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écriture

Bien que Gould s'efforce de donner l'impression d'être un tire-au-flanc philosophe, il a abattu un travail énorme au cours de sa carrière de bohème. Tous les jours, même lorsqu'il a une épouvantable gueule de bois ou que la faim le laisse épuisé et affaibli, il passe au moins deux ou trois heures à travailler sur un livre sans forme passablement mystérieux qu'il intitule "Une histoire orale de notre temps". Il a commencé ce livre il y a de cela vingt-six ans et il est loin d'être fini. Cette préoccupation semble pour l'essentiel être à l'origine de son mode de vie ; tout emploi stable empiéterait sur sa réflexion.

Selon le temps, il écrit dans les parcs, sous les porches, dans les halls d'hôtel, dans les cafétérias, sur les bancs des quais du métro aérien, dans les rames ou dans les bibliothèques municipales. Quand il se sent d'humeur, il écrit jusqu'à l'épuisement et cette humeur lui vient dans des moments particuliers. Il décrit comment, un soir, il a passé six ou sept heures dans un bar grill-room de 3rd Avenue à écouter une vieille Hongroise éméchée, ancienne tenancière de bordel, ancienne revendeuse de drogues et désormais aide-cuisinière dans un hôpital de la ville, lui raconter l'histoire de sa vie. Trois jours plus tard, aux alentours de quatre heures du matin, sur un lit de camp de l'hôtel Defender, au 300, Bowery, il a été réveillé par les cornes de brume des remorqueurs de l'East River et n'a pas réussi à se rendormir car, en cet instant précis, il se sentait exactement d'humeur à intégrer la biographie de la vieille aide-cuisinière à son récit. Il a une mémoire phénoménale ; s'il a été marqué par une conversation, même interminable et dénuée de sens, il est capable de s'en souvenir plusieurs jours d'affilée, et ce, en grande partie mot pour mot. (...)

Il a écrit dans le hall de quatre heures et quart à midi. Puis il a quitté le Defender, a pris un café dans un bistrot de Bowery et s'est rendu à la bibliothèque municipale. Il a bûché à une table de la salle de généalogie, où il se réfugie souvent les jours de pluie (...) , jusqu'à ce qu'elle ferme, à six heures. Puis il est allé s'installer dans la grande salle, où il est resté, en levant à peine le nez de ses écrits, jusqu'à la clôture de la bibliothèque, à dix heures du soir. Il a avalé deux sandwichs aux oeufs et sa dose de ketchup dans une cafétéria de Times Square. Sur ce, trop fauché pour s'offrir un hôtel et trop absorbé dans ses pensées pour chercher refuge au Village, il a foncé dans le métro de West Side pour passer le reste de la nuit à voyager en griffonnant inlassablement, tandis que sa rame parcourait trois fois la boucle, de la station New Lots Avenue, à Brooklyn, à celle de Van Cortland, dans le Bronx, un des trajets les plus longs du réseau new-yorkais. Il a posé la serviette sur ses genoux et s'en est servi comme d'une écritoire. Il a l'endurance des possédés.

Auteur: Mitchell Joseph

Info: Le secret de Joe Gould, pages 18-19

[ passion ] [ thérapie ] [ refuge ]

 

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première fois

L'homme pressé avait enfin décidé de se presser. Il aurait Hedwige ce soir même ; Depuis près de six semaines il différait. C'était fini. Il descendait dans cette plaine fertile. Il parlerait en prince ; il ferait main basse sur la récolte ; il commanderait dans toute l'étendue de sa domination, dans toute la force de sa possession, à ce trésor immense qu'était la personne d'Hedwige. Pierre avait choisi son moment, bien choisi. L'heure était non seulement légale, mais légitime. Hedwige était non seulement liée, mais attachée à lui ; elle se montrait amoureuse et consentante. Elle se livrerait certainement tout entière : condition essentielle d'une grande amitié, sans laquelle le mariage est une chambre d'accès aussi facile que la prostitution, ou un jeu de société, de bonne société.

(...)

