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dissimulation

"Mundele veut bundanga (le Blanc veut connaître le mystère)" disent les sorciers noirs en parlant de la curiosité des Blancs pour la sorcellerie. Mais les Noirs n'aiment pas beaucoup parler de leur sorcellerie, ils pensent qu'il vaut mieux ne pas dire toute la vérité. Et par exemple si matari (la pierre) doit être placée au fond du chaudron, ils jugeront plus prudent de dire qu'il faut la mettre au-dessus ou vice-versa. Un autre de mes informateurs généralement très clair dans ses explications ne manque jamais, quand il se méfie des intentions occultes de son disciple, d'omettre par prudence certaines choses ou de changer certains détails qu'il juge très importants. D'après Calazán, le Blanc qui voudrait connaître le mystère sans être affilié à un temple et sans se compromettre d'aucune manière, devra poser beaucoup de questions, avoir recours à différentes sources, consulter de nombreuses autorités qui se montreront toujours assez réservées. " Et il ajoute que quand un menteur ou quelqu'un qui fait semblant d'être idiot lui dit avoir jeté une aiguille dans la mer pour la planter dans l'oeil d'un poisson, il lui répond qu'il a entendu le bruit qu'elle a fait en tombant dans l'eau, car il y a toujours quelque chose de vrai, même dans un mensonge. Et il se peut qu'en mentant à quelqu'un, on lui dise en fait la vérité. Il se peut que l'aiguille ait été ensorcelée, qu'elle ait réellement transpercé l'oeil du poisson et que le poisson lui était destiné. C'est ce qui arriva à une femme ouvertement trompée par son mari qui entendait une vieille voisine lui répéter continuellement la même chanson : " Un poisson frit a les yeux ouverts, mais il ne voit pas ". Quand elle s'aperçut finalement qu'elle était trompée, elle dit : " J'étais aveugle et personne ne m'a rien dit ". Alors, la vieille en question lui répondit : " Je te l'avais bien dit. Je t'ai souvent dit qu'un poisson frit a les yeux ouverts, mais ne voit pas. Et le poisson c'était toi".

Auteur: Cabrera Lydia

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[ secret ] [ sorcellerie ]

 

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surhomme de synthèse

Je me suis enrôlé dans la police à l’âge de douze ans. J’ai poursuivi mes études normalement mais c’est à ce moment qu’il faut entreprendre la série d’injections d’hormones de croissance ainsi que l’entraînement spécial pendant les vacances et les week-ends si l’on veut être déclaré bon pour le service actif. (Ce n’était pas un engagement irréversible. J’aurais pu changer d’orientation plus tard et rembourser ce qu’on avait investi sur moi, en versements d’une centaine de dollars par semaine pendant les trente années suivantes. Ou j’aurais pu échouer aux tests psychologiques – auquel cas on m’aurait exclu sans que je doive un centime. Mais les tests que l’on passe avant même de commencer ont tendance à éliminer quiconque est susceptible de faire l’un ou l’autre.) C’est logique. Plutôt que de limiter le recrutement à des hommes et à des femmes qui remplissent un certain nombre de critères physiques, on choisit les candidats en fonction de leur intelligence et de leurs aptitudes psychologiques – et ensuite, on ajoute, de manière artificielle, les caractéristiques physiques secondaires mais utiles, telles que la taille, la force et l’agilité.

Nous sommes donc des monstres, fabriqués et conditionnés pour remplir les exigences de notre travail. Mais moins que les soldats et les athlètes professionnels. Et bien moins encore que les membres des gangs de rues – qui n’hésitent pas un instant à utiliser des facteurs de croissance illégaux qui abaissent leur espérance de vie à environ trente ans. Sans armes, mais bourrés d’un mélange de Berserker et de Timewarp – qui les rend insensibles à la douleur ainsi qu’à la plupart des traumatismes physiques, et qui divise leur temps de réaction par vingt – ils peuvent liquider en cinq minutes une centaine de personnes dans une foule avant de se mettre à l’abri pour redescendre et affronter les deux semaines d’effets secondaires qui les attendent. [...]

Oui, nous sommes des monstres. Mais si nous avons des problèmes, cela vient du fait que nous sommes restés encore bien trop humains.

Auteur: Egan Greg

Info: Dans "Axiomatique", trad. de l'anglais (Australie) par Sylvie Denis, Francs Lustman, Quarante-Deux, Francis Valéry, éditions Le Bélial, 2022, pages 96-97

[ sur-mesure ] [ drogue ] [ pharmacopée ] [ limites ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

érotisme

Que le pied, le doigt, le nez ou quelque autre partie du corps puissent jouer comme métaphore du pénis, ce n’est pas en vertu de leur forme saillante (selon un schème d’analogie entre ces divers signifiants et le pénis réel) : ils n’ont de valence phallique que sur la base de cette coupure phantasmatique qui les érige – pénis châtrés, pénis parce que châtrés. [...] Le corps ne se distribue pas en "symboles" masculins ou féminins : il est bien plus profondément le lieu de ce jeu et de ce déni de la castration, illustré par l’usage chinois (cité par Freud dans Le fétichisme) de commencer par mutiler le pied de la femme, puis de vénérer comme un fétiche ce pied mutilé. Le corps tout entier est disponible, sous des formes innombrables, pour ce marquage/mutilation suivi de vénération phallique (exaltation érotique). C’est là son secret, et non pas du tout dans l’anamorphose des organes génitaux. 

Ainsi la bouche fardée est phallique (fard et maquillage font éminemment partie de l’arsenal de mise en valeur structurale du corps). Une bouche maquillée ne parle plus : lèvres béates, mi-ouvertes, mi-fermées, elles n’ont plus pour fonction de parler, ni de manger, ni de vomir, ni de baiser. [...] la bouche maquillée, objectivée comme bijou, dont l’intense valeur érotique ne vient pas du tout, comme on l’imagine, de son soulignement comme orifice érogène, mais, à l’inverse, de sa fermeture – le fard étant en quelque sorte le trait phallique, la marque qui l’institue en valeur d’échange phallique – bouche érectile, tumescence sexuelle par où la femme s’érige, et où le désir de l’homme viendra se prendre à sa propre image.

Médiatisé par ce travail structural, le désir, d’irréductible qu’il est lorsqu’il se fonde sur la perte, sur la béance de l’un à l’autre, devient négociable, en termes de signes et de valeurs phalliques échangées, indexées sur une équivalence phallique générale – chacun jouant contractuellement et monnayant sa jouissance propre en termes d’accumulation phallique – situation parfaite d’une économie politique du désir.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 167-168

[ interdit ] [ manque ] [ artifices ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

fausses apparences

Un cas terrible de syndrome de l’imposteur est celui du philosophe français Louis Althusser. C’était un homme qui a souffert de problèmes mentaux extrêmement graves ; à vingt-neuf ans, on lui a diagnostiqué une psychose maniaco-dépressive et il a été interné une vingtaine de fois dans différents centres psychiatriques. En 1980, il a commencé à faire un massage à sa femme, la sociologue Hélène Rytmann, avec qui il vivait depuis trente-cinq ans, et il a fini par l’étrangler jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il a été déclaré irresponsable devant la loi pour avoir eu un accès de folie, et il a encore été interné pendant trois ans. En 1992, deux ans après sa mort, on a publié son autobiographie, L’avenir dure longtemps, dans laquelle il raconte d’une façon déchirante qu’il se considérait comme un lâche et un imposteur. Qu’il abritait des désirs homosexuels qu’il n’a jamais concrétisés ; qu’il passait pour un éminent philosophe alors que le fait est qu’il avait des lacunes considérables dans ses connaissances : il ne savait rien sur Aristote, ni sur les sophistes, ni sur les stoïciens, ni sur Kant (je me l’imagine se disant dans un moment de stupeur : Aristote ? Ou est-ce Aristarque ? Ou peut-être Anaxarque ?). Et qu’il avait été considéré comme un héros de la Seconde Guerre mondiale parce qu’il était resté cinq ans dans un camp de prisonniers allemand, mais qu’en réalité il avait ressenti une “terreur totale” à l’idée de se battre, qu’il s’inventait des maladies pour éviter les missions et que, quand les Allemands l’avaient capturé, il s’était senti soulagé. Pauvre Althusser, qui avait vécu, comme nous l’avons dit avant, écrasé par l’impératif héroïque de cet oncle et premier fiancé de sa mère dont il portait le nom, mort au combat pendant la Première Guerre mondiale. D’ailleurs, c’est à son retour du camp de prisonniers que la psychose d’Althusser a officiellement éclaté : il avait eu la terrible malchance d’avoir à vivre une autre guerre mondiale dans laquelle se mesurer à son fantôme. Il avait perdu, bien entendu.

