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autoportrait

Il n’y a rien que je déteste plus que de croiser mon reflet dans un miroir, et pourtant je m’y résolus. L’image même d’un homme défait et vaincu. D’énormes valises noires autour d’yeux minuscules et craintifs. Tout à fait l’air d’un rat pris au piège par un chat impitoyable. Ma peau se débandait de toutes parts, comme si elle avait haï le corps qu’elle enveloppait. Mais le pire, c’étaient mes sourcils, pareils à des rideaux en bout de course et qui ne laissaient filtrer que le regard d’un dément. Horrible. A gerber. Et de plus, j’avais les intestins bloqués. Incapable d’en mouler un.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Pulp", trad. Gérard Guégan, éd. Grasset & Fasquelle, 1995, page 80

[ dégoût ] [ dévalorisant ] [ moche ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

image d'épinal

La nôtre justement, notre piscine, à force de nous en occuper, à force de la filtrer, de la refiltrer, de la désinfecter aussi, de passer des heures et des heures dans le local technique avec les cuves, les turbines, l’armoire de contrôle, le manomètre, les pulseurs, toutes les pompes possibles imaginables, ovoïdes, sphériques, multicolores, elle avait fini par le retrouver son beau bleu cru sans colloïdes, son bleu originel acrylique, son grand bleu de parfaite innocence, son bleu dépaysement créatif, son bleu réalité de demain. On pouvait s’attendre à tout instant, à en voir sortir Bugs Bunny, Mickey, Donald, Droopy, Dumbo, les citoyens du néo-monde. C’était une réussite splendide. Elle était maintenant chlorée à mort. Définitivement restérilisée.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "On ferme !" page 635

[ coulisses ] [ machinerie ] [ cliché ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

portrait

Le trait essentiel de son visage était, peut-être, son expression de bonhomie, quelque peu gâtée, du reste, par ses yeux, ou plus précisément, non par ses yeux eux-mêmes, mais par la façon qu’il avait de regarder son interlocuteur. Habituellement, il dissimulait ses petits yeux sous des paupières mi-closes, - paupières un peu étranges, légèrement bouffies. Le mince regard qu’elles laissaient filtrer alors brillaient d’une malice sans méchanceté. Il faut croire, sans doute, que l’hôte du procurateur était enclin à l’humour. Mais par moments, chassant complètement cette lueur d’humour, l’hôte du procurateur ouvrait soudain ses paupières et posait sur son interlocuteur un regard insistant, comme s’il voulait étudier rapidement quelque tache insoupçonnée sur le nez de celui-ci. Cela durait peu : les paupières retombaient, la fente s’étrécissait, et la lueur du regard révélait à nouveau un esprit débonnaire et malicieux.

Auteur: Boulgakov Mikhaïl

Info: Dans "Le Maître et Marguerite", trad. Claude Ligny, Editions Laffont, Paris, 1968, pages 413-414

[ duplicité ] [ dissimulation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

Ce n’est que ce matin-là, quand je pénétrai dans les toilettes du temple de Nara, que je me sentis chez moi au Japon ; que j’arrivai vraiment sur l’île ; que le pays, tout entier, m’accueillit. Tanizaki, dans son éloge des toilettes du temple japonais, insiste sur les murs de bois aux fines veinures et, surtout, sur leur porte coulissante, dont le treillage de bois, tendu de papier clair et perméable à l’air, ne laisse filtrer du dehors qu’un reflet amorti : je mentirais, si je disais que j’ai maintenant sous les yeux tous ces détails. Je sais seulement qu’il y régnait ce demi-jour qu’évoque Tanizaki et que c’est lui qui, sur-le-champ, m’enveloppant de la plus délicate et de la plus matérielle des façons, m’accueillit, me rendit par ses sortilèges, après toutes les semaines d’errance, à l’existence, à la vie, au séjour ici-bas.

Auteur: Handke Peter

Info: Essai sur le Lieu Tranquille

[ WC ] [ magie ] [ communication ]

 

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capitalisme de surveillance

De l'intérêt de mettre l'intelligence artificielle au service de l'économie de l'attention: le grand jeu de notre époque. Un marché colossal. Pas une seconde ne s'écoule, sur nos écrans, sans que quelqu'un cherche à nous convaincre d'acheter son produit, de s'intéresser à lui, de nous joindre à sa cause, de voter pour lui, d'écouter ses problèmes, de liker ses photos, sa dernière vidéo, de faire connaissance... Il en résulte une pénurie globale d'attention disponible. Plus aucun cerveau n'a le temps de faire le tri entre l'essentiel et l'insignifiant ni d'arbitrer ce qui mérite son intérêt. Alors on fait appel à des algorithmes, pour trier les sollicitations à notre place, filtrer les contenus qui nous indiffèrent et promouvoir ceux qu'on désire - parfois sans le savoir. Avec le temps, ces guides apprennent à nous connaître et détectent des parts insoupconnées de nous, dont nous n'avions même pas conscience. C'est logique, ils ont été entrainés pour ça.


