Il en serait de même pour l’homme si les mots pouvaient faire surgir directement les images qu’ils désignent dans notre cerveau, sans passer par le filtre d’une symbolisation intermédiaire. Si quelqu’un me raconte sa journée, je dois d’abord déchiffrer ses mots, les traduire en image et ensuite me les "représenter". Notre système visuel étant indépendant de notre système auditif, un processus de transformation préalable est nécessaire à la prise de conscience du message. Au contraire, chez le dauphin, le système auditif est à la fois un moyen de communication et un moyen de cognition "constructiviste" (analyse sensorielle de l’environnement). La symbolisation n’est donc pas nécessaire aux transferts d’images, ce qui n’empêche nullement qu’elle puisse exister au niveau des concepts abstraits. Quant à cette conscience fusion-fission, cet "ego fluctuant à géométrie variable", ils préparent tout naturellement le dauphin à s’ouvrir à d’autres consciences que la sienne. D’où sans doute, son besoin de nous sonder, de nous comprendre et de nous "faire" comprendre. Un dauphin aime partager son cerveau avec d’autres, tandis que l’homme vit le plus souvent enfermé dans son crâne. Ces êtres-là ont décidément beaucoup à nous apprendre...

Auteur: Internet

Info: http://www.dauphinlibre.be/dauphins-cerveau-intelligence-et-conscience-exotiques

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univers protonique

Forces tourbillonnantes et pressions d’écrasement mesurées dans le proton

Des expériences très attendues qui utilisent la lumière pour imiter la gravité révèlent pour la première fois la répartition des énergies, des forces et des pressions à l’intérieur d’une particule subatomique.

(Image : Les forces poussent dans un sens près du centre du proton et dans l’autre sens près de sa surface.)

Les physiciens ont commencé à explorer le proton comme s’il s’agissait d’une planète subatomique. Les cartes en coupe affichent de nouveaux détails de l'intérieur de la particule. Le noyau du proton présente des pressions plus intenses que dans toute autre forme connue de matière. À mi-chemin de la surface, des tourbillons de force s’affrontent les uns contre les autres. Et la " planète " dans son ensemble est plus petite que ne le suggéraient les expériences précédentes.

Les recherches expérimentales marquent la prochaine étape dans la quête visant à comprendre la particule qui ancre chaque atome et constitue la majeure partie de notre monde.

"Nous y voyons vraiment l'ouverture d'une direction complètement nouvelle qui changera notre façon de considérer la structure fondamentale de la matière", a déclaré Latifa Elouadrhiri , physicienne au Thomas Jefferson National Accelerator Facility à Newport News, en Virginie, qui participe à l'effort.

Les expériences jettent littéralement un nouvel éclairage sur le proton. Au fil des décennies, les chercheurs ont méticuleusement cartographié l’influence électromagnétique de la particule chargée positivement. Mais dans la nouvelle recherche, les physiciens du Jefferson Lab cartographient plutôt l'influence gravitationnelle du proton, à savoir la répartition des énergies, des pressions et des contraintes de cisaillement, qui courbent le tissu espace-temps dans et autour de la particule. Pour ce faire, les chercheurs exploitent une manière particulière par laquelle des paires de photons, des particules de lumière, peuvent imiter un graviton, la particule supposée qui transmet la force de gravité. En envoyant un ping au proton avec des photons, ils déduisent indirectement comment la gravité interagirait avec lui, réalisant ainsi un rêve vieux de plusieurs décennies consistant à interroger le proton de cette manière alternative.

"C'est un tour de force", a déclaré Cédric Lorcé , physicien à l'Ecole Polytechnique en France, qui n'a pas participé aux travaux. "Expérimentalement, c'est extrêmement compliqué." 

Des photons aux gravitons


Les physiciens ont appris énormément sur le proton au cours des 70 dernières années en le frappant à plusieurs reprises avec des électrons. Ils savent que sa charge électrique s’étend sur environ 0,8 femtomètre, ou quadrillionièmes de mètre, à partir de son centre. Ils savent que les électrons entrants ont tendance à être projetés sur l’un des trois quarks – des particules élémentaires avec des fractions de charge – qui bourdonnent à l’intérieur. Ils ont également observé la conséquence profondément étrange de la théorie quantique où, lors de collisions plus violentes, les électrons semblent rencontrer une mer mousseuse composée de bien plus de quarks ainsi que de gluons, porteurs de la force dite forte, qui colle les quarks ensemble.

Toutes ces informations proviennent d’une seule configuration : vous lancez un électron sur un proton, et les particules échangent un seul photon – le porteur de la force électromagnétique – et se repoussent. Cette interaction électromagnétique indique aux physiciens comment les quarks, en tant qu'objets chargés, ont tendance à s'organiser. Mais le proton a bien plus à offrir que sa charge électrique.

(Photo : Latifa Elouadrhiri, scientifique principale du laboratoire Jefferson, a dirigé la collecte de données à partir desquelles elle et ses collaborateurs calculent désormais les propriétés mécaniques du proton.) 

" Comment la matière et l'énergie sont-elles distribuées ? " a demandé Peter Schweitzer , physicien théoricien à l'Université du Connecticut. "Nous ne savons pas."

Schweitzer a passé la majeure partie de sa carrière à réfléchir au côté gravitationnel du proton. Plus précisément, il s'intéresse à une matrice de propriétés du proton appelée tenseur énergie-impulsion. " Le tenseur énergie-impulsion sait tout ce qu'il y a à savoir sur la particule ", a-t-il déclaré.

Dans la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein, qui présente l'attraction gravitationnelle comme des objets suivant des courbes dans l'espace-temps, le tenseur énergie-impulsion indique à l'espace-temps comment se plier. Elle décrit, par exemple, la disposition de l'énergie (ou, de manière équivalente, de la masse) – la source de ce qui est la part du lion de la torsion de l'espace-temps. Elle permet également d'obtenir des informations sur la répartition de la dynamique, ainsi que sur les zones de compression ou d'expansion, ce qui peut également donner une légère courbure à l'espace-temps.

Si nous pouvions connaître la forme de l'espace-temps entourant un proton, élaborée indépendamment par des physiciens russes et   américains dans les années 1960, nous pourrions en déduire toutes les propriétés indexées dans son tenseur énergie-impulsion. Celles-ci incluent la masse et le spin du proton, qui sont déjà connus, ainsi que l'agencement des pressions et des forces du proton, une propriété collective que les physiciens nomment " Druck term ", d'après le mot " pression"  en allemand. Ce terme est " aussi important que la masse et la rotation, et personne ne sait ce que c'est ", a déclaré Schweitzer – même si cela commence à changer.

Dans les années 60, il semblait que la mesure du tenseur énergie-momentum et le calcul du terme de Druck nécessiteraient une version gravitationnelle de l'expérience de diffusion habituelle : On envoie une particule massive sur un proton et on laisse les deux s'échanger un graviton - la particule hypothétique qui constitue les ondes gravitationnelles - plutôt qu'un photon. Mais en raison de l'extrême subtilité de la gravité, les physiciens s'attendent à ce que la diffusion de gravitons se produise 39 fois plus rarement que la diffusion de photons. Les expériences ne peuvent pas détecter un effet aussi faible.

"Je me souviens avoir lu quelque chose à ce sujet quand j'étais étudiant", a déclaré Volker Burkert , membre de l'équipe du Jefferson Lab. Ce qu’il faut retenir, c’est que " nous ne pourrons probablement jamais rien apprendre sur les propriétés mécaniques des particules ".Gravitation sans gravité

Les expériences gravitationnelles sont encore inimaginables aujourd’hui. Mais les recherches menées en fin des années 1990 et au début des années 2000 par les physiciens Xiangdong Ji et, travaillant séparément, feu Maxim Polyakov, ont révélé une solution de contournement.

Le schéma général est le suivant. Lorsque vous tirez légèrement un électron sur un proton, il délivre généralement un photon à l'un des quarks et le détourne. Mais lors d’un événement sur un milliard, quelque chose de spécial se produit. L’électron entrant envoie un photon. Un quark l'absorbe puis émet un autre photon un battement de cœur plus tard. La principale différence est que cet événement rare implique deux photons au lieu d’un : des photons entrants et sortants. Les calculs de Ji et Polyakov ont montré que si les expérimentateurs pouvaient collecter les électrons, protons et photons résultants, ils pourraient déduire des énergies et des impulsions de ces particules ce qui s'est passé avec les deux photons. Et cette expérience à deux photons serait essentiellement aussi informative que l’impossible expérience de diffusion de gravitons.

Comment deux photons pourraient-ils connaître la gravité ? La réponse fait appel à des mathématiques très complexes. Mais les physiciens proposent deux façons de comprendre pourquoi cette astuce fonctionne.

Les photons sont des ondulations dans le champ électromagnétique, qui peuvent être décrites par une seule flèche, ou vecteur, à chaque emplacement de l'espace indiquant la valeur et la direction du champ. Les gravitons seraient des ondulations dans la géométrie de l’espace-temps, un domaine plus complexe représenté par une combinaison de deux vecteurs en chaque point. Capturer un graviton donnerait aux physiciens deux vecteurs d’informations. En dehors de cela, deux photons peuvent remplacer un graviton, puisqu’ils transportent également collectivement deux vecteurs d’information.

Une interprétation mathématiques alternative est celle-ci. Pendant le moment qui s'écoule entre le moment où un quark absorbe le premier photon et celui où il émet le second, le quark suit un chemin à travers l'espace. En sondant ce chemin, nous pouvons en apprendre davantage sur des propriétés telles que les pressions et les forces qui entourent le chemin.

"Nous ne faisons pas d'expérience gravitationnelle", a déclaré Lorcé. Mais " nous devrions obtenir un accès indirect à la manière dont un proton devrait interagir avec un graviton ". 

Sonder la planète Proton
En 2000, les physiciens du Jefferson Lab ont réussi à obtenir quelques résultats de diffusion à deux photons. Cette démonstration de faisabilité les a incités à construire une nouvelle expérience et, en 2007, ils ont fait entrer des électrons dans des protons suffisamment de fois pour obtenir environ 500 000 collisions imitant les gravitons. L'analyse des données expérimentales a pris une décennie de plus.

À partir de leur index des propriétés de flexion de l’espace-temps, l’équipe a extrait le terme insaisissable de Druck, publiant son estimation des pressions internes du proton dans Nature en 2018.

Ils ont découvert qu’au cœur du proton, la force puissante génère des pressions d’une intensité inimaginable : 100 milliards de milliards de milliards de pascals, soit environ 10 fois la pression au cœur d’une étoile à neutrons. Plus loin du centre, la pression chute et finit par se retourner vers l'intérieur, comme c'est nécessaire pour que le proton ne se brise pas. "Voilà qui résulte de l'expérience", a déclaré Burkert. "Oui, un proton est réellement stable." (Cette découverte n’a cependant aucune incidence sur la désintégration des protons , ce qui implique un type d’instabilité différent prédit par certaines théories spéculatives.)