Auteur: Montero Rosa

Info: Le danger de ne pas être folle

[ imposture ] [ autoportrait ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

panthéisme

Ils portent des noms gutturaux. Ils s'appellent Tséfayok, Lafko, Yatsé, Yuras, Tchakval, Ksafak, pour les hommes... Waka, Chayatakara, Tellapakatcha, Samakanika, Kamankar, Yerfa, pour les femmes. Ils sont petits, un mètre cinquante en moyenne, avec un gros torse et des pieds de canard gluant de crasse. Ils sont nus, mais sans pilosité, les femmes comme les hommes, avec, en revanche, une tignasse noire pleine de poux, et le corps enduit de graisse de phoque. Ils empestent terriblement. Ils ne rient pas, ou très rarement. L'ethnologue José Emperaire, qui a recueilli in extremis l'essentiel du vocabulaire de cette langue moribonde, souligne que s'ils avaient trente façons de nommer des vents différents, ils n'en avaient en revanche aucune pour exprimer la beauté, la gaieté, le bonheur. Quant à la bonté, n'en parlons pas. Leurs dieux sont terrifiants. Ce sont des dieux qui n'existent que pour les écraser !
Le premier, le plus puissant, c'est Ayayéma. C'est lui qui déclenche les tempêtes, les naufrages, les accidents, les incendies. Le deuxième, tout aussi effrayant. s'appelle Kwatcho. Il règne sur la nuit et les rivages. S'il surprend un Alakuf la nuit hors du tchelo, il lui crève les yeux et l'étrangle. On ne le voit jamais. Il n'attaque que par-derrière. Enfin, Mwono, le troisième larron, fait énormément de bruit. C'est lui qui précipite les valanches, les blocs de glacier, les pans de montagne, les coulées de boue, les rochers, et ces funestes tourbillon de vent, les williwaw, qui tombent sur les malheureux Alakalufs. Imaginons une nuit de campement d'hiver, qui n'en finit pas, dans un chenal, sur une grève, des milliers et des milliers de nuits tout aussi intensément obscures de la tempête, qui n'a d'autre abri que sa hutte de peau, avec, par-dessus le marché, ces trois divinités infernales qui le guettent pour l'achever. Chose étrange : mis en présence du Christ rédempteur et de l'Évangile prêché par les missionnaires, c'est-à-dire une religion de compassion et de recours, les Alakalufs la refuseront, la fuiront, contrairement aux Yaghans et aux Onas, qui, d'ailleurs, en mourront tout autant...

Auteur: Raspail Jean

Info: Adios, Tierra del Fuego

[ naturalisme ]

 

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tétralemme

Je propose une logique tétravalente, alternative à la logique binaire classique (vrai/faux). Elle  introduit quatre valeurs de vérité :

Vrai (V) : une proposition est vraie et correspond à la réalité.

Faux (F) : une proposition est fausse et ne correspond pas à la réalité.

Indéterminé (I) : il est impossible de déterminer si une proposition est vraie ou fausse avec les informations disponibles.

Contre-vrai (C) : une proposition est fausse mais semble vraie à première vue.

J'ai développé cette logique pour analyser des paradoxes logiques et des problèmes de langage et ai pu montrer que la logique tétravalente permet de résoudre des problèmes qui ne peuvent pas être résolus avec la logique binaire classique.

On a pu aussi voir quelques applications concrètes de cette logique tétravalente en sociologie :

- Analyse des identités sociales:
La logique tétravalente peut être utilisée pour analyser les identités sociales complexes et multidimensionnelles, en tenant compte des nuances et des contradictions. Par exemple, un individu peut s'identifier à la fois comme homme et femme, ou comme appartenant à plusieurs groupes ethniques ou religieux. La logique classique binaire ne permet pas de capturer cette complexité, tandis que la logique tétravalente offre des nuances supplémentaires pour comprendre les identités multiples et fluides.

- Etude des attitudes et des opinions: Les attitudes et les opinions des individus ne sont pas toujours binaires (pour ou contre). La logique tétravalente peut être utilisée pour analyser les nuances des opinions, en tenant compte de l'incertitude, de l'ambivalence et des opinions contradictoires. Par exemple, une personne peut être "plutôt d'accord" avec une affirmation, tout en ayant des réserves ou en reconnaissant des arguments contraires.

Analyse des interactions sociales: Les interactions sociales ne se limitent pas toujours à des situations de confrontation binaire (coopération/conflit). La logique tétravalente peut être utilisée pour analyser les interactions plus subtiles et nuancées, en tenant compte de la négociation, de la manipulation, de la résistance et d'autres formes de relations sociales complexes. 

 

Auteur: Tarski Alfred

Info: "Der Wahrheitsbegriff in den formalisierten Sprachen." Studia Philosophica 1, 1-26. 1936

[ phiosophie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rapports humains

Bon, maintenant, détendons-nous un peu. Parlons de sexe. Parlons de femmes. Freud a dit qu'il ne savait pas ce qu'elles veulent. Je sais ce que les femmes veulent. Elles veulent parler, à plein de gens. De quoi veulent-elles parler ? Elles veulent parler de tout.