Auteur: Markov Bruno

Info: Le dernier étage du monde, 2023

[ captage de l'intérêt ] [ culture de l'epic fail ] [ public captif ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

homme-animal

Lalka ne pense pas comme Misia ou comme un autre humain. Sous ce rapport, un abime sépare Lalka de Misia. Pour penser, il faut avaler le temps, intérioriser le passé, le présent, l’avenir, ainsi que leurs perpétuelles mutations. Le temps travaille à l’intérieur de l’esprit humain, pas a l’extérieur. Dans le petit cerveau canin de Lalka, il n’existe pas de circonvolution, pas de dispositif apte a filtrer l’écoulement du temps. Lalka habite donc dans le présent. C’est pourquoi, quand Misia s’habille pour aller dehors, Lalka a l’impression qu’elle part pour toujours. C’est pour toujours, chaque dimanche, qu’elle se rend a l’église. C’est pour toujours qu’elle descend a la cave chercher des patates. Quand elle disparait du champ de vision de Lalka, elle disparait à jamais. Le chagrin de la chienne est alors infini, elle pose son museau entre ses pattes et elle souffre. L’homme attelle le temps au char de sa souffrance. Il souffre à cause du passé et il projette sa souffrance dans l’avenir. De cette manière, il crée le désespoir. Lalka, elle, ne souffre qu’ici et maintenant.

Auteur: Tokarczuk Olga

Info: Dieu, le temps, les hommes et les anges, Le temps de la chienne Lalka

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

corrélations

Je me surprends à fredonner un air de musique quelconque sans aucune raison apparente, alors que ma pensée est occupée à tout autre objet. Tout à coup je m'en étonne ; j'entends précisément quelqu'un qui est passé dans la rue en sifflant le même air. Ou encore un jour, en marchant et réfléchissant profondément à un problème industriel, je me mets à penser au dédoublement de la personnalité et au Dr Azam, l'auteur d'un travail connu sur la question. Étonné de cette idée baroque venant troubler le cours de mes pensées, je recherche ce qui aurait pu me la suggérer. En face de moi se détachait sur un mur en caractère énorme le nom d'Azani, le constructeur connu de moteurs d'aéroplanes. Il s'agit bien entendu d'une association d'idées par ressemblance dont le point de départ (l'inducteur) était resté subconscient. Tout se passerait comme si les impressions sensorielles venaient continuellement se jeter dans un filet tendu par l'attention. Ce filet à mailles plus ou moins serrées ne filtrerait que les impressions qui nous intéressent mais les autres n'en continueraient pas moins à se débattre dans les mailles.

Auteur: Warcollier René

Info: La télépathie, recherches expérimentales, La télépathie spontanée, p.40

[ attention flottante ] [ déclic ] [ amorce ]

 

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machine-homme

Ça y est : ChatGPT a enfin accès aux dernières infos sur Internet, mais est-ce une bonne idée ?

OpenAI libère plusieurs plugins pour ChatGPT. L'un d'eux, pour le moment en phase de test Alpha, lui permet d'aller récupérer des informations sur le Web pour enrichir ses réponses. Est-ce une bonne idée ?

L'une des limites de ChatGPT, c'est qu'il reste essentiellement bloqué dans ces réponses sur les dates, événements et personnes dont les informations sont antérieures à septembre 2021. Des mises à jour régulières ont permis d'actualiser les informations à des dates ultérieures, mais jusqu'à maintenant l'intelligence artificielle ne savait pas chercher d'elle-même des données sur le Web.

C'est désormais possible, grâce à des plugins qu'OpenAI a ajoutés hier. Ils lui permettent d'accéder à des sources et des bases de données externes et même d'y rechercher directement des informations sur le Web. Pour le moment, ces options sont disponibles uniquement en version Alpha. Ces plugins ne seront accessibles qu'à un nombre restreint de développeurs et d'utilisateurs ayant opté au plan premium du chatbot.

Les plugins seront ensuite accessibles à tout le monde après cette phase de test. Le plugin qui ajoute précisément la recherche sur le Web questionne. Si ChatGPT est volontairement bridé, c'est justement pour mieux filtrer les contenus afin de limiter l'accès aux contenus non fiables. Sachant que, malgré ce contrôle, ChatGPT peut déraper facilement, l'accès direct aux moteurs de recherche pourrait bien empirer le phénomène. 