Le groupe Jefferson Lab a continué à analyser le terme Druck. Ils ont publié une estimation des forces de cisaillement (forces internes poussant parallèlement à la surface du proton) dans le cadre d'une étude publiée en décembre. Les physiciens ont montré que près de son noyau, le proton subit une force de torsion qui est neutralisée par une torsion dans l’autre sens plus près de la surface. Ces mesures soulignent également la stabilité de la particule. Les rebondissements étaient attendus sur la base des travaux théoriques de Schweitzer et Polyakov. "Néanmoins, le voir émerger de l'expérience pour la première fois est vraiment stupéfiant", a déclaré Elouadrhiri.

Ils utilisent désormais ces outils pour calculer la taille du proton d'une nouvelle manière. Dans les expériences de diffusion traditionnelles, les physiciens avaient observé que la charge électrique de la particule s'étendait à environ 0,8 femtomètre de son centre (c'est-à-dire que les quarks qui la composent bourdonnent dans cette région). Mais ce " rayon de charge " présente quelques bizarreries. Dans le cas du neutron, par exemple — l'équivalent neutre du proton, dans lequel deux quarks chargés négativement ont tendance à rester profondément à l'intérieur de la particule tandis qu'un quark chargé positivement passe plus de temps près de la surface — le rayon de charge apparaît comme un nombre négatif.  "Cela ne veut pas dire que la taille est négative ; ce n'est tout simplement pas une mesure fiable ", a déclaré Schweitzer.

La nouvelle approche mesure la région de l’espace-temps considérablement courbée par le proton. Dans une prépublication qui n'a pas encore été évaluée par des pairs, l'équipe du Jefferson Lab a calculé que ce rayon pourrait être environ 25 % plus petit que le rayon de charge, soit seulement 0,6 femtomètre.

Les limites de la planète Proton

D'un point de vue conceptuel, ce type d'analyse adoucit la danse floue des quarks pour en faire un objet solide, semblable à une planète, avec des pressions et des forces agissant sur chaque point de volume. Cette planète gelée ne reflète pas entièrement le proton bouillonnant dans toute sa gloire quantique, mais c'est un modèle utile. "C'est une interprétation", a déclaré M. Schweitzer.

Et les physiciens soulignent que ces cartes initiales sont approximatives, pour plusieurs raisons.

Premièrement, mesurer avec précision le tenseur énergie-impulsion nécessiterait des énergies de collision beaucoup plus élevées que celles que Jefferson Lab peut produire. L’équipe a travaillé dur pour extrapoler soigneusement les tendances à partir des énergies relativement faibles auxquelles elles peuvent accéder, mais les physiciens ne sont toujours pas sûrs de la précision de ces extrapolations.

(Photo : Lorsqu'il était étudiant, Volker Burkert a lu qu'il était impossible de mesurer directement les propriétés gravitationnelles du proton. Aujourd'hui, il participe à une collaboration au laboratoire Jefferson qui est en train de découvrir indirectement ces mêmes propriétés.)

De plus, le proton est plus que ses quarks ; il contient également des gluons, qui se déplacent sous leurs propres pressions et forces. L'astuce à deux photons ne peut pas détecter les effets des gluons. Une autre équipe du Jefferson Lab a utilisé une astuce analogue ( impliquant une interaction double-gluon ) pour publier l'année dernière une carte gravitationnelle préliminaire de ces effets des gluons dans Nature, mais elle était également basée sur des données limitées et à faible énergie.

"C'est une première étape", a déclaré Yoshitaka Hatta, physicien au Brookhaven National Laboratory qui a eu l'idée de commencer à étudier le proton gravitationnel après les travaux du groupe Jefferson Lab en 2018.

Des cartes gravitationnelles plus précises des quarks du proton et de ses gluons pourraient être disponibles dans les années 2030, lorsque le collisionneur électron-ion, une expérience actuellement en construction à Brookhaven, entrera en activité.

Pendant ce temps, les physiciens poursuivent leurs expériences numériques. Phiala Shanahan, physicienne nucléaire et des particules au Massachusetts Institute of Technology, dirige une équipe qui calcule le comportement des quarks et des gluons à partir des équations de la force forte. En 2019, elle et ses collaborateurs ont estimé les pressions et les forces de cisaillement, et en octobre, en ont estimé le rayon, entre autres propriétés. Jusqu'à présent, leurs résultats numériques ont été largement alignés sur les résultats physiques du Jefferson Lab. "Je suis certainement très excitée par la cohérence entre les résultats expérimentaux récents et nos données", a déclaré Mme Shanahan.

Même les aperçus flous du proton obtenus jusqu'à présent ont légèrement remodelé la compréhension des chercheurs sur la particule.

Certaines conséquences sont pratiques. Au CERN, l'organisation européenne qui gère le Grand collisionneur de hadrons, le plus grand broyeur de protons au monde, les physiciens pensaient auparavant que dans certaines collisions rares, les quarks pouvaient se trouver n'importe où dans les protons en collision. Mais les cartes inspirées par la gravitation suggèrent que les quarks ont tendance à rester près du centre dans de tels cas.

"Les modèles utilisés au CERN ont déjà été mis à jour", a déclaré François-Xavier Girod, physicien du Jefferson Lab qui a travaillé sur les expériences.

Les nouvelles cartes pourraient également offrir des pistes pour résoudre l’un des mystères les plus profonds du proton : pourquoi les quarks se lient en protons. Il existe un argument intuitif selon lequel, comme la force puissante entre chaque paire de quarks s'intensifie à mesure qu'ils s'éloignent, comme un élastique, les quarks ne peuvent jamais échapper à leurs camarades.

Mais les protons sont fabriqués à partir des membres les plus légers de la famille des quarks. Et les quarks légers peuvent également être considérés comme de longues ondes s'étendant au-delà de la surface du proton. Cette image suggère que la liaison du proton pourrait se produire non pas via la traction interne de bandes élastiques, mais par une interaction externe entre ces quarks ondulés et étirés. La cartographie de pression montre l’attraction de la force forte s’étendant jusqu’à 1,4 femtomètres et au-delà, renforçant ainsi l’argument en faveur de ces théories alternatives.

"Ce n'est pas une réponse définitive", a déclaré Girod, "mais cela indique que ces simples images avec des bandes élastiques ne sont pas pertinentes pour les quarks légers."



Auteur: Internet

Info: https://filsdelapensee.ch - Charlie Bois, 14 mars 2024

[ chromodynamique quantique ]

 

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fascisme religieux

Mon père, l’Iran et les " musulmans modérés " 

Des jardins d’Isphahan aux rives de la Seine… Djahanguir Riahi, mon père, est né en 1914 à Natanz (Iran). Parti en France poursuivre des études d’ingénieur grâce à une bourse d’études, il se met au lendemain de la Seconde guerre mondiale au service des relations économiques Franco-iraniennes. Installé en Europe depuis la révolution islamique, son intuition artistique hors du commun lui a permis de réunir l’une des plus importantes collections d’œuvres d’art du XVIIIème siècle français. Il est mort dans sa centième année, le 28 avril 2014, après avoir été élevé au grade de Commandeur de La Légion d’Honneur ainsi que des Arts et des Lettres. Grand donateur des Musées Nationaux, une salle du Musée du Louvre porte son nom.

Il m’avait demandé d’écrire ce texte au lendemain des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, et de l’inclure dans ses mémoires, que je rédigeais alors pour lui.

" Nous n’avons pas le même rapport à la barbarie et à la mort. L’attraction publique la plus appréciée de la population, à Mashhad comme dans toutes les villes où s’est déroulée mon enfance, consistait à s’attrouper sur la grand’place pour y assister aux pendaisons. La cruauté des exécutions était inouïe.

J’avais été horrifié, un jour, d’apprendre la condamnation d’un homme et de ses six fils. Le bourreau avait reçu du tribunal islamique l’ordre monstrueux de ne pendre le père qu’après qu’il eut assisté à la mort de tous ses enfants. Agha Djoun[1] se disait convaincu de l’innocence de ce pauvre homme. Et moi, je me disais, du haut de mes douze ou treize ans, en voyant leurs vêtements souillés par l’urine et la merde : pourquoi font-ils ça, sinon pour anéantir par la terreur toute forme de dignité humaine, toute forme de respect de la mort et donc de la vie ?

La mort, on s’y familiarise comme on prend l’habitude de tout. Lorsqu’en suivant le chemin de l’école au petit jour on longe la place des pendus, quand on assiste à des exécutions sommaires et barbares, on finit par apprivoiser la mort. Mais cette insensibilisation, ou plus exactement cette désacralisation, vous semble inconcevable en occident. Parce que vous êtes élevés dans le respect de la vie sans penser que la mort en est l’inéluctable corollaire.

Comme si la vie pouvait " être " sans la mort. Cette naïveté, à laquelle s’ajoute la pédagogie de l’émotion, est le fondement de la culture occidentale contemporaine. L’émotion priorisée, l’émotion magnifiée. On vit sur ce registre depuis la seconde moité du XXème siècle, sans doute par imprégnation des tendances éducatives à la mode aux Etats-Unis au lendemain de la guerre. L’enfant est devenu le barycentre de la civilisation occidentale. Héritière de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, la pédagogie contemporaine pose le principe que l’Homme naît bon et que c’est la société qui le pervertit. De même, dans le souci maniaque de préserver la planète, les mouvements écologistes ont entamé une régression qui efface inexorablement les progrès de la civilisation. On n’élève plus les enfants pour en faire des adultes ; on fait des enfants pour retomber soi-même en enfance, pour retrouver la puérilité sublimée de l’enfance.

Les islamistes jouent de cette émotivité occidentale. Si la religion dont ils se servent est primitive, leur stratégie de conquête est extrêmement sophistiquée. Ils vous observent et vous analysent depuis la fin des années 1970. Ils ont fréquenté les mêmes écoles, les mêmes universités que les élites occidentales. Ils ont vu les mêmes spectacles, les mêmes films ; lu les mêmes articles dans les mêmes revues. Ils savent que votre sensibilité au respect de la vie, votre peur de la mort, votre fragilité mentale et votre compulsion à la culpabilité sur un terrain compassionnel constituent votre talon d’Achille. Vous êtes tombés dans un triple piège :

- Le piège de l’anxiété collective " individualisée ". Certes, les guerres ont toujours fait des victimes civiles ; mais au World Trade Center ou dans les avions, il n’y avait " que " des victimes civiles. Chacun pouvait se dire : j’aurais pu me trouver parmi elles. Cette angoisse est le principe même du terrorisme, que les techniques de communication actuelles permettent d’individualiser simultanément à des milliards de témoins de la scène.

- Le piège de la " victimisation " des assassins. Pendant une centaine d’années, l’Europe a plus ou moins colonisé le monde ; en particulier les terres d’Islam que sont le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Afrique. L’Amérique a toujours été solidaire des puissances européennes, sans parler de son soutien constant à l’Etat d’Israël. Pendant toute la durée de ces conflits, les victimes se sont comptées par centaines de milliers du côté des indigènes, sans que cela n’émeuve grand monde. Aujourd’hui, les victimes sont dans l’autre camp et toute une partie de la planète n’éprouve nullement l’envie de pleurer sur leur sort, considérant que c’est un juste retour des choses.

Le piège enfin du " chahid ", le martyr, celui qui meurt pour témoigner, alors que vous, pauvres larves invertébrées, vous pleurnichez de trouille en chiant dans votre froc, tant la mort vous effraie. Et cet exhibition du « héros » a le double avantage d’impressionner les musulmans, qui respectent le courage par principe, et de faire peur aux incroyants comme aux non pratiquants.

Les motivations fondamentales d’Al Qaida, celles des Islamistes en général, sont politiques et ne sont pas religieuses. Parce que la religion musulmane est intrinsèquement et historiquement politique. Il n’y a pas d’équivalent. Ni les juifs, ni les bouddhistes ou les hindouistes, ni les chrétiens n’ont eu pour vocation première de guerroyer et de conquérir. Bien sûr qu’ils ont tous été amenés à prendre les armes à divers moments de leur histoire. Mais ce n’était pas l’amorce ni la genèse de leur projet. Il faut en être conscient.

Mohammed – ou Mahomet comme vous l’appelez en France – n’a pas cherché à " spiritualiser " ses contemporains ni à leur apporter des réponses philosophiques. Son objectif était très prosaïque : il a voulu les rendre plus efficaces au travail et au combat !

Avant de " faire prophète " il était caravanier et commerçant. Issu de la tribu des Quraych et de tradition hanifiste, c’est-à-dire monothéiste, le jeune homme était intelligent, ambitieux et séduisant. Il sut se rendre indispensable à sa patronne, Khadija, une riche veuve de 15 ans son aînée, qu’il épousa et à laquelle il fit six enfants. Ses contacts sur la route avec des juifs et des chrétiens lui permirent de constater les avantages de la morale judéo-chrétienne et l’efficacité, par 45° à l’ombre, des prescritions hygiéniques et alimentaires de la kashrout.

On connaît la suite : Gibril dans le rôle de l’Ange Gabriel transforma ces préceptes en révélation divine et donna à l’accomplissement de ces pratiques un caractère religieux. Mais très objectivement, la plupart des Hadiths du Coran concernent l’organisation familiale et sociale, les pratiques et les règles juridiques à observer dans ces domaines, ce qui en fait un code civil plus qu’une somme théologique. L’islam a bénéficié de l’antériorité du Judaïsme et du Christianisme ; ses messages ont donc été parfaitement ajustés à leur objectif : discipliner et contrôler l’être humain. Le pouvoir politique l’a utilisé sans vergogne pour manipuler les peuples, tant il est vrai que la religion s’est toujours avérée l’arme la plus efficace pour anéantir toute aspiration à la démocratie et à la liberté.

Un simple constat: les monarchies héréditaires musulmanes se sont systématiquement trouvé une filiation directe avec le Prophète ou l’un de ses descendants ! Pour leurs chefs, pour les meneurs, la religion a toujours été un moyen, jamais une fin. Ben Laden, comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui prendront sa suite, n’en a strictement rien à faire (et je suis poli…) du projet spirituel du Djihad et de l’accomplissement des hadiths du Coran. L’Islamisme sert juste un dessein politique. La religion n’est que l’instrument de la conquête, ou plutôt de la reconquête. Qu’importe le temps que cela mettra : dix ans, vingt ans, plus de trente ans peut-être… Ce que l’Islam a programmé, c’est la chute de l’Occident et de la civilisation judéo-chrétienne. Pas pour le takbîr, mais pour conquérir le monde et ses richesses, asservir ses populations. Allahou Akbar, proclamé et calligraphié sur les emblèmes et les drapeaux, n’est qu’un cri de guerre destiné à galvaniser les pauvres idiots crédules qui se prennent pour des soldats d’Allah et ne sont que la chair à canon de ceux qui rêvent de pouvoir absolu et universel depuis 1422 ans !

Le terrorisme est une tactique, que les islamistes utilisent ponctuellement ; pour entretenir la terreur, bien sûr, mais aussi parce qu’ils ont compris tout le bénéfice qu’il pouvaient tirer de la dichotomie que vous avez créée entre la religion musulmane et l’Islam " radical ". En triant vous-mêmes les " bons musulmans " des mauvais, vous vous êtes tiré une balle dans le pied et vous leur avez rendu un fieffé service ! En focalisant l’attention sur le terrorisme, vous réduisez la cible contre laquelle vous devriez combattre. Grâce à la très ancienne tactique du leurre, les Islamistes vous montrent du doigt les djihadistes et détournent votre attention du cheval de Troie qu’ils ont construit et mis en marche pour vous soumettre.

Et que l’on ne vienne pas me parler de " musulmans modérés "! Ils sont, évidemment, très largement majoritaires aujourd’hui. Mais où et comment les voit-on condamner les agissement des fondamentalistes? Combien sont-ils à être descendus dans la rue pour manifester massivement contre Al Qaïda au lendemain du 11 septembre 2001 ? Pour hurler à la face du monde, dans tous les médias et dans toutes les langues qu’ils se désolidarisent du salafisme, du wahhabisme, du frérisme et autres branches radicales de l’Islam ? Pour affirmer qu’ils vont faire le ménage dans leurs pratiques, actualiser drastiquement la charia et définir une ligne exclusivement métaphysique à leur religion ?

La religion musulmane n’est pas monolithique et exclusivement constituée de conquérants assoiffés de pouvoir et de vengeance, c’est clair. Mais la conquête est consubstantielle de la religion musulmane. L’Islam, sa culture politique, sa doctrine, son prosélytisme, son histoire et sa finalité sont intrinsèquement d’inspiration guerrière. De même que la vie ne peut se concevoir sans la mort, il n’y a pas de soumission sans victoire, ni de victoire sans combat. Or, la soumission à Allah est l’essence même du message de l’Islam.

C’est pourquoi les musulmans se soumettent implicitement aujourd’hui au fondamentalisme que leur impose l’Islam radical. Ils s’y soumettront explicitement demain et vous ne résisterez pas, un jour, à la tentation de vous y soumettre à votre tour. Parce que la peur est l’arme absolue, l’arme que l’Islam politique utilise avec talent pour anéantir toute forme de résistance à leur domination. Ils l’utiliseront jusqu’au bout, contre vous, mais aussi contre ceux que vous appelez " les musulmans modérés " pour anéantir votre civilisation.

Bien sûr qu’il existe des courants plus ou moins progressistes comme le malikisme, dont le logiciel est régulièrement mis à jour par le Roi du Maroc. Bien sûr que l’on peut interpréter le Coran de dizaines, de centaines de manières. Bien sûr que l’on peut intellectualiser le concept du Djihad et en faire un idéal moral (…) Néanmoins le syllogisme est évident et les faits sont têtus : tous les musulmans ne sont pas des fondamentalistes islamiques ni des djihadistes ; mais tous les fondamentalistes islamiques et tous les djihadistes sont musulmans. Trop facile d’établir une distinction morale et sémantique entre les prescriptions religieuses supposées acceptables, que vous qualifiez d’ " islamiques " et celles, intolérables, cataloguées " islamistes ". Quand on tue au nom de l’Islam, on n’accomplit pas un acte de dément, pas plus qu’un crime de sang ordinaire. Quand on tue au nom de l’Islam, c’est qu’on vous a mis dans la tête qu’il est de votre devoir de croyant d’exterminer les incroyants, lesquels auraient soit disant " déclaré la guerre " aux soldats de la vraie foi !

La motivation du donneur d’ordre est politique, pas religieuse. Ils arriveront à leurs fins, parce que la dialectique de l’Islam est redoutable. Les stratégies et les techniques de communication qu’ils mettent en œuvre sont très subtiles et pertinentes, car ils savent parfaitement comment vous fonctionnez. Ils achètent depuis des années les réseaux de communication qui influencent l’opinion publique, en Europe comme aux USA. Vous êtes des enfants dans leurs mains. Ils vous connaissent très bien, alors que vous ne les connaissez pas. Vous êtes manipulés et vous ne le savez pas.

Ils ont compris voila longtemps que votre talon d’Achille, c’est la mauvaise conscience et la compassion. Les Français en sont rongés depuis qu’on leur a mis dans la tête que la colonisation de l’Afrique et du Maghreb avait été un crime contre l’Humanité commis par leurs aïeux. Les uns après les autres, tous les gouvernants français ont baissé leur froc et fait acte de " repentance " vis-à-vis de ces peuples que leurs pères avaient " exploités " ; mais a-t-on songé à demander aux Arabes de se repentir, eux qui ont réduit en esclavage pendant des siècles, des générations d’Africains ?

Je suis athée, mais je ne pourrais pas le dire si j’étais resté dans mon pays. Pas plus hier qu’aujourd’hui. Ce n’est pas un problème de liberté d’expression, c’est juste un problème de liberté d’être. On n’a pas le droit d’être athée en Islam : juif, chrétien, oui. Athée, non. Mon appréhension, au vu de tout ce qui s’est produit depuis une dizaine d’années, c’est que je ne puisse pas le dire demain ; ici, dans ce beau pays libre qu’est la France. Je ne le crains pas pour moi, bien sûr, je suis vieux. Mais je crains que mes enfants et mes petits enfants se trouvent confrontés à la main-mise de l’Islam, à laquelle j’ai eu la chance de me soustraire voila près d’un siècle.

En 25 ans, j’ai vu évoluer la société française d’un modèle républicain et comme vous dites " laïc " vers un modèle communautaire à l’anglo-américaine. Il a fallu dix-neuf siècles de conflits et de guerres pour que la France, " Fille aînée de l’Eglise " sépare sa " mère " de son Etat, en 1905. Et encore, nous sommes très loin du compte aujourd’hui, pour les raisons économiques et électoralistes que tu connais mieux que moi. Il n’y a qu’à regarder tes hommes politiques se trémousser dans les églises, les mosquées et les synagogues pour en être convaincu.

La religion est un leurre contre la peur de la mort ; un leurre pour assujettir ceux qui ont vocation à être dominés. Depuis toujours, la religion est l’auxiliaire du pouvoir. Dans toutes les religions. Pourquoi l’être humain a-t-il tellement besoin de se raccrocher à un Dieu et à un au-delà pour tenter d’évacuer la peur de la mort ? Je ne sais pas. Moi, vois-tu, je n’ai jamais eu peur. Jamais eu peur de la mort, en tous cas. Sauf (rires) que j’ai toujours craint d’être enterré vivant. Je fais très souvent un affreux cauchemar. On ferme mon cercueil alors que je suis assoupi. Je me réveille et je frappe désespérément sur le couvercle en hurlant : bande d’idiots, espèces d’imbéciles… Vous ne voyez donc pas que je ne suis pas mort ? "

Mon père est mort le 28 avril 2014 dans sa centième année. Il a arrêté de se nourrir, estimant qu’il avait suffisamment vécu.

Il n’a pas connu les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan, de la Promenade des Anglais à Nice, ni l’égorgement du Père Jacques Hamel à St. Etienne-du-Rouvray.

A chacune de ces attaques terroristes et plus encore aujourd’hui, après le carnage barbare du Hamas perpétré le samedi 7 octobre 2023, j’ai repensé à ce qu’il m’avait dit au lendemain du 11 septembre 2001. 

Auteur: Mansouret Anne

Info: https://www.causeur.fr/, 21 octobre 2023, [1] Agha Djoun est mon grand-père, le père de mon père. C’est l’appellation donnée dans les familles, qui peut s’interpréter : " Votre Éminence chérie " et qui traduit tout à la fois la déférence et l’affection. En l’occurrence, mon grand-père était haut fonctionnaire territorial, c’est à dire Trésorier général dans plusieurs provinces, d’où les déménagements successifs vécus par ma famille.

[ prise du pouvoir ] [ machiavélisme ] [ orient - occident ]

 

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évolution technologique

Intelligence artificielle ou stupidité réelle ?

Bien que le battage médiatique augmente la sensibilisation à l'IA, il facilite également certaines activités assez stupides et peut distraire les gens de la plupart des progrès réels qui sont réalisés.
Distinguer la réalité des manchettes plus dramatiques promet d'offrir des avantages importants aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux consommateurs.

L'intelligence artificielle a acquis sa notoriété récente en grande partie grâce à des succès très médiatisés tels que la victoire d'IBM Watson à Jeopardy et celle de Google AlphaGo qui a battu le champion du monde au jeu "Go". Waymo, Tesla et d'autres ont également fait de grands progrès avec les véhicules auto-propulsés. Richard Waters a rendu compte de l'étendue des applications de l'IA dans le Financial Times : "S'il y a un message unificateur qui sous-tend la technologie grand public exposée [au Consumer Electronics Show] .... c'est : "L'IA partout."

Les succès retentissants de l'IA ont également capturé l'imagination des gens à un tel point que cela a suscité d'autres efforts d'envergure. Un exemple instructif a été documenté par Thomas H. Davenport et Rajeev Ronanki dans le Harvard Business Review. Ils écrirent, "En 2013, le MD Anderson Cancer Center a lancé un projet ""Moon shot " : diagnostiquer et recommander des plans de traitement pour certaines formes de cancer en utilisant le système cognitif Watson d'IBM". Malheureusement, ce système n'a pas fonctionné et en 2017 le projet fut mis en veilleuse après avoir coûté plus de 62 millions de dollars sans avoir été utilisé pour les patients.

Waters a également abordé un autre message, celui des attentes modérées. En ce qui concerne les "assistants personnels à commande vocale", note-t-elle, "on ne sait pas encore si la technologie est capable de remplacer le smartphone pour naviguer dans le monde numérique autrement autrement que pour écouter de la musique ou vérifier les nouvelles et la météo".

D'autres exemples de prévisions modérées abondent. Generva Allen du Baylor College of Medicine et de l'Université Rice a avertit , "Je ne ferais pas confiance à une très grande partie des découvertes actuellement faites qui utilisent des techniques de machine learning appliquées à de grands ensembles de données". Le problème, c'est que bon nombre des techniques sont conçues pour fournir des réponses précises et que la recherche comporte des incertitudes. Elle a précisé : "Parfois, il serait beaucoup plus utile qu'ils reconnaissent que certains sont vraiment consolidés, mais qu'on est pas sûr pour beaucoup d'autres".

Pire encore, dans les cas extrêmes, l'IA n'est pas seulement sous-performante ; elle n'a même pas encore été mise en œuvre. Le FT rapporte, "Quatre jeunes entreprises européennes sur dix n'utilisent aucun programme d'intelligence artificielle dans leurs produits, selon un rapport qui souligne le battage publicitaire autour de cette technologie.

Les cycles d'attentes excessives suivies de vagues de déception ne sont pas surprenants pour ceux qui ont côtoyé l'intelligence artificielle pendant un certain temps. Ils savent que ce n'est pas le premier rodéo de l'IA. En effet, une grande partie du travail conceptuel date des années 1950. D'ailleurs, en passant en revue certaines de mes notes récentes je suis tombé sur une pièce qui explorait les réseaux neuronaux dans le but de choisir des actions - datant de 1993.

La meilleure façon d'avoir une perspective sur l'IA est d'aller directement à la source et Martin Ford nous en donne l'occasion dans son livre, Architects of Intelligence. Organisé sous la forme d'une succession d'entrevues avec des chercheurs, des universitaires et des entrepreneurs de premier plan de l'industrie, le livre présente un historique utile de l'IA et met en lumière les principaux courants de pensée.

Deux perspectives importantes se dégagent de ce livre.

La première est qu'en dépit des origines et des personnalités disparates des personnes interrogées, il existe un large consensus sur des sujets importants.

L'autre est qu'un grand nombre des priorités et des préoccupations des principales recherches sur l'IA sont bien différentes de celles exprimées dans les médias grand public.

Prenons par exemple le concept d'intelligence générale artificielle (AGI). Qui est étroitement lié à la notion de "singularité" ce point où l'IA rejoindra celle de l'homme - avant un dépassement massif de cette dernière. Cette idée et d'autres ont suscité des préoccupations au sujet de l'IA, tout comme les pertes massives d'emplois, les drones tueurs et une foule d'autres manifestations alarmantes.

Les principaux chercheurs en AI ont des points de vue très différents ; ils ne sont pas du tout perturbés par l'AGI et autres alarmismes.

Geoffrey Hinton, professeur d'informatique à l'Université de Toronto et vice-président et chercheur chez Google, dit : "Si votre question est : Quand allons-nous obtenir un commandant-docteur Data (comme dans Star Trek ) je ne crois pas que ce sera comme çà que ça va se faire. Je ne pense pas qu'on aura des programmes uniques et généralistes comme ça."

Yoshua Bengio, professeur d'informatique et de recherche opérationnelle à l'Université de Montréal, nous dit qu'il y a des problèmes très difficiles et que nous sommes très loin de l'IA au niveau humain. Il ajoute : "Nous sommes tous excités parce que nous avons fait beaucoup de progrès dans cette ascension, mais en nous approchant du sommet, nous apercevons d'autres collines qui s'élèvent devant nous au fur et à mesure".

Barbara Grosz, professeur de sciences naturelles à l'Université de Harvard : "Je ne pense pas que l'AGI soit la bonne direction à prendre". Elle soutient que la poursuite de l'AGI (et la gestion de ses conséquences) sont si loin dans l'avenir qu'elles ne sont que "distraction".

Un autre fil conducteur des recherches sur l'IA est la croyance que l'IA devrait être utilisée pour améliorer le travail humain plutôt que le remplacer.

Cynthia Breazeal, directrice du groupe de robots personnels du laboratoire de médias du MIT, aborde la question : "La question est de savoir quelle est la synergie, quelle est la complémentarité, quelle est l'amélioration qui permet d'étendre nos capacités humaines en termes d'objectifs, ce qui nous permet d'avoir vraiment un plus grand impact dans le monde, avec l'IA."

Fei-Fei Li, professeur d'informatique à Stanford et scientifique en chef pour Google Cloud dit lui : "L'IA en tant que technologie a énormément de potentiel pour valoriser et améliorer le travail, sans le remplacer".

James Manyika, président du conseil et directeur du McKinsey Global Institute, fait remarquer que puisque 60 % des professions ont environ un tiers de leurs activités qui sont automatisables et que seulement environ 10 % des professions ont plus de 90 % automatisables, "beaucoup plus de professions seront complétées ou augmentées par des technologies qu'elles ne seront remplacées".

De plus, l'IA ne peut améliorer le travail humain que si elle peut travailler efficacement de concert avec lui.

Barbara Grosz fait remarquer : "J'ai dit à un moment donné que 'les systèmes d'IA sont meilleurs s'ils sont conçus en pensant aux gens'". Je recommande que nous visions à construire un système qui soit un bon partenaire d'équipe et qui fonctionne si bien avec nous que nous ne nous rendions pas compte qu'il n'est pas humain".

David Ferrucci, fondateur d'Elemental Cognition et directeur d'IA appliquée chez Bridgewater Associates, déclare : " L'avenir que nous envisageons chez Elemental Cognition repose sur une collaboration étroite et fluide entre l'intelligence humaine et la machine. "Nous pensons que c'est un partenariat de pensée." Yoshua Bengio nous rappelle cependant les défis à relever pour former un tel partenariat : "Il ne s'agit pas seulement de la précision [avec l'IA], il s'agit de comprendre le contexte humain, et les ordinateurs n'ont absolument aucun indice à ce sujet."

Il est intéressant de constater qu'il y a beaucoup de consensus sur des idées clés telles que l'AGI n'est pas un objectif particulièrement utile en ce moment, l'IA devrait être utilisée pour améliorer et non remplacer le travail et l'IA devrait fonctionner en collaboration avec des personnes. Il est également intéressant de constater que ces mêmes leçons sont confirmées par l'expérience des entreprises.

Richard Waters décrit comment les implémentations de l'intelligence artificielle en sont encore à un stade assez rudimentaire.

Éliminez les recherches qui monopolisent les gros titres (un ordinateur qui peut battre les humains au Go !) et la technologie demeure à un stade très primaire .

Mais au-delà de cette "consumérisation" de l'IT, qui a mis davantage d'outils faciles à utiliser entre les mains, la refonte des systèmes et processus internes dans une entreprise demande beaucoup de travail.

Ce gros travail prend du temps et peu d'entreprises semblent présentes sur le terrain. Ginni Rometty, responsable d'IBM, qualifie les applications de ses clients d'"actes aléatoires du numérique" et qualifie nombre de projets de "hit and miss". (ratages). Andrew Moore, responsable de l'intelligence artificielle pour les activités de Google Cloud business, la décrit comme "intelligence artificielle artisanale". Rometty explique : "Ils ont tendance à partir d'un ensemble de données isolé ou d'un cas d'utilisation - comme la rationalisation des interactions avec un groupe particulier de clients. Tout ceci n'est pas lié aux systèmes, données ou flux de travail plus profonds d'une entreprise, ce qui limite leur impact."

Bien que le cas HBR du MD Anderson Cancer Center soit un bon exemple d'un projet d'IA "au clair de lune "qui a probablement dépassé les bornes, cela fournit également une excellente indication des types de travail que l'IA peut améliorer de façon significative. En même temps que le centre essayait d'appliquer l'IA au traitement du cancer, son "groupe informatique expérimentait l'utilisation des technologies cognitives pour des tâches beaucoup moins ambitieuses, telles que faire des recommandations d'hôtels et de restaurants pour les familles des patients, déterminer quels patients avaient besoin d'aide pour payer leurs factures, et résoudre les problèmes informatiques du personnel".

Dans cette entreprise, le centre a eu de bien meilleures expériences : "Les nouveaux systèmes ont contribué à accroître la satisfaction des patients, à améliorer le rendement financier et à réduire le temps consacré à la saisie fastidieuse des données par les gestionnaires de soins de l'hôpital. De telles fonctions banales ne sont peut-être pas exactement du ressort de Terminator, mais elles sont quand même importantes.

Optimiser l'IA dans le but d'augmenter le travail en collaborant avec les humains était également le point central d'une pièce de H. James Wilson et Paul R. Daugherty "HBRpiece". Ils soulignent : "Certes, de nombreuses entreprises ont utilisé l'intelligence artificielle pour automatiser leurs processus, mais celles qui l'utilisent principalement pour déplacer leurs employés ne verront que des gains de productivité à court terme. Grâce à cette intelligence collaborative, l'homme et l'IA renforcent activement les forces complémentaires de l'autre : le leadership, le travail d'équipe, la créativité et les compétences sociales de la première, la rapidité, l'évolutivité et les capacités quantitatives de la seconde".

Wilson et Daugherty précisent : "Pour tirer pleinement parti de cette collaboration, les entreprises doivent comprendre comment les humains peuvent le plus efficacement augmenter les machines, comment les machines peuvent améliorer ce que les humains font le mieux, et comment redéfinir les processus commerciaux pour soutenir le partenariat". Cela demande beaucoup de travail et cela va bien au-delà du simple fait de balancer un système d'IA dans un environnement de travail préexistant.

Les idées des principaux chercheurs en intelligence artificielle, combinées aux réalités des applications du monde réel, offrent des implications utiles. La première est que l'IA est une arme à double tranchant : le battage médiatique peut causer des distractions et une mauvaise attribution, mais les capacités sont trop importantes pour les ignorer.

Ben Hunt discute des rôles de la propriété intellectuelle (PI) et de l'intelligence artificielle dans le secteur des investissements, et ses commentaires sont largement pertinents pour d'autres secteurs. Il note : "L'utilité de la propriété intellectuelle pour préserver le pouvoir de fixation des prix est beaucoup moins fonction de la meilleure stratégie que la PI vous aide à établir, et beaucoup plus fonction de la façon dont la propriété intellectuelle s'intègre dans le l'esprit du temps (Zeitgeist) dominant dans votre secteur.

Il poursuit en expliquant que le "POURQUOI" de votre PI doit "répondre aux attentes de vos clients quant au fonctionnement de la PI" afin de protéger votre produit. Si vous ne correspondez pas à l'esprit du temps, personne ne croira que les murs de votre château existent, même si c'est le cas". Dans le domaine de l'investissement (et bien d'autres encore), "PERSONNE ne considère plus le cerveau humain comme une propriété intellectuelle défendable. Personne." En d'autres termes, si vous n'utilisez pas l'IA, vous n'obtiendrez pas de pouvoir de fixation des prix, quels que soient les résultats réels.

Cela fait allusion à un problème encore plus grave avec l'IA : trop de gens ne sont tout simplement pas prêts à y faire face.

Daniela Rus, directrice du laboratoire d'informatique et d'intelligence artificielle (CSAIL) du MIT déclare : "Je veux être une optimiste technologique. Je tiens à dire que je vois la technologie comme quelque chose qui a le potentiel énorme d'unir les gens plutôt que les diviser, et de les autonomiser plutôt que de les désolidariser. Mais pour y parvenir, nous devons faire progresser la science et l'ingénierie afin de rendre la technologie plus performante et plus utilisable." Nous devons revoir notre façon d'éduquer les gens afin de nous assurer que tous ont les outils et les compétences nécessaires pour tirer parti de la technologie.

Yann Lecun ajoute : "Nous n'aurons pas de large diffusion de la technologie de l'IA à moins qu'une proportion importante de la population ne soit formée pour en tirer parti ".

Cynthia Breazeal répéte : "Dans une société de plus en plus alimentée par l'IA, nous avons besoin d'une société alphabétisée à l'IA."

Ce ne sont pas non plus des déclarations creuses ; il existe une vaste gamme de matériel d'apprentissage gratuit pour l'IA disponible en ligne pour encourager la participation sur le terrain.

Si la société ne rattrape pas la réalité de l'IA, il y aura des conséquences.

Brezeal note : "Les craintes des gens à propos de l'IA peuvent être manipulées parce qu'ils ne la comprennent pas."

Lecun souligne : " Il y a une concentration du pouvoir. À l'heure actuelle, la recherche sur l'IA est très publique et ouverte, mais à l'heure actuelle, elle est largement déployée par un nombre relativement restreint d'entreprises. Il faudra un certain temps avant que ce ne soit utilisé par une plus grande partie de l'économie et c'est une redistribution des cartes du pouvoir."

Hinton souligne une autre conséquence : "Le problème se situe au niveau des systèmes sociaux et la question de savoir si nous allons avoir un système social qui partage équitablement... Tout cela n'a rien à voir avec la technologie".

À bien des égards, l'IA est donc un signal d'alarme. En raison de l'interrelation unique de l'IA avec l'humanité, l'IA a tendance à faire ressortir ses meilleurs et ses pires éléments. Certes, des progrès considérables sont réalisés sur le plan technologique, ce qui promet de fournir des outils toujours plus puissants pour résoudre des problèmes difficiles. Cependant, ces promesses sont également limitées par la capacité des gens, et de la société dans son ensemble, d'adopter les outils d'IA et de les déployer de manière efficace.

Des preuves récentes suggèrent que nous avons du pain sur la planche pour nous préparer à une société améliorée par l'IA. Dans un cas rapporté par le FT, UBS a créé des "algorithmes de recommandation" (tels que ceux utilisés par Netflix pour les films) afin de proposer des transactions pour ses clients. Bien que la technologie existe, il est difficile de comprendre en quoi cette application est utile à la société, même de loin.

Dans un autre cas, Richard Waters nous rappelle : "Cela fait presque dix ans, par exemple, que Google a fait trembler le monde de l'automobile avec son premier prototype de voiture autopropulsée". Il continue : "La première vague de la technologie des voitures sans conducteur est presque prête à faire son entrée sur le marché, mais certains constructeurs automobiles et sociétés de technologie ne semblent plus aussi désireux de faire le grand saut. Bref, ils sont menacés parce que la technologie actuelle est à "un niveau d'autonomie qui fait peur aux constructeurs automobiles, mais qui fait aussi peur aux législateurs et aux régulateurs".

En résumé, que vous soyez investisseur, homme d'affaires, employé ou consommateur, l'IA a le potentiel de rendre les choses bien meilleures - et bien pires. Afin de tirer le meilleur parti de cette opportunité, un effort actif axé sur l'éducation est un excellent point de départ. Pour que les promesses d'AI se concrétisent, il faudra aussi déployer beaucoup d'efforts pour mettre en place des infrastructures de systèmes et cartographier les forces complémentaires. En d'autres termes, il est préférable de considérer l'IA comme un long voyage plutôt que comme une destination à court terme.

Auteur: Internet

Info: Zero Hedge, Ven, 03/15/2019 - 21:10

[ prospective ]

 
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Gaule 2023

Marianne : Comment avez-vous perçu le mouvement social de contestation à la réforme des retraites ?

E.T. :
 Je suis allé en manifestation. Du mouvement de contestation, j'ai constaté la masse, l’énergie, la jeunesse. Je tiens à dire ce que je pense de la responsabilité des uns et des autres concernant le désordre actuel, tout d'abord. Pour moi – je dis bien pour moi – mais ça sera aux juristes de trancher, il est clair qu'en faisant passer une réforme des retraites en loi de finances rectificative et par l'article 49.3, Emmanuel Macron et Élisabeth Borne sont sortis de la Constitution, du moins de l'esprit de la Constitution. Ce sera au Conseil constitutionnel de le dire. Mais il n'est pas certain que j'accepte l'avis du Conseil constitutionnel, s’il valide Macron-Borne.

J'ai vu les commentaires, le soir, sur BFM TV, LCI et d'autres, où l’on parlait de feux de poubelle. Pour moi, 100 % de la responsabilité de ces feux de poubelle incombe au président de la République française et la question de savoir si ce sont plus les black blocks ou les manifestants qui les ont allumés ne m'intéresse pas.

Pourquoi Emmanuel Macron entretiendrait-il ce désordre ?

Ce qui m'étonne le plus, moi, c'est que c'est un désordre qui ne sert à rien. En général, quand on gouverne par le désordre pour faire se lever le parti de l’ordre, c’est qu’on veut consolider un pouvoir fragile, ou bien pour reprendre le pouvoir. Mais Macron avait le pouvoir. La vérité de ce projet de réforme des retraites, en dehors du fait qu’il est injuste et incohérent, c’est qu’il est insignifiant et inutile par rapport aux problèmes réels de la société française.

Il y en a deux : la désindustrialisation et la chute du niveau de vie, liée à l’inflation. La question qui se pose et ce qu’il faut analyser vraiment, c’est la raison de cette mise en désordre de la France par son président, pour rien. Était-ce pour mener à bien un projet néolibéral, appelé "réformateur" ? Ou est-ce que c’est un problème lié à la personnalité de Macron lui-même ?

Commençons par l’hypothèse d’une réforme pensée comme juste par Macron. Vous la jugez néolibérale ?

La réalité du monde occidental, qui entre en guerre, c’est que le néolibéralisme, en tant qu’idéologie économiste active transformant la planète, est en train de mourir parce que ses effets ultimes se révèlent. La mortalité augmente aux États-Unis, et donc, logiquement, l’espérance de vie baisse. Les États-Unis ont perdu leur base industrielle, comme l’Angleterre. Le contexte historique général en ce moment, dans le monde américain, est plutôt aux réflexions sur le retour de l’État entrepreneur.

Macron avait pourtant engagé un tournant néo-protectionniste avec le Covid…

Non ! Je pense que Macron est néolibéral archaïque, et donc en grand état de déficit cognitif. Quand il parle de protectionnisme, il n’est même pas capable de dire s’il s’agit de protectionnisme national ou européen. Mais si tu ne fixes pas d’échelle, tu ne parles de rien. Quand il parle de réindustrialisation, il n’est pas capable de voir que la réindustrialisation implique deux actions simultanées. D’abord, l’investissement direct de l’État dans l’économie. C’est ça qui serait important actuellement, pas la réforme des retraites. Et puis des mesures de protection des secteurs qu’on refonde, par exemple dans les médicaments, dans la fabrication de tel ou tel bien essentiel à la sécurité informatique, alimentaire et énergétique de la France.

C’est d’ailleurs l’une des choses stupéfiantes dans ce débat sur les retraites : les politiques légifèrent – croient-ils – sur des perspectives à long terme d’équilibre. Ils spéculent sur des années de travail qui vont couvrir des décennies pour la plupart des gens, sans se poser la question de ce qui restera, non pas comme argent, comme signes monétaires, mais comme bien réels produits pour servir ces retraites en 2050 ou 2070.

Les retraites sont menacées, c’est vrai, mais par la désindustrialisation. Quel que soit le système comptable, si la France ne produit plus rien le niveau des retraites réelles de tout le monde va baisser. En dehors du fait qu'il a déjà commencé à baisser avec l'inflation.

Notre élite économique fait, selon vous, une fois de plus fausse route.

Notre président et les gens autour de lui, une sorte de pseudo-intelligentsia economico-politique, sont hors du monde. À une époque, on savait que pour faire la guerre, il fallait des biens industriels, des ingénieurs, des ouvriers. On redécouvre aujourd’hui à Washington et à Londres que tout ça n’existe plus assez ! Les faucons néoconservateurs croyaient qu’on pouvait faire la guerre à la Russie avec des soldats ukrainiens et à la Chine en prime, grâce au travail d’ouvriers… chinois ! La réalité du néolibéralisme, c'est qu’il a tout détruit au cœur même de son Empire. Le vrai nom du néolibéralisme, c'est "nihilisme économique". Je me souviens de phrases prophétiques de Margaret Thatcher disant "There is no such thing as society ", ou "There is no alternative" (TINA). Ces idioties ne sortent pas du libéralisme britannique, de John Locke ou d'Adam Smith, mais bien plutôt du nihilisme russe du XIXe siècle.

Cette réforme des retraites à contretemps est guidée par un phénomène d'inertie, au nom d’une idéologie qui est en train de mourir. Le discours néolibéral est un discours de la rationalité économique, un discours de la rationalité des marchés qui va permettre de produire, en théorie, plus d'efficacité. Je vais vous dire l’état de mes recherches sur le nihilisme néolibéral : cette passion de détruire les cadres de sécurité établis au cours des siècles par les religions, les États et les partis de gauche. Le nihilisme néolibéral détruit la fécondité du monde avancé, la possibilité même d’un futur. Et vous allez être fier de cette France dont les néolibéraux rient.

Vous faites partie de ceux qui voient dans les indices de fécondité l'avenir de l'Occident…

La vérité historique fondamentale actuelle, c’est que la rationalité individualiste pure détruit la capacité des populations à se reproduire et des sociétés à survivre. Pour faire des enfants, particulièrement dans les classes moyennes qui veulent pour eux des études longues, il faut l’aide de la collectivité, il faut se projeter dans un avenir qui ne peut apparaître suffisamment sûr que grâce à l’État. Il faut donc sortir de la rationalité économique à court terme. Sans oublier que décider d’avoir un enfant, ce n’est être ni rationnel, ni parfois même raisonnable, mais vivant. Je sais qu'il y a des gens qui s'inquiètent de l'augmentation de la population mondiale, mais moi, je suis inquiet de la sous-fécondité de toutes les régions "avancées". Même les États-Unis, même l'Angleterre, sont tombés à 1,6 enfant par femme. L’Allemagne est à 1,5, le Japon est à 1,3. La Corée, chouchou des majorettes intellectuelles du succès économique, le pays de Samsung et d'une globalisation économique assumée, est à 0,8. … Le plus efficace économiquement est le plus suicidaire.

C'est là que la France redevient vraiment intéressante. Elle a deux caractéristiques. C'est d’abord le pays qui fait le moins bien ses "réformes", qui refuse le plus le discours de la rationalité économique. Dont l'État n'est jamais dégrossi comme le rêvent les idéologues du marché. Mais c'est aussi le seul pays avancé qui garde une fécondité de 1,8. C'est le pays qui, en ne voulant pas toutes ces réformes, a refusé la destruction de certaines des structures de protection des individus et des familles qui permettent aux gens de se projeter dans le futur et d'avoir des enfants. Une retraite jeune, ce sont aussi des grands-pères et des grands-mères utilisables pour des gardes d’enfants ! Désolé d’apparaître en être humain plutôt qu’en économiste ! La grandeur de la France, c'est son refus de la rationalité économique, son refus de la réforme. Ce qui fait de la France un pays génial, c'est son irrationalité économique. On saura si Macron a réussi s'il arrive à faire baisser la natalité française au niveau anglo-américain, au-delà de son cas personnel de non-reproduction.

Comment ce dernier peut-il alors imposer une telle réforme si c'est contre l'intérêt du pays ?

Pourquoi un président de la République en si grand état de déficit cognitif peut-il imposer cette réforme injuste, inutile et incohérente par un coup de force institutionnel ou même un coup d’État ? Parce qu’il agit dans un système sociopolitique détraqué que je qualifierais même de pathologique. Il y avait une organisation de la République qui reposait sur une opposition de la droite et de la gauche, permise par un mode de scrutin adapté : le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Il faisait qu’au premier tour, on choisissait son parti de droite préféré, son parti de gauche préféré. Au deuxième tour, les deux camps se regroupaient et on avait une très belle élection.

Tout a été dévasté par la nouvelle stratification éducative de la France. La montée de l’éducation supérieure a produit une première division en deux de la société entre les gens qui ont fait des études et ceux qui n’en ont pas fait. C’est le modèle qui s’impose partout dans le monde développé. Mais il y a une autre dimension qui, il faut l’avouer, n’a pas grand-chose à voir : le vieillissement de la population et l’apparition d’une masse électorale âgée, qui établissent un troisième pôle, les vieux, dont je suis. Cette société stratifiée et vieillie a accouché de trois pôles politiques qui structurent le système. Je simplifie jusqu’à la caricature : 1) les éduqués supérieurs mal payés, plutôt jeunes ou actifs, se sont dirigés vers Mélenchon ou la Nupes ; 2) les moins éduqués mal payés, plutôt jeunes et actifs, vers le RN ; 3) les vieux, derrière Macron.

Ils sont les seuls à soutenir la réforme des retraites, d’ailleurs…

Ce système est dysfonctionnel, "détraqué", à cause de l’opposition viscérale entre les électorats contestataires de gauche et de droite, Nupes et RN. Ces deux électorats ont en commun leur niveau de vie, leur structure d’âge, mais sont séparés par l’éducation et par la question de la nation et de l’immigration. Cette fracture conduit à une incapacité des uns et des autres à se considérer comme mutuellement légitimes. Leur opposition permet à Macron et aux vieux de régner. Les retraités peuvent donc imposer une réforme des retraites qui ne les touche pas. Le problème, c’est qu’une démocratie ne peut fonctionner que si les gens opposés se considèrent comme certes différents, mais mutuellement légitimes.

La France vire-t-elle à la gérontocratie ?

On a enfermé les jeunes pour sauver les gens de ma génération. Comment la démocratie est-elle possible avec un corps électoral qui vieillit sans cesse ? Mais dénoncer un système gérontocratique ne suffit pas, d’un point de vue anthropologique en tout cas. Ce qu’il faut dénoncer, c’est une société qui ne peut survivre. Une société humaine ne peut pas se projeter dans l’avenir si on part du principe que les ressources doivent remonter vers les vieux plutôt que descendre vers les jeunes.

La question institutionnelle fondamentale, ce n’est pas tant le pouvoir disproportionné du président dans la conception de la Ve République, mais un système électoral inadapté dans un contexte où les deux forces d’opposition refusent d’exister l’une pour l’autre. Il y a deux solutions : la première est le passage au mode de scrutin proportionnel. Mais cela ne se produira pas car la gérontocratie en place a trop intérêt à ce que le système dysfonctionne. L’autre solution, c’est de trouver une voie politique qui permette le sauvetage de la démocratie : je propose un contrat à durée limitée réconciliant les électorats du Rassemblement national et de la Nupes pour établir le scrutin proportionnel.

Mais comment les réconcilier ?

Je considère vraiment que ce qui se passe est inquiétant. J’ai un peu de mal à imaginer que cela ne se termine pas mal. Il y a un élément d’urgence, et la simple menace de désistement implicite ou explicite entre les deux forces d’opposition calmerait beaucoup le jeu. Il ferait tomber le sentiment d’impunité de la bureaucratie qui nous gouverne.

Le problème fondamental n’est pas un problème entre appareils. Le problème fondamental est un problème de rejet pluriel. 1) L’électorat du Rassemblement national est installé dans son rejet de l’immigration, un concept qui mélange l’immigration réelle qui passe aujourd’hui la frontière et la descendance de l’immigration ancienne, les gosses d’origine maghrébine qui sont maintenant une fraction substantielle de la population française. 2) L’électorat de LFI et de la Nupes croit seulement exprimer un refus du racisme du RN mais il exprime aussi, à l’insu de son plein gré, un rejet culturel de l’électorat du RN. Il vit un désir à la Bourdieu de distinction. Simplifions, soyons brutal, il s’agit de sauver la République : il y a d’un côté une xénophobie ethnique et de l’autre une xénophobie sociale.

J’ai un peu de mal à imaginer que le sauvetage à court terme de la démocratie par l’établissement de la proportionnelle, via un accord à durée limitée entre Nupes et RN, puisse se passer d’un minimum de négociation sur la question du rapport à l’étranger. La seule négociation possible, la seule chose raisonnable d’ailleurs du point de vue de l’avenir du pays, c’est que les électeurs de la Nupes admettent que le contrôle des frontières est absolument légitime et que les gens du Rassemblement national admettent que les gens d’origine maghrébine en France sont des Français comme les autres. Sur cette base, à la fois très précise et qui admet du flou, on peut s’entendre.

Le contexte actuel reproduit-il celui de l’époque des Gilets jaunes ?