Que veulent les hommes ? Ils veulent beaucoup de copains, et ils souhaitent ne pas trop se fâcher avec eux.

Pourquoi tant de gens divorcent aujourd'hui ? C'est parce que la plupart d'entre nous n'avons plus de famille élargie. Autrefois, quand un homme et une femme se mariaient, la mariée pouvait parler de tout avec beaucoup plus de personnes. Le marié avait beaucoup plus de copains à qui raconter des blagues stupides.

Quelques Américains, mais très peu, ont encore une famille élargie. Les navajos. Les Kennedy.

Mais la plupart d'entre nous, si nous nous marions de nos jours, ne sommes qu'une personne de plus pour l'autre. Le marié a un ami de plus, mais c'est une femme. La femme a une personne de plus à qui parler de tout, mais c'est un homme.

Lorsqu'un couple se dispute, on peut penser que c'est une question d'argent, de pouvoir ou de sexe, de la façon d'élever les enfants... ou autre chose. Mais ce qu'ils se disent vraiment, sans s'en rendre compte, c'est ceci :  "tu n'est pas assez nombreux !"

Un jour j'ai rencontré un homme au Nigeria, un Ibo, il a six cents parents qu'il connais bien. Sa femme venait d'avoir un bébé, la meilleure nouvelle possible dans une famille élargie.

Ils allaient le prendre avec eux pour le présenter à leurs proches, des Ibos de tous âges, toutes tailles et toutes qualités. Le petit allait même rencontrer d'autres bébés, des cousins pas beaucoup plus âgés que lui. Ceux qui étaient assez grands et assez stables allaient pouvoir le tenir, le câliner, lui faire des gargouillis et lui dire à quel point il était joli ou beau.

N'aurais-tu pas aimé être ce bébé ?

Auteur: Vonnegut Kurt

Info: God Bless You, Dr. Kevorkian

[ femmes-hommes ] [ couple ] [ tribalisme ] [ animation ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

couple

Or il arriva que, le lendemain, le destin me réserva un don différent et unique : la rencontre avec une femme, jeune et faite de chair et d'os, chaude contre ma jambe à travers nos manteaux, allègre au milieu du brouillard humide des vallées, patiente, savante et sûre tandis que nous marchions dans les rues encore bordées de décombres. En quelques heures, nous sûmes que nous nous appartenions, non pour une rencontre mais pour la vie, ainsi qu'il en a été. En quelques heures, je m'étais senti neuf et plein de puissances nouvelles, lavé et guéri de mon long mal, prêt enfin à entrer dans la vie avec joie et vigueur ; le monde, autour de moi, était lui aussi soudainement guéri, et exorcisés le nom et le visage de la femme qui était descendue aux enfers avec moi et n'en était pas revenue. Mon écriture même devint une aventure différente, non plus l'itinéraire douloureux d'un convalescent, d'un homme qui mendie de la pitié et des visages amis, mais une construction lucide, qui avait cessé d'être solitaire – une œuvre de chimiste qui pèse et sépare, mesure et juge sur des preuves sûres, et s'ingénie à répondre aux pourquoi. À côté du soulagement libérateur qui est le propre de celui qui est de retour et raconte, j'éprouvais maintenant dans l'écriture un plaisir complexe, intense et nouveau, semblable à celui que j'avais éprouvé, étudiant, en pénétrant dans l'ordre solennel du calcul différentiel. Il était exaltant de chercher et de trouver, ou de créer, le mot juste, c'est-à-dire mesuré exactement, bref et fort, de tirer les choses du souvenir, et de les décrire avec le maximum de rigueur et le minimum d'encombrement. Paradoxalement, mon bagage de souvenirs atroces devenait une richesse, une semence ; il me semblait, en écrivant, croître comme une plante. Dans le train de marchandises du lundi suivant, pressé au milieu de la foule ensommeillée et emmitouflée dans les cache-nez, je me sentais joyeux et décidé comme jamais avant ni après. J'étais prêt à défier le monde entier et tout le monde.


Auteur: Levi Primo

Info: ​​​​​​​Le Système périodique

[ amour ] [ fertilisant ] [ contact ] [ rapprochement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

hommes-femmes

Il savait qu’Ursule lui était revenue. Il savait que sa propre vie reposait en elle. Mais il aurait préféré mourir que d’accepter l’amour qu’elle lui offrait. L’ancienne façon d’aimer lui semblait un terrible lien, une sorte d’enrôlement forcé. Ce que l’amour était pour lui, il ne le savait pas, mais l’idée de l’amour, du mariage, des enfants, d’une vie vécue côte à côte, dans l’horrible intimité de la satisfaction domestique et conjugale avait pour lui un côté répugnant. Il voulait quelque chose de plus épuré, de plus libre, de plus frais pour ainsi dire. L’intimité ardente et étroite entre l’homme et la femme le dégoûtait. La façon dont ils fermaient leurs portes, ces gens mariés, et s’enfermaient dans leur alliance exclusive, même par amour, le choquait. 

C’était toute une communauté entièrement composée de couples méfiants, enfermés comme dans une île dans leurs maisons ou leurs chambres particulières, et n’admettant aucune vie plus large, aucun avenir, aucune relation désintéressée : un kaléidoscope de couples, désunis, séparatistes, des entités dépourvues de signification, de couples mariés !

Car il détestait le concubinage plus encore que le mariage ; une liaison, c’était un autre genre d’accouplement réactionnaire par rapport au mariage légal. Et la réaction était beaucoup plus ennuyeuse que l’action.

[…] Il croyait au mariage intersexuel. Mais, au-dessus, il désirait une union plus haute dans laquelle l’homme et la femme conserveraient la liberté de l’autre, se faisant équilibre l’un à l’autre comme les deux pôles d’une même force, comme deux anges ou deux démons.

Il désirait tellement être libre, non sous la contrainte d’un besoin quelconque d’unité, ou la torture d’un désir insatisfait. Le désir et l’aspiration trouveraient leur objet sans toute cette torture, de même que dans un pays où l’eau est abondante, on ne sent jamais la soif que l’on étanche sans y penser.

Il désirait être avec Ursule aussi libre qu’avec lui-même, solitaire, clarifié, froid et en même temps équilibré, polarisé avec elle. Il détestait jusqu’à la folie l’amour qui dévore, qui empoigne, qui mélange les êtres.

Auteur: Lawrence David Herbert

Info: Femmes amoureuses, traduit de l’anglais par Maurice Rancès et Georges Limbour, éditions Gallimard, 1949, pages 281-282

[ réinvention ] [ transcendant ] [ idéal ]

 

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mythologie grecque

Ulysse a été métamorphosé par Athéna pour reprendre ses traits propres: Ulysse avec vingt ans de plus. Il se retrouve donc face à Pénélope dans toute sa beauté de héros, et celle-là n'arrive toujours pas à se décider à le reconnaître. Télémaque est furieux contre elle. Eurycée aussi. On reproche à Pénélope son coeur de pierre. Mais elle a justement ce coeur d'airain qui lui a permis de résister à tout ce que les prétendants lui ont fait subir. "Si cet homme est bien le seul et l'unique Ulysse, nous nous retrouverons parce qu'il y a entre nous un signe secret et sûr, un signe irréfutable que nous sommes, lui et moi, seuls à connaître." Ulysse sourit, il se dit que tout va bien. Comme elle est maligne, au soir couchant, elle demande à ses servantes d'apporter le lit de sa chambre pour Ulysse parce qu'ils ne vont pas dormir ensemble. A peine a-t-elle donné ces ordres qu'Ulysse voit rouge, il rentre dans une véritable fureur: "Quoi, apporter ici le lit? Mais ce lit, on ne devrait pas pouvoir le déplacer! - Pourquoi? -Parce que, s'exclame Ulysse, ce lit, c'est moi qui l'ai construit; je ne l'ai pas dressé mobile sur quatre pieds, un de ses pieds, c'est un olivier enraciné dans la terre, c'est sur cet olivier, taillé et coupé, à partir de lui, intact dans le sol, que j'ai bâti cette couche. Elle ne peut pas bouger." A ces mots, Pénélope tombe dans ses bras: "Tu es Ulysse."

Ce signe secret, qu'ils sont seuls à partager et à conserver en mémoire en dépit des années, évoque surtout ce qui les lie et fait d'eux un couple, l'homophrosunè, la communauté de pensée. Quand Nausicaa s'est laissée aller à évoquer devant lui son mariage, Ulysse lui a déclaré que l'homophrosunè était la chose la plus importante pour un homme et pour une femme quand ils vont se marier: le fait qu'il y ait accord de pensée et de sentiment entre l'époux et l'épouse. Et c'est cela que représente le lit nuptial.

Auteur: Vernant Jean-Pierre

Info: L'univers, les dieux, les hommes

[ lien conjugal ]

 

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