Ils rentrèrent. Pierre commença à se déshabiller dans l'escalier. Au premier, le gilet ; au second, la cravate ; au troisième, les bretelles. Quand il arriva à leur porte, ses habits ne tenaient plus que par miracle dans sa main. Et pendant qu'Hedwige tournait la clé dans la serrure il en profita pour délacer ses souliers.

- J'entre dans votre lit pour le chauffer, dit-il.

Il fut sous la couverture avant qu'Hedwige eût enlevé son chapeau. Il la regardait ses préparatifs pour la toilette de nuit, gros sac d'ouate, graisse pour le démaquillage, lotions claires, papiers de crêpe, démêloirs, miroirs, etc. (Et elle n'était pas coquette ! ) Bruits de tiroir de commodes, d'eaux tombantes ou jaillissantes. C'était l'heure où les autobus s'espacent, où le métro élargit son bruit souterrain de plusieurs secondes, où les isolés ont l'air de couples à cause de l'écho dans les rues sonores et de leur ombre sur les murs, où la nuit appartient aux vieux journalistes, et à toutes les femmes, les femmes à scènes et les femmes douces. Tout en jetant dans la corbeille des tampons d'ouate rosie par le fard, Hedwige regardait derrière elle dans la glace, comme l'automobiliste regarde dans le rétroviseur la voiture qui va la rattraper. Elle avait compris que c'était pour ce soir. Qu'il avait faim d'elle, elle le devinait à une très légère nuance rauque dans la voix de Pierre. Il s'arrondissait, parlait de moins en moins, se tassait peu à peu dans la bonne laine du matelas qui, malgré le rembourrage, prenait son empreinte. Elle ne voyait que ses cheveux noirs. Ce monde d'élan inassouvis qu'il représentait n'apparaissait plus sur terre que par une mèche. Cet audacieux sans repos sous l'aiguillon ne remuait désormais pas plus qu'une souche. C'était à la fois touchant et inquiétant. Pierre avait souvent badiné sur le lit d'Hedwige le matin ou le soir. Il s'était glissé parfois sous son couvre-pieds, mais dans son lit il n'était jamais entré. Il ne l'avait jamais habité comme maintenant. Était-il de la race de ceux qui aiment être bordés ou de ceux qui ondulent la nuit et retroussent au petit matin les couvertures ? Elle allait le connaître tout entier, le traduire en langage clair, le tenir en un champ clos de linge où il ne se déroberait plus ; elle allait savoir si sa séduction émanait de lui immobile ou de lui en mouvement ; elle allait arriver au cœur du secret, savoir enfin si la hâte de Pierre était du muscle ou seulement du nerf, de la force ou de la faiblesse.

Sa curiosité fut si vive qu'elle ne ressentit aucunement cette honte chaude qu'éprouvent les filles qui ne sont jamais unies à un homme.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.163, 170)

[ romantisme ] [ envies ] [ désir ] [ poésie du détail ]

 
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énigme

Le mystère de l'enfant aux bois de cerf
En juillet 1965 débarque en Israël un jeune préhistorien qui n'a même pas trente ans, Bernard Vandermeersch. Il est là pour étudier la grotte de Qafzeh, à deux kilomètres de Nazareth, dans le nord du pays. Il ne le sait pas encore, mais il va y faire l'une des plus importantes découvertes de sa vie. Avec un chercheur israélien, il met au jour en effet des squelettes d'hommes anciens, à l'anatomie semblable à la nôtre. Stupeur : ceux-ci semblent avoir manipulé les mêmes outils que les néandertaliens. Allons donc... Des outils archaïques dans les mains d'une espèce évoluée comme la nôtre ? L'annonce fait lever de nombreux sourcils chez les paléoanthropologues.
Ces derniers ne sont pas au bout de leurs surprises. Car en 1988, la nouvelle tombe : les fossiles de Qafzeh ont plus de 90 000 ans. Eux qu'on voyait comme des cousins orientaux de l'homme de Cro-Magnon sont près de soixante mille ans plus anciens. L'histoire de notre espèce, les Homo sapiens modernes, se révèle bien plus longue que prévu. Elle plonge ses racines en Afrique, et bien plus loin dans la Préhistoire que ne le pensaient les chercheurs.
Et ce n'est pas fini. Car plusieurs années auparavant, ce site extraordinaire avait dévoilé un autre de ses trésors. Le 17 août 1969, l'équipe met en effet au jour une des plus anciennes sépultures du monde, et peut-être la plus frappante de la préhistoire. Elle est, encore aujourd'hui, sans véritable équivalent à une époque aussi ancienne.
C'est un adolescent, de douze ou treize ans. Il est sur le dos, au fond d'une petite fosse creusée dans un calcaire tendre. Ceux qui l'ont enterré lui ont replié les jambes et mises sur le côté. Sur ses hanches, ils ont déposé un gros bloc de calcaire. Ils lui ont allongé les bras sur la poitrine. Et entre ses mains, posées près de son cou, ils ont laissé une curieuse offrande : les bois d'un cerf, ou d'un grand daim, encore attachés à un morceau du crâne de celui-ci.
Les archéologues remarquent que l'adolescent a une fracture sur le front. Sans doute causée par un coup, ou une pierre. Ils décident de confier les restes à un médecin pour qu'il les examine. Ce dernier constate que la lésion a cicatrisé. Ce qui veut dire que l'enfant a survécu. Le médecin penche donc plutôt pour un choc léger, sans grande conséquence.
Mais l'une des anthropologues de l'équipe, qui a elle aussi étudié les restes, a toujours conservé un doute. Or au cours des années 1980, des chercheurs commencent à utiliser des scanners sur des crânes d'hommes fossiles. Au milieu des années 2000, les progrès de la technique permettent de réaliser des empreintes 3D extrêmement précises de l'intérieur de crânes fossiles. Une sorte de moulage virtuel du cerveau. D'où l'idée des chercheurs d'appliquer la technique à l'enfant de Qafzeh. Le fossile est envoyé pour cela dans un hôpital de la côte, à Haïfa.
Et ces techniques montrent que la blessure de l'adolescent était beaucoup plus grave qu'on ne l'avait pensé. D'abord parce qu'elle a entraîné un retard de croissance majeur. "Son cerveau a la taille de celui d'un enfant de six ans" explique Hélène Coqueugniot, du CNRS, qui a conduit l'étude. Autrement dit, il a reçu ce coup dans l'enfance. D'où des séquelles irréversibles. Après, savoir exactement quelles en ont été les conséquences neurologiques reste un exercice périlleux. D'après les zones du cerveau touchées, il pouvait avoir du mal à contrôler ses mouvements, à réaliser certaines tâches, et/ou à fixer son regard.
Bref, il avait très certainement une personnalité singulière, un comportement étrange pour le groupe d'hommes et de femmes avec qui il vivait. Est-ce pour cela qu'à sa mort, il a bénéficié d'un traitement spécial ? Car sa tombe est unique. Toutes les autres sépultures de la grotte sont beaucoup plus simples. Au mieux une fosse, et jamais d'offrandes. Incontestablement, cet adolescent qui n'était pas comme les autres, incarnait quelque chose pour le groupe venu l'enterrer dans cette grotte, il y a près de cent mille ans.

Auteur: Constans Nicolas

Info: sur Internet

[ différence ] [ rapports humains ] [ historique ]

 

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sport

Je suis passé devant un magasin où des télés diffusaient l'US Open. Pendant quinze secondes, j'ai cru que c'était un jeu vidéo tellement ça cognait. Aujourd'hui, le tennis, c'est un bras de fer, c'est hyper physique. La notion de finesse n'existe plus. Les gens disent que Federer joue en finesse. Non, Federer joue relâché, mais il ne joue pas en finesse. Il cogne au service, il fracasse en coup droit, il fracasse en revers, et de temps en temps il fait un slice ou une amortie quand il en a marre. Il n'y a plus cette notion de surprise. C'est à qui tapera le plus fort, à qui sera le plus résistant.
Mais alors c'est impressionnant, ça joue tellement bien, ça me fait halluciner. Il y a quelques semaines, on m'a demandé ce que je pensais du niveau. J'ai répondu : à mon meilleur, meilleur, meilleur niveau, contre Djokovic, je ne gagne pas un jeu. D'ailleurs, en Serbie, un journaliste a mal fait la traduction et a balancé l'interview en écrivant : "Noah a dit que s'il jouait Djokovic, Djokovic ne ferait pas un jeu." J'ai fait les titres des journaux télévisés en Serbie toute une journée !
Le bond en avant physique opéré ces dernières années vous surprend-il ?
Déjà, pendant la période Agassi-Sampras, je me demandais jusqu'où ils iraient. Là, ils jouent pareil, sauf qu'ils font dix centimètres et dix kilos de plus, et les mecs progressent encore. Nadal, au départ, c'était un joueur uniquement défensif, et maintenant il contre-attaque. Si tu joues court, il a un slice en revers magnifique. Techniquement, c'est fantastique. Les mecs continuent à évoluer, et ce n'est pas fini. Parce qu'il n'y a pas encore eu de Michael Jordan du tennis, un mec de 2,02 mètres, souple, avec le toucher et la puissance. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, ces énergumènes vont direct au basket. Mais c'est ça, le tennis de demain. Et là, je pense que ça pourra de nouveau passer par le service-volée.
Y a-t-il un joueur qui vous fasse vibrer aujourd'hui ?
Dans une autre vie, je vais monter un circuit où on aura le droit de gueuler, d'insulter tout le monde, d'être comme on a envie d'être. On a tué le jeu en installant, il y a quinze ou vingt ans, une espèce de code de conduite parce qu'il ne fallait pas heurter les oreilles du jeune public américain qui ne pouvait pas entendre "fuck" ou "shit". Du coup, la génération qui est arrivée ensuite a appris le tennis avec ces règles qui ont tué l'âme du jeu.
Lorsque j'étais joueur, le public était plus proche de nous, plus concerné par notre jeu, parce qu'il nous connaissait, nous entendait gueuler. McEnroe a fait une carrière par ses gueulantes. Les gens aimaient le voir parce qu'ils se disaient : "Il va y avoir le bordel." McEnroe n'existerait pas aujourd'hui, il ne pourrait pas jouer.
Il y a deux ou trois ans, la finale du double messieurs avait lieu sur le Central, et la finale du double des légendes sur le court n° 1. Le Central était vide, le court n° 1 était bourré. Les gens voulaient voir McEnroe. Ça délirait. Il y avait de la vie. Le code de conduite a enlevé la vie. Aujourd'hui, tu ne connais pas la voix des joueurs, tu ne sais pas qui ils sont, quelle est leur personnalité. Pourtant ils en ont une. Djokovic, il ne demande qu'à déconner, mais ce n'est plus possible : il y a des flics partout qui te mettent des points de pénalité. Et le public a assimilé tout ça. Tu dis "merde" et tu te retrouves avec tout un stade qui siffle. Il faut du politiquement correct. Tout le monde pareil, c'est ça qui plaît aux diffuseurs américains comme CBS.
En France, le politiquement correct, en ce moment, c'est le "Hollande bashing". Vous aviez soutenu sa candidature pendant la campagne présidentielle. Un an plus tard, faites-vous partie des électeurs déçus ?
Déçu de quoi ? Je ne m'attendais pas à ce que, du jour au lendemain, tout le monde ait du boulot et se mette à danser Saga Africa. Hollande a été élu largement, et le lendemain de son élection les gens râlaient déjà. C'est la crise. Il faut qu'on se serre la ceinture et qu'on y aille tous ensemble. Sincèrement, je ne pense pas que la situation du pays soit la faute de Hollande. Personne ne pourrait faire mieux à sa place. Il arrive, le match est pourri, les balles sont pourries, le court est pourri, les arbitres sont corrompus, et le public a envie qu'il paume.

Auteur: Noah Yannick

Info:

[ évolution ] [ tennis ]

 

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