"La police tape pour Macron, mais vote pour Le Pen", disais-je en 2018 au moment des Gilets jaunes… Je m’inquiétais de la possibilité d’une collusion entre les forces de ce que j’appelais à l’époque l’aristocratie stato-financière et l’autoritarisme implicitement associé à la notion d’extrême droite. J’avançais le concept de macrolepénisme. Le Rassemblement national aujourd’hui est confronté à une ambivalence qu’il doit lever. Le contexte actuel reproduit le contexte de l’époque des Gilets jaunes, en effet : d’un côté le Rassemblement national passe des motions de censure contre la politique gouvernementale sur les retraites (et je trouve tout à fait immoral que LFI refuse de voter les motions du Rassemblement national sur ces questions), mais, d’un autre côté, c’est, comme d’habitude, la police qui cogne sur les manifestants, qui est utilisée par Macron, qui continue de voter à plus de 50 % pour le Rassemblement national ! J’ajoute que le choix par Marine Le Pen de l’opposition à la grève des éboueurs n’est pas de bon augure.

Le Rassemblement national ne peut pas rester dans cette ambiguïté : il suffirait d’un petit mot de modération de Marine Le Pen pour que le comportement de la police change. Ce que je dis est grave : en mode démocratique normal, une police doit obéir au ministre de l’Intérieur. Mais je ne vois pas pourquoi une police appliquerait aveuglément les consignes de violence d’un président qui est sorti de la Constitution. Nous avons besoin d’une réflexion approfondie des juristes. Il s’agit de protéger les institutions dans un contexte extrêmement bizarre. Le conflit entre jeunes manifestants et jeunes policiers nous ramène d’ailleurs à la question du rejet mutuel Nupes/RN. L’hostilité qu’encourage le gouvernement entre la police et les jeunes manifestants est une menace pour l’équilibre du pays. On ne peut pas vivre dans un pays avec deux jeunesses qui se tapent dessus. Il y a dans le style policier violent Macron-Borne-Darmanin quelque chose de pensé et de pervers.

Vous dites que la première raison de l’obstination du gouvernement pourrait venir de l’esprit de Macron directement…

J’ai parlé de système électoral, j’ai parlé de néolibéralisme. J’ai parlé du déficit cognitif néolibéral de Macron. Une autre chose doit être évoquée, non systémique, accidentelle, dont je n’aime pas parler mais dont on doit parler : une autre raison de la préférence de Macron pour le désordre et la violence est sans doute un problème de personnalité, un problème psychologique grave. Son rapport au réel n’est pas clair. On lui reproche de mépriser les gens ordinaires. Je le soupçonne de haïr les gens normaux. Son rapport à son enfance n’est pas clair. Parfois, il me fait penser à ces enfants excités qui cherchent la limite, qui attendent d’un adulte qu’il les arrête. Ce qui serait bien, ce serait que le peuple français devienne adulte et arrête l’enfant Macron.

La situation est extrêmement dangereuse parce que nous avons peut-être un président hors contrôle dans un système sociopolitique qui est devenu pathologique. Au-delà de toutes les théories, sophistiquées ou non, j’en appelle à tous les gens pacifiques, moraux et raisonnables, quel que soit leur niveau éducatif, leur richesse, leur âge, à tous les députés quel que soit leur parti, Renaissance compris, j’en appelle au Medef, aux pauvres, aux inspecteurs des finances, aux vieillards et aux oligarques de bonne volonté, pour qu’ils se donnent la main et remettent ce président sous contrôle. La France vaut mieux que ce bordel. 



 

Auteur: Todd Emmanuel

Info: Marianne.net, 5 mars 2023, Interview Par Etienne Campion

 

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non-voyant

Le monde tel que l'imaginent ceux qui n'ont jamais vu. (I)
Depuis les opérations pratiquées par le chirurgien anglais Cheselden en 1728 sur des personnes atteintes de cataracte congénitale, redonner la vue aux aveugles ne tient plus du miracle biblique mais de la science - et les avancées extraordinaires que la médecine a effectuées dans ce domaine invitent à être optimistes pour l'avenir. Toutefois, la plupart des aveugles de naissance qui vivent aujourd'hui savent que ces progrès bénéficieront surtout aux générations futures et que, pour la majorité d'entre eux, ils quitteront ce monde sans en avoir rien vu. Pour autant, à en croire certains, il n'y a nullement là de quoi s'affliger :" Je ne regrette jamais de ne pas voir. Je vois autrement et puis je n'ai jamais vu avec les yeux, ça ne peut pas me manquer." affirme Sophie Massieu (36 ans, journaliste).
L'aveugle de naissance "ne sait pas ce qu'il perd", littéralement parlant, il n'a donc aucune raison de soupirer après un état qu'il n'a jamais connu. Ce n'est donc pas, dans son cas, sur le mode de la lamentation ou du regret lyrique qu'il faut entendre le mot "jamais", comme ce peut être le cas pour les aveugles tardifs qui restent longtemps hantés par leurs souvenirs de voyant... Non, pour l'aveugle-né, ce "jamais" fonctionne à la manière d'un levier, d'une faille où s'engouffre son imagination : à quoi peut ressembler ce monde visible dont tout le monde parle autour de lui ? Comment se représenter des notions proprement visuelles, telles que les couleurs, l'horizon, la perspective ? Toutes ces questions pourraient tenir en une seule : comment concevoir ce qu'est la vue sans voir ? Question qui a sa réciproque pour le voyant : comment se représenter ce que c'est que de ne pas voir pour quiconque a toujours vu ? Il y a là un défi lancé à l'imagination, défi d'autant plus difficile à relever que les repères auxquels chacun aura spontanément tendance à se référer seront tirés d'un univers perceptif radicalement différent de celui qu'on cherche à se représenter, et qu'ils risquent fort, par conséquent, de nous induire en erreur. Il n'est pas dit que ce fossé perceptif puisse être franchi par l'imagination - mais comme tout fossé, celui-ci appelle des passerelles : analogies puisées dans les autres sens ou dans le langage, efforts pour s'abstraire de ses automatismes de pensée - ce que Christine Cloux, aveugle de naissance, appelle une forme de "souplesse mentale"... L'enjeu, s'il est vital pour l'aveugle, peut sembler minime pour le voyant : que gagne-t-on à imaginer le monde avec un sens en moins ? On aurait tort de négliger l'intérêt d'une telle démarche intellectuelle, car s'interroger sur la perception du monde d'un aveugle de naissance, c'est remettre la nôtre en perspective, en appréhender le caractère relatif, mesurer à quel point nos représentations mentales dépendent de nos dispositions sensibles - enfin, c'est peut-être le moyen de prendre conscience des limites de notre point de vue et, le temps d'un effort d'imagination, de les dépasser...
Imaginer le monde quand on est enfant
Le jeune enfant voyant croit que les choses cessent d'exister dès lors qu'elles quittent son champ de vision : un moment très bref, dit-on, sépare le temps où il croit encore sa mère absente et celui où il la croit déjà morte. Qu'on s'imagine alors ce qu'il en est pour l'enfant aveugle de naissance... "J'avais peur de lancer un ballon, parce que je pensais qu'il allait disparaître. Mon monde s'arrêtait à un mètre, au-delà, pour moi, c'était le vide. "explique Natacha de Montmollin (38 ans, informaticienne de gestion). Comment être sûr que les objets continuent d'exister quand ils sont hors de portée, d'autant plus quand on ne les retrouve pas là où on les avait laissés ? Comment accorder sa confiance à monde aussi inconstant ? Un enfant aveugle de naissance aura nécessairement besoin de plus de temps qu'un enfant voyant pour trouver ses marques et pour comprendre le monde qui l'entoure.
Dans les premières années de sa vie, l'aveugle de naissance n'a pas conscience de son handicap... De fait, s'il ne vivait dans une société de voyants, il passerait toute sa vie sans se douter de l'existence du monde visible. Dans la nouvelle de H. G. Wells Le pays des aveugles, le héros, voyant débarqué dans une communauté d'aveugles qui vit repliée sur elle-même, découvre à ses dépens qu'on y traite ceux qui se prétendent doués de la vue non comme des dieux ou des rois, mais comme des fous, comme nous traitons ceux qui affirment voir des anges - pour le dire autrement : au royaume des aveugles de naissance, les borgnes seraient internés. C'est uniquement parce qu'il vit dans une société organisée par et pour des voyants que l'aveugle finit par contracter, avec le temps, le sentiment de sa différence. Cette découverte peut se faire de différentes manières : les parents peuvent, quand ils estiment leur enfant assez mûr, lui expliquer son infirmité ; l'enfant peut également la découvrir par lui-même, au contact des autres enfants. "On ne m'a jamais expliqué que j'étais aveugle, j'en ai pris conscience avec le temps, explique Sophie Massieu. Quand je jouais à cache-cache avec les autres enfants, je ne comprenais pas pourquoi j'étais toujours la première débusquée... Evidemment, j'étais toujours cachée sous une table, sans rien autour pour me protéger, je sautais un peu aux yeux..."
Le jeune aveugle de naissance finit donc par comprendre qu'il existe une facette de la réalité que les autres perçoivent mais qui lui demeure inaccessible. Dans un premier temps, cette "face du monde" doit lui paraître pour le moins abstraite et difficile à concevoir. Pour avoir un aperçu de l'effort d'imagination que cela exige, le voyant devrait tenter de se représenter une quatrième dimension de l'espace qui l'engloberait sans qu'il en ait conscience...
Il est inévitable que l'aveugle de naissance commence par se faire de certaines choses une représentation inexacte : ces "fourvoiements de l'imagination" constituent des étapes indispensables à l'élaboration de l'intelligence, qu'on soit aveugle ou non. En outre, ils peuvent avoir leur poésie. Un psychologue russe (cité par Pierre Villey dans son ouvrage Le monde des aveugles) mentionne l'exemple d'un jeune aveugle de naissance qui se représentait absolument tous les objets comme en mouvement, jusqu'aux plus immobiles : "pour lui les pierres sautent, les couleurs jouent et rient, les arbres se battent, gémissent, pleurent". Cette représentation peut prêter à sourire, mais après tout, la science et la philosophie ne nous ont-elles pas enseigné que l'immobilité du monde n'était qu'une illusion de la perception, découlant de l'incomplétude de notre point de vue ? A ce titre, l'imagination de ce garçon semblait lui avoir épargné certaines illusions dont l'humanité a eu tant de mal à se déprendre : par exemple, quoiqu'il ne sut rien du mouvement des corps célestes, on raconte que, lorsqu'on lui posa la question : "le soleil et la lune se meuvent-ils ?", il répondit par l'affirmative, sans aucune hésitation.
L'aveugle de naissance peut se représenter la plupart des objets en les palpant. Quand ceux-ci sont trop imposants, des maquettes ou des reproductions peuvent s'y substituer. "J'ai su comment était foutue la Tour Eiffel en ayant un porte-clefs entre les mains... " se souvient Sophie Massieu. Tant que l'objet demeure hors de sa portée, hors du champ de son expérience, il n'est pas rare que l'aveugle s'en fasse une image fantaisiste en se fondant sur la sonorité du mot ou par associations d'idées. Ce défaut n'est pas propre aux aveugles, et "chez chacun, l'imagination devance l'action des sens", pour reprendre l'expression de Pierre Villey. Mais ce défaut peut avoir des conséquences nettement plus fâcheuses chez l'aveugle de naissance, car s'il se contente de ces représentations inexactes et ne cherche pas à les corriger, il risque de méconnaître le monde qui l'entoure et de s'isoler dans un royaume fantasque construit selon les caprices de son imagination. L'aveugle-né n'a pas le choix : il doit s'efforcer de se représenter le monde le plus fidèlement possible, sous peine d'y vivre en étranger...
Imaginer les individus
Très tôt, l'aveugle va trouver des expédients pour se représenter le monde qui l'entoure, à commencer par les gens qu'il côtoie. Leur voix, pour commencer, constitue pour lui une mine d'informations précieuses : l'aveugle prête autant attention à ce que dit son interlocuteur qu'à la manière dont il le dit. La voix révèle un caractère, le ton une humeur, l'accent une origine... "On peut dire ce qu'on veut, mais notre voix parle de nous à notre insu." explique Christine Cloux (36 ans, informaticienne). Certains aveugles considèrent qu'il est beaucoup plus difficile de déguiser les expressions de sa voix que celles de son visage, et pour eux, c'est la voix qui est le miroir de l'âme : "Un monde d'aveugle aurait ses Lavater [auteur de"L'Art de connaître les hommes par la physionomie"]. Une phonognomie y tiendrait lieu de notre physiognomie." écrit Pierre Villey dans Le monde des aveugles. Mais à trop se fier au caractère révélateur d'une voix, l'aveugle s'expose parfois à de cruelles désillusions... Villey cite le cas d'une jeune aveugle qui s'était éprise d'une actrice pour le charme de sa voix : "Instruite des déportements peu recommandables de son idole elle s'écrie dans un naïf élan de désespoir : "Si une pareille voix est capable de mentir, à quoi pourrons-nous donc donner notre confiance ?".
De nombreux autres indices peuvent renseigner l'aveugle sur son interlocuteur : une poignée de main en dit long (Sophie Massieu affirme haïr "les poignées de main pas franches, mollasses...", qu'elle imagine comparables à un regard fuyant) ; le son des pas d'un individu peut renseigner sur sa corpulence et sa démarche ; les odeurs qu'il dégage peuvent donner de précieux renseignements sur son mode de vie - autant d'indices que le voyant néglige souvent, en se focalisant principalement sur les informations que lui fournit sa vue. Quant à l'apparence physique en elle-même, la perspicacité de l'aveugle atteint ici ses limites : "Il y a des choses qu'on sait par le toucher mais d'autres nous échappent : on a la forme du visage, mais on n'a pas la finesse des traits, explique Sophie Massieu. On peut toujours demander aux copines "tiens, il me plaît bien, à quoi il ressemble ?" Bon, il faut avoir des bonnes copines... " Certains aveugles de naissance sont susceptibles de se laisser influencer par les goûts de la majorité voyante : Jane Hervé mentionne la préférence d'une aveugle de naissance pour les blonds aux yeux bleus :"Je crois que les blonds sont beaux. Peut-être que c'est rare...". "D'une façon générale, je pense que la manière dont nous imaginons les choses que nous ne pouvons pas percevoir tient beaucoup à la manière dont on nous en parle, explique Sophie Massieu. Si la personne qui vous le décrit trouve ça beau, vous allez trouvez ça beau, si elle trouve ça moche, vous allez trouver ça moche...". De ce point de vue, l'aveugle dépend - littéralement - du regard des autres : "Mes amis et ma famille verbalisent beaucoup ce qu'ils voient, alors ils sont en quelque sorte mon miroir parlant..." confie Christine Cloux.
Imaginer l'espace
On a cru longtemps que l'étendue était une notion impossible à concevoir pour un aveugle. Platner, un médecin philosophe du siècle dernier, en était même arrivé à la conclusion que, pour l'aveugle-né, c'était le temps qui devait faire office d'espace : "Eloignement et proximité ne signifient pour lui que le temps plus ou moins long, le nombre plus ou moins grand d'intermédiaires dont il a besoin pour passer d'une sensation tactile à une autre.". Cette théorie est très poétique - on se prend à imaginer, dans un monde d'aveugles-nés, des cartes en relief où la place dévolue à chaque territoire ne serait pas proportionnelle à ses dimensions réelles mais à son accessibilité, au temps nécessaire pour le parcourir... Dans les faits, cependant, cette théorie nous en dit plus sur la manière dont les voyants imaginent le monde des aveugles que sur le contraire. Car s'il faut en croire les principaux intéressés, ils n'ont pas spécialement de difficulté à se figurer l'espace.
"Tout est en 3D dans ma tête, explique Christine Cloux. Si je suis chez moi, je sais exactement comment mon appartement est composé : je peux décrire l'étage inférieur sans y aller, comme si j'en avais une maquette. Vraiment une maquette, pas un dessin ou une photo. De même pour les endroits que je connais ou que j'explore : les gares, des quartiers en ville, etc. Plus je connais, plus c'est précis. Plus j'explore, plus j'agrandis mes maquettes et j'y ajoute des détails."La représentation de l'espace de l'aveugle de naissance se fait bien sous formes d'images spatiales, mais celles-ci n'en sont pas pour autant des images-vues : il faudrait plutôt parler d'images-formes, non visuelles, où l'aveugle projette à l'occasion des impressions tactiles. Pour décrire cette perception, Jane Hervé utilise une comparaison expressive :"les sensations successives et multiples constituent une toile impressionniste - tramée de mille touchers et sensations - suggérant la forme sentie, comme les taches d'or étincelant dans la mer composant l'Impression, soleil devant de Claude Monet."
A l'époque des Lumières, certains commentateurs, stupéfaits par les pouvoirs de déduction des aveugles, s'imaginaient que ceux-ci étaient capables de voir avec le bout de leurs doigts (ils étaient trompés, il faut dire, par certains aveugles qui prétendaient pouvoir reconnaître les couleurs d'un vêtement simplement en touchant son étoffe). Mais les aveugles de naissance eux-mêmes ne sont pas à l'abri de ce genre de méprises : Jane Hervé cite le cas d'une adolescente de 18 ans - tout à fait intelligente par ailleurs - qui pensait que le regard des voyants pouvait contourner les obstacles - exactement comme la main permet d'enserrer entièrement un petit objet pour en connaître la forme. Elle pensait également que les voyants pouvaient voir de face comme de dos, qu'ils étaient doués d'une vision panoramique : "Elle imaginait les voyants comme des Janus bifaces, maîtres du regard dans toutes les directions.". L'aveugle du Puiseaux dont parle Diderot dans sa Lettre sur les aveugles, ne sachant pas ce que voulait dire le mot miroir, imaginait une machine qui met l'homme en relief, hors de lui-même. Chacun imagine l'univers perceptif de l'autre à partir de son univers perceptif propre : le voyant croit que l'aveugle voit avec les doigts, l'aveugle que le voyant palpe avec les yeux. Comme dans la parabole hindoue où des individus plongés dans l'obscurité tentent de déduire la forme d'un éléphant en se fondant uniquement sur la partie du corps qu'ils ont touché (untel qui a touché la trompe prétend que l'éléphant a la forme d'un tuyau d'eau, tel autre qui a touché l'oreille lui prête la forme d'un éventail...) - semblablement les êtres humains imaginent un inconnu radical à partir de ce qu'ils connaissent, quand bien même ces repères se révèlent impropres à se le représenter.
Parmi les notions spatiales particulièrement difficiles à appréhender pour un aveugle, il y a la perspective - le fait que la taille apparente d'un objet diminue proportionnellement à son éloignement pour le sujet percevant. "En théorie je comprends ce qu'est la perspective, mais de là à parvenir à réaliser un dessin ou à en comprendre un, c'est autre chose - c'est d'ailleurs la seule mauvaise note que j'ai eu en géométrie, explique Christine Cloux. Par exemple, je comprends que deux rails au loin finissent par ne former qu'une ligne. Mais ce n'est qu'une illusion, car en réalité il y a toujours deux rails, et dans ma tête aussi. Deux rails, même très loin, restent deux rails, sans quoi le train va avoir des ennuis pour passer..." Noëlle Roy, conservatrice du musée Valentin Haüy, se souvient d'une aveugle âgée, qui, effleurant avec ses doigts une reproduction en bas-relief du tableau l'Angélus de Millet, s'était étonnée que les deux paysans au premier plan soient plus grands que le clocher dont la silhouette se découpe sur l'horizon. Quand on lui expliqua que c'était en vertu des lois de la perspective, les personnages se trouvant au premier plan et le clocher très loin dans la profondeur de champ, la dame s'étonna qu'on ne lui ait jamais expliqué cela... On peut se demander comment cette dame aurait réagi si, recouvrant l'usage de la vue suite à une opération chirurgicale, elle avait aperçu la minuscule silhouette d'un individu dans le lointain : aurait-elle pensé que c'était là sa taille réelle et que cet individu, s'approchant d'elle, n'en serait pas plus grand pour autant ? Jane Hervé cite le témoignage d'une aveugle de 62 ans qui a retrouvé la vue suite à une opération : "Tout était déformé, il n'y avait plus aucune ligne droite, tout était concave... Les murs m'emprisonnaient, les toitures des maisons paraissaient s'effondrer comme après un bombardement. Ce que je voyais ovale, je le sentais rond avec mes mains. Ce que je distinguais à distance, je le sentais sur moi. J'avais des vertiges permanents. "On peut s'imaginer le cauchemar que représente une perception du monde où la vision et la sensation tactile ne concordent pas, où les sens envoient au cerveau des signaux impossibles à concilier... D'autres aveugles de naissance, ayant recouvré l'usage de la vue suite à une opération, dirent avoir l'impression que les objets leur touchaient les yeux : ils eurent besoin de plusieurs jours pour saisir la distance et de plusieurs semaines pour apprendre à l'évaluer correctement. Cela nous rappelle que notre vision du monde en trois dimensions n'a rien d'innée, qu'elle résulte au contraire d'un apprentissage et qu'il y entre une part considérable de construction intellectuelle.

Auteur: Molard Arthur

Info: http://www.jeanmarcmeyrat.ch/blog/2011/05/12/le-monde-tel-que-limaginent-ceux-qui-nont-jamais-vu

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