Auteur: Internet

Info: Sylvain Biget, 23 mars 2023

[ continuelle actuation  ] [ mise à jour ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

deuil

Une beauté brune dans une petite ville, un passé inavouable, une réputation ruinée, un amour perdu, sacrifié, protégé par l'oubli, le silence, donc éternel. J'envie presque ma mère, parfois, la fidélité, la tendresse avec laquelle elle préservait son amour de jeunesse, sa passion interdite, le père de son enfant illégitime. Au cours de ses dernières semaines encore, dans le service de long séjour, ma mère nous étonne, moi sa fille, et Dieu sait combien d'autres personnes, durant ses nuits effilochées rallongées par la douleur, en appelant un jeune homme, en répétant encore et encore, comme un refrain, dans son sommeil, dans son délire, dans sa souffrance : j'ai eu un jour un tendre amant, un très tendre amant, laissez donc la fenêtre entrouverte, j'aime tant regarder ces lilas blancs, avec la mer derrière, si tu le croises, dis-lui bonjour pour moi, dis bonjour de ma part à mon amour, dis-lui que je l'attends, dis-lui que tout va bien, que nous sommes toutes les deux en bonne santé, dis-lui que la petite à de beaux yeux, des yeux de violette, bleus comme la mer, exactement comme son père. En toute innocence, je couvre de ces fleurs interdites les tables de chevet de ma mère endormie du lourd sommeil du début de la fin, elle ne crie plus, ne proteste plus, entrouvre juste les paupières pour laisser filtrer entre ses longs cils gris un éclat noisette de plus en plus rare, et je continue de lui apporter des fleurs, à pleines brassées, pour une fois, pour trois ans, pour trente ans, jusqu'à la fin. J'en prends soin comme de bouquets de mariée, je les porte avec précaution, je les soigne, je change l'eau des vases. Je deviens la vestale du Grand Amour de ma mère. La servante de son amant inconnu, de ma soeur ignorée. L'accompagnante des accompagnantes. Dans son cercueil encore, je dispose autour du visage de ma mère et sur sa poitrine des violettes bleu nuit et du lilas blanc, trouvés à grand peine en ce mois de janvier. Je fais de sa bière en bouleau doublée de soie son dernier lit d'amour, l'odeur est enivrante, la petite chapelle s'emplit d'effluves presque indécents, du parfum humide et crémeux, trop vite fané, des amours d'été. Assise dans la pâle lumière bleue des bougies de la chapelle, j'ignore combien d'êtres je pleure en réalité, qui sont tous ceux que je perds en même temps que ma mère ensevelie sous les violettes et le lilas.

Auteur: Snellman Anja Kauranen

Info: Le temps de la peau, traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, Presses Universitaires de Caen

[ émotion ] [ maman ]

 

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agora numérique

Il s’était égaré dans les méandres de Facebook, entre les souvenirs des un.e.s et les chats des autres. Il n’y croisait que des anciens, tous plus ou moins à son image, qui avaient lu Spirou ou Pilote dans leur jeunesse, fait tourner en boucle des vinyles de Pink Floyd et ri aux facéties de Pollux les coudes posés sur une table en formica. C’était un formidable gang d’atrabilaires excédés par cette époque convulsive, des abonnés au passé, réfractaires aux mœurs contemporaines et aux nouvelles technologies, qui surmontaient toutefois leur répulsion à l’égard des écrans pour mieux répandre leur amertume sur les réseaux sociaux. Sur les photos associées à leur profil, ils avaient plus ou moins la même gueule que lui, le même sourire rare, la même peau terne, le même air satisfait malgré tout. Il y avait longtemps que la jeunesse les avait fui, comme si, saisie par la peur de contracter des rides, elle avait voulu se réfugier dans les bras de Tik Tok, Instagram ou Snapchat. Leur mot d’ordre à tous était : " C’était mieux avant ", mais on ignorait de quel " avant " il s’agissait, un " avant " idéalisé et figé dans des chromos dont les couleurs s’étiolaient. La nostalgie n’est parfois qu’une forme d’amnésie, rompue à la censure et aux tours de passe-passe. La nostalgie vaut surtout pour tous ceux qui ont toujours été vieux, absolument pas modernes, doués pour l’inertie et l’anesthésie, rouillés dès la venue au monde.

Ils se croisaient là comme on se retrouve au bar, sans vergogne, les doigts fouillant dans le bocal de cacahuètes grillées, autant pour en extraire la saveur familière du sel que celle des antiennes réactionnaires. D’être en vie et de pouvoir maugréer contre le présent leur suffisaient. Sauf qu’en vie, ils étaient de moins en moins nombreux à l’être, le réseau prenant inéluctablement des allures d’obituaire. A la conscience aigüe d’être en sursis s’ajoutait ainsi la certitude d’appartenir à une nouvelle génération de " suivants ", si chers à Brel. Pourtant, ils étaient ses semblables et ce constat, irréfutable, le rendait malade. Il participait de son désenchantement, comme si toute son existence n’avait eu pour seule vocation que d’échouer contre ce mur de lamentations et de félins. Par désespoir autant que par ironie, il glissa sur le fil une photo de Béhémoth, son vieux matou sourd, puis ouvrit la fenêtre et laissa son corps lesté d’idées noires basculer dans le vide. Ses ami.e.s virtuel.les, trop occupé.e.s à filtrer leurs selfies, n’en eurent pas même connaissance.

Auteur: Chiuch Lionel

Info:

[ passéistes ] [ suicide anonyme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel